Fragilité, dépassement et création Conférence à - info

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Fragilité, dépassement et création Conférence à - info
Fragilité, dépassement et création
Conférence à Lausanne/ 24 août 2012
rencontrée Jean Dubuffet, qui constitue une
Charles Gardou
Anthropologue
Professeur à l’Université Lumière Lyon 2
[email protected]
étape décisive dans l’histoire de l’art brut. Une
œuvre,
peuplée
d’héroïnes
et
autres
personnages princiers, née de sa fragilité, qui
Mesdames, Messieurs, mes chers
a provoqué sa fuite intérieure dans une
amis, je suis heureux et honoré, d’être avec
exaltation religieuse, pacifiste et humanitaire. A
vous pour cette conférence, dans le cadre de
cet égard, je veux féliciter Jacqueline Porret-
la rétrospective consacrée à Aloïse, sur
Forel et Céline Muzelle pour la qualité de leur
l’invitation
catalogue raisonné.
de
Monique
Richoz,
directrice
cantonale de l’association Pro Infirmis Vaud.
On sait que l’art brut, considéré
Je la remercie, ainsi que Bernard Fibicher,
comme l’ « art des fous », fut longtemps
directeur ; Catherine Lepdor, conservatrice et
méprisé et marginalisé. Il resta une affaire
commissaire de l'exposition Aloïse-Le ricochet
d’aliénistes , comme le montre l’historienne
solaire ;
médiatrice
Julie Borgeaud dans ses recherches sur Louis
culturelle au Musée cantonal des Beaux-Arts ;
Soutter, interné lui aussi, en 1923, à l’asile de
Jacqueline
de
Ballaigues dans ce même canton de Vaud. Il
l’œuvre d’Aloïse et toutes celles ou ceux qui
réalisa également de multiples dessins d’une
ont préparé cet événement. Merci à vous de
réelle qualité artistique, que son cousin Le
votre présence et de votre accueil ici, au
Corbusier
Musée Cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.
Malheureusement nombre d’entre eux furent
Sandrine
Moeschler,
Porret-Forel,
Vous
avez
découvreuse
souhaité
que
1
s’appliqua
à
diffuser.
je
détruits, par mépris d’une œuvre réduite à
m’exprime sur le thème de la fragilité humaine
l’obscure occupation d’un « malade mental
et de la force, notamment de création, qui peut
interné » . La négation du talent de Louis
en émerger. Je le fais volontiers, tant cette
Soutter rappelle un autre dédain dont fut l’objet
question oriente aujourd’hui mes travaux et
l’art primitif africain ou océanien .
2
3
********Fragilité
mes projets d’écriture. Vous y verrez des liens
évidents
avec
Lausannoise
la
vie
Aloïse
et l’œuvre de la
Corbaz,
que
vous
célébrez.
Que rappellent donc Aloïse et tant
d’autres ? Qu’il n’existe ni temps ni lieu où ne
se manifeste, sous des formes diverses, la
Les rêves de devenir cantatrice de la
fragilité, dont ce que nous appelons handicap
jeune couturière, de la gouvernante d’enfants,
est l’une des nombreuses expressions. C’est
née vers la fin du 19
ème
siècle, ne se sont pas
vrai tant pour les plantes et les animaux que
réalisés. Mais, c’est à son retour en Suisse,
pour les humains. Nulle espèce vivante ne fait
après plusieurs années hors frontières, lors de
exception.
son
internement
internée
à
l’hôpital
psychiatrique de Cery, puis à celui de la
Rosière
à
Gimel-sur-Morges,
que,
paradoxalement, elle va se créer un « nouvel
univers fantasmé ». Par l’écriture, le dessin et
la peinture, elle réalisera une œuvre majeure,
1
Réja, Marcel. 2000 (1907). L’art chez les fous. Le dessin,
la prose, la poésie, Paris, L’Harmattan ; Prinzhorn, Hans.
1996 (1922). Expressions de la folie, Paris, Gallimard ;
Vinchon, Jean. 1924. L’art et la folie, Paris, Stock
2
Borgeaud, Julie. 2011. Postface, in Le Corbusier, Une
maison-Un palais, enluminures de Louis Soutter, éd. Fage
3
Jean Dubuffet, soutenu par André Breton et Jean
Paulhan, défendit activement cet art [Dubuffet, Jean. 1986.
