Carcinome épidermoïde de la vessie
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Carcinome épidermoïde de la vessie
ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329 Carcinome épidermoïde de la vessie Arnaud DESGRIPPES (1) , Paul MERIA (2) , Ariane CORTESSE (1), Béatrice COCHAND-PRIOLLET Gérard CARIOU (1) (1) Hôpital (3), des Diaconesses, (2) Hôpital Saint-Louis, (3) Hôpital Lariboisière, Paris, France RAPPEL HISTOLOGIQUE RESUME Le carcinome épidermoïde doit être distingué du carcinome transitionnel à inflexion épidermoïde (10% des carcinomes à cellules transitionnelles) dans la mesure où il ne comporte aucun contingent transitionnel [116]. La différenciation épidermoïde est variable, en général associée à une importante kératinisation (Figures 1 et 2). Le carcinome épidermoïde vésical est une tumeur rare, qui demeure méconnue dans les pays occidentaux, contrastant avec une incidence élevée au Moyen-Orient et en Afrique de l'est. Son sex ratio est équilibré et la population noire semble préférentiellement atteinte. L'histologie montre ainsi des granules de kératohyaline, des ponts intercellulaires, et des cellules comprenant une masse centrale de kératine appelées perles [26, 116]. Plusieurs théories de carcinogénèse récentes éclairent la physiopathologie de cette tumeur. Ses facteurs de risque regroupent essentiellement la bilharziose urinaire et les facteurs mécaniques et chimiques irritatifs vésicaux. EPIDEMIOLOGIE Les carcinomes épidermoïdes représentent 4 à 6% des tumeurs vésicales observées dans les pays occidentaux [58]. Ce cancer, fréquent dans toute d'Afrique de l'Est et au Moyen-Orient où il représente 66% à 77% des tumeurs de vessie observées [23, 27, 30, 31, 47- 49, 51, 55, 64, 101, 112], demeure le premier cancer masculin en Egypte [35, 36, 46]. Son diagnostic, souvent tardif, peut être facilité par un suivi strict des patients à risques. Une prévention semble possible chez ces patients. Son pronostic, traditionnellement mauvais, dépend essentiellement du stade et du grade tumoral. Son traitement est chirurgical, dominé par la cystectomie radicale, avec une réelle efficacité thérapeutique. Les places respectives de la chimiothérapie et de la radiothérapie demeurent en évaluation. On note une légère prédominance masculine avec, selon les séries, entre 31,5% et 74% d'hommes atteints [18, 46, 48, 58, 81, 88, 92, 93]. Son sex ratio équilibré contraste avec le taux de 4 hommes pour une femme observé communément dans les tumeurs transitionnelles [58]. Mots clés : Carcinome épidermoïde, cancer de vessie, vessie. Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329. Les sujets de race noire semblent plus fréquemment atteints. Les carcinomes épidermoïdes vésicaux représentent entre 10,7% et 15% des cancers de vessie dans la population noire contre 2,4 à 5% dans la population blanche [6, 19, 25, 97]. Selon certaines séries, 71 à 78% des patients atteints sont de race noire [92, 97]. Rare dans les pays occidentaux où le carcinome à cellules transitionnelles est le cancer de vessie le plus fréquent, le carcinome épidermoïde, premier cancer en Egypte, est un véritable problème de santé publique au Moyen-Orient et en Afrique de l'Est. Sa présentation clinique originale est marquée par le caractère habituellement unique de la lésion (73%-80% des cas), son caractère invasif dès le diagnostic tumoral, l'existence dans 40% des cas d'une obstruction urétérale associée [58, 81]. PHYSIOPATHOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE Le mécanisme pouvant mener au développement d'un carcinome épidermoïde a été initialement proposé par MOSTOFI [72], qui a mis en évidence une réponse de La connaissance de sa carcinogénèse et de ses facteurs de risques autorisent un diagnostic plus précoce qui doit favoriser l'amélioration de son pronostic. Manuscrit reçu : décembre 1997, accepté : février 1998. Une revue de la littérature permet de faire le point sur ce cancer peu fréquent en pathologie courante Adresse pour correspondance : Dr. A. Desgrippes, Service d’Urologie, Hôpital Ambroise Paré, 9, avenue Charles de Gaulle, 92100 Boulogne. 