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CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS CINQUIÈME SECTION Requête no 20754/07 présentée par Lounes RAZIBAOUENE contre la France introduite le 4 mai 2007 EXPOSÉ DES FAITS EN FAIT Le requérant, M. Lounes Razibaouene, est un ressortissant français, né en 1963 et résidant à Amiens. Il est représenté devant la Cour par Me H. Delarue, avocat à Amiens. A. Les circonstances de l’espèce Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Arrêté le 2 juin 1997, le requérant fut placé en détention provisoire. Par un arrêt du 26 janvier 2000, la cour d’assises de la Somme le condamna à une peine de douze années de réclusion pour tentative d’assassinat. Le requérant, détenu au centre pénitentiaire de Liancourt, était libérable à compter du 10 novembre 2006. Le père du requérant décéda le 5 novembre 2006 à 21h45. Le certificat de décès fut délivré le lendemain. Par deux courriers télécopiés des 6 et 7 novembre 2006, l’avocat du requérant sollicita du juge d’application des peines du tribunal de grande instance de Beauvais, au visa des articles 712-5 et 723-6 du code de procédure pénale (voir la partie « droit interne pertinent »), une autorisation exceptionnelle de sortie sous escorte pour que son client puisse assister aux funérailles de son père qui devaient se dérouler à Amiens le 7 novembre à 14 heures. Par ordonnance du 7 novembre 2006, rendue après avis des membres de la commission d’application des peines, malgré l’urgence de la situation, le juge d’application des peines refusa de faire droit à cette demande. Sur la forme, le JAP releva des vices de procédure dans l’introduction de la requête, mais au vu des circonstances familiales graves (décès du père de l’intéressé et obsèques le jour même), il décida de se saisir d’office de la demande, cette dernière étant juridiquement recevable. 2 EXPOSÉ DES FAITS ET QUESTIONS – RAZIBAOUENE c. FRANCE Sur le fond, le JAP mit en avant le profil particulièrement dangereux du requérant, malgré un handicap à 80 % suite à deux accidents vasculaires cérébraux. Il insista également sur les conclusions d’une expertise médico-psychologique réalisée le 2 mai 1999 précisant que le risque de récidive n’était pas négligeable. Il fonda également sa décision sur le comportement du requérant, notamment au vu d’un rapport du service pénitentiaire d’insertion et de probation qui précisait que « l’intéressé a[vait] eu un comportement difficile en détention jusqu’à son arrivée à Liancourt en février 2006. Depuis, il est correct, mais revendicatif ». En outre, le JAP releva que le requérant n’avait pas mis en place de versements volontaires alors même qu’il avait été condamné à payer plus de 30 000 euros aux parties civiles. Par ailleurs, le JAP précisa dans son ordonnance qu’il n’avait pu obtenir les pièces nécessaires à sa prise de décision qu’en milieu de matinée le 7 novembre 2006, que les forces de gendarmerie avaient été contactées pour une escorte, mais que celle-ci s’était révélée impossible en raison de la tardiveté de la demande au vu du profil de l’intéressé qui nécessitait des renforts particuliers. Le requérant fut libéré le 10 novembre 2006. B. Le droit interne pertinent Code de procédure pénale Article 712-5 « Sauf en cas d’urgence, les ordonnances concernant les réductions de peine, les autorisations de sorties sous escortes et les permissions de sortir sont prises après avis de la commission de l’application des peines. Cette commission est réputée avoir rendu son avis si celui-ci n’est pas intervenu dans le délai d’un mois à compter du jour de sa saisine. La commission de l’application des peines est présidée par le juge de l’application des peines ; le procureur de la République et le chef d’établissement en sont membres de droit. » Article 722 « Auprès de chaque établissement pénitentiaire, le juge de l’application des peines détermine pour chaque condamné les principales modalités du traitement pénitentiaire. Dans les limites et conditions prévues par la loi, il accorde les placements à l’extérieur, la semi-liberté, les réductions, fractionnements et suspensions de peines, les autorisations de sortie sous escorte, les permissions de sortir, la libération conditionnelle, le placement sous surveillance électronique ou il saisit la juridiction compétente pour aménager l’exécution de la peine. Sauf urgence, il statue après avis de la commission de l’application des peines pour l’octroi des réductions de peine, des autorisations de sortie sous escorte et des permissions de sortir. (...) » Article 723-3 « La permission de sortir autorise un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution. Elle a pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d’accomplir une obligation exigeant sa présence. » EXPOSÉ DES FAITS ET QUESTIONS – RAZIBAOUENE c. FRANCE 3 Article 723-6 « Tout condamné peut, dans les conditions de l’article 722, obtenir, à titre exceptionnel une autorisation de sortie sous escorte. » Article D. 49-11 « Les demandes du condamné tendant au prononcé ou à la modification d’une des mesures relevant des dispositions de l’article 712-4 font l’objet d’une requête écrite adressée au juge de l’application des peines, signée du condamné ou de son avocat. Cette requête est remise au greffe du juge de l’application des peines contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si le condamné est détenu, elle peut faire l’objet d’une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas de l’article 148-7. (...) Le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines ne sont pas tenus de répondre aux demandes formées sans respecter les conditions prévues par le présent article. » Article D. 144 « A l’occasion des circonstances familiales graves visées à l’article D.425, une permission de sortir d’une durée maximale de trois jours peut être accordée, d’une part aux condamnés à une peine privative de liberté inférieure ou égale à cinq ans, et, d’autre part, aux condamnés à une peine privative de liberté supérieure à cinq ans, lorsqu’ils ont exécuté la moitié de leur peine. » Article D. 425 « En application des dispositions de l’article 723-3 relatives aux permissions de sortir, et dans les conditions fixées à l’article D. 144, les condamnés peuvent être autorisés à se rendre auprès d’un membre de leur proche famille gravement malade ou décédé. » GRIEF Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir pu bénéficier d’une permission de sortie pour se rendre aux funérailles de son père alors qu’il devait être libéré trois jours plus tard. QUESTION AUX PARTIES Au regard de la jurisprudence de la Cour, et en particulier de l’affaire Schemkamper c. France (no 75833/01, 18 octobre 2005), le refus d’accorder au requérant une permission de sortir pour assister aux funérailles de son père, alors que celui-ci était libérable, et fut libéré, trois jours plus tard, a-t-il porté atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention ?