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Cortisone et corticoïdes
L’euphorie des performances mais aussi la certitude
des défaillances et des complications
Jean-Pierre de Mondenard*
La cortisone est une hormone sécrétée par la zone corticale,
située à la périphérie des glandes surrénales. On fabrique, à
des fins thérapeutiques, des dérivés de synthèse de la cortisone,
regroupés avec elle sous l’appellation de “corticoïdes”.
Depuis l’introduction dans l’arsenal médical des hormones
corticosurrénales et de leurs dérivés de synthèse, leur champ
d’application n’a fait que croître au même titre que les spécialités
pharmaceutiques s’en réclamant. Les corticoïdes sont des
drogues polyvalentes dont l’usage est tentant pour le thérapeute,
notamment dans le domaine anti-inflammatoire, mais cette
médaille a son revers et un revers hors du commun.
Un détail situe bien le caractère d’arme à
double tranchant des corticoïdes et cela dans le
seul domaine médical, en dehors de toute
considération “dopante” : au concours d’internat en médecine, dont le programme se
décompose en une série de “questions” faisant
le point sur différents sujets, une des questions
est réservée aux seuls effets néfastes des traitements à base de cortisone !
Peu de drogues sont capables de tels effets
salutaires et, en même temps, responsables
d’accidents aussi sérieux que divers.
Les corticoïdes possèdent plusieurs propriétés
: c’est de l’exagération de ces propriétés que
naissent les accidents thérapeutiques. Tout
d’abord, l’action anti-inflammatoire entraîne
un certain nombre de complications viscérales
et infectieuses dont la survenue peut être précoce, en particulier chez certains sujets prédisposés. Ensuite, l’introduction d’un composé
hormonal, même à des doses thérapeutiques,
réalise un état artificiel d’hyper-imprégnation
et cette hormone médicamenteuse interfère
dans l’équilibre de toutes les hormones de l’organisme et les perturbe. Malgré ces risques, les
sportifs les consomment pour leurs effets anti* Médecin du sport, observateur de la lutte antidopage depuis les années 1970. Centre de médecine, nutrition et traumatologie du sport, 12, avenue Georges, 94430 Chennevières-sur-Marne.
fatigue, euphorisant, antistress et, bien sûr,
anti-inflammatoires et antalgiques.
La cortisone, ses dérivés naturels et les corticostéroïdes synthétiques qui ont pénétré les
enceintes sportives au début des années 1960,
ne sont décelables dans le cadre d’un contrôle
antidopage que depuis peu (1999 pour les synthétiques et 2002 pour les “naturels”). Cette
carence chronique des systèmes de détection
concerne également l’EPO qui n’est recherchée officiellement que depuis les JO de
Sydney alors que l’hormone de croissance,
d’autres hormones peptidiques hypophysaires
et certaines molécules innovantes non encore
commercialisées sont toujours indécelables.
Ces différentes substances et les possibilités de
passer à travers le contrôle qu’elles offrent,
influencent négativement l’efficacité de la lutte
antidopage. Très récemment, s’est ouvert un
nouveau débat où il est question de sortir les
corticoïdes de la liste des substances interdites
pour les mettre dans une deuxième liste de
médicaments contrôlés par un suivi longitudinal n’exposant plus le consommateur à une
sanction mais, pour raison de santé, à un arrêt
de son activité.
Aspects pharmacologiques
Spécialités pharmaceutiques (exemples)
(tableau )
Historique
1913 : Bield reconnaît l’importance vitale de
la partie corticale de la glande surrénale.
1936 : Edward Calvin Kendall (États-Unis)
isole la cortisone sous le nom de composé E.
1937 : Tadeus Reichstein (Suisse) découvre
le cortisol (hydrocortisone) et lui donne le
nom de substance M.
1944 : Lew Sarett Jr. (États-Unis) fait la synthèse du composé E.
1948 : Philip Showalter Hench (États-Unis)
l’utilise pour la première fois et avec succès en
thérapeutique humaine chez une femme atteinte d’une arthrite rhumatismale invalidante.
1960 : Premières utilisations en milieu
sportif.
Propriétes et indications thérapeutiques
Propriétés
– Inhibition des réactions du mésenchyme :
1. antiphlogistique ;
2. anti-exsudative ;
3. anti-allergique (inhibition de la formation d’anticorps et inhibition des réactions
d’hypersensibilité) ;
4. antalgique ;
5. antiproliférative surtout en ce qui
concerne les organes lymphatiques.
Tableau. Tous sont sur la liste I (ex-tableau A).
Nom
commercial
Célestène®➘
Cortancyl®➘
Cortisone®
Dectancyl®
Diprostene®
Hydrocortisone➘
Kenacort
retard 40®
Solupred® 5 mg
Dénomination commune
internationale (DCI)
Mise sur le
marché (MSM)
bétaméthasone
prednisone
cortisone
dexaméthasone acétate
bétaméthasone
hydrocortisone
1963
1955
1951
1959
1977
1954
triamcinolone acétonide
prednisolone
1969
1964
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Retrait du
marché (RDM)
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– Actions sur le métabolisme :
1. des glucides : élévation de la glycémie et
augmentation de la réserve hépatique de
glycogène ;
2. des protides : catabolisme, dégradation des
protéines en acides aminés, néoglycogenèse ;
3. des lipides : mobilisation.
– Cyclisme +++.
– Haltérophilie.
– Hippisme (chevaux).
– Gymnastique (arrêt de croissance).
– Les sportifs victimes d’entorses et de tendinites.
Histoires...
Indications
– Traitement du choc allergique.
– États inflammatoires aigus.
– Certaines maladies allergiques.
– Certains rhumatismes aigus ou chroniques.
– Asthme.
– Leucémies.
– Traitement antirejet des transplantés d’organes.
– Occlusion de l’artère centrale de la rétine.
– Affections cutanées : eczéma, psoriasis...
(applications locales).
Effets pervers et dangers
– Ulcère gastrique et duodénal.
– Flush facial après infiltration intra-articulaire (IA).
– Infections virales (zona, conjonctivite
folliculaire, varicelle).
– Affaiblissement des systèmes de défense
de l’organisme.
– Accidents neuropsychiques.
– Décalcification osseuse (fractures de
fatigue et tassements vertébraux).