Prospectus et tous écrits suivants, 4 volumes, Paris,
Gallimard ; Perry, Lucienne. 2006. L’art brut, Paris,
Flammarion]
6
Les plantes sont parfois, elles aussi,
plus souvent, d'une blessure par arme à feu . Il
handicapées. C’est le cas de la monotrope,
évoquait encore le cas de sangliers et
une petite herbe dépourvue de parties vertes,
d’hippopotames présentant de semblables
qui pousse en Asie, Europe, Amérique du nord
déficiences. Par plusieurs exemples, il montrait
ou centrale. Quel est son « handicap » ? Ne
ainsi que nombre d’animaux vivaient avec des
pouvant fabriquer de la chlorophylle, elle n’est
malformations congénitales conséquentes ou
pas à même, comme les autres, de se nourrir
des
par photosynthèse. Aussi est-elle contrainte de
ultérieurement.
blessures
et
infirmités
survenues
vivre dans les forêts de résineux. Là, grâce
Telle est aussi la réalité de la vie des
aux filaments d’un champignon intimement liés
hommes. Toute la chaîne du vivant témoigne
à ses racines, elle établit un lien vital avec un
ainsi,
conifère. Celui-ci, devenu son hôte, lui assure
incidents,
des apports nutritifs, lui permettant de vivre et
l’affecter ; de l’autre, des liens nécessaires et
de se développer, en dépit de sa dépendance.
des ressources déployées pour les surmonter.
C’est également le cas de bien d’autres
Invitation
végétaux.
perfection. Eternel combat entre Eros et
Si l’on se tourne vers le règne animal,
d’un
côté,
des
à
des
événements,
accidents,
faire
le
deuil
qui
des
peuvent
d’une
irréelle
Thanatos.
les exemples sont légion. Je pense ici à l’étude
Mais, au cours du grand récit de
consacrée par le Dr Félix Regnault, dans la
l’humanité,
deuxième
accepté cette loi, n’ont cessé de chercher
décennie
du
20ème
siècle,
4
aux infirmités des animaux sauvages . Il y
5
les
hommes,
n’ayant
jamais
d’autres explications à la vie blessée, au
relatait le cas d’un gorille adulte mâle et celui
handicap et autres défaillances. Songeons à
d’une panthère, tous deux handicapés par
l’Antiquité gréco-romaine qui voyait dans le
accident mais parvenus à s'alimenter et à
handicap le signe de la punition des divinités et
survivre. Il citait aussi des rongeurs, lapins
redoutait le danger de la déviance : on se
domestiques ou de garenne, lièvres, rats,
souvient
marmottes, castors… qui arrivaient toutefois –
« malformés » et de « la race pure des
et plus fréquemment qu’on ne le croit- à se
gardiens »
nourrir et à éviter d'être dévorés, malgré des
République. Souvenons-nous encore de la
déficiences des mâchoires et de la dentition,
doctrine de la chute de Saint-Augustin au 5
provenant d'une atrophie d'un maxillaire ou, le
siècle (remise en cause par Thomas d’Aquin 8
de
que
l’exposition
prônait
des
Platon
enfants
dans
La
ème
siècles plus tard) ; de la glorification mystique
des pauvres et des « infirmes » chez François
4
Regnault, Félix. 1912. « Les infirmités et les anomalies
des animaux sauvages devant les théories darwiniennes ,
Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de
Paris, VI° Série, tome 3, fascicule 1-2, 18 avril 1912. pp.
140-146.
d’Assise ; des phénomènes de
au 16
ème
diabolisation
siècle ; du grand enfermement à l’Age
classique,
Foucault.
auquel
s’est
Reconnaissons
intéressé
enfin
Michel
tous
les
5
Le gorille présentait, expliquait-il, une ancienne fracture
de l'avant-bras droit, consolidée en demi-pronation
(position de l’avant-bras et de la main, quand celle-ci se
présente avec la paume en-dessous et le pouce à
l’intérieur). La panthère, elle, avait reçu deux balles, dont
l'une avait brisé l'arcade zygomatique droite, l'autre détruit
l'articulation temporo-maxillaire gauche.
6
Voir Regnault, Félix. 1902. « L’allongement des dents
incisives chez les rongeurs », Bulletins de la Société
anatomique, 1902, pp. 7-8
obscurantismes et peurs archaïques qui ont
Irrépressible besoin de blesser pour supporter
encore cours face aux expressions de la
ses propres blessures ; de signifier à l’autre
vulnérabilité.
qu’il est indigne d’être, de le mésestimer pour
Ni les interprétations de tous ordres, ni
se
surestimer.
pourrait
s’arrêter
de grandeur ne parviennent à gommer la
préservés, qui s’imaginent forts et les plus
précarité constitutive du vivant. Notre humanité
vulnérables.
par
essence,
relations
entre
ceux,
dépendante,
Or, bien qu’inégalement répartie, la
évanescente. A la merci de repères mouvants,
fragilité est un destin commun à affronter
de trébuchements et de chutes. Elle fait un
solidairement. Sous des formes et à des
bruit de porcelaine brisée. L’Homme apparaît
degrés divers, chacun présente des retards,
comme
des déséquilibres, des anomalies, des failles
un
chétive,
ces
longuement
les apparences de puissance, ni les velléités
est,
sur
On
édifice
toujours
menacé
d’endommagement, de dégradation et de
physiques,
ruine. Aussi fragile que ses œuvres, écrivait
affectives, relationnelles, économiques. Nous
Voltaire. Rien n’est définitivement assuré. Tout
procédons, handicapés ou non, du même
se
patrimoine, de la même histoire. De la même
révèle
Chaotique,
contingent
imparfait,
et
impermanent.
partiel.