321 A. Desgrippes, Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329 Si ces lésions sont considérées comme fréquentes chez des patients soumis à des facteurs irritatifs vésicaux répétés, leur rôle dans la carcinogénèse du carcinome épidermoïde vésical est discuté. Figure 1. Carcinome épidermoïde de vessie. Grossissement oculaire 10. La flèche indique un îlot tumoral situé au sein de la musculeuse. Certaines fibres musculaires apparaissent dis séquées par cet îlot. La métaplasie épidermoïde est favorisée par le drainage urinaire continu et par les infections urinaires chroniques. Ces dernières entraînent dans 84% à 92% des cas la survenue d'une métaplasie épidermoïde [78, 80, 95, 123]. En l'absence de tout drainage urinaire, la lésion n'est mise en évidence que dans 20% des cas. Ce chiffre augmente avec la durée du drainage pour atteindre 80% au delà de 10 ans [61]. LASKOWSKI et SCOTT [66] notent 100% de métaplasies épidermoïdes chez leurs patients porteurs d'une cystostomie permanente. Selon K AUFMAN [61], 10% des métaplasies épidermoïdes vont dégénérer en carcinome épidermoïde. RICHIE [88] et RUNDLE [93] mettent en évidence la présence de métaplasie épidermoïde chez 30% des patients porteurs d'un carcinome épidermoïde de la vessie. La présence dans 3% des carcinomes transitionnels vésicaux "d'îlots" de carcinomes épidermoïdes s'expliquerait par l'association fréquente de la métaplasie épidermoïde et du carcinome urothélial [96]. Le carcinome épidermoïde est présent chez 20% à 25% des patients porteurs d'une leucoplakie [17, 76], de nombreux auteurs considérant cette lésion comme précancéreuse [17, 22, 56, 59, 62, 76, 84, 93, 119]. Figure 2. Carcinome épidermoïde de vessie. Grossissement oculaire 25. Plage de cellules épithéliales tumorales présen tant une différenciation malpighienne et des phénomènes de kératinisation au sein d’un chorion remanié par des phéno mènes inflammatoires et fibreux. l'épithélium vésical aux facteurs liés à l’environnement et irritatifs vésicaux comprenant 3 étapes : prolifération cellulaire, métaplasie, néoplasie, avec progression et mutation cellulaire progressives [72]. Toutefois, le rôle étiologique des leucoplakies vésicales et des métaplasies épidermoïdes est remis en cause par plusieurs auteurs [88, 92, 93] du fait de leur absence dans de nombreux cas de carcinomes épidermoïdes. La présence d'une métaplasie épidermoïde et d'un carcinome épidermoïde, sur un même terrain privilégié de développement, chez un même patient, serait ainsi purement fortuite [78, 95, 123]. D'ailleurs JOHNSON [58], RUNDLE [93], et RICHIE [88] décrivent, sur pièces histologiques, le développement du carcinome épidermoïde vésical en zone d'épithélium sain, même en cas de présence concomitante d'une leucoplakie ou d'une métaplasie épidermoïde. Pour étayer cette théorie de progression dysplasique, chez des patients attei nts de bilharziose urinaire, CHAUDARY [16] a montré une surexpression des protéines bcl-2 et P53 commune à un épithélium métaplasique ou dysplasique et à un carcinome épidermoïde. L'auteur suggère l'apparition possible d'une dysrégulation de ces protéines en présence d'un épithélium altéré, pouvant mener au développement d'un carcinome épidermoïde. L'effet carcinogène des nitrosamines urinaires a été mis en avant par certains auteurs [7, 34, 42] qui proposent une autre théorie de développement tumoral. La catalyse bactérienne, induite par l'effet «nitrate reductase» de certaines bactéries Gram négatives, pourrait expliquer la transformation de nitrates en nitrites, puis en nitrosamines, provoquant une transformation maligne de l'épithélium vésical. Les infections urinaires chroniques pourraient ainsi être directement mises en cause. BÉJANY [8] incrimine les germes multirésistants favorisés par un drainage urinaire continu et des traitements antibiotiques répétés. L'étape intermédiaire de métaplasie épithéliale correspond à des lésions de métaplasies épidermoïdes, de leucoplakies ou malakoplakies, considérées comme précancéreuses [13, 17, 72, 75, 79, 84, 87]. 