– Diabète.
– Œdèmes.
– Tendinites.
– Hypertension artérielle.
– Fragilisation de tous les tissus.
– Fonte musculaire.
– Diminution, voire arrêt de la croissance
chez le jeune.
– Retard de cicatrisation : osseuse, musculaire, cutanée.
– Syndrome de manque aux corticoïdes
(steroid blues) : anorexie, asthénie, dépression et amaigrissement.
– Insuffisance surrénale mortelle en cas
d’interruption brutale de la cure.
Pratique sportive :
principales affaires
Effets allégués et recherchés par les sportifs et leur entourage médico-technique
– Stimulant de la volonté.
– Euphorisant : se sent plus fort, peut “tirer
le grand braquet”, ne sent pas les pavés.
– Antalgique, antifatigue et antistress.
Spécialités sportives les plus concernées
– Alpinisme (mal aigu des montagnes).
– Athlétisme.
1960 – Cyclisme – Une mise en garde prémonitoire du Dr Robert Boncour (France)
Dans l’hebdomadaire sportif Le Miroir des
Sports du 25 juillet 1960, le Dr Robert
Boncour, alors médecin-adjoint du Tour de
France, annonçait : “D’effroyables dangers
menacent la vie du champion-cobaye transformé en champion-suicide (...). Notre
inquiétude de médecins pénétrés de notre
mission est immense. Car les conséquences
des manœuvres chimiques auxquelles sont
soumis les sportifs en mal de rendement
sont parfaitement prévisibles. Les anciennes
méthodes de doping, déjà très nocives, utilisaient entre autres les amphétamines
diverses et la strychnine. Dysfonctions neurovégétatives, hypertension, insuffisance
cardiaque, hépatique ou rénale parfois mortelles pénalisaient les fins de carrière précoces des abonnés de ces méthodes. Les
nouvelles méthodes, issues des découvertes
relativement récentes de la pharmacologie
pathologique, utilisent les hormones et les
corticoïdes. S’il est permis de déterminer
une hiérarchie dans les risques que toutes
ces méthodes comportent et pour fixer les
idées, ces dernières sont infiniment plus
dangereuses. On peut affirmer que l’emploi irrationnel d’hormone mâle ou de corticoïdes divers, et j’insiste, comporte un
effroyable danger qui menace la vie même
du coureur-cobaye dans un laps de temps
impossible à déterminer. (Le Miroir des
Sports, 1960, n° 811, 25 juillet, p 2).
1963 – Dr Guy Duchesnay (France) : “On
doit l’annexer au groupe des dopings.”
“Les hormones sont des substances biologiques à part, que l’on doit annexer au
groupe des dopings, et il n’est pas concevable de soumettre un organisme en équilibre hormonal à un déséquilibre dans le
sens hyper, soit à l’aide d’hormones naturelles, soit à l’aide d’hormones remaniées
appartenant aux groupes des corticostéroïdes
ou des testostéroniques.” (Duchesnay G. Les
analeptiques biologiques ne sont pas des
dopings. Med Ed Phys Sport, 1963, 37, 3 :
203-5).
1969 – Cyclisme – Le Dr Lucien Maigre
(France) révèle l’usage courant des corticoïdes.
Dans un communiqué publié par le service-
Le Courrier des addictions (4), n° 2, avril/mai/juin 2002
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ABUS DES CORTICOÏDES
“Pépins et casse-pipes”
1. Déséquilibre hydro-électrolytique avec
apparition d’œdèmes et augmentation du
poids corporel.
2. Élévation de la glycémie et apparition
de glycosurie.
3. Augmentation des chiffres de la tension
artérielle.
4. Réceptivité aux infections par diminution des anticorps et suppression des réactions naturelles de défense de l’organisme.
5. Pyrosis gastrique (brûlures et régurgitations) et ulcération gastro-intestinale.
6. Ostéoporose diffuse avec risques de
fractures et retards de consolidation.
7. Altérations des parois des vaisseaux
artériels avec possibilité de formation de
caillots et, par voie de conséquence,
d’embolie.
8. Diminution de la nutrition des muscles,
particulièrement des membres inférieurs et
risque d’atrophie musculaire importante.
9. Troubles oculaires : kératite, glaucome, cataracte.
10. Effets dangereux sur le fœtus.
11. Troubles du système nerveux, convulsions, crampes musculaires.
12. Troubles d’origine psychiatrique :
changement d’humeur (euphorie, irritabilité), insomnie et véritables psychoses
de type maniaco-dépressive.
13. Diminution, voire même arrêt de la
croissance chez le jeune.
presse du Tour de France, le Dr Maigre, médecin-chef du Tour, constate l’usage de plus en
plus fréquent de produits hormonaux et parahormonaux, corticoïdes en particulier. Il met
l’accent sur le danger de ces produits utilisés
sans surveillance médicale, mais il constate
l’évolution de la préparation des cyclistes,
dans un sens plus scientifique et biologique,
les amphétamines et les grands analgésiques
étant progressivement abandonnés. Le cyclisme sort de la phase empirique, c’est certain.
La confiance et la franchise entre coureurs et
médecins ne peuvent que favoriser l’installation de ce sport magnifique dans sa phase
moderne.”
1976 – Cyclisme – Dr François Bellocq
(France) : “J’ai prescrit de la cortisone.”
Le Dr François Bellocq déclarait sur l’antenne d’Europe n° 1, au micro d’Eugène
Saccomano : “J’ai prescrit de la cortisone
aux coureurs. La nocivité de ces produits
dépend des doses proposées. Les corticoïdes aident le coureur à rétablir son équilibre biologique. Cet élément existe
d’ailleurs à l’état naturel dans l’organisme.
Il ajoutait : Un médecin a le droit de prescrire les médicaments de son choix.”
Sur ce point, tous les médecins ne sont pas
d’accord. Trois d’entre eux déclaraient
alors : “Un traitement à la cortisone doit
s’accompagner d’une alimentation sans sel,
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contre-indiquée pour le coureur : il faut
souscrire parallèlement à un traitement à
base de potassium. Enfin, une personne
soignée à la cortisone doit cesser son travail, les manuels surtout, car ce produit
réduit considérablement les défenses naturelles de l’organisme et compromet la cicatrisation en cas de blessure. On devine donc
le danger auquel ce médicament expose le
coureur cycliste.” (Pierre Chany, L’Équipe,
24 novembre 1976.)