Jamais
intellectuelles,
psychologiques,
de
« essence de verre », disait Shakespeare. Le
plénitude. Ce n’est pas seulement parce qu’ils
destin des personnes que le handicap rend
sont vulnérables que les humains peuvent
plus vulnérables et le nôtre s’entremêlent,
mourir mais parce qu’ils doivent mourir qu’ils
inextricablement. Exposés au même roulis, sur
sont vulnérables. C’est leur condition à la fois
la même embarcation, personne ne peut se
la plus intime et la plus étrangère. C’est la
croire préservé des coups de mer qui, soudain,
destinée universelle.
submergent le pont et nos voilures. Jamais
Des soupçons continuent pourtant de
peser sur ceux dont le hasard de la naissance
hors d’atteinte.
Cela
admis,
ce
que
nous
appelons
ou d’un accident amplifie la vulnérabilité et que
handicap cesse d’être une infériorité pour
l’on dit « handicapés ». On les imagine frappés
devenir une possibilité générale de l’existence.
d’une infériorité : ils seraient d’une autre
Il est la métaphore des carences, contre
nature ; ils constitueraient un autre genre ; ils
lesquelles nous luttons avec des armes
procèderaient d’un univers séparé, d’une autre
inégales.
humanité.
comprendre
On leur laisse entendre que les « bien-
constitue
Impossible
la
sans
d’approcher
réalité
l’inscrire
et
existentielle
dans
la
de
qu’il
chaîne
portants » jouissent d’un privilège mais, plus
culturelle universelle, sans le replacer dans
encore, d’un mérite, d’une supériorité dont il
« l’ordinaire ».
serait légitime qu’ils se glorifient. Aveuglés,
Les sourds sont-ils
assourdis par le fracas des artifices, on ne voit
entendants ?
que
leur
pourraient entendre. Leurs yeux sont leurs
disgrâce, on aggrave leur infortune. On leur
oreilles : leur acuité visuelle, leur imagination,
donne quasiment à comprendre que leur
leur intuition se révèlent souvent fascinantes.
handicap diminue aussi ceux qui les côtoient.
Ils « signent » comme ils pourraient parler, à
leur
« manque »,
on
entretient
Non,
ils
le contraire des
voient
comme
ils
partir
d’une
langue
chorégraphiée.
Les
l’Homme s’éreinte à la fuir ou à la nier. Il
aveugles sont-ils des êtres à demi par rapport
emploie l’essentiel de ses forces dans ce
aux bien-voyants ? Non, leurs yeux sont au
combat contre sa propre substance.
bout de leurs doigts et ils appréhendent le
Parce qu’il ne parvient pas à s’incorporer
monde au-delà des apparences. S’ils nous
son destin, il se réfugie dans une image irréelle
apparaissent radicalement singuliers, il n’existe
de lui-même. Il tente de se préserver de son
toutefois
nature
sentiment de vertige lorsqu’il se voit tel qu’il
fondamentale entre eux, privés d’entendre ou
est. Engoncé dans un personnage, prisonnier
de voir, et les autres. Et cela reste vrai, même
de ses illusions, il s’imagine dominer son
en cas de déficiences plus sévères. Je songe
destin, quitte à ne pas en laisser naître
encore à cette fillette polyhandicapée, atteinte
certains, à en faire mourir d’autres, à croire
de lésions majeures et diffuses, dont la
s’empêcher lui-même de mourir.
traduction
aucune
différence
fonctionnelle
de
entrave
tout
le
L’absence de graves vicissitudes lui
développement. Il y a dans la relation à elle
donne
une
étrange
confiance
dans
ses
une part d’orfèvrerie. Dans son extrême
ressources et sa force. Aussi longtemps qu’il
fragilité, elle fait loi : témoin de l’inconsistance
est préservé d’importantes défaillances de son
du corps et des défaillances de l’esprit, elle
corps ou de son esprit, il est enclin à s’installer
dessine un portrait de l’humain dont elle n’est
dans une sorte de suffisance. Lorsque le
qu’une forme amplifiée.
danger, lointainement menaçant, le touche de
Il n’y a pas, d’un côté, leur singularité
façon directe, qu’il entre à l’intérieur de sa
extraordinaire et, de l’autre, la singularité
peau, il « comprend » alors, au sens premier,
ordinaire. Les frontières sont brouillées : nous
la situation jusque-là simplement entrevue. Car
sommes tous, handicapés ou non, des êtres
savoir n’équivaut pas à ressentir, à éprouver
intermédiaires entre un plus et un moins, un
dans ses fibres, à porter au plus intime de soi.
meilleur et un pire, un en-deçà et un au-delà.