322 A. Desgrippes, Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329 De même, E L-MERZABANI [34] a décrit de nombreux précurseurs de nitrosamines dans les urines de patients bilharziens et insiste sur le rôle tenu par les bactéries «nitrate reductase» présentes chez ces patients. De plus l'alimentation des fermiers égyptiens , riche en nitrates utilisés comme engrais, favoriserait la synthèse in vivo de nitrosamines [34]. Les entéroplasties Le développement d'un carcinome épidermoïde a été décrit dans les entérocystoplasties d'agrandissement [42, 104]. La fréquence d'une infection urinaire chronique associée, la présence de bactéries issues de la flore fécale, susceptibles de se multiplier sur les lignes de suture, une radiothérapie complémentaire et des interventions répétées sont mises en avant [42, 103]. D'autres facteurs de risque sont établis et correspondent à une irritation chronique de l'urothélium vésical. Outre les infections urinaires chroniques, la présence de corps étrangers intra-vésicaux, les obstacles susceptibles d'entraîner une stagnation urinaire chronique, les vessies neurologiques, la radiothérapie et la bilharziose urinaire sont considérés comme des facteurs favorisants [8, 10, 61, 88, 94]. Le cyclophosphamide Le cyclophosphamide, absorbé dans la tube digestif, métabolisé par le foie, puis excrété dans les urines, est utilisé dans le traitement de tumeurs malignes et de maladies de système. La bilharziose urinaire Son rôle dans l'apparition de tumeurs vésicales à cellules transitionnelles et de carcinomes épidermoïdes semble bien établi [4, 20, 32, 39, 90, 106, 117, 121]. FERGUSON, dès 1911 [41], notait l'incidence élevée de cancers de vessie en zone d'endémie bilharzienne, les carcinomes épidermoïdes représentant 76% de ces tumeurs [30]. Il multiplie par 9 le risque d'apparition d'une tumeur vésicale [39]. 1,8% des patients ainsi traités vont développer une telle lésion [39]. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette carcinogénèse : Plusieurs facteurs semblent jouer un rôle prédictif important dans la survenue d'un carcinome épidermoïde chez ces patients : l'injection d'une dose totale de cyclophosphamide supérieure à 50 grammes, un traitement d'une durée supérieure à un an [106], la survenue d'une cystite hématurique réactionnelle [3, 108, 120]. L'irritation vésicale chronique et la fréquence des infections urinaires chroniques chez les patients bilharziens sont mises en avant [29, 30, 41]. De plus, les traumatismes répétés de l'urothélium vésical, du fait des passages d'oeufs bilharziens et des infections urinaires chroniques, pourraient diminuer l'efficacité de la barrière muqueuse dans sa capacité à réabsorber les nitrosamines produites, renforçant indirectement leur pouvoir carcinogène [30]. Le délai d'apparition d'une tumeur après un tel traitement varie de 9 mois à 12 ans [32, 106]. Les papillomavirus Enfin, l'altération des fonctions hépatiques chez les patients bilharziens, avec ses conséquences sur le métabolisme du tryptophane, est considérée comme cofacteur possible de carcinogénèse [1]. Le rôle étiologique des papillomavirus, incriminés par certains auteurs [77, 114, 125] dans la survenue des carcinomes épidermoïdes vésicaux, est discuté. Les papillomavirus HPV6 et HPV11 seraient susceptibles de dégénérer en lésions malignes [14, 70, 124], leur présence ayant été