Le Plan Local d`Urbanisme de Paris

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Le Plan Local d`Urbanisme de Paris
REPÈRES
Le Plan Local d’Urbanisme
de Paris
Objet de débats houleux lors de son adoption au Conseil de Paris, le
Plan Local d’Urbanisme de Paris concentre des enjeux cruciaux pour
l’avenir de la capitale, puisqu’il définit les règles d’urbanisme qui
détermineront son visage à l’horizon de quinze à vingt ans. Grandes
lignes d’un projet qui ne fait pas l’unanimité…
Pour une collectivité comme la
Ville de Paris, le PLU est un outil
qui permet à la fois d'exercer un
regard et une action sur la physionomie urbaine et d'avoir une
politique incitative à l'égard des
programmes d'habitation (logements sociaux, densité des programmes…) et des locaux destinés à accueillir des activités
(obligations et types d'activités
favorisés). Il est également un
puissant outil de la politique des
déplacements, chère à la municipalité en place (obligations en
termes de places de parking,
réserves de voirie…).
Un nouvel outil
d’urbanisme
La loi SRU du 13 décembre 2000
avait opéré une refonte de la planification urbaine, qui s’était traduite notamment par la substitution du Plan Local d’Urbanisme
(PLU) au Plan d’Occupation des
Sols (POS) existant. Il s’agissait
alors d’inscrire l’aménagement du
territoire communal dans la cohérence de choix plus globaux de
l’agglomération. Ce document
doit, pour ce faire, prendre en
compte les orientations de documents de planification comme le
Schéma Directeur de la Région
Ile-de-France (SDRIF), le Plan de
Déplacement Urbain (PDU) et le
Programme Local de l’Habitat
(PLH). Le PLU définit les règles
d'aménagement de la capitale
pour les 15 à 20 ans à venir et
intègre désormais les Plans
d’Aménagement de Zone (PAZ),
qui faisaient auparavant l’objet
d’un traitement différencié.
Comparé au POS, le PLU est plus
qu’un document réglementaire qui
encadre l’occupation des sols, il est
également un document stratégique qui définit un “ projet de
ville ” sur le long terme. Le document se compose d’un diagnostic
sur la situation de Paris (habitat,
emploi, cadre de vie…), d’un
Projet d’Aménagement et de
Développement Durable (PADD)
et d’un règlement qui s’attache à
traduire les orientations du PADD
dans les règles d’urbanisme qui
encadreront les décisions publiques
et privées dans ce domaine.
Le PLU s'applique à tout le territoire parisien à l'exception de
deux secteurs du Marais et du
7ème arrondissement, qui restent
de la compétence de l'Etat et
donnent lieu pour leur part à
deux Plans de Sauvegarde et de
Mise en Valeur (PSMV), ainsi que
du jardin du Luxembourg géré par
le Sénat. Il distingue trois zones
dites urbaines : la zone urbaine
générale qui couvre la majeure
partie du territoire et représente le
cas commun ; la zone de grands
services urbains constituée d'équipements et services publics ou
Connexions 11
privés nécessaires au fonctionnement de la ville et non destinée
à l'habitation (emprises municipales, hôpitaux, emprises ferroviaires et portuaires…) ; la zone
urbaine verte à "vocation paysagère et récréative" (parcs et jardins, installations sportives en
périphérie de la capitale…).
S'ajoute à ces zones urbaines une
zone naturelle et forestière qui
fait l'objet d'une protection particulière (bois de Boulogne et
de Vincennes). Alors que l’ancien POS distinguait onze périmètres différents, le PLU opère
une simplification du zonage.
Un espace de plus
en plus rare
Le PLU met l'accent sur l'amélioration du cadre de vie des parisiens. Les orientations et règles
d'urbanisme modifiées ou introduites s'en font largement l'écho.
Il n'est ainsi plus question, comme
l'avait évoqué Bertrand Delanoë
qui s’était alors heurté à nombre
d’oppositions au sein du Conseil
de Paris, de construire “ à titre
exceptionnel ” des tours dépassant le seuil réglementaire de
37 m afin de répondre à la pénurie d'espace disponible – hauteur
qui reste limitée à 37 m en périphérie de Paris et 18 m dans le
centre. Au contraire place est faite
à la dé-densification des construc-
REPÈRES
tions, avec un Coefficient
d'Occupation des Sols (COS)
moyen fixé à 3 contre 3,25 auparavant (soit une surface de plancher de 3 m2 pour 1 m2 de parcelle
pour les constructions de la zone
urbaine générale).
A cette mesure, que les Verts souhaitaient encore plus restrictive,
s’ajoutent des dispositions qui
visent à harmoniser le rapport du
bâti à la rue et aux espaces publics
et ont également pour effet de
limiter l’emprise des constructions et leur place relative dans la
ville : règles plus sévères de
volumes et d’alignement des
constructions, restrictions supplémentaires sur certains secteurs
identifiés, extension des espaces
qui bénéficient de protections
particulières. 5 000 parcelles font
ainsi l’objet de mesures de
conservation du patrimoine et
s’ajoutent aux 1 900 placés sous
la protection de l’Etat, les secteurs
de la zone urbaine générale identifiés “ secteurs de Maisons et
villas ”, qui donnent lieu à des
dispositions spécifiques, voient
leur nombre augmenter… S’y
ajoutent des mesures afin de
développer les espaces verts et
les plantations autour des
immeubles. Les Verts ont aussi
obtenu que soit intégré au règlement du PLU un plan de recommandations environnementales.