On peut connaître ce qu’est le handicap en
Des circonstances adverses peuvent faire
ignorant la vie de ceux qui en sont affectés. On
voler en éclats la certitude de se croire installé,
peut savoir ce qu’ils « ont » en méconnaissant
de manière inamovible, sur le bon versant du
ce qu’ils « sont ». Cette ignorance génère des
destin.
fantasmes individuels ou collectifs, source
Le handicap n’est à ce titre que l’une des
faces de l’Homme, pétri d’argile et de marbre,
tel le colosse biblique qui habite le songe du
7
d’exclusion.
Pénible
rappel
des
menaces
qui
planent, les miroirs qui réfléchissent notre
roi Nabuchodonosor, dans le Livre de Daniel .
chétivité ne se laissent pas facilement regarder
A l’instar de cette statue, la fragilité peut à tout
en face. Il y a, chez celui qui se voudrait
instant se rappeler à nous et en assaillir
indemne et protégé, un malaise à croiser de
certains. Butant sur cette part irréductible,
ses yeux la blessure de l’autre et, à travers
elle, sa propre faiblesse.
7
« Sa tête était d'or fin, sa poitrine et ses bras étaient
d'argent, son ventre et ses cuisses de bronze, ses jambes
de fer, ses pieds partie fer et partie argile ». Le rêve
s’achève ainsi : « Soudain une pierre se détacha, sans
que nulle main l'eût touchée, et vint frapper la statue, ses
pieds de fer et d'argile, et les brisa. Alors se brisèrent tout
à la fois fer et argile, bronze, argent et or ».
Dépassement et création
Le moteur de l’existence humaine
réside bien là, dans cette lutte contre la
vulnérabilité. L’espoir de parvenir à se hisser
au-dessus
d’elle
décuple
si
l’idéalisme naïfs, reconnaissons que certaines
certaines se manifestent quasiment à notre
vies, reconstruites à bout de bras représentent
insu, les autres ne se découvrent et ne se
des modèles de détermination et de réussite.
développent que dans l’adversité. Les forces
Tout a dû être surmonté par une volonté
vitales,
moindres
triomphant des manifestations de la blessure.
qui
les
La vie en apparence brisée peut donner
emprisonne : « L’huître sécrète une perle de
paradoxalement des raisons de lutter, de
ce qui la blesse », écrit William Faulkner dans
résister, de vouloir inverser le cours des
Le bruit et la fureur.
choses.
empruntant
interstices,
percent
les
alors
la
forces :
Tout en récusant la sublimation et
les
coquille
Grâce à son capital de ressources et
C’est pourquoi la longue histoire des
d’énergies insoupçonnées, l’être humain est à
hommes, reflétant cet alliage d’argile et de
même d’affronter des situations imprévues,
marbre, ne s’est pas faite sans la capacité de
des circonstances périlleuses. Par instinct et
dépassement, la mobilisation du processus de
par
il
résilience, le talent de personnes affectées de
supplée, s’adapte. Il advient qu’une entrave
déficiences, parfois extrêmes. Quels que
ouvre l’accès à un niveau de fonctionnement
soient le temps et les cultures, les exemples
supérieur
foisonnent :
volonté,
il
et
improvise,
devienne
reconstruit ;
un
moteur
de
scientifiques,
politiques,
développement. On constate souvent que,
inventeurs, philosophes, peintres, sculpteurs,
lorsqu’un sens fait défaut, un autre se
musiciens, écrivains, poètes. C’est le cas de
développe ; lorsqu’une faculté est entravée,
Robert Schumann, de Frida Kahlo, de Jean-
une autre surgit.
Jacques Rousseau, de Blaise Pascal, de
Le handicap incarne cette éclosion de
Fedor Dostoïevski, de Joë Bousquet, d’Helen
facultés de suppléance, de contournement et
Keller, de Démosthène, auxquels je me suis
la confrontation avec ses propres réserves.
intéressé dans un ouvrage , et de tant d’autres
Généralement
encore. Chacun d’entre eux savait, de cette
désagrégation,
envisagé
paralysie,
comme
seule
dépendance,
8
science
certaine
que
donne
l’expérience
stérilisation des possibilités d’activité et de
vécue, la place de la vulnérabilité et des
réalisation, il peut se compenser d’aspects
ressorts nécessaires pour la surmonter. Leur
féconds.
peut
flamme créatrice est née dans l’adversité et
floraison, parfois accrue à
leur œuvre, conquise sur leur faiblesse, a
L’assèchement
engendrer une
apparent
force d’être empêchée. Du corps ou de l’esprit
grandi pour s’élever au rang des plus belles.
défaillant et rétif, cessant d’être serviteur pour
Sans verser dans la fantasmatique des
devenir écueil, peuvent naître des énergies
surhommes ou interpréter hâtivement les
allant jusqu’aux limites extrêmes de l’humain.
rapports entre leur handicap et l’ampleur de ce
A contrario, des facultés intactes, un corps et
qu’ils ont accompli, il est difficile d’ignorer chez
un esprit performants ne garantissent ni
eux l’existence d’un processus cathartique.
l’ardeur à vivre et à s’accomplir, ni la capacité
Pour reprendre les mots de Maurice Merleau-
et le désir d’entreprendre.
