Séance 1 : Cerbère, Enée et Orphée ffl Texte 1 : Enée aux Enfers

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Séance 1 : Cerbère, Enée et Orphée ffl Texte 1 : Enée aux Enfers
Séance 1 : Cerbère, Enée et Orphée
 Texte 1 : Enée aux Enfers
Conduit par la Sibylle, Enée, l’ancêtre des Romains, descend au royaume des morts. La prêtresse
s’adresse à Charon, le passeur des Enfers.
« Cesse de t’émouvoir. Ces hommes n’apportent pas la guerre. Nous laisserons l’énorme chien de
garde dans son antre épouvanter de son éternel aboiement les ombres exsangues, et la chaste Proserpine
pourra dormir tranquille dans le palais de son oncle ; le troyen Enée, remarquable par sa piété et par ses
armes, descend dans la nuit profonde de l’Erèbe pour y voir son père. » […] Alors, le cœur gonflé de
colère du passeur s’apaisa. La Sibylle n’ajoute rien [...] Tournant sa sombre poupe, il l’approche du
rivage. Il chasse les autres âmes assises le long des bancs, vide le tillac, et reçoit dans sa coque le
puissant Enée. La barque faite de pièces rapportées a gémi sous ce poids et par ses crevasses se remplit
d’eau marécageuses. Enfin on passe et il dépose sans accident l’homme et la prophétesse sur un
informe limon, dans les algues glauques.
Là, l’énorme Cerbère de ses trois gueules aboyantes fait retentir le royaume des morts, monstre
couché dans un antre, face au débarcadère. La Sibylle, voyant déjà les couleuvres se dresser sur son
cou, lui jette un mélange assoupissant de graines préparées et de miel. L’animal, affamé et vorace, la
triple gueule béante, avale ce qu’on lui jette et détend son dos monstrueux, étalé par terre de tout son
long sous l’antre qu’il remplit. Enée se hâte de franchir le seuil dont le gardien est enseveli dans le
sommeil et d’un pas rapide s’éloigne des bords du fleuve qu’on ne passe point deux fois.
Virgile, l’Enéide, Chant VI, v.400-425, traduction d’André Bellesort
Hercule amenant Cerbère à Eurysthée
Peintre des Aigles (attribué à) 530-520 av. J.-C.
Hydrie ionienne à figures noires provenant de la cité étrusque Cerveteri. 8,8 cm x 21,7 cm
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 Texte 2 : Orphée aux Enfers
Le musicien Orphée a perdu son épouse Eurydice. Il décide d’aller aux Enfers pour la ramener sur
terre.
Lorsque le chantre du Rhodope l’eut assez pleuré à la surface de la terre, il voulut explorer même
le séjour des ombres ; il osa descendre par la porte du Ténare ; passant au milieu des peuples légers et
des fantômes qui ont reçu les honneurs de la sépulture, il aborda Perséphone et le maître du lugubre
royaume, le souverain des ombres ; après avoir préludé en frappant les cordes de sa lyre il chanta ainsi :
« O divinités de ce monde souterrain où retombent toutes les créatures mortelles de notre espèce, [...] je
ne suis pas descendu en ces lieux pour voir le ténébreux Tartare, ni pour enchaîner par ses trois gorges,
hérissées de serpents, le monstre qu’enfanta Méduse ; je suis venu chercher ici mon épouse ; une
vipère, qu’elle avait foulée du pied, lui a injecté son venin et l’a fait périr à la fleur de l’âge. [...] Par ces
lieux pleins d’épouvante, par cet immense Chaos, par ce vaste et silencieux royaume, je vous en
conjure, défaites la trame, trop tôt terminée, du destin d’Eurydice. [...] »
Tandis qu’il exhalait ces plaintes, qu’il accompagnait en faisant vibrer les cordes, les ombres
exsangues pleuraient ; Tantale cessa de poursuivre l’eau fugitive ; la roue d’Ixion s’arrêta ; les oiseaux
oublièrent de déchirer le foie de leur victime, les petites filles de Bélus laissèrent là les urnes et toi,
Sisyphe, tu t’assis sur ton rocher. Alors pour la première fois des larmes mouillèrent, dit-on, les joues
des Euménides, vaincues par ces accents ; ni l’épouse du souverain, ni le dieu qui gouverne les enfers
ne peuvent résister à une telle prière ; ils appellent Eurydice ; elle était là, parmi les ombres récemment
arrivées ; elle s’avance, d’un pas que ralentissait sa blessure. Orphée du Rhodope obtient qu’elle lui soit
rendue, à la condition qu’il ne jettera pas les yeux derrière lui avant d’être sorti des vallées de
l’Averne ; sinon la faveur sera sans effet. Ils prennent, au milieu d’un profond silence, un sentier en
pente, escarpé, obscur, enveloppé d’un époux brouillard. Ils n’étaient pas loin d’atteindre la surface de
la terre, ils touchaient au bord, lorsque, craignant qu’Eurydice ne lui échappe et impatient de la voir,
son malheureux époux tourne les yeux et aussitôt, elle est entraînée en arrière ; elle tend les bras, elle
cherche son étreinte et veut l’étreindre elle-même ; l’infortunée ne saisit que l’air impalpable [...] elle
adresse à son époux un adieu suprême, qui déjà ne peut qu’à peine parvenir à ses oreilles et elle
retombe à l’abîme d’où elle sortait.
En voyant la mort lui ravir pour la seconde fois son épouse, Orphée resta saisi comme celui qui vit
avec effroi les trois têtes du chien des enfers, dont celle du milieu portait des chaînes.
Ovide, Les Métamorphoses, chant X, vers 8-64, traduction de G. Lafaye
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Questions
1. Cherchez les expressions qui caractérisent les deux héros. Enée et Orphée se ressemblent-ils ?
2. Quelle est leur quête respective ? En quoi est-elle particulièrement courageuse ?
3. Comment les deux héros font-ils pour atteindre les enfers et vaincre les puissances hostiles de
l’au-delà ?
4. En quoi Cerbère est-il un être monstrueux ? Quels détails le rendent effrayant ?
5. Quels sont les autres personnages qui peuplent les enfers et en font un univers redouté ?
6. Classez dans l’ordre alphabétique les mots du texte suivants :
- guerre
- antre
- exsangue
- Enée
- Erèbe
- eau
- énorme
7. La composition des mots
Quels préfixes latins les mots suivants contiennent-ils ? Donnez pour chacun d’eux un autre mot
formé sur ce même préfixe :
- explorer
- descendre
- souterrain
- retomber
- périr
- accompagner
- prélude
- impatient
- envelopper
8. Isolez le radical des mots suivants et donnez pour chacun deux autres mots appartenant à la
même famille, c’est-à-dire formés sur la même racine :
- émouvoir
- exsangue
- affamé
9. Quels suffixes latins trouvez-vous dans les mots suivants :
- artificieux
- ténébreux
- silencieux
- fugitive
- récemment
- impalpable
- marécageuse
- assoupissant
- aboyant(e)
- béante(s)
- monstrueux
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