Les conseils de prud`hommes

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EXTRAITS DU JO
PRÈS DE DEUX CENT DIX ANS après une première loi asseyant
leur existence dans le paysage juridique national, les conseils
de prud’hommes, juridiction paritaire unique sous cette forme
en Europe, ont été largement réformés par la loi du 6 août 2015.
Les conseils de prud’hommes
C
ette histoire risque de se finir aux
Prud’hommes », entend-on souvent
lorsque les litiges autour du contrat
de travail, entre employeurs et salariés, ne peuvent être réglés, à moins
d’en appeler à cette juridiction. Chaque année,
plus de 200 000 salariés saisissent les quelque
15 000 juges des 210 conseils de prud’hommes
répartis sur le territoire français (près de
188 200 jugements ont été rendus en 2014). Dans
plus de 98 % des cas, c’est le salarié qui saisit la
juridiction prud’homale. 80 % contestent le motif
de leur licenciement. Après une tentative de
conciliation préalable devant le bureau de conciliation, composé d’un conseiller prud’homme
salarié et d’un conseiller prud’homme employeur
(lire l’encadré « Repères » ci-dessous), les parties
sont convoquées devant le bureau de jugement
où siègent quatre conseillers nommés de façon
paritaire : deux représentants du « collège salariés » et deux du « collège employeurs ». En cas de
désaccord entre eux, l’affaire est renvoyée devant
un juge professionnel. Cette juridiction, unique
dans le paysage judiciaire européen, a été largement réformée par la loi du 6 août 2015, dite « loi
Macron » 1.
La toute première juridiction de ce type fut enregistrée en France en 1296 : le conseil de la ville
de Paris nomma 24 « prud’hommes » 2 et les chargea de juger les contestations entre marchands
et fabricants. Des conseils de prud’hommes ont
REPÈRES
Le conseil de prud’hommes est chargé
de régler les litiges entre employeurs
et salariés, liés à tout contrat de travail
de droit privé. L’assistance d’un avocat
n’y est pas obligatoire. Une procédure préalable
dont l’objectif est de concilier les parties
a lieu devant un bureau de conciliation
et d’orientation, constitué d’un représentant
salarié et un employeur. En cas de désaccord,
l’affaire est renvoyée en audience
de jugement. En cas d’urgence notamment,
le conseil de prud’hommes peut être saisi
en référé. La formation de référé est alors
composée d’un conseiller employeur
et un conseiller salarié.
travail & sécurité – n° 768 – janvier 2016
existé à travers le Moyen-Âge, notamment en Provence. Une loi du 18 mars 1806, complétée par
un décret la même année, créant un conseil de
prud’hommes à Lyon, est promulguée par Napoléon Ier. Des tribunaux favorisant la conciliation
entre les fabricants de soie et les ouvriers lyonnais
(« canuts ») existent déjà et servent d’exemple.
De fortes évolutions
La loi du 27 mai 1848 inscrit dans les textes et
les pratiques le paritarisme, avec des décisions
rendues collégialement entre « employeurs » et
« salariés ». Tous les ouvriers deviennent électeurs et éligibles. En 1880, le président et le
vice-président sont élus paritairement. En 1905,
la législation supprime la voix prépondérante
du président. En 1907, se met en place une
véritable juridiction sociale, étendant ses dispositions aux femmes et aux étrangers. La « loi
Boulin » du 18 janvier 1979, complétée par la loi
du 6 mai 1982, a généralisé l’institution, sur le
plan géographique, la couverture de l’ensemble
des secteurs d’activité et le statut des conseillers
prud’homaux.
La « loi Macron », qui porte particulièrement
sur des aspects de l’activité économique (plus
de 300 articles), vient apporter de nombreuses
modifications au fonctionnement de cette juridiction. Elle ambitionne notamment de favoriser la résolution amiable des litiges et d’alléger
les procédures devant l’instance prud’homale
pour réduire les délais de jugement. À titre
d’exemple, à la section « Encadrement du conseil
de prud’hommes de Paris », il faut compter neuf
à douze mois en moyenne avant de pouvoir plaider un dossier. À Nanterre, entre douze et vingtquatre mois d’attente sont nécessaires. Sans
compter les procédures d’appel, qui demandent
deux ans en moyenne avant de confirmer ou
infirmer les jugements. Le texte prévoit également
une formation initiale obligatoire des conseillers
prud’homaux, qui seront tenus de se conformer
à des obligations déontologiques. Ces conseillers
ne sont plus élus au suffrage universel direct par
les salariés ou les employeurs, mais désignés sur
la base de la représentativité des syndicats dans
les entreprises 3. La loi instaure des critères indicatifs pouvant servir de base au juge pour fi xer
les indemnités dues au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. ■
Notes
1. Loi n° 2015-990
du 6 août 2015 pour
la croissance, l’activité
et l’égalité des chances
économiques (dite
« loi Macron »). Voir :
www.legifrance.gouv.fr.
2. Apparu au XIe siècle,
le terme « prud’homme »
signifie « homme
de valeur, de bon
conseil » et s’appliquait
alors aux défenseurs
des métiers, en cas de
litiges entre artisans.
3. Les élections
pour la désignation
des conseillers
aux prud’hommes
ont été jugées très
coûteuses (environ
91,6 millions d’euros
en 2008) pour un taux
d’abstention compris
entre 65 et 70 % dans
les collèges salariés
et employeurs,
aux dernières élections
(2002 et 2008). En 2013,
les conseillers
prud’homaux ont été
désignés en fonction
de leur représentativité
« réelle » dans les
entreprises (sur la base
des élections
professionnelles).
Les prochaines
désignations auront lieu
en 2017.
Antoine Bondéelle

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