8
Gardou, Charles. 2009. Pascal, Frida Kahlo et les
autres… Ou quand la vulnérabilité devient force, Toulouse,
érès
Ponty qui évoque, dans Sens et non-sens, la
sentiments contradictoires, un déséquilibre, un
fragilité psychique de Paul Cézanne, leur vie et
interminable deuil de lui-même et d’autrui,
leurs réalisations sont « une même aventure ».
dans lequel finit par sombrer sa raison.
Ils témoignent de la même ambition : faire
Frida Kahlo, victime de la poliomyélite
œuvre pour triompher des limitations, qui les
à six ans, puis broyée par un accident douze
mettent constamment en proie à un risque de
ans plus tard, transforme la déchéance de son
basculement.
eux-
corps, qui dévore sa féminité, en splendides
mêmes, ils réunissent, pour se reconstruire,
tableaux. Si les couleurs inondent sa terre, sa
les « matériaux » qu’ils s’efforcent d’arracher
maison, sa peinture, celles de sa vie sont
aux ravages du handicap. Si l’on entend par
ternies par la maladie et le handicap : elle ne
résignation, le renoncement à un idéal, ils ne
subit pas moins de trente-deux interventions
se résignent jamais. Même au plus bas de la
chirurgicales et porte, au cours de son
dépossession, ils se relèvent pour continuer à
existence, vingt-huit corsets orthopédiques en
créer. Ils se rebellent, refusant de se soumettre
acier, cuir ou plâtre. Aussi apparaît-elle comme
aux pesanteurs et aux empêchements à vivre.
une conquistadora, qui va toujours jusqu’au
Intransigeants
envers
Mais, parce qu’ils ne sont qu’humains,
bout, jusqu’au fond d’elle-même. Avec une
leur force inégale et fugitive connaît de
résistance hors du commun, elle s’applique à
nombreux mouvements de ressac. On les
surmonter les obstacles qui jonchent sa route
découvre tantôt aussi faibles que si le sang
et à faire un sort à sa souffrance physique et
désertait leurs veines ; tantôt aussi forts
morale. L’art est sa seule intégrité, sa révolte,
qu’aucun écueil ne semble pouvoir freiner leur
son unique moyen de survivre à la déchéance
élan vital et créatif. Tantôt le lâcher-prise et
de
l’abandon à la faiblesse, tantôt la résistance et
angoissées.
le triomphe de la force, tantôt l’un et l’autre
enchevêtrés.
son
corps
et
à
ses
interrogations
Blaise Pascal, traqué dans sa solitude
affective par la maladie et la mort qui rôde,
Robert Schumann, exténué sous le
devient un inventeur, un savant et un prodige
fardeau de ses troubles psychiques, tire de sa
de la pensée. Un « effrayant génie », déclarait
maladie
belles
Chateaubriand dans une célèbre page du
compositions musicales. Une lutte de plus de
Génie du christianisme : mathématicien et
vingt années entre la poésie et la musique ne
inventeur de la machine à calculer ; physicien,
fait qu’ajouter à son
Il
artisan de l’assèchement des marais poitevins
arrache la création au deuil et au mal qui le
et concepteur des premiers transports en
frappent. Une cathédrale de sons naît de la
commun
disparition des êtres qu’il chérissait, de la
apologiste de la foi chrétienne et polémiste ;
maladie, de son combat pour l’amour de Clara.
moraliste et philosophe, à l’égal de Descartes,
Dans son univers musical, c’est le va-et-vient
Kant ou Hegel. Or, ce prodige précoce que l’on
de l’aurore et du crépuscule, de l’éclosion et du
l’imagine sûr de lui, fort, est en réalité un être
flétrissement qui bat la mesure. Sa vie et son
faible, souffreteux. Ni son génie ni sa fierté ne
œuvre musicale sont dominées par la dualité
parviennent à pallier sa misère affective, son
de son être, une bigarrure d’états et de
enfance perdue, une mère trop tôt disparue et
d’angoisse
les
plus
désordre intérieur.
urbains ;
théologien,
mystique,
d’étranges troubles qui colonisent son corps :
semblable à un roman-feuilleton qu’il aurait lui-
digestifs,
neurosensoriels,
même imaginé. Au cours de son existence, il
accompagnés de troubles de l’humeur. Dès sa
connaît toutes les facettes de la condition
petite enfance et jusqu’à sa mort à 39 ans, il
humaine, de l’humiliation à la consécration, du
est tourmenté par les flux et reflux incessants
bagne à l’apothéose. Seule, la sublimation par
d’une souffrance physique qui se double d’un
l’art le sauve de l’anéantissement et de la
chaos intérieur. Jamais cependant, il n’oublie
folie : « Pour le misérable que je suis, avoue-t-
les propos de sa sœur : « Un malade peut,
il, mon travail remplit ma vie et c’est mon bien
peut-être, mieux faire qu’un homme bien sain».
suprême. Si je ne pouvais écrire, je mourrais ».