mise en évidence sur des pièces anatomo-pathologiques de carcinomes épidermoïdes vésicaux dans 30 à 80% des cas [5, 43, 60, 91]. Les vessies neurologiques Les patients ayant une vessie neurologique, notamment post-traumatique, associent de nombreux facteurs de risque : drainage urinaire permanent, infections urinaires chroniques [8, 10], présence fréquente de calculs vésicaux [68], résidu urinaire persistant [61, 68], diverticule vésical [109]. Tous concourent à une irritation vésicale mécanique et chimique chronique. Le mécanisme réel de carcinogénèse demeure méconnu, une mutation de la protéine P53 est incriminée [60]. Toutefois M ALONEY [70] n'a mis en évidence qu'un papillomavirus, de type HPV18 et estime que cette faible incidence ne permet pas de conclure sur le rôle étiologique de ce virus. L'incidence tumorale dans ce groupe de patients va de 0,3% à 10% [8, 61, 71], dont 25-100% de carcinomes épidermoïdes [8, 10, 12, 13, 61, 71, 88, 89]. Le risque relatif est de l'ordre de 16 à 28 si l'on compare à une population témoin [11, 57, 71]. Par ailleurs la proportion d'HPV DNA sur des biopsies vésicales, qu'il y ait ou non existence d'un processus tumoral, est équivalente [91]. Or l'exposition de la muqueuse vésicale au virus ne démontre pas l'implication de ce dernier dans la survenue d'un carcinome épidermoïde [91]. La moyenne du délai de survenue d'une telle tumeur chez ces patients est de 17 ans [10], avec des extrêmes de 5 à 42 ans [11, 71]. 323 A. Desgrippes, Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329 Enfin la distinction entre des lésions papillomateuses et un carcinome épidermoïde peut être difficile à faire sur l'histologie [21], pouvant ainsi conduire à une surévaluation de l'incidence de ces virus dans la carcinogénèse des carcinomes épidermoïdes vésicaux. plément utile dans le diagnostic tumoral et la surveillance des patients à risques est controversé : Les autres facteurs étiologiques Pour certains la sensibilité diagnostique de la cytologie urinaire varie de 71 à 100%, avec une spécificité de 97% [61, 75, 110, 129]. Dans ces conditions, une surveillance des sujets à risque par une cytologie annuelle peut être recommandée [68, 110]. SHEAFF [102] et K ENNEDY [63] incriminent la radiothérapie isolée comme facteur irritatif précarcinogène. Une cytologie positive ou douteuse doit faire réaliser des biopsies vésicales [68]. L'immunosuppression serait un facteur de risque dans la survenue d'un carcinome épidermoïde, notamment chez les patients ayant bénéficié d'une transplantation, rénale [24, 97, 105] ou cardiaque [107]. D'autres auteurs déconseillent la cytologie urinaire en pratique courante, dénonçant une sensibilité diagnostique insuffisante [8, 10, 13]. Ils avancent plusieurs explications : Le tabac joue probablement un rôle dans la survenue de ces lésions, même si son importance étiologique semble moindre, comparativement aux carcinomes à cellules transitionnelles : JONES [59], à propos de 51 patients atteints d'un carcinome épidermoïde, rapporte 31% de fumeurs. - la présence fréquente sinon constante dans ces groupes de patients d'infections urinaires et d'hématuries susceptibles de fausser la cytologie urinaire [33]. - la méconnaissance habituelle des tumeurs de bas grade par la cytologie urinaire. Or E L BOLKAINY [30], à propos de 798 carcinomes épidermoïdes, a mis en évidence 41,5% de tumeurs de grade 1, 37% de grade 2 et seulement 22% de grade 3. Le rôle promoteur du tabac [52, 65], par le biais du gène P53, est ainsi incriminé dans la carcinogénèse des carcinomes épidermoïdes [85]. - de plus la cytologie urinaire demeure une technique dont les résultats dépendent de l'opérateur [82]. DIAGNOSTIC Il n'existe pas de marqueur tumoral connu, mais CELIS [15] propose le dosage de la psoriasine, protéine de transport calcique, comme moyen de dépistage ou marqueur