Pratique du sport chez un épileptique : quelles recommandations ?
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Pratique du sport chez un épileptique : quelles recommandations ?
info-patients Info-Patients L’éthique au quotidien Pratique du sport chez un épileptique : quelles recommandations ? P. Derambure* on pouvait parler de crises Aujourd’hui, cet équilibre provoquées par l’activité passe aussi par la pratique du sport du fait de la frédu sport, parce qu’il est le es médecins, les parents, les professeurs expriment loisir qui favorise le souvent beaucoup de prudence, voire d’inquiétude quence significativement des crises penmieux les relations sociaquand il faut conseiller un épileptique qui souhaite prati- augmentée dant le sport). Si 36 % des les, et parce qu’on connaît quer un sport. Pourtant, tout doit être fait pour que l’épi- épileptiques ont présenté bien maintenant l’effet leptique puisse bénéficier d’une intégration naturelle des traumatismes pendant bénéfique de sa pratique la pratique du sport, seuls régulière sur la prévention dans son milieu social, scolaire ou professionnel. 10 % de ces traumatismes de pathologies comme les étaient associés à la surmaladies coronariennes, venue d’une crise. Le l’ostéoporose, l’hypertenrisque d’accident n’apparaissait pas sion artérielle, l’obésité. De même, il gne d’un déficit neurologique portant en supérieur chez les épileptiques. La contribue au développement psychoparticulier sur les fonctions intellectuelconclusion de cette étude, confortée par moteur et donne confiance en soi. Des les, il est évident que l’on sera plus prules études précédentes, a été que les données précises permettent de confirdent dans la discussion sur la pratique bénéfices liés à la pratique régulière d’un mer le plus souvent les bienfaits du sport d’un sport. sport étaient bien supérieurs aux risques chez l’épileptique, sur sa santé physique spécifiques générés par les interactions et psychique, contribuant même, dans entre le sport pratiqué et l’épilepsie. certains cas, à un meilleur équilibre de Autrement dit, le fait de réduire ou d’inl’épilepsie. terdire la pratique du sport chez les épiLes recommandations à un épileptique leptiques aura plus de conséquences qui prend conseil sur la pratique d’un Plusieurs études norvégiennes de l’équinégatives sur leur santé physique (sursport doivent tenir compte des consépe de Nakken (1, 2) sur la pratique du charge pondérale et moindre confiance quences possibles de l’épilepsie et des sport chez une population épileptique ont en soi seraient les plus importantes, selon risques liés au sport pratiqué en analymontré clairement que les bénéfices l’étude de Nakken et al., [1]). sant leurs possibles interactions. Les éléapportés étaient bien supérieurs aux ments qui interviendront dans la discusrisques. Dans l’étude la plus récente (1), sion seront la fréquence et le moment des Nakken montre que les épileptiques pracrises, le type de crises (la notion de tiquent globalement moins de sport que perte de connaissance sera évidemment la population générale, mais que la réparimportante, surtout s’il n’y a pas de proLa question principale est de savoir si, tition entre différents types de sport dromes avertisseurs), ainsi que les facchez l’épileptique, le risque de chute, de apparaît équivalente. Les épileptiques teurs précipitant la survenue d’une crise, traumatisme grave, de noyade ou de mise pratiquent plus le sport en salle ou avec le traitement et ses effets secondaires, les en danger d’un autre participant est augdes amis et moins en extérieur et des conséquences possibles d’un sport menté par rapport à la population de sports plus individuels comme le ski ou (risque d’accident) et la motivation indisujets non épileptiques. Le premier facla natation. Pour 38 % des patients interviduelle. Enfin, si l’épilepsie s’accompateur de risque d’accident peut être lié à la rogés, la pratique du sport avait un effet survenue d’une crise, a fortiori si elle bénéfique sur l’épilepsie (meilleur s’accompagne d’une perte de conscience contrôle de la fréquence des crises), et complète ou de manifestations motrices pour 53 %, aucun effet (10 % déclaraient brutales. Le deuxième facteur à prendre un possible effet négatif). Seuls 10 % ont