Arrêt du 22 janvier 1970 - Copropriété

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Arrêt du 22 janvier 1970 - Copropriété
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Droit de la Copropriété
Charges entre usufruitier et nu-propriétaire n° 160
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Cour de cassation, (1ère ch.) Arrêt du 22 janvier 1970
Prés. M. Valentin, Rapp. Busin , Avocat général : F. Dumon ; Avocats : Dassesse et Ansiaux.
Le juge du fond décide légalement que des dépenses relatives à la réparation d’une chaudière, à un nouveau
dallage de l’entrée de l’immeuble et à la reconstruction d’une partie d’un garage ne sont pas des charges
annuelles de l’héritage dont l’usufruitier est tenu, aux termes de l’article 608 du Code Civil.
L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à
la charge d’en conserver la substance. (Code civil, art. 578.)
L’usufruitier doit, quant à son obligation d’entretien, se comporter comme le ferait un propriétaire diligent et
soigneux de manière à conserver la substance de la chose telle qu’elle était au moment de l’ouverture de
l’usufruit Code civil, art. 578, 605 et 606.) Les grosses réparations, limitativement déterminées par l’article
606 du Code civil, demeurent à la charge du nu- propriétaire toutes les autres réparations sont d’entretien et
l’usufruitier en est tenu de même que lesdites grosses réparations qui seraient occasionnées par le défaut
d’entretien depuis l’ouverture de l’usufruit. (Code civil, art. 605 et 606.)
Arrêt du 22 janvier 1970
LA COUR;
Vu le jugement attaqué, rendu en degré l’appel, le 29
mai 1967, par le tribunal de première instance de
Bruxelles,
Vu l’arrêt rendu par la cour le 3 octobre 1968 (6)
rejetant, pour contravention à la loi du 15 juin 1935 sur
l’emploi des langues en matière judiciaire, le pourvoi
formé par la demanderesse le 20 novembre 1967 contre
le même jugement du 29 mai 1967;
Attendu que, le premier pourvoi n’ayant été entaché
d’aucune autre nullité que celle résultant de ladite
contravention à la loi du 15 juin 1935, le second
pourvoi, introduit dans le délai prescrit par l’article 1e
de la loi du 8 mars l948, est recevable;
Sur le moyen pris de la violation des articles 578, 601,
605, 606, 608, 609 du Code civil et 97 le la
Constitution,
en ce que le jugement attaqué condamne les
demandeurs à payer a la première défenderesse, en sa
qualité de gérante de la copropriété de l’immeuble sis à
Bruxelles, avenue Franklin Roosevelt, n° 224-226,
divisé en plusieurs appartements — celui du deuxième
étage appartenant en nue-propriété à la demanderesse et
en usufruit à la seconde défenderesse — une somme de
30.249 fr., représentant la quote-part, relative à cet
appartement, de diverses dépenses concernant les
parties communes de l’immeuble,
au motif qu’il résulte des éléments de la cause que la
créance litigieuse comprend, soit (pour une part minime
de 413 francs) des frais relatifs à des dépenses
antérieures au décès de l’auteur de la partie WeynantsVanderveken (demanderesse), soit des travaux de
grosses réparations ( chaudière et accessoires, dallage
l’entrée à neuf et reconstruction descente de garage et
muret ») , lesquelles, en raison de leur importance
même, ne peuvent apparaître comme une simple charge
des fruits, contrepartie de la jouissance, ni comme une
réparation d’entretien, et « qu’en conséquence le coût
de ces travaux doit être supporté uniquement par la
nue- propriétaire (demanderesse),
alors que, première branche, la réparation d’une
chaudière et de ses accessoires, la remise à neuf d’un
dallage d’entrée, et la reconstruction d’une descente de
garage avec muret, n’étant pas des travaux compris
dans l’énumération limitative de l’article 606 du Code
civil, ne peuvent — quelle que puisse être leur
importance, comparée à celle des fruits de la chose
usufructuaire - être considérées comme de grosses
réparations au sens de cette disposition légale, et qu’en
condamnant, pour le motif ci- dessus, la demanderesse
(nue-propriétaire), plutôt que la seconde défenderesse