de surveillance de récidive tumorale. L'hématurie demeure le premier signe d'appel et existe dans 56 à 80% des cas [18, 40, 58, 81, 92-94]. Les troubles mictionnels, dominés par les signes irritatifs, sont présents chez 33 à 67% des patients [18, 40, 58, 81, 92, 93]. PREVENTION Il existe un fréquent retard au diagnostic tumoral initial, préjudiciable au pronostic [58, 59, 118]. En effet, les facteurs irritatifs vésicaux qui participent à la carcinogénèse tumorale sont eux-même sources d'hématuries, de signes irritatifs [59, 118] et d'infections urinaires [58], masquant ainsi les éléments cliniques susceptibles de faire évoquer un processus tumoral débutant. En cas de bilharziose, un traitement efficace pourrait diminuer l'incidence de survenue des carcinomes épidermoïdes. Ainsi, EL BOLKAINY [30] a mis en évidence 77% de carcinomes épidermoïdes en présence d'oeufs calcifiés de Schistosoma Haematobium contre 56% lorsqu’aucun oeuf n'est visible. La diminution du nombre de carcinomes épidermoïdes chez ces patients correctement traités et guéris après bilharziose urinaire plaide en faveur d'une possible prévention tumorale par le traitement anti-bilharzien. Un suivi très strict des patients à risque est préconisé par de nombreux auteurs, afin de permettre un diagnostic tumoral précoce [8, 13, 38, 39, 73, 106, 113]. Chez les patients traités par cyclophosphamide, une surveillance d'au moins 10 ans après initiation du traitement, comprenant, systématiquement, une cytologie des urines annuelle, semble nécessaire. En cas de vessie neurologique, plusieurs auteurs relèvent le rôle pathogène tenu par les drainages urinaires à demeure [68, 122]. A un tel mode de cathétérisme doit être préféré un cathétérisme intermittent ou l'élimination de tout drainage par la pratique d'une sphinctérotomie endoscopique ou d'une résection étendue du col vésical [8, 61]. Pour les patient porteurs d'une vessie neurologique depuis plus de 10 ans ou présentant une infection urinaire chronique, plusieurs auteurs recommandent la pratique d'une cytologie [13] et/ou d'une cystoscopie annuelles [13, 73], voire de biopsies vésicales systématiques annuelles ou tous les 2 ans [8, 38, 113]. Malheureusement cette pratique d'un drainage intermittent n'évite pas le développement d'un carcinome épidermoïde [10, 98, 130]. Les traumatismes et les bactériuries persistantes et Cependant le rôle de la cytologie urinaire comme com324 A. Desgrippes, Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329 inévitables secondaires aux cathétérismes répétés peuvent expliquer l'apparition de ces tumeurs [130]. de survie à 5 ans pour les lésions de bas grade, contre 25,8% et 21% pour les tumeurs de grade élevé. O'FLYNN et REDMAN [76, 86] recommandent la pratique d'une cystectomie radicale chez les patients porteurs d'une métaplasie épidermoïde ou d'une leucoplakie étendue. D'autres facteurs pronostiques ont été avancés : La délétion des antigènes de surface ABO(H) serait prédictive de l'évolution tumorale, notamment dans les lésions initialement de faible stade et de grade peu élevé, pouvant aider à poser une sanction chirurgicale précoce [53]. HISTOIRE NATURELLE ET PRONOSTIC TUMORAL La ploïdie semble également pouvoir jouer un rôle pronostique [99, 100]. L'histoire naturelle de cette tumeur est marquée par une évolution locale prédominante alors que l'extension métastatique est rare, contrairement à ce qui est observé dans les tumeurs à cellules transitionnelles [128]. La survie en l'absence de toute récidive est de 67% à 10 ans dans les lésions initialement diploïdes contre 18% pour les tumeurs aneuploïdes [126]. A 10 ans, le taux de décès spécifiques est évalué à 18% en cas de diploïdie initiale contre 86% pour une lésion aneuploïde. Selon WINCKLER [126], l'aneuploïdie est un facteur d'agressivité qui implique une approche thérapeutique