1978 – Cyclisme – La cortisone remporte
au moins deux Tours de France
“J’ai été dopé à la cortisone pendant trois
ans, c’est pour cela que je ne suis plus en
état de remonter sur une bicyclette”, a
avoué Bernard Thévenet, double vainqueur du Tour de France, à Pierre Chany,
journaliste à L’Équipe. Il ajoute : “Je prends
de la cortisone depuis trois ans et ils sont
nombreux dans mon cas”.
Jean-Pierre Danguillaume, coureur professionnel, équipier de Thévenet, évoque cette
situation en des termes lourds de signification : “Bernard Thévenet s’est retrouvé seul à
l’hôpital et il a eu peur. Cela l’a conduit à
parler. Moi aussi j’ai eu peur. C’est pourquoi
j’accroche mon vélo au clou.” (Chany P. 17
coureurs morts de crise cardiaque. ParisMatch, 1978, n° 1539, 26 novembre).
1979 – Cyclisme – Roger Pingeon (France) :
“Je connais la question.”
L’ancien vainqueur du Tour de France 1967
aborde les problèmes du dopage et notamment de la cortisone avec le journaliste de
L’Équipe, Noël Couëdel : “...On absorbe des
produits qui dopent les surrénales qui les excitent au maximum. Le taux normal est de huit
milligrammes par litre (NDLR : 5 à 25 microgrammes par litre), on le fait passer alors
artificiellement à 11. On marche au super, on
tire de gros braquets. Mais ce que l’on
oublie c’est que les glandes surrénales ne
marcheront plus jamais normalement et
que les effets secondaires sont terribles. Je
le sais, je l’ai fait. Cela m’a permis de faire
illusion en fin de carrière. Mais je sais ce
que je faisais. Je ne faisais confiance qu’à
moi-même et là-dessus, je peux parler
d’égal à égal avec n’importe quel médecin
généraliste. Je connais la question.”
(L’Équipe, 10 juillet 1979.)
1979 – Cyclisme – Jacques Anquetil
(France) : “Des braquets plus importants.”
Le Normand, adepte des revitalisants en
tout genre, a utilisé la cortisone pour essayer :
“De la cortisone j’en ai pris deux fois. La
première m’a réussi, la seconde pas du tout.
Dans la réussite, j’éprouvais la sensation de
décupler mes forces et en conséquence,
pouvoir pousser des braquets plus importants...” (“J. Anquetil répond à vos questions”, L’Équipe, 11 juillet 1979).
1980 – Cyclisme – Luis Ocaña (Espagne) :
“Les abus de cortisone sont graves.”
“Je ne comprends pas la situation de l’équipe
Gitane, dans la mesure où elle est réputée pour
être celle qui est la mieux suivie sur le plan
médical. On a même été, par comparaison,
jusqu’à douter du sérieux des autres équipes.
Et puis, voilà. Ils ont tous des tendinites et ils
passent tous par la fenêtre. Il y a quelque
chose qui cloche. De deux choses l’une, ou les
coureurs ne suivent pas les conseils de leur
médecin, ou les médecins font des erreurs.
C’est l’un ou l’autre.
...Depuis la mise en place des contrôles
médicaux, il faut bien dire que la situation
ne s’est pas améliorée. C’était dix fois
mieux, mille fois mieux de prendre des
amphétamines, c’était infiniment moins
dangereux. Les abus de cortisone sont
graves, très graves.”(Couëdel N. Luis Ocaña
: “Zoetemelk n’a jamais été aussi mauvais”.
L’Équipe, 17 juillet 1980.)
1984 – Cyclisme – Dr Freddy Safar
(France) : dans le peloton des espoirs.
“J’ai des gamins de 16 ans qui se piquaient
à la cortisone avant une course locale, tout
cela pour gagner un saladier.” (Médicale,
1984, n° 16, 24 mai : 21.)
1984 – Gymnastique – Dr André Noret
(Belgique) : “Des fillettes victimes d’odieuses manipulations qui en font des naines.”
“Des fillettes soviétiques sont victimes
d’odieuses manipulations qui en font définitivement des naines. Des hormones
sexuelles mâles leur sont injectées pour
accélérer la soudure des cartilages de
conjugaison et empêcher la croissance
osseuse. Des corticoïdes leur sont également administrés pour perturber le métabolisme phosphocalcique et entraîner un
retard de croissance. Enfin, la sécrétion de
leur hormone de croissance est inhibée par
des injections de somatostatine.” (Noret A.
Le dopage des sportifs. La Recherche,
1984, 15, n° 157, juillet-août : 1022-33 [p
1032].)
Et puis, 1985, avec Laurent Vial, 1986
avec William Fackaert et Alain Vigneron,
1987 avec Freddy Maertens, les as du
“Grand Braquet” avouent, témoignent...
Tous ont payé un lourd tribut aux corticoïdes. D’autres disciplines sportives aussi
:
1988 – Alpinisme – Les corticoïdes “grimpent” mieux que les diurétiques.
Plusieurs études avaient mis en exergue l’ef-
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ficacité de l’acétazolamide (diurétique) sur
ces symptômes désagréables du mal des
montagnes. Opposé à la dexaméthasone (corticoïde) dans une étude en double aveugle
contre placebo chez 57 alpinistes, le diurétique n’a pas donné les résultats escomptés
dans le cas particulier de la montée rapide en
haute altitude (Mont Rainier). En revanche,
le corticoïde s’avère très efficace : moins de
maux de tête, de fatigue, d’étourdissement,
de maladresse et impression positive d’être
revigoré.” (Gazette médicale, 1988, n° 13,
du 1 au 7 avril : 83.)
Athlétisme – Ben Johnson (Canada) : des
corticostéroïdes en plus du stanozolol (stéroïde anabolisant).
“À l’occasion d’une interview pour la chaîne
de télévision Canadian Broadcasting
Corporation (CBC), M. Mario Astaphan,
médecin personnel de Ben Johnson, a indiqué, mercredi 28 septembre, qu’il lui avait
prescrit des corticostéroïdes en mai dernier,
lorsque le sprinter s’était blessé pour la
seconde fois à la jambe gauche...” (Le
Monde, 30 septembre 1988.)