Une politique du
logement volontariste
L’on peut se demander si l’amélioration du cadre de vie des
Parisiens tant recherchée par le
PLU se doublera de moyens suffisants pour permettre un développement du bâti susceptible de
répondre aux besoins toujours plus
étendus tant en matière de logements que d’équipements et de
locaux d’activité. Et comment
résoudre la contradiction entre les
mesures de dé-densification et la
pénurie d’espace dans la capitale ?
Car le PLU s’est fixé pour objectif de permettre aux Parisiens de
continuer à résider à Paris. Dans
un contexte de flambée des prix
(à la fois à l’achat et à la location)
à laquelle s’ajoute une baisse
structurelle de la taille des
ménages, on estime en effet à
+5 à 7% l’augmentation du parc
de logements permettant le maintien de la population parisienne
dans les 20 années à venir. Est
également posée la question de la
préservation de la mixité sociale
mise à mal dans certains quartiers. Sur cette question, le PLU
intègre des mesures volontaristes
dans le domaine du logement
social. Il se fixe pour buts de
majorer l’offre de 70 000 logements en 20 ans et de rééquilibrer
les fortes disparités territoriales
internes à la capitale. Aujourd’hui
les 1er, 5ème, 8ème et 16ème arrondissements n’accueillent que 2,75%
des logements sociaux alors que
les 13ème, 19ème et 20ème en concentrent près des 2/3, même si un
rééquilibrage est d’ores et déjà
amorcé. 25% des programmes
immobiliers de plus de 1 000 m2
seront ainsi réservés au logement
social dans les quartiers où il est
rare, à savoir principalement à
l’ouest et au centre dans une zone
cible qui représente 45% de la
superficie de Paris - mesure qui va
au-delà de l’objectif de 20% fixé
par la loi SRU. A charge des opérateurs privés concernés de vendre
une partie des terrains et des droits
à construire à des organismes de
logements sociaux ou de les
revendre à ces derniers une fois
achevés. Ce qui, soulignent les
professionnels du secteur, risque
d’alimenter la hausse des prix des
logements privés en compensation
du manque à gagner. Le groupe
UMP a quant à lui estimé que ces
choix mettaient en péril la sauvegarde d’une classe moyenne parisienne.
Le PLU identifie également une
centaine d’emplacements réserv é s , p a r c e l l e s v i e rg e s o u
construites, destinées à accueillir
des logements (sociaux ou non) et
des équipements nouveaux.
Ces mesures ont été introduites
afin de doter d’un volet réglementaire plus coercitif une poli-
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tique du logement de la ville qui
repose également sur d’autres
leviers. Elles s’accompagnent
d’une volonté de donner la faveur
au développement d’activités dans
des quartiers du nord-est parisien
où les friches industrielles et artisanales ont été principalement
investies par des zones résidentielles. Ce point, âprement débattu par les Verts qui souhaitent
que l’habitat soit prioritaire dans
tous les quartiers, pose aussi la
question du choix des activités
promues.
Quid de l’activité
Car nombre d’activités ont progressivement déserté le territoire parisien au bénéfice de sa
périphérie, et Paris a perdu près
de 126 000 emplois au cours
de la décennie 1990. Le taux de
chômage y est élevé : 11,6% fin
2003 contre 10% pour l’Ile-deFrance et 9,9% en moyenne
nationale.
Sur les 301 000 établissements
implantés à Paris en 2003, 7%
sont des établissements industriels, 19% commerciaux et 47%
de services (32% pour les services aux entreprises et 15% pour
les services aux particuliers). Le
coût et la rareté de l’espace disponible rendent nettement prédominants les petits établissements, conditionnant en partie le
type d’activités qui s’implantent.
Les établissements qui n’emploient aucun salarié représentaient ainsi en 2001 60% du total
des 300 000 implantés à Paris
et ceux qui emploient 1 à 9 salariés, 34%.