en considération est le traitement anti* Service de neurophysiologie clinique, rapporté la survenue de crises durant la hôpital universitaire, Lille. épileptique qui peut être à l’origine de pratique sportive (chez 2 % des patients, L Sport et épilepsie : balance bénéfice/risque Sport, épilepsie et risque Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 5, mai 2001 86 troubles de l’attention, de la concentration ou de la vigilance. Peu d’études ont été faites pour répondre précisément à cette question. Dans la revue la plus récente de la littérature concernant ce problème, Gates et Spiegel (3) indiquent qu’il n’existe pas de différence entre le nombre d’accidents impliquant des enfants non épileptiques et celui concernant les épileptiques. Toutefois, le risque de noyade apparaît quatre fois plus important chez les épileptiques, mais le risque absolu reste cependant très faible (4). Les facteurs augmentant le risque relatif sont le retard intellectuel, la fréquence importante des crises (plus d’une par jour), les crises généralisées tonico-cloniques et la mauvaise compliance au traitement antiépileptique ; l’absence de surveillance était le facteur le plus important. Un aspect particulier concerne les sports de contact. Si plusieurs études ont montré l’absence de relation entre la survenue de petits traumatismes répétés et l’aggravation de l’épilepsie (parmi les microtraumatismes étudiés : les “têtes” répétées au football, les contacts fréquents et parfois violents au rugby ou au football australien), il paraît toutefois logique d’interdire les sports les plus violents entraînant des traumatismes crâniens répétés (boxe, par exemple). Cette notion de risque lié à la pratique sportive est déjà très difficile à analyser pour la population générale. Il est donc difficile d’obtenir des informations plus spécifiques concernant les épileptiques. Il semble toutefois que le risque d’accident lié à une crise ou en relation avec l’effet des traitements sur la vigilance et la concentration reste très faible et ne nécessite finalement pas plus de précautions pour les épileptiques que pour les non-épileptiques. Seuls les sports aux conséquences les plus graves seront à interdire (plongée, parachutisme, escalade, vol, sports mécaniques, boxe). Épilepsie et exercice physique : crise provoquée par l’effort Il existe beaucoup d’arguments en faveur de l’effort physique et de son effet préventif sur la survenue de crises. Plusieurs études ont montré que lors d’une épreuve d’effort existait une atténuation des anomalies électroencéphalographiques d’origine épileptique. Une étude a comparé, chez des enfants présentant une é p i l e p s i e a b s e n c e , l ’ e ff e t d ’ u n e hyperpnée volontaire et l’effet d’une hyperventilation liée à l’exercice physique (5). Cette étude montrait clairement que, si l’hyperpnée volontaire augmentait le nombre d’absences, l’hyperpnée en réponse à un effort physique entraînait au contraire une diminution des absences. Finalement, il était intéressant de montrer que le nombre d’absences était corrélé au pH sanguin : diminution avec l’acidose, augmentation avec l’alcalose (figure). En conséquence, le risque de survenue d’une crise paraît plus élevé au décours de l’effort que pendant l’effort. Ce risque après l’effort sera accentué par le relâchement de l’attention lié à l’arrêt de l’activité. Il a aussi été suggéré que la sécrétion d’endorphines sous effort prolongé avait un rôle inhibiteur sur les décharges épileptiformes. La notion de crise provoquée par l’effort doit cependant être connue. En particulier, certains facteurs liés au sport pratiqué peuvent favoriser la survenue d’une crise épileptique : fatigue importante, surentraînement, troubles du sommeil, stress physique ou psychique, hyperventilation non physiologique induite par certains sports (plongée, haute altitude, interruption trop brutale de l’effort). D’autres facteurs favorisant la survenue d’une crise existent dans des sports dits “extrêmes” : hypoxie, oxygène hyperbare (plongée), hyponatrémie (marathon, natation prolongée, tout exercice prolongé), 87 Épilepsie et exercice physique Étude d'Esquivel et al. 1991 : résultats Nombre d'enfants avec absences 12 Nombre total d'absences 10 HPN 20 8 Repos 6 4 25 