Aussi mène-t-il sa vie comme un perpétuel
Joë Bousquet, moitié poète, moitié
locomoteurs,
défi, faisant de la précarité la clé de la
philosophe,
grabataire dans sa chambre
condition de l’homme.
d’exil, marche à travers sa poésie et enfante
Jean-Jacques Rousseau, errant et
des mots magiques. Atteint par un coup de
luttant contre sa maladie multiforme, laisse une
feu, au cours de la Grande Guerre, il entre, à
œuvre immense dans le domaine des idées et
l’âge de vingt ans et pour toujours, dans une
de l’expression des sentiments. Il fait partie de
existence paralysée. Dès lors, il vit retranché
ces personnages, considérés comme des cas
du monde, rivé au lit par sa lésion médullaire.
cliniques notoires, qui n’ont cessé d’intriguer
Mais il se débat comme un beau diable pour
les médecins, psychiatres ou psychanalystes,
fuir sa misère morale et physique. Il veut
jamais parvenus à se mettre d’accord sur un
garder une dignité, jouer un rôle. Il trouve dans
diagnostic. Au-delà des diagnostics les plus
le langage un substitut à son corps et un
variés, il souffrait, semble-t-il, d’une porphyrie
refuge contre son mal. Par l’écriture, il recrée
aiguë intermittente, avec son dédale complexe
le mouvement et l’espace, il se réincorpore, il
de symptômes et de troubles : manifestations
« enchante » son destin. Il a ces paroles, qui
psychiatriques, neurologiques, abdominales. Si
sont en quelque sorte la quintessence de son
son génie n’est en aucun cas réductible à sa
expérience existentielle : « J’ai vu de quel
maladie, l’un et l’autre se côtoient intimement
néant la vie serait faite si nous n’avions la
en lui et son inspiration puise constamment à
ressource suprême d’en tirer de l’espoir».
la source de ses délires multiformes : il ne peut
Helen
Keller,
sourde,
aveugle
et
écrire que lorsqu’il est en plein accès de délire.
muette, emmurée dans le silence, refuse de
Fedor Dostoïevski, voûté par le destin,
capituler face à la nature qui s’est acharnée
constamment
crises d’épilepsie
éprouvé
et
son
par
ses
sur elle pour devenir écrivain et conférencière
emphysème
accomplie. Elle a 19 mois à peine lorsqu’une
pulmonaire, devient un titan de la littérature,
grave
maladie,
diagnostiquée
l’un des plus grands écrivains dramatiques
comme « fièvre cérébrale », vient ternir les
après Shakespeare, de l’avis d’Henri Troyat.
promesses que portent ses débuts dans
On imagine un dieu, on découvre un être
l’existence.
toujours coupable, tiraillé en tous sens, éreinté
particulièrement sévères : surdité, mutité et
par son corps à corps avec la maladie. Son
cécité. Cette petite fille, enfermée dans son
visage porte la tragédie de sa destinée,
cachot où nul bruit et nulle lumière ne
Les
séquelles
à
l’époque
s’avèrent
pénètrent, finit cependant par vaincre le hasard
leurs déficiences. Avec eux sur nos pas,
cruel,
poursuivrons encore un peu ce voyage à la
avec
l’aide
d’une
pédagogue
d’exception, qui a montré a contrario que la
rencontre
d’autres figures
artistiques
qui,
défaite est souvent dans le regard porté sur
singulièrement marqués par la vulnérabilité,
celui que l’on accompagne. A 24 ans, elle
ont aussi laissé une trace vive dans l’histoire
reçoit son diplôme du prestigieux Radcliffe
des hommes.
College de l’Université de Harvard. Son
Qui ne sait les tortures psychiques de
ouvrage, L’histoire de ma vie, est traduit en
Vincent Van Gogh, qui vient au monde un an
plus de cinquante langues ; elle écrit par
après le décès de son frère mort-né, dont il
ailleurs treize livres et de multiples articles
porte le prénom ? Dans un accès de démence,
consacrés aux déficiences sensorielles, à la
il se mutile l’oreille gauche lors d’une violente
condition féminine et autres sujets de société.
dispute avec Paul Gauguin. Son Autoportrait à
Démosthène,
luttant
d’arrache-pied
l’oreille
gauche
rapporte
cette
infirmité
contre sa déficience de l’élocution, oppose, lui
masquée par un pansement. Les crises de
aussi, sa propre force à celle de sa destinée
folie se succédant, il rejoint l’asile de Saint-
pour se hisser au sommet de l’art oratoire.
