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22 AVRIL 2014 P.13.1999.N/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N° P.13.1999.N 1. H. C., 2. B.C., 3. E.C., 4. D.G., 5. H. S., parties civiles, Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand, demandeurs, contre 1. S. K., accusé, détenu, Me Filip Van Hende, avocat au barreau de Gand, 22 AVRIL 2014 2. P.13.1999.N/2 A. K., accusé, Me Eline Delasorte, avocat au barreau de Gand, défendeurs. I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR Les pourvois sont dirigés contre les arrêts rendus les 15 octobre 2013 (ci-après arrêt I), 22 octobre 2013 (ci-après arrêt II) et 23 octobre 2013 (ciaprès arrêt III) par la cour d’assises de la province de Flandre orientale. Les demandeurs déclarent, dans leur mémoire, se désister de leurs pourvois, dans la mesure où ils sont dirigés contre l’arrêt III qui condamne les défendeurs à une peine. Les demandeurs déclarent, dans un acte déposé le 16 avril 2014 au greffe de la Cour, se désister de leur pourvoi, dans la mesure où ces pourvois seraient prématurés. Les demandeurs font valoir trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport. L’avocat général André Van Ingelgem a conclu. II. LA DÉCISION DE LA COUR Sur le désistement des pourvois : 1. La Cour n’a pas égard à l’acte de désistement déposé au greffe de la Cour le 16 avril 2014, à savoir après que la cause a été prise en délibéré le 1er avril 2014. Sur la recevabilité des pourvois : 2. L’examen de la recevabilité des pourvois, en tant qu’ils sont dirigés contre l’arrêt I, requiert un examen du premier moyen des demandeurs. 22 AVRIL 2014 P.13.1999.N/3 Sur le premier moyen : 3. Le moyen invoque la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que la méconnaissance des principes généraux du droit relatif au respect des droits de l’homme et du droit au contradictoire : l’arrêt I rejette, à tort, la demande des demandeurs visant la suspension de la procédure afin de permettre à la juridiction d’instruction de régler encore la procédure relative à l’inculpation du défendeur 2 du chef de meurtre sur la personne de E. C. ; il est établi que deux suspects ont été inculpés du chef de ce fait en tant qu’auteurs ou coauteurs, alors que seul l’un deux a fait l’objet d’une décision de renvoi à la cour d’assises ; la cour d’assises est donc appelée à se prononcer sur la question de savoir si le défendeur 1 s’est rendu coupable dudit fait, et elle ne peut se prononcer sur ce même fait en ce qui concerne le défendeur 2, alors que ce dernier a été inculpé de ce chef et qu’il n’est pas exclu qu’une décision le concernant sur ce même fait devra encore être rendue ; cette circonstance est problématique en raison de la possible contradiction des décisions et d’une atteinte du droit des parties encore en attente d’une décision judiciaire sur un fait déjà jugé ; les demandeurs ne peuvent plus prétendre à un procès équitable concernant le principe de la responsabilité du défendeur 2 quant à sa possible participation au meurtre de E. C. et concernant l’estimation du préjudice éventuel, dès lors qu’il a déjà été décidé que ce meurtre a été provoqué, cet élément ayant un impact sur l’estimation des éventuels dommages et intérêts. 4. La circonstance que la juridiction d’instruction a renvoyé un inculpé devant la cour d’assises pour y être jugé du chef d’un fait déterminé, alors qu’elle n’a pas réglé la procédure pour une autre personne inculpée par le juge d’instruction du chef de ce fait, ne constitue pas, en tant que telle, une violation du droit à un procès équitable et des droits de la défense comprenant le droit au contradictoire des parties civiles qui fondent leur action civile sur ce fait. 22 AVRIL 2014 P.13.1999.N/4 Si la juridiction d’instruction pouvait encore décider de renvoyer devant la cour d’assises l’inculpé pour lequel la procédure n’a pas été réglée, les parties civiles peuvent faire valoir l’ensemble de leurs droits lors de l’instruction par la cour d’assises. Cette cour d’assises n’est pas liée, dans sa décision, par ce qu’une cour d’assises a antérieurement décidé à l’égard d’un autre accusé. Le moyen qui est déduit d’une autre prémisse juridique, manque en droit. 