en conséquence. Il n'est mis en évidence que 8 à 13% de métastases chez les patients porteurs d'une tumeur vésicale infiltrante de nature épidermoïde [8, 59, 93, 94, 111]. La fibrose de la paroi vésicale, sur laquelle se développent les carcinomes épidermoïdes chez les patients bilharziens, explique peut être ce type d'évolution [2, 28, 37]. Par ailleurs le grade souvent peu élevé de ces lésions encourage ce développement tumoral local prédominant [30]. Toutefois la corrélation habituellement observée entre la ploïdie, le stade et le grade tumoral peuvent faire douter de son utilité en tant que facteur pronostique indépendant [67]. Néanmoins le carcinome épidermoïde vésical est habituellement considéré comme une tumeur de mauvais pronostic. TRAITEMENT Chirurgie Le taux de survie à 1 an varie de 23 à 31% [9, 92, 93]. A 5 ans, la survie s'échelonne de 1,9% à 48% [18, 48, 58, 59, 74, 88, 93, 126], les variations extrêmes s'expliquant par la confusion des stades tumoraux et des traitements pratiqués. La survie à 10 ans est estimée à 20% [126]. La chirurgie, dominée par la cystectomie radicale, constitue le traitement de choix de ces lésions [40, 92]. Pour FAYSAL [40], seuls les patients qui ont bénéficié d'une cystectomie sont vivants à 5 ans. Le pronostic des carcinomes épidermoïdes après chirurgie semble équivalent voire meilleur que celui des carcinomes à cellules transitionnelles [127] avec des survies après cystectomie radicale de 33 à 48% à 5 ans et de 23% à 10 ans [47, 50, 88]. La mise en évidence de ces tumeurs à un stade initialement avancé peut expliquer leur mauvais pronostic : elles sont découvertes à un stade infiltrant dans 76 à 100 % des cas [58, 59, 73, 93, 94, 96, 99], avec envahissement prostatique ou urétral chez 36% des patients [8]. La cystectomie doit s'accompagner d'une lymphadénectomie [8, 47, 88] qui, même si son avantage en terme de survie n'est pas prouvé, permet une stadification tumorale. Le stade et le grade tumoral constituent les 2 facteurs pronostiques essentiels [58, 88, 93, 99]. GHONEIM [46, 47] a mis en évidence, sur 2 études, une survie pour les tumeurs superficielles de 54,3% et 43% à 5 ans contre 33,5% et 30% pour les tumeurs infiltrantes et FAYSAL [40] décrit, à 3 ans, une survie de 37% pour les tumeurs de stade AB, 13% pour les C, aucun survivant à un stade plus avancé. L'urétrectomie systématique est conseillée par BÉJANY [8] qui observe 40% de récidives urétrales après cystectomie. L'intérêt de la cystectomie partielle est controversé : Proposée par certains auteurs qui décrivent des survies à 5 ans de 50 et 35% [96, 115], FAYSAL [40] la déconseille, constatant 100% de récidives. De même SARMA [96] décrit une survie à 2 ans de 30% pour les lésions T2, 25% pour les T3, 5% pour les T4. La survie à 5 ans est de seulement 4% en cas d'envahissement ganglionnaire [54]. La place d'une radiothérapie pré-opératoire doit être discutée. GHONEIM [46, 47] a montré l'importance pronostique du grade tumoral, à propos de 2 séries, avec 52,3% et 46% GHONEIM [47-50] et SWANSON [111], constatant le 325 A. Desgrippes, Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329 caractère habituellement local des récidives tumorales, proposent de diminuer le taux de récidives pelviennes par une radiothérapie néo-adjuvante de 20 grays [47]. REFERENCES 1. ABDEL TAWAB G.A. Studies on the aetiology of the bilharzial carcinoma of the urinary bladder. Int. J. Cancer, 1966, 1, 377-382. 2. AMIN H.A. Squamous cell carcinoma of the bladder. J. Urol., 1979, 121, 838. Toutefois un allongement significatif de la durée de survie reste à démontrer [59]. Seuls certains patients présentant une extension tumorale extra-vésicale initiale verraient leur survie allongée de façon significative par une radiothérapie pré-opératoire [49], les patients porteurs d'une tumeur localisée à la vessie ne bénéficiant que d'un allongement non significatif de leur durée de survie [49]. 