Récupération 10 Exercice 2 7,30 7,35 7,40 7,45 pH Figure. Épilepsie et exercice physique. hyperthermie, hypoglycémie. Tous ces facteurs peuvent favoriser la survenue d’une crise, même chez un sujet non épileptique. Enfin, certaines formes d’épilepsie dites réflexes peuvent s’accompagner de crises provoquées par le mouvement et donc l’activité physique. Sport et traitement antiépileptique Il n’existe pas de modification significative du métabolisme des médicaments antiépileptiques lors de l’effort physique. Il n’y a donc pas lieu de modifier un traitement antiépileptique du fait de la pratique soutenue d’un sport. Il est cependant conseillé, en cas de pratique prolongée dans le cadre d’un sport de compétition, d’analyser les taux sériques en même temps que sont réalisés des tests d’effort afin de s’assurer de l’absence d’effets sur le métabolisme du médicament (qui seraient liés en particulier à des modifications du volume de distribution ou du transport protéique). Certains sports peuvent occasionner une ÉCHANGER info-patients Info-Patients info-patients Info-Patients dette de sommeil ou une modification du rythme veille-sommeil liée à un décalage horaire. Il peut alors être conseillé, pour couvrir les 24-48 heures à risque de survenue d’une crise liée à la privation de sommeil, de prendre une faible dose de benzodiazépine à effet antiépileptique. Conclusion La très grande majorité des épileptiques devraient pouvoir pratiquer régulièrement le sport, même dans un contexte de compétition. Cette pratique doit même être encouragée pour favoriser la bonne intégration sociale de la personne épileptique et pour prévenir certains effets de la sédentarité et de la prise de médicaments antiépileptiques, comme la surcharge pondérale. Le sport fait partie de la vie quotidienne de l’enfant. Plus que toute autre maladie chronique, il a un rôle positif dans l’épilepsie. Le choix du sport pratiqué doit cependant se faire individuellement, en tenant compte des considérations liées à l’épilepsie, au type de sport, à l’individu et à sa motivation (tableau I). Certains sports sont à interdire ou à déconseiller, d’autres sont à discuter (tableau II). Il apparaît important que l’éducateur sportif soit averti de la maladie épileptique à condition que l’information donnée soit adaptée et positivée. Tableau I. Sport et épilepsie (1). À éviter Activités nécessitant une surveillance À discuter natation canoë planche à voile voile patinage équitation gymnastique course cycliste plongée parachutisme haute montagne vol à voile vol libre aviation sports mécaniques boxe Tableau II. Sport et épilepsie (2). Considérations liées à la maladie Considérations liées au sport type de crises risque de chute fréquence des crises risque de noyade influence des médicaments antécédents sportifs prodromes sport individuel ou d’équipe troubles associés conditions extrêmes sport de contact surveillance possible Références 1. Nakken KO. Physical exercise in out patients with epilepsy. Epilepsia 1999 ; 40(5) : 643-51. 2. Nakken KO, Bjorholt PG, Johannessen SI et al. Effect of physical training on aerobic capacity, seizure occurrence, and serum level of antiepileptic drugs in adults with epilepsy. Epilepsia 1990 ; 31 : 88-94. Considérations liées au sujet âge rôle du sport : – développement psychomoteur – aspects sociaux – bénéfices sur la santé responsabilité individuelle 3. Gates RG, Spiegel RH. Epilepsy, sport and exercise. Sport Medicine 1993 ; 15(1) : 1-5. 4. Orlowski JP, Rothner FO, Lueders H. Submersion accidents in children with epilepsy. Am J Dis Child 1982 ; 136 : 777-80. 5. Esquivel E, Chaussain M, Plouin P et al. Physical exercise and voluntary hyperventilation in childhood absence epilepsy. Electroencephalogr Clin Neurophysiol 1991 ; 79(2) : 127-32. LISTE DES ANNONCEURS ASTRA ZÉNÉCA (Zomigoro), P. 95 – GLAXO WELLCOME (Naramig), P. 96 – NOVARTIS PHARMA (Trileptal), P. 70 – SANOFI-SYNTHÉLABO (Dépakine), encart central. Les articles publiés dans notre revue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Leur reproduction est interdite. Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 5, mai 2001 88 Imprimé en France - Differdange S.A. 95110 Sannois - Dépôt légal 2e trimestre 2001 © Décembre 1984 Médica-Press International S.A.