5. Il en résulte que les demandeurs n’ont aucun intérêt à contester l’arrêt I, qui refuse de suspendre la procédure devant la cour d’assises dans l’attente d’un règlement de la procédure par la juridiction d’instruction, compte tenu de l’inculpation du défendeur 2 du chef du fait A. Dans la mesure où ils sont dirigés contre l’arrêt I, les pourvois sont irrecevables, à défaut d’intérêt. Sur le deuxième moyen : 6. Le moyen invoque la violation de l’article 392 du Code pénal : au motif qu’il ne peut être exclu que le demandeur 2 ait été malencontreusement atteint lorsque le défendeur 1 faisait feu en direction de E. C., sans avoir eu l’intention de toucher de surcroît le demandeur 2, la cour d’assises ne pouvait, par l’arrêt II, acquitter le défendeur 1 du chef de tentative de meurtre sur la personne du demandeur 2, pour laquelle les demandeurs souhaitent demander réparation ; la circonstance que celui qui veut tuer une certaine personne touche une autre personne en raison d’un élément indépendant de sa volonté, ne fait pas obstacle au caractère punissable de cet agissement ; en effet, l’auteur a voulu attenter sciemment et délibérément à l’intégrité d’une personne et le fait qu’il ait, sans le vouloir, atteint une personne autre que celle qu’il visait, n’y change rien ; la théorie de l’aberratio ictus vaut non seulement dans l’hypothèse où l’auteur n’a pas tué la personne visée, mais également s’il en a, en outre, tué ou blessé une autre ; l’agissement 22 AVRIL 2014 P.13.1999.N/5 est tout autant volontaire, même si l’auteur n’a pas voulu ce résultat en particulier ; il y a également lieu d’annuler l’acquittement du défendeur 2 du chef de la prévention B, dès lors qu’il se fonde sur les mêmes motifs ; l’arrêt n’est, en tout cas, pas légalement justifié, parce qu’il n’a pas examiné si la probabilité que le demandeur soit touché était élevée et si le défendeur 1 a pris ce risque sciemment et délibérément ; la condamnation du chef d’infraction volontaire est, quoi qu’il en soit, possible s’il appert des circonstances qu’il était logique ou, à tout le moins, normal qu’une autre personne soit touchée. 7. L’article 392 du Code pénal dispose : « Sont qualifiés volontaires l'homicide commis et les lésions causées avec le dessein d'attenter à la personne d'un individu déterminé, ou de celui qui sera trouvé ou rencontré, quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou de quelque condition, et lors même que l'auteur se serait trompé dans la personne de celui qui a été victime de l'attentat. » 8. Il ressort de cette disposition que celui qui a l’intention de tuer une personne déterminée ou de lui causer des lésions, mais qui, en raison d’une cause externe tue ou cause une lésion à une autre, agit de manière volontaire. La circonstance qu’il a attenté à la personne d’un individu autre que celle qu’il visait, n’empêche pas que l’auteur a agi volontairement au sens de cet article. 9. L’arrêt II énonce, comme principaux motifs des décisions rendues sur la culpabilité, notamment ce qui suit : - il appert de l’instruction à l’audience que le défendeur 1 a toujours déclaré être celui qui a tiré avec un pistolet 9 mm sur E. C. et que cela correspond aux déclarations de l’expert en balistique ; - la circonstance que le défendeur 1 ait fait feu, en situation qualifiée de clairement conflictuelle, avec le pistolet 9 mm sur E. C. démontre incontestablement son intention de le tuer, ce que confirme la constatation que, selon les témoignages à l’audience, ainsi que les déclarations des défendeurs mêmes, le défendeur 1 ne s’est nullement préoccupé, immédiatement après les coups de feu, de E. C qu’il venait d’atteindre, et ce, malgré qu’il se soit avancé 22 AVRIL 2014 P.13.1999.N/6 après le tir mortel vers E.C. agonisant, lequel est décédé quelques heures plus tard, à l’hôpital ; - le jury estime ainsi