Sous la perruque blonde de Miss Knife, cette fine

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Sous la perruque blonde de Miss Knife, cette fine
20.10.2012 - Marie-Aude Roux
Sous la perruque blonde de Miss Knife,
cette fine lame d'Olivier Py
Miss Knife a lancé son premier couteau ce 18 octobre et nous l'a fiché en plein coeur. C'est en effet au Théâtre de l'Athénée qu'Olivier Py a entamé un tour de chant qui devrait occuper jusqu'à la fin de l'année puis de mars à mai 2013
l'ancien directeur de l'Odéon, avant sa prise de fonctions au Festival d'Avignon à l'automne 2013.
Miss Knife est sortie tout armée de la cuisse d'Olivier Py en 1992 : elle n'était alors que la Lanceuse de couteaux de sa
pièce La Nuit au cirque, créée au Théâtre du Peuple à Bussang. Amphitryon revisité mêlait aux dieux de l'Olympe ceux
de la foire. Olivier Py est devenu Miss Knife sans abandonner pour autant la Femme-Serpent, la Clownesse, le Squelette
de cotillon... comme en témoigne le texte de ses chansons aussi tristes et radieuses, parodiques et sentimentales que
libres et désespérées.
Compagne d'infortune
En 1996, cracheur de feu prométhéen, Py a introduit Miss Knife et sa Parade dans le sacro-saint Festival d'Avignon.
Avant d'en faire sa compagne de fortune ou d'infortune selon que tournaient les vents. C'est donc tout naturellement avec
elle qu'il a fait ses adieux sur la scène de l'Odéon le 12 mars. Jolie revanche qu'un directeur d'institution quittant son job
en chanteuse travestie, perruque blonde, boucles d'oreilles et robe à paillettes, montrant son cul en parlant de ses amants
"des toilettes de la gare de l'Est"...
Aujourd'hui, Miss Knife n'est pas pacifiée. Elle chante sa désespérance avec l'humour tragique et salvateur consubstantiel
du fait de vivre. Ses chansons réalistes disent la vie brève, l'espérance violente, les amours délétères, les enfants perdus,
les artistes perdants. Empruntent à Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, au jeune Mallarmé, et surtout à Nerval le suicidé (El
Desdichado). Les belles musiques - romances, tangos, javas - de Stéphane Leach et Jean-Yves Rivaud, les musiciens de
jazz qui l'accompagnent sont comme le décor de lampes vives imaginé par Pierre-André Weitz avec ses grandes gélatines colorées qui tombent comme des couperets.
Puisssance incantatoire
La voix d'Olivier Py est chaude et prenante - travaillée avec le même professeur de chant que le baryton Laurent Naouri -,
jamais caricaturale. Elle nasille parfois en ouvrant les voyelles, prend des accentuations tragiques à la grande Barbara,
évoque l'émouvant vibrato et la puissance incantatoire de Léo Ferré. Olivier Py en scène n'a que les stigmates irrévérencieux d'une chanteuse de music-hall. Cet homme qui se vêt de bijoux et de plumes (parce que "quand vous avez perdu
beaucoup dans vos combats, il reste une solution : les mettre sur ses fesses") ne masque rien de sa masculinité pileuse,
fût-elle inscrite dans un string de strass rouge.
Il n'est jamais plus beau que la tête nue, cils charbonnés et lèvres peintes, abandonné à la musique, le corps presque
brutal sanglé dans un fourreau ouvert sur des jambes gainées de rouge méphistophélique. Histoire de dire sans doute
que l'ange déçu a toujours le diable au corps.