Du côté des médecins
En 1989, c’est au tour de l’Allemand Dietrich
Thurau, en 1993 et en 1995, du français
Erwann Menthéour (auteur de “Secret
défonce, ma vérité sur le dopage”, édition
J. Cl. Lattès) de parler de la règle des injections de corticoïdes dans leur discipline sportive. Et les médecins d’argumenter : “Aucun
ennui majeur n’a été rapporté.” Dr Gérard
Porte (France). “Le dopage par amphétamines
a été remplacé, pour quelques-uns, par l’utilisation des corticoïdes. Les effets secondaires
de ceux-ci ne laissent pourtant pas supposer
qu’ils puissent être de quelque utilité dans le
sport : atteinte de la muqueuse gastrique,
amyotrophie, réduction des défenses naturelles
de l’organisme. Pourtant, ils sont utilisés
depuis près de vingt ans et cette durée prouve
que les sujets concernés y trouvent une certaine efficacité. En fait, les organismes qui font
200 km/jour quelles que soient les conditions
atmosphériques présentent forcément une
petite inflammation “physiologique” au
niveau de l’appareil locomoteur : genoux,
muscles des membres inférieurs notamment.
L’effet anti-inflammatoire puissant des corticoïdes agit à ce niveau et les coureurs disent
en effet mieux récupérer. De plus, s’ajoute un
effet euphorisant qui, sans atteindre celui des
amphétamines, est non négligeable. Étant
donné les 4 500 à 7 000 calories dépensées
par jour, les effets secondaires immédiats
n’apparaissent pas, notamment l’amyotrophie
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largement compensée par le travail musculaire quotidien. Il n’est pas question d’excuser
les tricheurs, mais nous pensons que les doses
utilisées risquent moins de créer de problèmes
à des sujets jeunes et en bonne santé que des
doses moindres prescrites à des personnes
âgées, totalement sédentaires et présentant des
polypathologies. Le souci se situerait plus à
long terme, bien qu’à ce jour aucun ennui
majeur n’ait été rapporté. Mais on ne peut
s’empêcher de souligner ce problème lorsque
l’on constate d’une part que quelques carrières sont de plus en plus courtes, et que
d’autre part certains cyclistes présentent une
forme physique très fluctuante d’une année
sur l’autre. Et personne n’a jamais trouvé non
plus la réponse à tous les ennuis micro-traumatiques qui perturbent parfois l’engagement
des coureurs dans leur carrière.” (Dr Gérard
Porte, médecin chef du Tour de France, Le
Quotidien du Médecin, 18 juillet 1990.)
1991 – Corticoïdes et anabolisants : “Aussi
différents que des pommes et des oranges.”
Dr Robert Voy (États-Unis) – Les corticoïdes sont également appelés glucostéroïdes
ou corticostéroïdes, ce dernier terme ne doit
pas être confondu, comme c’est parfois le cas,
même par des médecins du sport, avec les stéroïdes anabolisants.
Dans son ouvrage sur le dopage sportif, le Dr
Robert Voy, médecin du Comité olympique
américain de 1984 à 1989, aborde cette ambiguïté qui sert de temps en temps d’alibi à
quelques dopés : “Chacun doit comprendre
que lorsqu’on parle de stéroïdes dans le sport,
il s’agit principalement des stéroïdes anabolisants. Toutes les hormones sont, en termes
biochimiques, des stéroïdes. La cortisone, par
exemple, est un stéroïde. Cette dernière, ainsi
que ses dérivés sont communément utilisés
dans le sport pour réduire l’inflammation causée par une blessure. La cortisone est également recommandée dans les suites d’une
intervention chirurgicale. Mais elle est un
catabolisant, c’est-à-dire qu’elle peut causer la
destruction des muscles et leur affaiblissement
quand elle est consommée sur une longue
période. La cortisone n’a aucun effet sur
l’augmentation de la masse musculaire. Des
athlètes mal informés peuvent croire que,
quand un médecin leur prescrit un traitement
à la cortisone, ce dernier leur a donné un stéroïde anabolisant, mais ce n’est pas du tout le
cas. Ceux qui ont été contrôlés positifs aux
stéroïdes anabolisants androgéniques, aiment
croire, ou faire croire, que la cortisone est responsable de leur contrôle positif. Mais cette
excuse ne marche que pour les ignorants, car
après un examen médical minutieux, les stéroïdes catabolisants (cortisone et dérivés) et
les stéroïdes anabolisants sont aussi différents
que des pommes et des oranges.” (Voy R. et
Deeter K.D. Substances dopantes, compétitions sportives et règlements [en anglais].
Champaign [États-Unis], Leisure Press,
1991 : 14-15, 227 p).
1998 – Cyclisme : “Pour des raisons thérapeutiques.” Dr Armand Mégret (France).
Le 11 septembre 1998, Le Monde a révélé que
le Dr Armand Mégret, nommé le 8 septembre
dernier membre du groupe de travail chargé
de réfléchir aux “pratiques déviantes” des
médecins du sport, avait prescrit des substances interdites à un coureur avant le départ
du Tour de France 1997. Ce praticien bien
connu du milieu sportif et notamment cycliste
– il a été longtemps responsable du suivi
médical des différentes équipes dirigées par
Cyrille Guimard – mais aussi depuis deux ans
médecin fédéral national de la Fédération
Française de Cyclisme (FFC) et, à ce titre, inspirateur du suivi biologique longitudinal –
assume complètement la prescription en cause
: “Il ne s’agit pas d’un acte de dopage. L’état
de mon patient justifiait la prise pour des raisons thérapeutiques (une bronchite) de ces
produits (Diprostène® injectable et Décadron®
comprimés : tous les deux appartiennent à la
famille des corticoïdes, médicaments absorbés par voie générale et donc prohibés en
compétition) lesquels sont d’ailleurs généralement prescrits par les ORL sur des patients
atteints de sinusites aiguës.” Rappelons que
les corticoïdes, qu’ils soient pris par voie
générale ou par infiltration, sont très appréciés
par les sportifs en raison de leurs différents
effets dopants. À la fois recherchés comme
stimulant la volonté de pousser le corps au
maximum – en tant qu’euphorisant et antifatigue permettant aux cyclistes de tirer des braquets plus gros et de ne pas sentir les pavés –
mais aussi comme antistress et anti-inflammatoire. Certains consommateurs avouent être
“capables de grimper les cols en sifflant”.
