J`ai pas pleuré d`Ida Grinspan et Bertrand Poirot

Transcription

J`ai pas pleuré d`Ida Grinspan et Bertrand Poirot
J’ai pas pleuré
d’Ida Grinspan et Bertrand Poirot-Delpech
1. La page de couverture comporte deux noms, quelle est la
participation de chacun à la réalisation de l’ouvrage ?
«J’ai pas pleuré» comporte deux noms: celui d’Ida Grinspan et Bertrand PoirotDelpech.
Le récit est celui d’Ida, ancienne déportée du camp d’Auschwitz: il a son visage,
sa voix et c’est ce qu’elle a vécu dans sa chair. Ida se sentirait moins intimidée
par l’écriture si Bertrand Poirot-Delpech l’aidait à écrire. C’est donc tout
naturellement que Bertrand Poirot-Delpech a narré pour elle ce qui lui est arrivé.
Il s’est proposé d’être le scribe de ce travail à quatre mains, il exprime ce que
l’émotion et l’humilité retiendrait Ida de dire elle-même.
Dans quel genre littéraire pourrait-on classer ce livre ?
«J’ai pas pleuré» est un livre de témoignage, un roman autobiographique, écrit
par Ida Grinspan avec l’aide de Bertrand Poirot-Delpech
2. Résumez l’ouvrage en 15 à 20 lignes
Le 30 janvier 1944 à minuit, Ida Fensterzab, 14 ans, née en France de parents
juifs polonais, est arrêtée par 3 gendarmes français déportée à Auschwitz, pour le
seul crime d’être juive ; ses parents l’avaient envoyée dans le Poitou au début de
la guerre « pour la préserver des bombardements, des combats et des
privations »et non pas pour la cacher.
D’abord, Drancy, d’où elle partira pleine d’espoir car elle pensait bien retrouver
sa famille. Après un voyage en train dans des wagons à bestiaux, elle arrive à
Auschwitz.
Ida va raconter sa vie au sein du camp: elle, un simple numéro, ne possédant
qu'une gamelle et une cuillère, tiraillée constamment par la faim et le froid,
épuisée, et humiliée et craignant le pire à chaque instant. Elle restera dans les
camps 17 mois et deux hivers.
En janvier 1945, les
Allemands évacuent Auschwitz. Elle est envoyée à Ravensbrück, un autre camp
de concentration: c’est « la marche de la mort». D’ailleurs, les plus faibles ne
supporteront pas le voyage et mourront.
Puis c’est le départ pour Neustadt, en train cette fois-ci. La jeune fille, les pieds
gelés, est immédiatement conduite au Revier (infirmerie) où Ida sera sauvée de
la mort par Wanda, une infirmière polonaise. Elle la retrouvera en avril 2001,
mais Wanda meurt et elle ne lui aura pas parlé.
Le 2 mai 1945, le camp est évacué et Ida partira en brouette vers un hôpital
militaire. Puis, elle est soignée à l’hôpital Broussais, à Paris ; de là elle séjournera
en Suisse pour reprendre des forces. Une association de déportées résistantes va
la prendre en charge. A la fin de sa convalescence, Ida choisit de rentrer en
France
Puis c’est la vie de l’après-guerre «la galère»: les suites de la déportation parfois
fatales car «aucune assistance». Ceux qui, après la guerre, ont voulu raconter se
sont souvent trouvés devant un mur d’incompréhension car personne ne voulait
les écouter.
En 1988, Ida entreprend son 1er voyage à Auschwitz, 43 ans après, pour apporter
son témoignage devant des professionnels, des collégiens et des lycéens..
3. A partir des personnages qui apparaissent dans le livre,
caractérisez et analysez les différents types de comportements face à
l’antisémitisme que l’auteur rencontre avant sa déportation.
Quand le régime de Vichy s’installe à Paris, la famille d’Ida a refusé de croire
qu’ils seraient menacés, les français se sentent protégés, bien qu’à partir de
1937, ils savent bien tout ce qui se passe pour les juifs d’Outre Rhin : ils sont
anxieux.
Alors que la folie nazie s’empare de l’Europe, tous les Juifs, sans exception, sont
menacés d’extermination. Les enfants ne sont malheureusement pas épargnés.
Les lois anti-juives s’appliquent également à eux : ils ne peuvent, par exemple,
plus jouer dans les jardins publics réservés aux ‘’aryens’’, n’ont plus le droit
d’aller à l’école.
Mais Ida raconte que les écoles de son
quartier n’ont pas été affectées par le racisme de la presse et des milieux
intellectuels: à l’école, on ne lui jamais fait sentir qu’elle venait d’ailleurs,
personne ne se moquait d’elle.
-Dans le village de Jeune-Lié où Ida est envoyée, la population a gommé les
différences qui auraient pu apparaître du fait de ses origines. En effet, elle est
complètement adoptée.
