Les années « Sud »… Il se trouve qu`un certain Richard Bennett

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Les années « Sud »… Il se trouve qu`un certain Richard Bennett
Les années « Sud »…
Il se trouve qu’un certain Richard Bennett venait d’être engagé chez CBS et quand
Nino lui fait entendre sa chanson, Bennett commence par avoir la même réaction que
Missir : « ok, génial, mais il faut la faire en français ». Et là, volte face de Nino, qui lui
fait aussitôt écouter la version française du morceau, « Le Sud ». C’est comme ça
que Nino Ferrer, en ayant un peu mystifié Barclay parce qu’il estimait que la maison
de disques n’avait pas suffisamment défendu ses albums, se retrouve à signer chez
CBS. Comme il est en position de force et que Bennett est son ami, il obtient de
celui-ci de signer un contrat particulier qui fait de lui le producteur de ses propres
disques. Il finance donc les enregistrements, mais comme il a son propre studio les
frais sont limités, il paye aussi les photos et la pochette, mais en contrepartie il
touche un pourcentage beaucoup plus élevé sur les ventes. Ce qui, avec « Le Sud »
et son million d’exemplaires vendus, va s’avérer une juteuse affaire.
Il y a donc « Le Sud », le 45 tours enregistré avec Estardy, d’un côté, et de l’autre un
album tout en anglais, avec la version anglaise du Sud. Ce disque intitulé Nino &
Radiah (« Moses », « Hot Toddy »…) a mis plus d’un an à se construire, puisqu’il
sort fin 1974 alors que sa genèse remonte à l’été 73. Cet été-là, la fameuse Radiah
débarque chez lui à l’invitation d’un ami commun. Radiah est une américaine,
mannequin et actrice, et elle vient juste de se séparer de son mentor français qui
n’est autre que Jean-Paul Goude. Elle est donc une sorte de pré-Grace Jones. Mais
elle n’a jamais vraiment chanté, ce qui ne pose pas vraiment problème à Nino qui est
de toute façon subjugué par sa plastique et rêve depuis longtemps d’enregistrer un
album avec une chanteuse noire. A l’époque il écoute beaucoup de folk et de rock
américain, notamment Harvest de Neil Young, et il imagine comme ça un disque très
vaporeux, acoustique, avec néanmoins des nuances de soul et aussi des échos de
la musique de la Nouvelle Orléans, notamment celle de Doctor John. Comme le
groupe avec lequel il a enregistré l’album précédent est à l’opposé de ces
ambiances, il a l’idée de faire venir des américains, un groupe de Long Island qui
porte deux noms selon les projets, Ice d’une part, et Lafayette Afro Rock Band de
l’autre. Contrairement à d’autres chanteurs français comme Gainsbourg en Jamaïque
ou Lavilliers au Brésil, Nino ne veut pas s’expatrier dans le pays des musiciens qu’il
souhaite employer pour une raison toute bête : il a une frousse effroyable de l’avion,
donc il préfère les faire venir à lui. Avec cet album Nino & Radiah, le fossé va se
creuser un peu plus entre deux publics qui suivent son travail : d’une part ceux qui
achètent le 45 tours « Le Sud », très nombreux, et ceux qui achètent ses albums,
beaucoup moins nombreux. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant par la suite.
L’album Suite en œuf, qui sort en 1975, est un bide retentissant avec seulement
1000 exemplaires vendus et aucun single qui marche alors qu’il contient certaines de
ses plus belles chansons comme « Alcina de Jésus », « Les morceaux de fer »,
« Daddy Tarzan » et surtout « Chanson pour Nathalie ». Nino, qui est donc son
propre producteur, commence à avoir des problèmes d’argent, notamment en raison
des impôts qui lui courent aux fesses depuis plusieurs années et de son studio, dans
lequel sont enregistrés un certain nombre d’albums sur lesquels il est censé toucher
une commission mais qui ne se vendent pas. Sa lune de miel avec CBS n’a pas non
plus duré très longtemps et il commence à se rendre compte que ses disques ne
sont pas du tout défendus et donc voués à l’échec avant même leur sortie. Le projet
d’album qu’il envisage n’est pas non plus de nature à arranger les choses puisqu’il
s’agit d’un nouveau disque en anglais enregistré cette fois avec Mickey Finn et
© Christophe Conte pour le Hall de la Chanson, 2005
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d’autres musiciens du même calibre. Et pour corser l’affaire, il s’est mis dans l’idée
de délocaliser son studio dans un endroit qui lui inspirerait autre chose que ce qu’il
voit quotidiennement. C’est comme ça qu’il part dans le sud de la France et atterrit
dans le Lot, dans un château médiéval, le château de Blanat. Il fait installer tout le
matériel et le câblage et commence à enregistrer cet album qui portera le nom du
lieu : Blanat. Il est tellement fasciné par cette campagne un peu rugueuse du Lot qu’il
va se balader en voiture dans les environs entre les séances d’enregistrement avec
dans l’idée de trouver une maison à acheter et de s’installer définitivement dans la
région. C’est comme ça qu’il va acquérir sa dernière propriété, dans un lieu dit
appelé La Taillade, dans la commune de Saint Cyprien, à quelques kilomètres d’un
autre bled qui porte un nom célèbre, le fameux Montcuq.
© Christophe Conte pour le Hall de la Chanson, 2005
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