Autre avantage considérable : ils sont indécelables et ce depuis vingt ans avec leur première inscription sur la liste rouge de l’Union
Cycliste Internationale (UCI) en 1978.
Rappelons que lors du dernier Tour de France,
l’inventaire des valises et des véhicules d’assistance, en dehors de l’EPO et des hormones
de croissance trouvées dans la voiture Festina,
montrait la présence quasi constante de corticoïdes en comprimés, injections et sprays,
alors que les tests urinaires étaient tous négatifs. Dans leur utilisation en médecine sportive, il faut bien comprendre, et ce n’est pas forcément facile pour le grand public, que l’athlète victime d’une pathologie inflammatoire
peut suivre un traitement à base de corticoïdes
à la condition expresse que, pendant la durée
des soins, il s’abstienne de participer à une
Le Courrier des addictions (4), n° 2, avril/mai/juin 2002
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1997, l’affaire du Dr Wim Sanders
(Hollande) ex-PDM,
prescripteur de cortisone
“L’affaire PDM continue de défrayer la chronique aux Pays-Bas, plus de six ans après
l’intoxication collective dont les coureurs de
cette équipe avaient été victimes dans le Tour
1991, apparemment après avoir absorbé un
intralipide➘ (alimentation énergétique
parentérale) mal conservé. Le Dr Wim
Sanders, médecin de l’équipe PDM à
l’époque, vient d’être jugé pour une affaire
de fisc qui a fait indirectement rebondir les
présomptions de dopage qui pèsent sur lui.
En effet, au cours de la perquisition à son
cabinet, les dossiers de sa clientèle ont été
saisis, attestant qu’il prescrivait EPO, cortisone et autres produits prohibés. Plusieurs
sportifs, cyclistes, patineurs ou autres, figurent parmi la clientèle du Dr Sanders.”
(L’Équipe, 29 novembre 1997.)
compétition. Les sportifs et les praticiens qui
les traitent ont du mal à admettre cette règle.
Ainsi, le coureur ayant mis en cause Armand
Mégret a bien précisé l’enjeu de sa consultation : “Je souffrais d’une bronchite que je ne
parvenais pas à soigner aux antibiotiques et
pour le départ du Tour je devais absolument
être guéri. Rester à la maison en juillet, c’était
inimaginable.”
En revanche, le texte du code des courses hippiques édicté par la Société d’Encou-ragement de la race chevaline est beaucoup plus
cohérent. Un pur-sang malade ou blessé ne
peut pas courir. Pendant la période d’arrêt
nécessaire à son état, il peut recevoir tous les
traitements médicaux adaptés à sa pathologie
sauf, bien sûr, les dopants de l’entraînement
tels que les hormones anabolisantes. Pour
l’homme, le prince Alexandre de Mérode a
rappelé dernièrement dans les colonnes du
Figaro (édition du 17 août) la définition du
dopage : “Au CIO, nous avons construit notre
système sur trois principes fondamentaux : la
protection de la santé de l’athlète, la défense
de l’éthique médicale et de l’éthique sportive.”
Par rapport à la santé du sportif et à l’éthique
médicale, tout le problème est de savoir si
pédaler à plus de 40 km/h quotidiennement
pendant plusieurs jours avec une bronchite
traitée aux corticoïdes est vraiment bon pour
l’organisme. Les médecins impliqués dans les
groupes professionnels ont du mal à s’opposer
aux impératifs de rendement de l’entourage
technico-commercial du sportif. De même, ils
ont du mal à comprendre, et cela d’autant plus
que cette pratique n’est toujours pas considérée comme illicite par les textes officiels, que
de faire une infiltration avec un corticoïde ou
un anesthésique à un genou qui ne veut plus
pédaler en raison d’une tendinite et qui manifeste son désaccord par une douleur, définit
parfaitement le dopage.
En clair, la méthode des piqûres consiste à
pousser le corps au-delà de ses aptitudes du
moment. Et bien, pour le Dr A. Mégret, ce
n’est pas contraire à la santé des sportifs et à
l’éthique médicale. C’est en tout cas ce qu’il
déclare : “J’ai même fait des infiltrations à des
coureurs durant le Tour, parce que leur santé
l’exigeait. Cela n’a rien à voir avec le dopage
auquel on assiste depuis quelques années.” En
contradiction avec le praticien de la FFC
appartenant au groupe de travail “Médecine du
sport et lutte antidopage”, de nombreuses voix
s’élèvent pour stigmatiser cette dérive. Déjà en
1980, dans sa biographie, Cyrille Guimard –
l’ex-employeur du Dr A. Mégret – rappelait :
“La grande erreur fut, pendant le Tour 1972, de
me faire subir des infiltrations au lieu de
m’obliger à abandonner car c’est dans les
toutes dernières étapes que j’ai courues que se
sont créées, au niveau des tendons, des lésions
et des traumatismes irréversibles”. De son
côté, l’entraîneur de football de l’AJ Auxerre,
Guy Roux, confirmait en 1990 que : “La pratique des infiltrations était un leurre :
Vercruysse, Pelé, Stojkovic ont payé les
piqûres qui leur ont été faites pour pouvoir
jouer en coupe d’Europe. Ça ne pardonne pas.”
De nombreux exemples confirment que cette
pratique est régulièrement vouée à l’échec.
Ainsi, ce hurdler français victime de problèmes aux adducteurs ayant subi 11 infiltrations par le staff médical tricolore et qui doit
stopper en demi-finale olympique en 1988. Il
doit attendre plusieurs mois avant de fouler à
nouveau les pistes. Autre ratage célèbre : le 12
juillet dernier, en passant à travers sa finale
contre la France, l’attaquant brésilien Ronaldo,
apparaît comme une énième victime des infiltrations. Souffrant des genoux depuis le début
du mondial, le corps médical de la Selesao, lui
faisait régulièrement des infiltrations pour
pouvoir jouer malgré son handicap. On a vu le
résultat, surtout le lendemain de la finale lorsqu’il descendait péniblement la passerelle de
l’avion qui le ramenait au pays. Dans le cas de
Ronaldo, ses genoux refusaient de jouer mais
son entourage le voulait sur le terrain. Alors, on
injecte et peu importe l’avenir immédiat ou à
long terme des articulations rétives.
