Au risque du désir
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Au risque du désir
Assistance sexuelle et handicaps?… un nouvel accompagnement érotique Les objectifs de l’assistance sexuelle sont liés aux valeurs humanistes et individuelles actuelles d’autonomisation. Ces «soins érotiques» font corps avec les normes de qualité de vie et d’intégration de la personne en situation de handicap. Au risque du désir... Une femme qui vit avec un handicap physique dégénératif dans un corps très spastique, rêve qu’une fois dans sa vie un homme se couche nu, à côté d’elle, pour sentir ce corps à corps chaud et vivant: «Il n’est pas nécessaire qu’il me fasse quelque chose... mais j’aimerais juste sentir sa peau d'homme contre ma peau... sans crainte de son regard sur mes dysmorphies.» Il est souvent gênant, voire insupportable, de se confronter au regard de l’autre lorsque l’on doit, par défaut, s’inscrire en marge des normes sociales si prégnantes, lorsqu’il s’agit de l’image du corps et de ses performances. Il est parfois insurmontable d’accéder à une réponse érotique ou sexuelle lorsque la communication est entravée ou que les comportements ne sont pas compris par la communauté. Il n’y a pas de sexualité avec un grand S. Il n’existe qu’une multitude de sexualités personnelles, chacune devant être respectée dans son rythme et dans ses expressions. L’heure n’est plus à la dénégation des pulsions et des désirs sexuels de la personne en situation de handicap, ni d’ailleurs à leur exacerbation. Se satisfaire sexuellement, seul−e ou avec un partenaire, peut s’avérer très compliqué, voire impossible selon les limitations du corps. Elles/ils sont aussi femmes/hommes?… avant d’être seulement handicapé−e−s, et sont devenu−e−s acteurs−trices de leur vie sexuelle au même titre que tout le monde. Parler des besoins affectifs et sexuels en général demeure juste et significatif la plupart du temps, mais dans un certain nombre de situations ce n’est ni suffisant, ni adéquat: des hommes et des femmes ont besoin d’une nourriture sensorielle, sensuelle, érotique, voire génitale. C’est là où le vaste et subtil champ d’action de l’assistance sexuelle prend tout son sens.1 Pour les personnes en situation de handicap ayant de telles aspirations, un−e assistant−e sexuel−le pourrait être celui/celle qui favoriserait de telles expériences sensorielles, sensuelles ou sexuelles en toute humanité et saine compassion. Cette aide encore très tabou prend ainsi une bonne et juste place dans certaines vies trop confinées, étouffées et solitaires. Nous ne faisons pas d’amalgame entre les handicaps physiques et les handicaps mentaux: la vie affective et sexuelle ne s’y joue pas de la même manière, et un discours unilatéral dans ce sens serait réducteur et peu respectueux de la personne. Même à handicap identique... les différences sont déjà très nombreuses! En conséquence, la cause de cet accompagnement érotique vaut la peine d’être reconnue et défendue, mais avec la conscience aiguë que toute situation personnelle est singulière. Par ailleurs, n’imaginons pas que l’assistance sexuelle se substitue à la relation amoureuse! Cette nouvelle offre demeure donc du domaine de l’exceptionnel. L’assistant−e sexuel−le est spécifiquement sollicité pour l’intime de l'intime. Il/elle pratique des approches très progressives, respectueuses, lentes, prudentes, délicates, fines et humbles, sans attente de performance spectaculaire, révélant la personne à elle−même, à son sentiment d’être en vie, en tant que femme, qu'homme. Un programme de formation intégrative2 prépare à l’accompagnement érotique. Il comporte des Au risque du désir... 1 apports théoriques comprenant la connaissance des divers handicaps et leurs spécificités, la sexologie et les pratiques sexo−corporelles, les notions juridiques liées aux droits et aux devoirs dans la sexualité ainsi que la prévention des abus sexuels, la compréhension des dynamiques institutionnelles et enfin une réflexion éthique approfondie. Une certification reconnaît ce cursus pédagogique original. La phase d’appel à candidature s’adresse actuellement à toute personne se reconnaissant des compétences pour cette délicate relation d’aide, soit des qualités humaines, d’écoute de l’autre, de maîtrise du toucher, un sens aigu de ses propres limites, une personnalité équilibrée, étant à l’aise dans sa sexualité et au bénéfice d’une bonne santé. ...désir risqué! La toile de fond dévoile cependant souvent ces deux questions lancinantes: – qu’en est−il du droit au désir pour la personne concernée? – qui est le propriétaire de ce désir? Reconnaître la personne vivant avec un handicap dans ses désirs les plus intimes, suppose de reconnaître l’autre comme un sujet qui nous interpelle dans nos propres désirs. On comprendra aisément que s’interroger soi−même3 d’abord par rapport aux diverses facettes de la sexualité humaine, avant de juger, de réagir et d’agir pour les autres?… apparaît comme fondamental. Courir le risque de l’assistance sexuelle participe d’une approche positive de la sexualité. Elle tient compte des différences et des spécificités affectives et sexuelles relatives à chaque femme/homme ainsi que des compétences que chacun−e et que l’ensemble peuvent mettre en œuvre, pour déboucher sur des mieux−être individuels et solidaires. Catherine Agthe Diserens, sexopédagogue spécialisée, formatrice pour adultes, présidente du SEHP (SExualité et Handicaps Pluriels) 1«Accompagnement Erotique et Handicaps: au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur». Auteures: Catherine Agthe Diserens et Françoise Vatré. Editions La Chronique Sociale, Lyon, 2006 2Une formation en Suisse romande verra le jour en automne 2007, sous l’égide de l’association SEHP – SExualité et Handicaps Pluriels, présidente Catherine Agthe Diserens: www.sehp−sehp.ch. Cette association défend, depuis 15 ans, le droit à une sexualité adaptée aux besoins et aux désirs des personnes en situation de handicap. 3Cf. note 1 www.avenirsocial.ch ...désir risqué! 2