(usufruitière), à supporter le coût des travaux litigieux,
le jugement attaqué a violé la notion légale de « grosse
réparation , au sens de l’article 606 du Code civil, et a
méconnu les obligations respectives du nu-propriétaire
et de l’usufruitier au regard des travaux de réparation et
d’entretien (violation des articles 578, 601, 605 €t 606
du Code civil)
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seconde branche dans la mesure où il faudrait voir dans
la considération que les réparations, en raison de leur
importance, ne peuvent apparaître comme une simple
charge des fruits, contrepartie de la jouissance, un motif
distinct, donnant au jugement le soutien des articles
608 et 609 du Code civil, le jugement attaqué aurait
violé la notion juridique de « charge » , au sens de ces
dispositions légales, et ne serait pas motivé de manière
adéquate (art. 97 de la Constitution). puisque la créance
portait sur des « éparations », au sens des articles 605 et
606 du Code civil, et non sur des charges , au sens des
articles 608 et 609 du mémo code, et qu’il est dès lors
sans pertinence de relever que les réparations dont il
s’agit en l’espèce ne peuvent être considérées comme
une charge des fruits, — l’usufruitier, légalement tenu
de « conserver la substance » de la chose (article 578
du Code civil) et d’en jouir en bon père de famille
(article 601 du Code civil), devant supporter le cout des
réparations d’entretien, même s’il excède les revenus
de l’immeuble (violation de toutes les dispositions
visées)
Attendu que le jugement attaqué décide que les
sommes qui sont réclamées par la première
défenderesse comprennent soit (pour une part minime
de 413 francs) des frais relatifs à des dépenses
antérieures au décès de l’auteur de la partie WeynantsVandervelcen, soit des travaux de grosses réparations
(chaudière et accessoires, dallage d’entrée à neuf et
reconstruction descente de garage et muret), lesquels,
en raison de leur importance même, ne peuvent
apparaître comme une simple charge des fruits,
contrepartie de la jouissance, ni comme une réparation
d’entretien…
en conséquence le coût de ces travaux doit être
supporté uniquement par la nue-propriétaire (la
demanderesse actuelle) » ;
Attendu qu’ainsi le jugement décide que les sommes
réclamées ne sont relatives ni à des charges énoncées
par l’article 608 du Code civil ni aux réparations
d’entretien visées par les articles 605 et 606 du même
code;
Attendu que la décision n’est pas critiquée en tant
qu’elle met la somme de 443 francs à charge des
demandeurs ;
Attendu que, loin de violer la notion de « charge » au
sens de l’article 608 du Code civil, comme il est
soutenu dans la seconde branche du moyen, le
jugement en a fait une exacte application en décidant
que les sommes qui étaient réclamées n’étaient pas
relatives à de telles charges.;
Qu’il n’a violé non plus aucune des autres dispositions
légales visées par cette branche du moyen en prenant
cette décision ;
Attendu qu’en sa première branche le moyen invoque
uniquement que les travaux en raison desquels les
sommes étaient réclamées, n’étant pas compris dans
l’énumération limitative de l’article 606 du Code civil
relative aux grosses réparations, sont d’entretien et
devaient, dès lors, aux termes de cette disposition
légale, être mis à charge de l’usufruitier (la seconde
défenderesse) et on du nu-propriétaire :
Attendu qu’il résulte des dispositions des articles 578 et
suivants du Code civil, qui règlent l’usufruit, qu’en
contrepartie du droit d’user et de jouir de la chose dont
un autre a la propriété, comme le propriétaire luimême, l’usufruitier a la charge d’en conserver la
substance que, dans le cas prévu par les articles 605 et
606, notamment lorsqu’il s’agit d’un immeuble
d’habitation, l’usufruitier doit se comporter, dans son
obligation d’entretien, comme le ferait un propriétaire
diligent et soigneux pour conserver la substance de la
chose telle qu’elle était au moment de l’ouverture de
l’usufruit;
Que tontes les réparations autres que les grosses
