de Warlikowski, l`opéra est un jeu gagnant
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de Warlikowski, l`opéra est un jeu gagnant
12/12/12 14:37 Avec la “Médée” de Warlikowski, l’opéra est un jeu gagnant Compte-rendu | Grâce à la mise en scène inventive de Krzysztof Warlikowski, l'opéra atteint des sommets d'émotion pure. Et “Médée” prend des allures d'Amy Winehouse. Le 11/12/2012 à 15h49 - Mis à jour le 12/12/2012 à 08h34 Gilles Macassar Médée relookée en Amy Winehouse. © Vincent PontetWikiSpectacle Décidément, les mythes grecs inspirent le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski, et lui réussissent magnifiquement. Après une Iphigénie en Tauride de glorieuse mémoire, créée au Palais Garnier en 2006, cette Médée de Cherubini, inaugurée à Bruxelles en 2008, reprise (et améliorée) en 2011, et maintenant installée avenue Montaigne, atteint les mêmes sommets d'intensité théâtrale, de vérité psychologique. D'émotion pure. Et par les mêmes moyens : conjuguer le mythe et ses enjeux au présent de l'indicatif, parce que leurs ressorts profonds – l'incertitude des identités et des sentiments, la violence hypocrite de l'ordre social – ignorent les frontières du temps et de l'espace. Les détracteurs du dramaturge polonais ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Comme ils avaient perturbé la « première » d'Iphigénie, obligeant le chef, Marc Minkowski, à interrompre la musique de Gluck et rappeler la salle à l'ordre, ils ont récidivé lundi soir, à l'entrée de http://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://www.t…vec-la-medee-de-warlikowski-l-opera-est-un-jeu-gagnant,90696.php Page 1 sur 5 12/12/12 14:37 Créon – roi de Corinthe en survêtement de sport, Ray-Ban sur le nez, de retour d'un jogging élyséen. Grâce au sang-froid du chanteur (Vincent Le Texier, d'un flegme sportif), la bronca a tourné court. Aux saluts finals, les applaudissements enthousiastes ont eu raison des huées. Et raison tout court. Comment, en effet, dénier à cette transposition dans notre univers d'aujourd'hui le gain d'humanité immédiate, de proximité imaginaire qu'elle offre à l'intrigue et à ses héros ? Tout en ménageant une distance ironique, par les clins d'œil vachards aux travers ou aux impostures de notre époque. Inventive, la direction d'acteurs de Krzysztof Warlikowski évite aux personnages de n'être que des pantins ou des alibis – tel Créon, souverain névrosé un brin incestueux, Jason, bellâtre rasta, en mal de légitimité officielle. Médée étreint ses enfants. © Vincent Pontet-WikiSpectacle C'est Médée qui est l'objet des attentions dramaturgiques les plus travaillées et les plus fructueuses. Le metteur en scène polonais lui a prêté le look déjanté de la chanteuse de soul Amy Winehouse, retrouvée morte à Londres, en juillet 2011, à 27 ans. Une étrangère au monde lyrique, comme Médée, magicienne de Colchide (l'actuelle Géorgie) est étrangère à la Grèce d'Euripide et de Pythagore, où elle est venue poursuivre Jason, l'homme qui l'a quittée, dont elle a eu deux fils, et pour qui elle a tué et dépecé son frère. Pieds nus ou perchée sur des talons aiguilles vertigineux, moulée de cuir noir et les bras tatoués, la soprano allemande Nadja Michael affiche dans le rôle-titre la distinction bravache, le chic orgueilleux des http://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://www.t…vec-la-medee-de-warlikowski-l-opera-est-un-jeu-gagnant,90696.php Page 2 sur 5 12/12/12 14:37 vrais parias. De ceux qui, par fidélité à un absolu passionnel, endurent crânement le rejet des autres, affrontent sans ciller la réprobation collective. Qu'importe ses aigus criés : avec ses intervalles distendus, ses sauts brusques du grave à l'aigu, l'écriture en dents de scie de Cherubini ne ménage pas la voix, pas plus que les sentiments contradictoires de l'héroïne, qui passent sans transition de l'amour à la haine, de la compassion à la fureur, ne s'accommodent d'un jeu tiède ou classique. Les liens ambivalents de Médée avec ses jeunes fils sont bouleversants de tendresse maternelle, lorsqu'elle les aide à boutonner leur pyjama, avec la même sollicitude qu'elle les poignardera dans leur sommeil, quelques instants plus tard. Médée. © Vincent Pontet-WikiSpectacle La direction musicale de Christophe Rousset va dans le même sens que la mise en scène : redonner de la vie et du sens au spectacle. Mais par un chemin inverse : en retournant à l'état originel de la partition, lors de sa création parisienne en 1797, en la nettoyant des colmatages et rafistolages du XIXe siècle – récitatifs à la place des dialogues parlés, traduction des paroles en italien. Le diapason et les instruments d'époque des Talens lyriques restituent à cette musique non seulement sa luminosité et sa limpidité, mais sa virulence expressive, sa puissance architecturale. On comprend mieux l'estime que portaient à Cherubini un Beethoven et un Weber, ou des personnalités aussi différentes qu'un Wagner et un Brahms. « Love is a losing game », chantait Amy Winehouse – l'amour est un jeu perdant, un bon sous-titre pour Médée. Quand il est mis en scène par un Krzysztof Warlikowski, l'opéra, lui, est un jeu gagnant. A voir Médée, Avec Nadja Michael, Elodie Kimmel, Varduhi Abrahamyan, John Tessier, Vincent Le Texier, Chœur de Radio France, Les Talens lyriques, dir. Christophe Rousset, mise en scène Krzysztof Warlikowski. Au Théâtre des Champs Elysées, les 12 et 14 décembre 2012 à 19 h 30 et le 16 décembre 2012 à 17 h.01 49 52 50 50 http://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://www.t…vec-la-medee-de-warlikowski-l-opera-est-un-jeu-gagnant,90696.php Page 3 sur 5