Y-a-t-il une différence entre prendre des
amphétamines afin de stimuler le corps fatigué
à aller plus loin et la méthode des infiltrations
? Aucune. Dans les deux situations, on pousse
l’organisme au-delà de ses aptitudes, qu’elles
soient physiologiques ou mécaniques, et on
l’expose à des risques aggravés.
Tant que les médecins du sport n’auront pas
compris que vouloir remettre sur pied, coûte
que coûte – notamment au moyen d’infiltrations – un sportif handicapé par une tendinite,
et surtout un cycliste dans une course à étapes,
s’apparente sans conteste au dopage, on ne
peut que douter d’un prochain abandon des
“soins” de toute nature des médecins d’équipe.
Face à ce comportement apparemment très
répandu au sein du milieu médico-sportif, il
faut souhaiter que la commission “Médecine
1999, l’Américain Lance Armstrong blanchi pour raisons médicales
“L’Américain Lance Armstrong, actuel maillot jaune du Tour de France, était soupçonné
depuis deux jours d’avoir subi, le 4 juillet, un contrôle positif à un corticoïde de synthèse, la triamcinolone acétonide, qui ne peut être sécrétée naturellement. Ayant fourni
une justification médicale, il n’aurait pas été déclaré positif.” Or, il faut svoir que les
laboratoires ne sont pas capables de différencier les corticoïdes sécrétés par les glandes
surrénales de leurs copies conformes fabriquées par les chimistes. De plus, et ce qui complique la compréhension des choses, il existe aussi une deuxième catégorie de corticoïdes
dits dérivés de synthèse (fabriqués artificiellement) et pour lesquels on a modifié la
structure chimique afin de renforcer leurs propriétés anti-inflammatoires, ce qui les rend
sur le plan analytique, différents du cortisol et de la cortisone. Ces corticoïdes de synthèse – ce qui a été annoncé au départ du Tour – sont dorénavant repérables dans les
urines. En conséquence, si les analyses d’Armstrong ont montré la présence, même à
l’état de traces, de corticoïdes de synthèse tel que la triamcinolone acétonide, qui répétonsle ne peut en aucune circonstance apparaître naturellement dans le corps humain, il faut
qu’obligatoirement le leader de l’US Postal en ait consommée.
Dans cette situation, soit il y a une ordonnance médicale justifiant le médicament
pour un problème thérapeutique et la procédure s’arrête là, soit le coureur n’a pas
de sésame et il est jugé “positif ” et donc condamnable selon la réglementation de
l’Union cycliste internationale (UCI). C’est ce qu’a rappelé dans un raccourci
imagé le docteur néerlandais Leon Schattenberg, membre de la commission antidopage de l’UCI : “C’est noir ou blanc avec les corticoïdes.” Armstrong aurait reconnu hier avoir utilisé une pommade aux corticoïdes de synthèse pour soigner une
inflammation au niveau de l’entrejambe (pommade que l’on peut repérer dans les
urines).” (de Mondenard J.P. La rumeur dans l’éprouvette. Le Figaro 1999 ;
n° 17 088, 22 juillet, p 12.)
du sport et lutte antidopage” clarifie enfin les
choses. (de Mondenard J.P. Les “pratiques
déviantes” des médecins du sport. In :
Dopage, l’imposture des performances. Paris :
éd. Chiron, 2000 : 195-7, 287 p.)
2000 – TDF – 29 % des coursiers “carburent” aux corticoïdes.
“Les analyses pratiquées par le laboratoire
national de dépistage du dopage de
Châtenay-Malabry nous révèlent la présence
de produits dopants dans 45 % des prélèvements urinaires’, écrit le président du Conseil
français de Prévention et de Lutte contre le
Dopage (CPLD), Michel Boyon.
Pour cette autorité administrative indépendante instituée par la loi antidopage de 1999, ‘la
présence de corticostéroïdes – qui ont pour
effet de reculer les limites de la fatigue et de
soulager la douleur, tout en développant un état
d’euphorie – a été décelée dans 28 cas (29,2
%). Celle de salbutamol ou de terbutaline (stimulants augmentant les capacités respiratoires
et ayant des effets anabolisants) a été révélée
dans 10 cas (10,5 %). La présence conjointe de
corticostéroïdes et de salbutamol a été constatée dans 5 cas (5,2 %)’.
Les 96 contrôles ont été réalisés sur 71 coureurs. Cette révélation dénote ‘un nombre
inquiétant de cas’ pour Daniel Baal, président
de la Fédération française de cyclisme (FFC).
Il a souligné les différences d’appréciation,
concernant les justificatifs thérapeutiques
fournis par les médecins traitants, entre les
règlements de l’Union Cycliste Internationale
et la loi française contre le dopage, qui précise
l’utilisation de ces justificatifs dans la liste des
substances interdites. (Le Matin (Suisse), avec
AFP, 09 août 2000.)
Le CPLD cesse alors les poursuites engagées
contre 35 coureurs et explique dans un communiqué que ses investigations avaient montré
83
que la majorité des coureurs avaient des ordonnances pour ces médicaments. Les contrôles
effectués lors de la Grande Boucle avaient
révélé chez 35 concurrents la présence de salbutamol, de terbutaline et de corticostéroïdes.
Mais le Conseil ajoute néanmoins avoir décelé
de ‘graves insuffisances’ dans les règles
actuelles et souhaite que ‘les autorités compétentes étudient dans les meilleurs délais une
révision de la réglementation internationale
applicable à l’ensemble des disciplines sportives’ pour les deux catégories de médicaments concernées. Dans de nombreux cas,
a déploré le Conseil, les justifications données n’établissaient pas que le ‘sportif est
réellement atteint d’un asthme ou d’un
asthme d’effort suffisamment caractérisé
pour justifier un usage régulier de ces substances’, de salbutamol ou de terbutaline,
utilisés contre les troubles respiratoires. Dans
les cas des coureurs qui avaient consommé
des corticostéroïdes, utilisés contre la douleur, le conseil note que les prescriptions
médicales ‘qui ne sont pas étayées de justifications suffisantes apparaissent douteuses.”