Face à l’antisémitisme, on a pu rencontrer, dans ce livre, plusieurs types de
comportement :
-Il y a ceux qui n’y croient pas, qui ne se méfient pas.
Tout d’abord, le maire de Lié qui reçoit les étoiles règlementaires en 1942, mais il
dit à Ida:«aussi longtemps que je serai maire tu ne porteras pas ça», il ne voit
pas le danger ;
d’ailleurs, quand le père d Ida écrit à Alice (la
nourrice d’Ida) pour lui dire qu’il faut la rayer des listes de la mairie, il répond:
«s’il y a un risque, je connais le chef de la gendarmerie, il me préviendra ».
Et, il y a Alice, qui proteste : «vous n’allez pas emmener cette gamine» et elle va
même jusqu’à se procurer un faux certificat de baptême auprès du curé de la
paroisse pour essayer de la faire libérer , bien naïvement et, toutefois, avec
beaucoup de courage.
L’officier du Reich lui répondra : «par qui a-t-elle été
arrêtée?». « Par la gendarmerie française », répond Alice. « Dans ces conditions,
vous comprendrez, Madame, que je ne peux pas intervenir».
-Il y a ceux qui sont tristes, angoissés, préoccupés, mais qui ne se méfient pas
suffisamment.
En effet, à cette époque, il y eut un retournement de l’opinion parisienne et un
début de sauvetage des enfants: des inspecteurs de police préviennent qu’une
rafle va avoir lieu le lendemain, mais la mère d’Ida n’y a pas cru. «Pourquoi
arrêterait-on des femmes et des enfants?», dit-elle. C’est ainsi qu’elle restera
chez elle, fera partir son frère et son père. Et à l’aube, elle s’est fait prendre.
-Enfin, il y a ceux qui ont peur, qui sont conscients du danger pour eux-mêmes et
pour les autres comme le père d’Ida : il se cache et demande en vain qu’Ida soit
rayée des listes de la mairie et qu’elle n’ait pas de carte d’alimentation.
Quant à Ida, elle a un vague pressentiment lorsqu’on l'arrête mais n’a aucune
idée des camps ; elle espère y retrouver sa mère, Elle s’y accroche et elle y croit.
-Et il y a ceux qui ont refusé les ordres inacceptables et en ont payé de leur vie
-Et aussi ceux qui prétendaient et prétendent encore « n’avoir rien su »…..
4. A partir des personnages qui apparaissent dans le livre,
caractérisez et analysez les motivations des comportements des
déportés face à l’entreprise de déshumanisation orchestrée par
les nazis.
Au début, les allemands ont accompli des ordres donnés par des autorités pour
arrêter les juifs, car «mêlés à des actes de terrorisme»: mais, il y a des ordres
qu’on a des raisons de ne pas suivre, ils auraient pu désobéir, mais ils n’ont pas
refusé l’ordre inacceptable. Ils sont devenus des machines à tuer, à
déshumaniser et à exterminer.
Avec l’absence méthodique de respect, la férocité, les allemands ont voulu nier
l’humanité. Dans ce livre, Ida témoigne de l’indifférence de ses bourreaux,
indifférence qui reste un mystère, elle raconte aussi l’indicible.
Face au froid, à la faim, aux humiliations cumulées comme faire ses besoins
devant tout le monde, sentir mauvais ou encore être insultée du matin au soir,
comment Résister ?
L’humanité et la fraternité entre les déportés dans les camps contrastent avec la
déshumanité des kapos et autres bourreaux. «La chance », cette fameuse
« chance » comme le répète souvent Ida, qu’il existe une solidarité entre
codétenues les a aidé tenir le coup dans les moments difficiles. Ida se rend
compte que l’amitié était leur planche de salut.
Comment se sont-elles organisées face à .la déshumanisation des nazis ?
D’abord dans les wagons à bestiaux, réduites à du quantitatif, la 1ère
humiliation est d’être obligée de faire ses besoins devant tout le monde; alors,
elles vont utiliser leurs manteaux pour cacher les autres.
Dans les camps, on utilise le terme de stück au lieu de personnes ; elles sont
défigurées, déshumanisées, réduites à l’état de morceaux, de numéros sans nom,
sans identité, sans passé et sans avenir. Face à cela, « on s’organise», par de tout
petit moyens, on tâche de garder sa dignité, sans le réflexe du chacun pour soi.
C’est la solidarité salvatrice. On utilise la débrouillardise, le troc, la combine à
caractère collectif.
Mais, l’humiliation, c’était aussi de laper la nourriture comme des bêtes et là
encore elles vont s’organiser en se procurant des cuillères, le seul objet qu’elles
vont posséder, symbole de Dignité.
Pour se réconforter elles partagent la maigre ration du soir.