réparations limitativement déterminées par l’article 606
sont réputées d’entretien et sont à charge de
l’usufruitier lequel, en vertu de l’article 605, répondra
même des grosses réparations occasionnées par le
défaut de réparations d’entretien et, en vertu de l’article
618, pourra être privé de l’usufruit s’il laisse dépérir le
fonds faute d’entretien;
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Attendu que le juge méconnaîtrait dès lors l’obligation
de l’usufruitier quant aux réparations d’entretien en
limitant son étendue celle de l’obligation aux
réparations locatives ou de menu entretien dont est tenu
le locataire aux termes de l’article 1754 du Code civil;
Que le juge ne peut davantage confondre l’obligation
aux charges dont il est question aux articles 608 et 609
du Code civil et l’obligation aux réparations prévue par
les articles 605 et 606, chacune de ces obligations ayant
un objet et un régime distincts;
Qu’il appartient au juge, en s’entourant, s’il y a lieu, de
l’avis d’hommes de l’art, de mettre en lumière si les
réparations revêtent, sinon la nature des travaux
expressément visés à l’article 606, tout au moins le
caractère comparable d’exception et d’importance, ou
si, au contraire, ce caractère extraordinaire ne peut leur
être reconnu, les travaux effectués apparaissant comme
la contrepartie, normalement prévisible dans l’état de la
technique, de la jouissance et de la rentabilité accrues
conférées au bien par des dispositifs sujets à usure et à
dégradation par le fait même de leur mise en œuvre ;
Attendu que, par la disposition de l’article 606 qui
limite les grosses réparations de l’immeuble
d’habitation à celles des gros murs et des voûtes, au
rétablissement des poutres et des couvertures entières et
qualifie toutes autres réparations comme étant
d’entretien, le Code civil n’a voulu laisser à la charge
du propriétaire que les gros travaux de rétablissement et
de reconstruction ayant pour objet la solidité générale
et la conservation du bâtiment dans son ensemble, qui
revêtent un caractère de réelle exception dans
l’existence même de la propriété et dont les frais
requièrent normalement un prélèvement sur le capital ;
Attendu qu’il apparait, d’une part, que les travaux que
le jugement attaqué qualifie dallage d’entrée à neuf et
reconstruction descente de garage et de muret ne sont
pas compris dans les grosses réparations que détermine
limitativement l’article 606 du Code civil, et, d’autre
part, en ce qui concerne les travaux qualifiés
« chaudière et accessoires » , que le jugement attaqué
n’a pu légalement déduire de la seule considération
«de leur importance même » leur assimilation aux
grosses réparations sus-visées;
Attendu, certes, qu’en déterminant restrictivement les
grosses réparations, l’article 606, emprunté à la
coutume de Paris, n’a envisagé que !es bâtiments
servant aux usages ordinaires de la vie d’alors;
Par ces motifs,
Qu’ainsi le législateur n’a pu prévoir l’incorporation
aux immeubles d’habitation d’agencements nouveaux
qui répondent aux exigences de confort et d’efficacité
de la vie moderne;
Attendu qu’il appartient dès lors au juge d’apprécier si
la réfection ou le remplacement, dans ces immeubles,
de semblables dispositifs ou de certains de leurs
éléments peuvent être assimilés aux grosses réparations
dont il est question aux articles 605 et 606, en faisant
application de ces dispositions conformé- ment à leur
esprit, sans altérer l’institution de l’usufruit telle que l’a
consacrée le Code civil;
Qu’ainsi le moyen est fondé en sa première branche;
Casse le jugement attaqué,
sauf en tant qu’il statue sur la recevabilité des appels et
décide que la créance litigieuse comprend, pour 413 fr.,
des frais relatifs à des dépenses antérieures au décès de
l’auteur de la demanderesse ;
ordonne que mention du présent arrêt sera faite en
marge de la décision partiellement annulée;
réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par
le juge du fond ;
renvoie la cause, ainsi limité, devant le tribunal de
première instance de Nivelles ;