(Associated Press, 15 juin 2001.)
Du côté de la Réglementation :
le problème de la détection
biologique
• 1966 – Décret n° 66-373 du 10 juin 1966
de la loi française du 1er juin 1965
Il précise quelles sont les substances destinées à accroître artificiellement et passagèrement les possibilités sportives et qui, par
conséquent, sont interdites dans le cadre
des compétitions sportives.
1. “Substances vénéneuses visées à l’article
R 5.149 du Code de la Santé Publique,
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c’est-à-dire toutes les spécialités inscrites
aux tableaux A, B et C : tableau A : toxique
(corticothérapie par voie générale).”
• Listes Union cycliste internatio-nale
(UCI)
Les corticostéroïdes sont interdits et émargent au groupe 7 : hormones et hormonoïdes.
1968 – Liste A et B
Cet organisme distingue deux listes A et B.
Les hormones et hormonoïdes figurent
dans la liste B. Tous les produits inscrits sur
la liste A sont totalement interdits alors que
ceux du groupe B ne le sont qu’en dehors
d’une prescription médicale. Pour justifier
l’emploi de ces médicaments, le coureur
devra présenter, avant le contrôle antidopage,
un certificat médical récent et écrit mentionnant la thérapeutique en cours. La commission médicale (UCI ou Fédération française de cyclisme) se réserve le droit d’interpréter le résultat des analyses, faites
dans un des laboratoires agréés, concernant
ces produits et de tenir compte ou non du
certificat médical introduit.
1970 – Hormones et hormonoïdes exit de
la liste
Les hormones telles que corticostéroïdes,
anabolisants et hormone de croissance, disparaissent de la liste des substances prohibées,
étant donné les grandes difficultés de dosage
auxquelles leur contrôle donnerait lieu. Ceci
ne signifie nullement que leur usage n’est ni
nocif ni ne puisse être considéré comme un
dopage. Mais la commission médicale de
l’UCI suit comme règle de n’interdire que des
produits ou procédés décelables.
1978 – Liste UCI
Première apparition individualisée des corticostéroïdes
• Liste Comité international olympique
(CIO) : restreindre leur usage
Depuis 1975, la commission médicale du
CIO s’est efforcée de restreindre leur
usage pendant les Jeux olympiques en exigeant une déclaration des médecins
d’équipe. Il est en effet patent que les corticostéroïdes sont utilisés dans un but non
thérapeutique dans certains sports, par
voie orale, intramusculaire ou même par
voie intraveineuse.
1984 – Jeux olympiques de Los Angeles
Corticostéroïdes : ces hormones se trouvent également à l’état naturel dans le
corps humain, donc à l’état endogène, et
peuvent également être administrées par
voies médicamenteuses exogènes.
Contrairement à ce qui s’est passé avec la
testostérone, la différentiation des substances endogènes et des substances exo-
gènes n’a pas encore été possible en laboratoire mais les recherches sont arrivées à
un point où il sera possible de la réaliser
dans un avenir probablement proche. Ces
substances ne sont donc pas reprises dans
la liste des substances prohibées par la CMCIO. Cette liste doit être faite trois ans
avant les Jeux olympiques afin de permettre aux laboratoires accrédités de
prendre toutes les mesures nécessaires.
Cependant, vu les graves dangers de la
prise de corticostéroïdes, la CM-CIO met
en garde les athlètes contre cette pratique
qu’elle condamne de la façon la plus formelle. (Dirix A. Guide médical des Jeux de
Los Angeles. Lausanne : éd. CIO, 1984 :
13-4, 47 p.)
1987-1991 – Listes CIO et UCI : classe
des substances soumises à certaines restrictions
Les corticostéroïdes naturels ou synthétiques sont utilisés avant tout comme des
substances anti-inflammatoires qui soulagent aussi la douleur. Ils influencent également les concentrations de corticostéroïdes
naturels en circulation dans le corps. Ils
entraînent une certaine euphorie et ont de
tels effets secondaires que leur usage médical, sauf en application locale, exige une
surveillance médicale. À l’heure actuelle, il
n’est toujours pas possible de faire la différence entre l’hormone naturelle administrée par voie médicamenteuse et celle qui
est sécrétée normalement par les propres
glandes surrénales du sujet. À l’inverse de la
testostérone, on n’a pas pu établir un seuil
légal au-delà duquel le dopage est certain. En
conséquence, les préparations à base de corticoïdes font partie depuis 1987, tant pour la
liste du CIO que de l’UCI, d’une classification spéciale intitulée : “Substances soumises
à certaines restrictions”.
L’utilisation de corticostéroïdes est interdite, à
l’exception de leur utilisation en application locale (voie auriculaire, ophtalmologique ou dermatologique, en inhalations
(asthme, rhinites allergiques), ainsi qu’en
injections locales ou intra-articulaires. Tout
médecin d’équipe désirant administrer des
corticostéroïdes à un concurrent par voie
intra-articulaire ou en application locale
doit en informer par écrit la commission
médicale du CIO ou de l’UCI.
• Listes CIO, UCI et loi française
Depuis 1975, la commission médicale du
CIO s’est efforcée de restreindre l’usage
des corticostéroïdes pendant les compétitions en exigeant une déclaration des médecins. Il est en effet patent que ces produits
sont utilisés dans un but non thérapeutique
dans certains sports, par voie orale, rectale,
Le Courrier des addictions (4), n° 2, avril/mai/juin 2002
84
En 1999, désormais détectables
Les corticoïdes interdits par la réglementation de l’Union cycliste internationale
(UCI), seront décelables à l’occasion du
86e Tour de France qui débute le 3 juillet
au Puy-du-Fou. Il s’agit d’une importante nouveauté. “Cela date d’une semaine à
peine”, déclarait alors Hein Verbruggen,
le président néerlandais de l’UCI, à
l’Associated Press.
Cette année-là, le laboratoire national de
dépistage du dopage (LNDD) donne état
des recherches concernant l’identification des corticoïdes, naturels et synthétiques !
• Corticoïdes de synthèse (dexaméthasone,
prednisolone, etc.)