Même devant la puanteur et à la déshumanisation des latrines où odeur, crasse
et promiscuité se mêlent, elles retrouvent un peu d’espoir en échangeant des
nouvelles du camp et de dehors.
La solidarité, c’est aussi les anciens des camps qui aident les nouveaux arrivants
en leur donnant des précisions sur ce qu’il faut dire ou ne pas dire (par exemple
sur l’âge p57)
Autre exemple : grâce à sa connaissance du yiddish (proche de l’allemand), Ida
va traduire les ordres à ses camarades pour qu’elles les comprennent afin de leur
éviter des coups.
Chacune se raconte , évoque des souvenirs pour se donner du courage.
Dans un autre domaine et «sous peine de mort», il faut paraître en bonne santé,
se «porter beau», pour pouvoir aller travailler et éviter la mort.
Enfin, certaines prisonnières éprouvent le besoin de «douter»pour survivre: elle
ne voulait pas «croire».
Le secret de la «Victoire», comme l’a dit Geneviève de Gaulle, c’était de rester
dignes à tout prix, de ne pas se laisser avilir, de résister ensemble à la tentative
de déshumanisation systématique.
5. Quel est selon vous l’apport de cet ouvrage à la connaissance
historique ?
Le projet nazi consistait à effacer les Juifs de l’histoire et de la mémoire du
monde. La Shoah ne devait avoir ni survivant, ni témoin, ni récit. C’est au
moment où les gens ont senti qu’il n’y aurait pas de survie qu’ils ont voulu laisser
une trace ;
De plus, si l’on ne veut pas que l’histoire soit écrite par les vainqueurs, et qu’il
reste une trace de ce qu’a été le peuple Juif et de ce qu’a été sa place dans
l’histoire, il fallait porter témoignage.
Dans les camps, des centaines de gens ont écrit. Les témoins parlent de ce
qu’ils ont vécu, cette parole est capitale. La machine de mort était pensée,
organisée pour ne laisser aucune trace des atrocités perpétrées. C’est aussi cela
qui a fait naître chez les déportés le besoin irrépressible de témoigner et une
profonde souffrance quand ils n’étaient pas écouté.
Comme l’a dit Simone Veil, « au début nous avons parlé, même beaucoup parlé,
mais personne ne nous entendait. Ceux qui entendaient étaient-ils à même de
comprendre ? »
Des livres ont été publiés. Les premiers rescapés qui se mirent à écrire le
faisaient pour eux, pour leurs proches. En cela, la Shoah n’est pas qu’un simple
cours d’histoire. C’est une leçon d’humanité. Les survivants ont dû trouver une
raison de vivre afin de résister à cet enfer.
L’Histoire, Elle, instaure une distance ; l’historien n’a pas vécu le passé qu’il
décrit, il n’y a pas de lien affectif et personnel. Mais surtout il doit prendre du
recul, déceler le vrai du faux. Il doit utiliser toutes les sources, toutes les
traces possibles de la réalité et les croiser et les confronter pour tenter de
reconstituer le déroulement des faits. Il doit ensuite placer les faits dans
leur contexte
Mais, i l y a un e collaboration étroite entre les deux
approches du passé: entre «témoins» et historiens et les deux se complètent.
Dans ce livre Ida, à travers son témoignage, n’apporte pas seulement le fruit
de son expérience et de son émotion mais elle révèle le fonctionnement de
l’entreprise d’extermination et l’organisation dramatique de déshumanisation.
Elle parle de ce qu’il a vécu et cette parole est capitale. En effet, les nouvelles
générations doivent rencontrer celles qui ont vécu personnellement ces
traumatismes. Le temps travaille contre le souvenir car bientôt, il n’y aura plus
de rescapés de la Shoah pour témoigner.
C’est pourquoi, elle a ressenti la nécessité d’écrire noir sur blanc ce qu’elle avait
vécu, «sous peine qu’il n’en reste que des traces périssables»
La parole du témoin est, avec le récit authentifié de l’histoire, le rempart de
la vérité et de la raison contre le mensonge organisé. C’est aussi en réaction
contre le négationnisme que cet ouvrage a été écrit: c’est comme si on tuait
ses parents pour la 2ème fois.
Témoigner, surtout face aux plus jeunes, c’est aussi pour que Tout ça ne
recommence pas, c’est se souvenir d’innocents qui sont morts pour l’unique
raison d’être né juif, c’est aussi montrer ce que des hommes sont capables de
faire à d’autres hommes, seulement parce qu’ils sont nés. Les témoins sont
généralement attachés à ce que leur mémoire porte un message de fraternité,
et que leur expérience de mort soit pour les générations actuelles une
espérance de vie.
«Notre plus grande tristesse, à nous rescapés, c’est qu’Auschwitz et ses millions
de victimes n’aient pas servi de leçon, de vaccin à l’humanité. On croyait ferme
qu’après la Shoah aucun génocide ne serait plus possible, envisagé. Déception
totale !»