Rémy de Provence, où il réalise soixante-dix
Garçon frêle, nerveux, maladif, il surmonte une
toiles en soixante-six jours. Après la peinture
entrave
pour
des Champs de blé aux corbeaux, son ultime
l’exercice d’un métier de parole. On le
toile, il se tire un coup de revolver dans la
surnommait d’ailleurs Batalos, déformation
poitrine. Une autre vie tristement célèbre est
d’un sobriquet signifiant « petit bègue ». Pour
celle de Camille Claudel, faite de solitude, de
corriger son bégaiement, ses confusions de
misère et de terribles hantises. Elle s’enfonce
consonnes, sa prononciation obscure, il se
dans une démence paranoïaque, vaincue par
lance dans une lutte acharnée, récitant des
sa liaison tumultueuse avec Auguste Rodin.
tirades entières avec de petits cailloux dans la
Prisonnière de ses obsessions et de ses
bouche. De même, soucieux de fortifier sa
délires, déclenchés par la seule évocation du
poitrine et de donner de la force à sa voix, il
nom de celui qu’elle a passionnément aimé,
s’impose de déclamer de longs morceaux en
elle vit durant trente années à l’asile de
gravissant des côtes à la course.
Montdevergues, sans créer.
apparemment
prohibitive
Aloïse Corbaz en est
une autre
Une maladie osseuse, aggravée par
illustration. Elle, dont l’art est une « une vaste
deux chutes de cheval, entrave Henri de
épopée incantatoire dont rien ne saurait
Toulouse-Lautrec.
imposer clôture », écrivait Jean Dubuffet.
jambes se brisent et les os ne cicatrisant pas,
A
l’adolescence,
ses
Si j’évoque ici des personnalités dont
elles cessent de grandir. Seul, son tronc
l’œuvre-vie fait date dans le grand récit de
poursuit sa croissance, de sorte qu’il reste nain
l’humanité, bien d’autres y apportent leur
et son corps atrophié. Ce drame personnel fait
pierre, si discrète et inaperçue soit-elle. Il n’est
naître en lui un besoin d’expression d’une
qu’à se tourner vers tous les anonymes, aux
extrême violence et un insatiable goût pour les
vies cabossées, allant au bout d’eux-mêmes
plaisirs. L’excès de boisson
pour vivre, se réaliser et créer avec et malgré
contribue à
détruire sa santé, il se paralyse et meurt à
sentiment de malaise. Des états dépressifs
trente-sept ans.
aggravés
par
son
ascétisme
autopunitif,
La déficience physique due à une
marquent également la vie de Michel-Ange,
poliomyélite et les tristes circonstances de sa
orphelin de sa mère à l’âge de six ans et élevé
naissance obscurcissent la vision du monde de
par une nourrice.
[]
Georges Rouault. Ce disciple de Gustave
Chez les musiciens, o n relate que
Moreau, admirateur de Rembrandt, voit le jour
Gioacchino Rossini pleure lorsqu'il entend pour
dans une cave, au son du canon de la
la première fois Anton Bruckner. Issu d’une
Commune : « La peinture est pour moi,
famille dont plusieurs membres présentent des
concède-t-il, le moyen d'oublier la vie ». Pour
états
sa part, Salvador Dali porte la culpabilité de la
arriération mentale, l’auteur de la Symphonie
mort d’un
frère, idolâtré par ses parents,
romantique n’a que 31 ans lorsqu’on décèle
disparu trois ans avant sa naissance et
les signes d’une névrose obsessionnelle.
prénommé comme lui. Adulte, il parle de la
Certains incidents rappellent même des accès
mort à un journaliste du quotidien Le Monde le
de folie, qu’il réussit à transmuer en création
25 janvier 1989: « C’est ma compagne la plus
artistique.
dépressifs
et
un
frère
cadet
une
fidèle qui ne me quitte pas depuis l’enfance,
Gustav Mahler, disciple et protégé
elle est à l’intérieur de moi. La mort fonctionne
d’Anton Bruckner, donne son premier récital à
en moi, sans repos, comme le sable coule
dix ans, poussé par un père dont il fuit la
dans le sablier ». Sa phobie des insectes, qui
violence.
menacent de dévorer le corps, exprime sa
Résurrection, vaste réflexion sur la mort,
peur du morcellement et de la décomposition.
reflète les préoccupations de ce remarquable
Sa vie durant, victime d’hallucinations et de
compositeur, psychiquement très vulnérable,
graves délires, il comble son vide identitaire
d'une nervosité excessive et d'une activité
par des provocations, des excentricités et des
fébrile. Le destin l’éprouve cruellement en
manifestations de violence. Cet homme aussi
1907 : confronté à de virulentes attaques
angoissé qu’extravagant se plaît à dire : « La
antisémites, il est relevé de ses fonctions de
seule différence entre moi et un fou, c’est que
directeur de l'Opéra de Vienne ; sa fille aînée,
moi je ne suis pas fou ».