C’est surtout au déclin du petit
commerce, touché par la flambée
des loyers commerciaux face à
l’implantation de grands groupes
(et ce en dépit du développement
des franchises), que tente de remédier à travers divers dispositifs
réglementaires le PLU. 230 km de
voies de protection du commerce
et de l’artisanat pourraient se voir
interdit tout changement de destination des rez-de-chaussée sur
rue. En leur sein, un linéaire de
Automobilistes
pénalisés
Le Plan Local d’Urbanisme sert
également d’outil indirect à la
politique de promotion des transports collectifs et des modes doux
à travers des mesures dissuasives
à l’égard de l’usage de la voiture
particulière. Ces mesures s’appuient sur la réglementation imposée aux constructeurs en matière
d’aires de stationnement. En vue
d’infléchir les comportements en
matière de déplacement, le PLU
lève l’obligation d’intégrer des
parkings lors de la construction de
bureaux. Il s’agit selon les promoteurs de ces mesures d’inciter
à choisir des modes alternatifs à la
voiture particulière pour les déplacements domicile-travail tout en
favorisant le stationnement résidentiel afin de décourager les
POPULATION ET TAILLE MOYENNE DES MENAGES PARISIENS
3 000 000
2,30
2 590 975
2 500 000
2 299 830
2 175 652
2 152 329
2 142 800
2 125 249
2,20
2 000 000
2,10
1 500 000
2,00
1 000 000
1,90
500 000
1,80
0
Taille moyenne des ménages
parisiens d’utiliser leur voiture en
semaine. Ce dernier fait pourtant
aussi l’objet de restrictions puisqu’une place de stationnement
serait désormais exigée pour
100 m2 de logements construits et
cela uniquement pour les programmes supérieurs à 1 000 m2
(contre une place par logement
auparavant à laquelle s’ajoutait
une norme de surface plus restrictive). L’UMP s’est opposé à
ces mesures qui s’appuient sur le
constat d’un taux de motorisation
des ménages parisiens de 0,53
voiture par ménage plus bas qu’au
début des années 90, mais pourraient bien se traduire par des
encombrements qui sont déjà largement associés à la politique des
déplacements engagée par la ville.
A l’argument selon lequel ces dispositions risqueraient de pénaliser
les familles dont l’accès aux transports publics n’est pas toujours
facilité, est opposé le choix de la
surface comme norme retenue,
qui aurait pour effet de favoriser
la création de parkings pour les
logements dits familiaux, les programmes de petits logements s’en
trouvant au contraire démunis.
En revanche il serait désormais
obligatoire dans tous les programmes de plus de 250 m 2,
logements comme bureaux, de
réserver des locaux pour les vélos
et les poussettes.
Population
30 km se verrait imposer de telles
implantations, et des “ voies
typiques ” seraient soumises à
un contrôle plus restrictif des
destinations. Par ailleurs des parcelles identifiées comme “ secteur d’artisanat et d’industrie ” ne
pourraient être utilisées à d’autres
fins (à l’exception de services
publics ou d’intérêt collectif).
Une modulation du COS et un
contrôle des destinations des
constructions selon les secteurs
viseraient, au contraire de la zone
ouest où la priorité est donnée au
logement, à faciliter les implantations d’activités à l’est de Paris.
Le desserrement des contraintes
réglementaires sur ces zones a
suscité l’opposition des Verts qui
ont obtenu de restreindre la place
des constructions qui devaient
être consacrées à l’activité.
Le coup de pouce tant attendu au
développement de l’activité parisienne sera-t-il à la hauteur des
attentes ? C’est un point qui a suscité de fortes critiques des élus
communistes d’une part, pour lesquels une “ reconquête économique ” est à mener, de ceux de
l’UMP de l’autre, qui jugent que
les mesures prises brident tout
développement de la capitale.
1,70
1968
1975
1982
Population
1990
1999
2004*
Taille moyenne des ménages
*Estimation
Source : Insee
EVOLUTION DU TAUX D’EMPLOI*, PAR ARRONDISSEMENT
AU COURS DES TROIS DERNIERS RECENSEMENTS
12
10
1982
1990
1999
8
6
4
2
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 12
13 14 15 16 17
18 19 20 Total
*Nombre d’emplois situés dans la zone / nombre d’actifs résidents
Source : Insee
REPARTITION DES 800 000 PLACES DE STATIONNEMENT A PARIS
450 000
400 000
350 000
300 000
250 000
415 000
200 000
150 000
100 000
gratuites
70 000
parcs publics
100 000
135 000
payantes
100 000
garages
50 000
0
Objet de plus de 1 000 amendements et de débats animés, le Plan
Local d’Urbanisme aura fait couler beaucoup d’encre. Les Verts
ont pesé de tout leur poids sur le
contenu du texte, qui a finalement
été adopté le 1er février par le
PS, les Verts, le PCF et le MRC.
l’UMP a voté contre et l’UDF
s’est abstenu. Mais le PLU, qui a
d’ores et déjà été débattu dans les
121 conseils de quartiers et donné
lieu à une consultation des
Parisiens, n’a pas encore achevé
son parcours. Il doit être soumis
à enquête publique au mois de
juin et après modifications être
ensuite représenté aux élus parisiens début 2006. Ce n’est qu’à
cette date qu’il prendra effet.
Hors voirie privée
Hors voirie publique
Sur voirie
REPARTITION PAR ARRONDISSEMENT DES 34 400 LOGEMENTS
SOCIAUX FINANCES ENTRE 1988 ET 2003
5000
4000
3000
2000
1000
0
1e
2e
3e
4e
5e
6e
Source : Préfecture de Paris
Connexions 13
7e
8e
9e
10e
11e
12e
13e
14e
15e
16e
17e
18e 19e
20e