Nino Ferrer, un artiste à (ré)découvrir… Sans doute mieux qu`aucun

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Nino Ferrer, un artiste à (ré)découvrir… Sans doute mieux qu`aucun
Nino Ferrer, un artiste à (ré)découvrir…
Sans doute mieux qu’aucun autre chanteur ayant émergé dans les années 60, Nino
Ferrer demeure un personnage familier du public français alors que l’essentiel de son
œuvre enregistrée, qui comporte plus de 200 chansons, reste relativement méconnu.
Hormis les spécialistes de Nino – on les appellera les « Nino thuriféraires », ils ne
sont pas si nombreux -, il est évident que la plupart des gens ne connaissent de lui
qu’une petite série de tubes absurdes et survoltés, c'est-à-dire « Mirza », « Le
Telefon », « Les Cornichons », « Je veux être noir » ou « Ho ! Hé ! Hein ! Bon ! »,
ainsi que leurs contrepoints mélancoliques, publiés plus tardivement, dans les
années 70, à savoir « La maison près de la fontaine » et, bien évidemment, « Le
Sud ». En nous intéressant pendant près de deux ans au personnage comme à sa
musique pour écrire sa biographie, Joseph Ghosn et moi-même avons eu beaucoup
de mal à trouver des articles approfondissant un minimum son travail, la plupart se
contentant d’aborder la surface des choses, les petites anecdotes habituelles sur la
vie des vedettes, ou bien relatant ses accès de mauvaise humeur, son caractère
soupe au lait qui était en passe à une époque de devenir plus célèbre que ses
chansons. Ce malentendu autour de son travail sera, disons le d’emblée, le drame
de toute sa vie. En se suicidant en août 1998, Nino Ferrer a bien sûr emporté avec
lui une grande partie des raisons qui l’ont conduit à un tel geste. Mais il a également
laissé quelques traces écrites qui expriment très clairement et sans aucune
ambiguïté un désespoir profond de n’avoir pas été reconnu et aimé pour les bonnes
raisons. Un seul exemple, assez parlant : la version du Sud que tout le monde
connaît, énorme tube de 1975 vendu à plus d’un million d’exemplaires, Nino la
détestait. Il préférait la version en anglais qui figure sur l’album Nino & Radiah et il
avait poussé l’obsession, alors que le titre était dans tous les hits parades, d’aller à
Londres pour enregistrer une autre version avec l’arrangeur d’Elton John, version qui
terminera à la poubelle et qui lui aura coûté 200 000 francs de l’époque.
Caractériel, obsessionnel, insatisfait chronique, imprévisible, ce qui distingue avant
tout Nino de certains de ses contemporains comme Jacques Dutronc, duquel on est
tenté de le rapprocher, ou même Serge Gainsbourg, c’est tout le sérieux qu’il aura
mis à faire des choses que certains, en les observant d’un peu loin, peuvent trouver
assez légères. Car, encore une fois, certaines chansons bouleversantes de son
répertoire restent assez obscures, tout comme l’étendue de ses recherches en
matière de renouvellement des formes musicales, notamment dans les années 70,
mais on y reviendra plus tard.
© Christophe Conte pour le Hall de la Chanson, 2005

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