La seule méthode pour identifier ce type de
composés est la chromatographie liquide
couplée à la spectrométrie de masse. Des
instruments de ce type présentant une fiabilité suffisante et adaptés à un fonctionnement de routine n’ont été commercialisés
que depuis 1996. Ce n’est donc que récemment que le LNDD a pu opérer une diversification analytique pour aborder la problématique des corticoïdes de synthèse et développer des méthodes de détection et d’identification de ces substances dans l’urine.
Cette technique a été appliquée, dans un
cadre préventif, pour le Tour de France 1999
avec l’accord de l’UCI et la déclaration des
cas ‘positifs’ figurait en annexe des rapports
d’analyses antidopage classiques.
• Corticoïdes naturels (cortisol, cortisone)
À l’instar de ce qui a été mis en œuvre
récemment pour la testostérone, l’usage illicite des corticoïdes naturels pourrait être
révélé par l’analyse isotopique du carbone.
La faisabilité de cette approche isotopique a
été confirmée en 1998/1999 dans le cadre
de travaux entrepris par le LNDD en collaboration avec le service central d’analyse du
CNRS de Vernaison. La technique a été
implantée au LNDD... Il est donc prévu
d’appliquer cette technique tout d’abord
dans un cadre préventif comme pour les corticoïdes de synthèse puis de la généraliser
dans le cadre répressif.” (D’après une note
d’information du LNDD, octobre 1999.)
intramusculaire ou même par voie intraveineuse. Malheureusement, cette réglementation n’a que peu de portée dans la mesure
où il n’a pas encore été possible d’établir
un seuil de positivité permettant de différencier une sécrétion naturelle d’un apport
exogène. Malgré cette impuissance chronique à démasquer les contrevenants, la
France, avec l’arrêté du 7 octobre 1994,
interdit formellement l’utilisation des corticoïdes par voie générale. Pour être complet,
il faut rappeler qu’il a été possible d’établir
un seuil de positivité pour les courses de
chevaux (hippisme et compétitions
équestres). Ainsi, l’hydrocortisone (cortisol) ne doit pas dépasser un microgramme
par millilitre d’urine.
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F ocus ocus
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2002 – Listes CIO, UCI, loi française
Les corticostéroïdes font partie de la classe D
des substances soumises à certaines restrictions : “L’administration des corticostéroïdes
par voie orale, par voie rectale et par injection
systémique, est interdite. L’admi-nistration par
inhalation et par voies anale, auriculaire, dermatologique, nasale et ophtalmologique n’est
pas interdite. Les injections locales et intraarticulaires de corticostéroïdes ne sont pas
interdites mais, lorsque le règlement d’une
autorité responsable le prévoit, une notification peut s’avérer nécessaire.”
Malgré la détection récente des corticostéroïdes naturels et synthétiques, un problème
majeur demeure puisqu’il est toujours impossible de différencier la voie d’administration
entre un traitement local autorisé et un apport
oral ou systémique interdits. Pour contourner
la règle, il suffit de raconter, muni d’une
ordonnance, que l’on a subi une injection périarticulaire pour une tendinite alors qu’en réalité on s’est fait faire une intramusculaire !
Références bibliographiques
Neuf malades de cancer du poumon sur
10 sont des fumeurs
Brèv
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L’étude dite KBP 2000, une grande enquête épidémiologique française sur le cancer du poumon, présentée au cours
d’une conférence de presse organisée par les Laboratoires BristolMyers-Squibb, confirme la corrélation indiscutable entre le tabagisme
(présent ou ancien) et le cancer du poumon. En un an, 5 667 nouveaux
cas ont été enregistrés dans 148 services de pneumologie qui collaborent à ce travail, soit un quart environ de l’incidence annuelle. Les
patients ont entre 27 et 96 ans, 33 % ayant plus de 70 ans, 15 % moins
de 50 ans et 1,6 % moins de 40. Quanrante pour cent des patients sont
d’anciens fumeurs (parmi lesquels, 4 sur 10 ont cessé de fumer depuis
plus de 10 ans !) et 52 % des fumeurs actifs.
On note, d’une part, une incidence croissante chez les plus de 70 ans
(avec un sous-diagnostic chez les plus âgés), les moins de 40 ans et les
femmes, d’autre part, une augmentation du nombre des adénocarcinomes (surtout chez les femmes).
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ambulante, magasins traditionnels…). Sur 100
litres de bière consommés, 32 % le sont hors
domicile, 68 % au domicile (dont 59 % en volume par achats en hyper ou supermarchés et 9 %
dans les magasins traditionnels et les ventes ambulantes).
Toutefois, cette consommation de bière des Français reste l’une des
plus faibles d’Europe. trois groupes européens se partagent le marché
français : Scottish & Newcastle, dont la marque Kronenbourg (43 %),
Heineken (28 %) et Interbrew (9 %).
Le 31 mai, côté Nicopatch
Les Laboratoires Pierre fabre Santé ont décidé d’offrir aux
fumeurs, pour la Journée mondiale sans tabac, un coffret d’aide au
sevrage tabagique Nicopatch, destiné aux professionnels de la santé
qui le remettront à leurs patients fumeurs. En plus du test de dépendance nicotinique (test de Fagerström), il contient une brochure d’information et une vidéo dont le but est de conforter le fumeur dans
sa décision et de l’accompagner dans sa démarche. Ils rappelent aussi
à cette occasion qu’ils se sont associés au réseau de 2 200 médecins
affiliés à l’association Tabac et Liberté, et qu’ils proposent à tous
publics les services de leur site internet, www.nicopatch.com
Contact Tabac et Liberté : Drs J. Daver et E. André, 36, rue Alsace-Lorraine,
31000 Toulouse.Tél. : 05 61 22 61 55.
www.tabac-liberte.com
Groupe Biomérieux Pierre Fabre : 26, avenue du Sidobre, 81106 Castres
Cedex.Tél. : 05 63 51 68 00. F.A.R.
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Brè ves
La consommation de vin baisse, celle de bière se maintient
Alors que la consommation de vin a baissé de 43,6 % entre 1970 et
1999 (passant de 160 litres par an et par adulte à 90,3 litres), celle de
bière n’a chuté, elle, que de 18,5 % (passant de 62,2 litres par adulte
et par an à 50,7). Sur 100 euros de bière achetée, 69% concernent la
consommation hors domicile, 31% la consommation au domicile,
(27 % par achats en super ou hypermarchés, 4 % par achats en vente
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