312 P28-29 NINO FERRER
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312 P28-29 NINO FERRER
NINO FERRER Interview imaginaire 1974 Alors que Nino Ferrer va triompher avec « Le Sud », Jérôme Pintoux revient sur son itinéraire au cours d’un entretien imaginaire, allant des aventures humoristiques de « Mirza » au ton désabusé de « La Maison Près De La Fontaine ». - « Le Millionnaire » est une chanson de déréliction comme « Mister Pitiful » d’Otis Redding ? - C’est le thème de la roue de fortune, un bon vieux motif médiéval, adapté du standard du blues « Nobody Knows You When You’re Down And Out ». La chance a tourné : En une nuit, tout est parti, dans une partie de poker. INVENTAIRE A LA PRÉVERT - Dans « Z’Avez Pas Vu, Mirza », votre personnage cherche son chien qui a disparu ? - C’est une sorte de sketch. - Pour « Madame Robert », le narrateur est un excentrique : il compose un opéra-bouffe sur la bataille de Waterloo. On sent l’influence de Boris Vian, mais aussi celle de Molière. - Ah bon ? - Déjà, dans « Les Précieuses Ridicules », Mascarille voulait composer en madrigaux toute l’histoire romaine. - Possible... Je ne l’ai pas lu. - « Les Cornichons » relate une sortie qui s’est mal passée. On a voulu organiser un piquenique En emportant des paniers, des bouteilles, des paquets et la radio ? - Un inventaire à la Prévert... - « Oh ! Hé ! Hein ! Bon ! » fait le portrait d’un musicien distrait qui veut garder sa fierté, sa dignité ? - C’est d’ailleurs la seule chose qui lui reste : Qu’est-ce que j’ai fait de mes clés, mes lunettes et mes papiers, mon veston, mon lorgnon, mon étui d’accordéon ? Oui, je sais, je perds tout, mais ce que je ne veux pas, c’est qu’on se moque de moi. - Il a même perdu des gens de sa famille ? - Oui, c’est exact : Sa belle-sœur, son tambour et sa tante de Saint-Flour. - L’humour vient de l’énumération hétéroclite, mélangeant les objets et les gens ? - C’est ça : Où est mon bâton, mon bouton, mon 28 tonton, mon saucisson, mon cousin Célestin qui était académicien ? - Le narrateur semble hypocondriaque ? - Si vous voulez : Où sont mes gouttes, mes pastilles, mon sirop, ma camomille, ma potion, mon cachet, mes piqûres et mon bonnet ? - Cette strophe a quelque chose de moliéresque ? - Ce personnage est un malade imaginaire. - « Le Téléfon » présente une galerie de personnages assez caricaturaux, énigmatiques ? - Ils en sont réduits à un seul adjectif : Marie-Louise est exquise, Marie-Thérèse elle est obèse, Marie-Berthe elle est experte, par l’entremise de sa tante Artémise. LE TEMPS DURE LONGTEMPS - Avec « La Maison Près De La Fontaine » vous changez de registre. Est-ce dû au fait que vous êtes né à Gênes, en Italie, puis que vous ayiez vécu en Nouvelle-Calédonie avec votre famille ? C’est une évocation de l’enfance. C’est un thème très nostalgique. - En effet : On allait à la pêche aux écrevisses avec monsieur le curé. On se baignait tout nu, tout noir, avec les petites filles et les canards. - Depuis, l’environnement s’est bien dégradé ? - Les arbres ont disparu et ça sent l’hydrogène sulfuré. - Votre nouveau succès, « Le Sud », parle d’une sorte de paradis terrestre, d’un lieu où le temps est aboli ou du moins dure longtemps, et où l’on n’en souffre pas ? - On y retrouve l’atmosphère des premiers couplets de « La Maison Près De La Fontaine » : Il y a plein d’enfants qui se roulent sur la pelouse, il y a plein de chiens. Il y a même un chat, une tortue des poissons rouges, il ne manque rien. - « Le Sud » reflète votre caractère tourmenté, comme si vous étiez partagé entre la reconnaissance de vos tubes amusants, tel « Mirza » ou « Le Téléfon », et l’échec des morceaux mélancoliques comme « Pour Oublier Qu’On S’Est Aimé » ou « La Rua Madureira ». Ainsi le spectre de la guerre se dresse à l’horizon et plombe l’atmosphère ? - Eh oui, il n’y a pas d’alternative : Un jour ou l’autre il faudra qu’il y ait la guerre, on le sait bien. On n’aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire, on dit c’est le destin. Propos imaginés par Jérôme PINTOUX