3. ANDERSON E.E., COBB O.E., GLENN J.F. Cyclophosphamide hemorrhagic cystitis. J. Urol., 1967, 97, 857-862. 4. ANSELL I.D., CASTRO J.E. Carcinoma of the bladder complicating cyclophosphamide therapy. Br. J. Urol., 1975, 47, 413-418. 5. ANWAR K., NAIKI H., NAKAKUKI K., INUZUKA M. High frequency of human papillomavirus infection in carcinoma of the urinary bladder. Cancer, 1992, 70, 1967-1973. PREMPREE [81] et JOHNSON [58] ont rapporté des survies à 5 ans de 34 à 40% pour des patients qui ont bénéficié d'une radiothérapie puis d'une cystectomie radicale, montrant que l'adjonction d'une radiothérapie à la cystectomie n'apporte rien en terme de durée de survie. 6. 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Dans un unique essai thérapeutique de phase 2, G ADEL-MAWLA [44] a rapporté 50-60% de réponses favorables chez des patients porteurs de carcinomes épidermoïdes T3-T4 traités par épirubicine. Le même auteur [45] a montré un allongement de la durée de survie en utilisant une chimiothérapie néoadjuvante mais le recul est trop limité et le nombre de patients trop faible pour conclure. 15. CELIS J.E., RASMUSSEN H.H., VORUM H., MADSEN P., HONORÉ B., WOLF H., ORNTOFT T.F. Bladder squamous cell carcinomas express psoriasin and externalize it to the urine. J. Urol., 1996, 155, 2105-2112. 16. CHAUDARY K.S., LU Q.L., ABEL P.D., KANDHAN-NIA N., SHOMA A.M., EL BAZ M., STAMP G.W.H. , LALANI E.N. Expression of bcl-2 and p53 oncoproteins in schistosomiasis-associated transitional and squamous cell carcinoma of urinary bladder. Br. J. Urol., 1997, 79, 78-84. CONCLUSION 17. CONNERY D.B. Leucoplakia of the urinary bladder and its association with carcinoma. J. Urol., 1953, 69, 121-127. Le carcinome épidermoïde demeure un cancer rare dans les pays occidentaux, au diagnostic souvent difficile. Les facteurs favorisants sont multiples, et imposent un étroit suivi des patients à risque. Une prévention est nécessaire chez ces patients. Le diagnostic précoce doit pouvoir améliorer un pronostic traditionnellement mauvais. La chirurgie, seule thérapeutique à avoir prouvé son efficacité, est dominée par la cystectomie radicale, elle reste le traitement de référence. 18. COSTELLO A.J., TIPTAFT R.C., ENGLAND H.R., BLANDY J.P. Squamous cell carcinoma of bladder. Urol., 1984, 28, 234-236. 19. CUTLER S.J., YOUNG J.L. Third national cancer survey : incidence data (Eds). NCI monograph 41 Washington, D.C. U.S. Govt. Printing Office, 1975, 418-419. 20. DALE G.A., SMITH R.B. Transitional cell carcinoma of the bladder associated with cyclophosphamide. J. Urol., 1974, 112, 603604. 326 A. Desgrippes, Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329 21. 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Prevention appears possible in these patients. Its prognosis, traditionally poor, essentially depends on tumour stage and grade. Treatment is surgical, essentially radical cystectomy, which has a real the rapeutic efficacy. The respective roles of chemotherapy and radiotherapy are currently under evaluation. 111. SWANSON D.A., LILES A., ZAGARS G.K. Preoperative irradiation and radical cystectomy for stages T2 and T3 squamous cell carcinoma of the bladder. J. Urol., 1990, 143, 37-40. 112. TALIB H. The problem of carcinoma of bilharzial bladder in Iraq. Br. J. Urol., 1970, 42, 571-599. 113. TANNENBAUM M., HUDSON P.B., BIRARD J.E., LITRENTA M., GORDON S.K., BAUMAN W.A. Bladder cancer and urinary cytology surveillance. Amer. Parapleg. Soc. Program, 1991, 16, 715. 114. TATSURA H., ISHIGURO Y., OKAMURA T., KOHRI K. Bladder squamous cell carcinoma with human papilloma virus type 6 (HPV 6). Int. J. Urol., 1995, 2, 347-349. Key-words : squamous carcinoma, bladder cancer, bladder. 115. 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