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Finesse musicale contre embonpoint scénique pour
Orphée aux Enfers
Par Michel Thomé le 2 janvier 2016 @ 13h05 dans La Scène,Opéra | Pas de commentaire
Retour aux fondamentaux à Nancy
avec Offenbach et son Orphée aux
Enfers pour les festivités de fin
d’année. Las ! L’excellence musicale du
spectacle s’y trouve handicapée par
une mise en scène aux semelles de
plomb.
Pourtant, tout commence plutôt bien
avec le remarquable décor de Clement
& Sanôu, reconstitution minutieuse du
hall d’un grand hôtel à la décoration
Art déco, où le metteur en scène Ted
Huffman a choisi de dérouler avec à
propos et souplesse les péripéties de la
première scène. Mais dès le second
tableau, ce cadre unique,
probablement très coûteux, n’est plus
qu’un fond dont la mise en scène ne
tire plus grand parti. La métamorphose
peu seyante des dieux de l’Olympe en
Bibendums Michelin — probablement par excès de nectar, d’ambroisie et d’inactivité — fait
d’abord sourire puis se révèle rapidement bien encombrante et fort handicapante pour la
mobilité des interprètes. Dès lors, Ted Huffman s’enlise dans la farce, le surlignage des
effets et une certaine trivialité : un quasi contresens au regard des seconds degrés et des
sous-entendus satiriques d’Offenbach. Les Enfers lui suggèrent tout un bestiaire fantastique,
inspiré de Jérôme Bosch, et des costumes au demeurant magnifiques mais sans justification
ni pertinence. Pluton devient un sosie ailé de Saroumane, accompagné en permanence de
trois figurants-chiens — les trois têtes de Cerbère vraisemblablement — aussi inutiles que
bruyants. Quant à John Styx déguisé en hérisson, comprenne qui pourra ! Et
paradoxalement, toute cette agitation désordonnée, cette pléthore un peu vaine de
personnages ne parviennent pas à animer, à faire décoller les moments clés comme le
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célébrissime « Galop infernal », qui servit de base au french cancan, ou comme le « Duo de
la mouche ».
Pourtant, la distribution apporte bien des bonheurs ; tous ont parfaitement intégré la
syntaxe de l’opéra-bouffe et se montrent aussi à l’aise dans le jeu que dans le chant.
Physique de pin-up (on la croirait jumelle d’Alexandra Lamy), suraigu facile, l’Eurydice
d’Alexandra Hewson pêche toutefois par un manque d’ampleur vocale et un timbre quelque
peu aigrelet. Sébastien Droy fait appel à toutes ses qualités de ténor mozartien pour un
Orphée stylé et soigné. Franck Leguérinel démontre à nouveau ses capacités
exceptionnelles de comédien dans le rôle central de Jupiter, où elles sont justement
fondamentales. Mathias Vidal déploie une revigorante énergie pour son Aristée/Pluton de
haut relief, d’une voix franche, sonore et assurée. Devenue avec humour une « technicienne
de surface » de l’hôtel, l’Opinion publique de Doris Lamprecht est parfaite en virago
dominatrice. Dans le trop court rôle de Mercure, Marc Mauillon réalise un hallucinant
numéro, tout particulièrement dans son air d’entrée « Et hop ! Et hop ! Place à
Mercure » (mais quand reprend-il son souffle ?). Enfin, dans le groupe impeccable des dieux
de l’Olympe, on remarque notamment le Cupidon mutin de Jennifer Courcier et surtout la
Diane intense d’Anaïs Constans.
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Pourtant, l’énergie et le rythme que refuse la scène sont bien présents dans la battue
dynamique de Laurent Campellone, tellement même qu’il lui arrive de couvrir ses chanteurs
et notamment la frêle Eurydice. Tout comme le Chœur de l’opéra national de Lorraine,
l’orchestre symphonique et lyrique de Nancy se donne lui aussi à fond et avec entrain,
n’évitant pas quelques lourdeurs, mais toujours intensément engagé et avec de fort
poétiques solistes instrumentaux.
Pourtant… pourtant… cet Orphée aux Enfers possède bien des atouts. Quel dommage que la
fête attendue soit un peu gâchée par une mise en scène qui confond opéra-bouffe et
bouffonnerie.
Crédit photographique : Doris Lamprecht et Sébastien Droy / Frank Leguérinel © Opéra
national de Lorraine
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