âgée de quatre ans, meurt et les médecins
Francis
asthmatique,
lorsqu’elle
Bacon,
est
rejeté
découvre
son
enfant
par
sa
maladif,
famille
Sa
deuxième
symphonie,
découvrent chez lui une maladie cardiaque
incurable. Il décède quatre ans plus tard.
9
homosexualité .
Ces femmes et ces hommes font subir
Inlassablement, il évoque un univers morbide,
un
renversement,
d’où émerge un sentiment de solitude et
handicap, pour donner à voir une clarté dans
d’angoisse. Ses œuvres violentes exaltent la
la
chair promise à la putréfaction. Dans des
peignent, certes pour s’exprimer, mais avant
mondes clos, étouffants, dont on ne peut
tout pour s’emparer de leur vie et lui rendre sa
s'évader, des êtres étalés transmettent un
hauteur. Ils créent pour redonner une unité à
brume
qui
le
un
retournement
nimbe.
Ils
au
composent,
leur être dissocié et accéder à un autre ordre
9
Francis Bacon est un descendant collatéral de l’homme
d’Etat et philosophe portant le même nom et prénom que
lui.
d’existence. Sous la façade de leur notoriété,
ils peuvent apparaître, il est vrai, comme des
d’identité, qui nous définit et ancre l’humanité
exceptions et des privilégiés dans leurs
dans notre chair.
capacités d’action et de création. Néanmoins,
source
leur situation donne une ampleur particulière à
humains,
leur expérience individuelle, l’élevant au rang
traquenards de la vie.
de symbole.
d’une
Et c’est là que niche la
réelle
plus
ou
solidarité
moins
entre
les
préservés
des
Glorieux ou sans grade, favorisés ou
Leurs itinéraires singuliers mettent en
disgraciés, souverains
ou servants, cette
lumière une réalité paradoxale. Le handicap
fragilité irradie nos gènes ; elle est à fleur de
impose
notre épiderme, jusque dans des formes
de
impuissances,
multiples
limitations
et
d’indicibles
détresses,
des
redoutées.
La
vanité
d’omnipotence,
à des aspirations. Il réduit en poussière
exclusion, procèdent de la négation de cette
certains désirs et projets. Il restreint certaines
évidence. L’humanité se pervertit dans la
capacités,
obérer
célébration exclusive de la force, de la
systématiquement l’ensemble des possibilités
compétition et de la victoire. Elle tend à se
d’un être. Certaines, nous l’avons dit, peuvent
durcir et à s’égarer dans la violence. Il n’y a
même s’accroître.
pas de faibles et de forts, seulement des
toutefois
L’écart à l’équilibre, à la
des
naissent
l’illusion
sentiments d’infériorité. Il contraint à renoncer
sans
dont
et
imprudents
mépris
ou
et
norme, à la moyenne tue et crée à la fois. Il
inconscients,
des
provoque à exister, à transcender sa faiblesse.
présomptueux jouant aux puissants. Cette
Même dans les cas -et on ne saurait les
réalité existentielle, les personnes en situation
oublier- où une déficience laisse tout entier
de handicap l’éprouvent crûment. Les autres
exsangue et semble priver de toute liberté, les
s’efforcent de la tenir ensevelie mais finissent
plus infimes forces, les plus inaperçues,
par l’expérimenter. Quoi qu’il en soit du chant
veulent vivre. Nul être, tant qu’il est vivant, ne
des sirènes, l’existence contraint à des cures
renonce à tout. La blessure n’est pas totale
de réalisme.
négation. L’œuvre-vie de ces personnalités,
**
qui ont à des degrés divers marqué notre
Le seul lien natif entre les hommes,
histoire, et celle de tous ceux qui restent
c’est la vulnérabilité. Dès la première esquisse
inaperçus amène à déshabiller la nature de
de
l’Homme.
Elle éclaire d’une lumière crue la
ontologiquement liés par elle, non par la force.
déchirure entre sa nudité et la hauteur à
Elle est la source et la raison profonde de toute
laquelle
la
relation, à laquelle elle donne son contenu et
conscience d’une chétivité constitutive et
son sens : celui d’une aventure et d’une
l’obsession illusoire de la maîtrise.
destinée communes sur un territoire commun.
il
aspire ;
la
fracture
entre
notre
La vulnérabilité de Robert, Frida,
vie,
nous
sommes
liés,
Rien n’exprime mieux l’archaïsme et la
Blaise, Jean-Jacques, Fedor, Joë, Helen,
laideur
Démosthène, Aloïse, etc s’élargit à tous,
déconsidérer les plus vulnérables. Leur mise à
comme pour insuffler la force de la dépasser.
l’écart dénature la nature humaine.
Elle montre que notre fragilité n’est pas
accidentelle, de surface : il s’agit d’une fragilité
de
l’humain
que
sa
capacité
à
L’Homme est d’autant plus fort qu’il se
connaît et s’assume vulnérable.