que le défendeur 1 a, volontairement et intentionnellement, tué E. C. ; - il ne ressort d’aucun élément probant et certain que le défendeur 1 a tenté de tuer volontairement le demandeur 2 ; - il ne peut être exclu que le demandeur 2 ait été malencontreusement touché lorsque le défendeur 1 faisait feu en direction de E. C., sans qu’il ait eu l’intention d’atteindre de surcroît le demandeur 2 ; - il n’y avait aucune raison pour le défendeur 1 de tirer sur le demandeur 2, dont il n’est pas établi qu’il était en possession d’une arme à feu, de sorte qu’il est improbable que le défendeur 1 ait volontairement fait feu en direction du demandeur 2 ou posé le moindre acte dans l’intention de tenter de le tuer ; - pour les mêmes motifs, il n’est pas établi, en ce qui concerne le défendeur 2, qu’il a volontairement tenté de tuer le demandeur 2, d’autant qu’il n’est pas établi qu’il ait jamais eu en main l’arme à feu du défendeur 1 durant les coups de feu ; - il ne ressort pas davantage de l’instruction à l’audience que le défendeur 2 ait posé le moindre acte ou révélé la moindre attitude permettant de le considérer comme co-auteur de tentative de meurtre sur le demandeur 2 ; - il n’appert nullement que le défendeur 2 aurait apporté son concours d’une manière ou d’une autre ni prêté la moindre assistance ; 10. La décision selon laquelle le défendeur 1 ne s’est pas rendu coupable du chef du fait B se fonde ainsi sur la thèse erronée qu’aucune intention dans le chef du défendeur 1 ne peut être démontrée parce ce qu’il ne peut être exclu qu’en voulant tuer E. C., il a touché le demandeur en faisant feu, sans en avoir eu l’intention. Cette décision n’est pas légalement justifiée. Dans la mesure où il concerne l’acquittement accordé par l’arrêt II au défendeur 1 du chef du fait B, dans la mesure où cette décision tient lieu de fondement aux actions civiles introduites par les demandeurs, le moyen est fondé. 22 AVRIL 2014 11. P.13.1999.N/7 L’arrêt II fonde l’acquittement du défendeur 2 du chef du fait B notamment sur les motifs, non critiqués par le moyen, selon lesquels il n’est pas établi qu’il aurait jamais tenu en main l’arme à feu du défendeur 1 durant les coups de feu, que l’instruction à l’audience ne démontre pas que le défendeur 2 aurait posé un quelconque acte ou révélé la moindre attitude permettant de le désigner comme co-auteur de tentative de meurtre sur la personne du demandeur 2 et qu’il n’appert nullement que le défendeur 2 aurait apporté son concours d’une manière ou d’une autre ou qu’il aurait prêté la moindre assistance. Ces motifs justifient la décision critiquée. Dans la mesure où il concerne l’acquittement accordé par l’arrêt II au défendeur 2 du chef du fait B, dans la mesure où cette décision tient lieu de fondement aux actions civiles introduites par les défendeurs, le moyen ne saurait entraîner une cassation et est irrecevable. (…) PAR CES MOTIFS, LA COUR Décrète le désistement des pourvois, en tant qu’ils sont dirigés contre l’arrêt du 23 octobre 2013 ; Casse l’arrêt du 22 octobre 2013, en tant que la décision d’acquitter le défendeur 1 du chef du fait B tient lieu de fondement aux actions civiles des demandeurs ; Rejette les pourvois pour le surplus ; Condamne le défendeur 1 à un quart des frais ; Condamne les demandeurs aux surplus des frais ; Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’assises de la province de Flandre orientale, autrement composée, siégeant sans jury. 22 AVRIL 2014 P.13.1999.N/8 Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Paul Maffei, président, le président de section Luc Van hoogenbemt, les conseillers Filip Van Volsem, Alain Bloch et Peter Hoet, et prononcé en audience publique du vingt-deux avril deux mille quatorze par le président de section Paul Maffei, en présence de l’avocat général suppléant Marc De Swaef, avec l’assistance du greffier Frank Adriaensen. Traduction établie sous le contrôle du conseiller Benoît Dejemeppe et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux. Le greffier, Le conseiller,