LA MALADIE ALCOOLIQUE Historique, explications et

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LA MALADIE ALCOOLIQUE Historique, explications et
LA MALADIE ALCOOLIQUE
Historique, explications et conséquences. par le Dr Gonnet
produit alcool comme un
conducteur contrôle son
véhicule.
HISTORIQUE
Avant de parler de la maladie
alcoolique, il est fondamental
de restituer l'histoire de l'alcool
dans un contexte historique.
Depuis toujours, les civilisations
ont utilisé des produits capables
de modifier l'esprit humain, ce
besoin de se changer, de
découvrir des terres inconnues
de la conscience devant être un
besoin fondamental de l'homme.
C'est ainsi que la civilisation
chinoise fut basée au départ sur
l'utilisation de l'opium, celle du
Moyen-Orient sur l'utilisation du
haschich, celle d'Amérique du
Sud sur l'utilisation de la cocaïne
et
des
hallucinogènes.
L'Occident quant à lui utilise
depuis des millénaires l'alcool
qui fait partie intégrante de sa
culture et y remplit depuis les
temps anciens de multiples
fonctions.
En ce qui concerne la France et
les pays industrialisés, il semble
que le concept d'alcoolisme soit
né au 19ème siècle, la morale
ambiante du siècle ayant abouti
à diviser schématiquement la
France en 2 clans qui depuis se
font la guerre avec opiniâtreté.
Qui dit morale, dit opposition
entre les valeurs déclarées
négatives, et d'autres déclarées
positives.
C'est ainsi que la France s'est
divisée à son insu en 2 camps
que l'on peut dénombrer
schématiquement de la façon
suivante :
I.
•
d'un côté les "bons" qui
représentent 92% de la
population
et
qui
schématiquement
comprennent :
65% des buveurs dits
"normaux" : ce sont des
gens capables d'utiliser
l'alcool pour leur plaisir
sans en avoir le déplaisir,
capables de contrôler le
•
•
20% des buveurs dits
"excessifs" que l'on pourrait
considérer
dans
cette
optique
comme
des
chauffards, mais qui sont
encore capables de freiner,
voire d'arrêter leur véhicule
alcool lorsque la nécessité
s'en fait sentir.
7%
d'abstinents
plutôt
considérés comme des
originaux ou des gens
gênants
parce
que
n'adoptant pas les habitudes
du groupe.
Ces abstinents comprennent des
gens intolérants à l'alcool (ils
sont très rares en France...) et
des gens qui obéissent à une loi
ou à un interdit religieux, enfin
et surtout le gros contingent des
abstinents est représenté par des
malades alcooliques qui ont
décidé de se sortir de la
dépendance.
II.
d'un autre côté les
"mauvais"
qui
représentent 8% de la
population :
Ce sont les alcooliques qui par
leur mal boire mettent très mal à
l'aise les 92% précédents et l'on
a tendance à voir en eux des
êtres possédant une tare ou un
vice, des êtres dangereux ou des
êtres inconscients et menteurs et
surtout des êtres sans volonté.
Toutes ces idées sont des fausses
interprétations de phénomènes
réels par ailleurs.
A ce sujet, l'idée que l'on se sort
de l'alcoolisme par volonté est à
la fois la plus répandue et la plus
fausse, l'alcoolique a de la
volonté, mais cette volonté ne
lui permet que de tourner un peu
plus vite dans le cercle vicieux à
l'intérieur duquel il se débat sans
en être conscient.
8% de la population française
est en effet droguée par l'alcool
et ce n'est pas avec de la volonté
que l'on peut sortir d'une
toxicomanie.
Qui dit drogue dit dépendance,
c'est-à-dire : perte de la liberté
de s'abstenir d'un produit ; cette
notion de dépendance est la
notion fondamentale qui doit
reléguer dans les oubliettes le
fait que c'est la quantité d'alcool
bu qui fait ou pas l'alcoolique.
Presque tous les malades
alcooliques ont au départ et
pendant des années utilisé
l'alcool en quantité modérée
comme tout un chacun.
Si l'on veut comprendre
pourquoi ils se sont démarqués
des autres au bout d'un certain
temps,
il
convient
de
comprendre
comment
s'est
installée cette dépendance.
CETTE DEPENDANCE EST
EN FAIT TRIPLE
d'abord psychologique puis
physique (dans le corps) puis
sociale : le sujet devenu
alcoolique perdant ce qui faisait
préalablement son autonomie
sociale.
Nous verrons donc dans ce
premier numéro, la dépendance
physique.
LA DEPENDANCE PHYSIQUE
EST LA PERTE DE LA
LIBERTE DU CORPS DU
MALADE DE S'ABSTENIR
D'ALCOOL
Cette dépendance a en fait un
support chimique tant au niveau
du foie du malade que de toutes
les cellules de son corps : c'est
au niveau du foie que l'alcool est
dégradé, se transformant en
acétaldéhyde d'abord puis en
produits nommés acétates qui ne
sont autres que du vinaigre : plus
le sujet va boire, plus le foie par
mécanisme d'adaptation va
sécréter d'enzymes capables de
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transformer cet alcool en
vinaigre, plus la dégradation se
fera rapidement. De même, plus
les cellules vont être mises en
contact avec l'alcool qui est dans
le sang et les milieux extracellulaires, plus ces cellules
vont s'adapter à vivre dans cette
ambiance,
notamment
en
modifiant la perméabilité des
membranes qui les entourent.
Ceci aboutit à un phénomène
remarquable qui est la tolérance
que l'on peut résumer en somme
à un adage : "plus on boit, mieux
on supporte l'alcool".
On imagine dès lors que si un
sujet utilise l'alcool à d'autres
fins, du fait de la tolérance, il
sera amené à augmenter les
doses pour continuer d'obtenir le
même effet.
Chez certains sujets (8% de la
population) cette augmentation
progressive des doses, du fait de
la tolérance, va aboutir à
l'accumulation dans le cerveau
du premier dérivé de l'alcool
qu'est l'acétaldéhyde qui va se
combiner avec les substances
chimiques du cerveau pour
aboutir au bout d'une dizaine
d'années en moyenne à la mise
en place d'une usine chimique
qui à partir de
ces deux
matériaux va se mettre à
produire
des
substances
chimiques pour le moins
bizarres,
sources
de
la
dépendance.
Ces substances chimiques ont
été isolées autour des années
1970 et ont été dénommées
endorphines "like" (T.H.P.V. ou
tétrahydropapavéroline
notamment).
Ce sont de véritables produits
morphiniques.
Ces endorphines '"like" vont
bloquer
les
endorphines
naturelles du sujet (produit
morphinique que fabrique tout
mammifère et indispensable à la
survie).
La conséquence inéluctable est
que le corps de ce sujet va
dépendre pour sa survie
d'endorphines
venues
de
l'extérieur, via l'alcool.
TOLERANCE
Il fonctionnera avec l'alcool
comme une voiture fonctionne
avec
l'essence,
c'est
la
dépendance physique : qu'il
n'apporte plus d'alcool et ce sera
le
manque,
expérience
éminemment douloureuse que
seuls peuvent connaître les
drogués.
Un sujet en manque n'a plus
qu'une seule activité possible :
chercher à combler ce manque,
c'est-à-dire se remplir à nouveau
d'alcool.
Plus rien d'autre ne compte.
Le sujet est devenu toxicomane,
mais c'est un toxicomane qui
s'ignore.
Chaque fois qu'il sera obligé de
combler son manque, il trouvera
un prétexte pour le faire, puis
une justification pour se
l'expliquer
sans
trop
se
culpabiliser. Et se faisant, il
pourra pendant des années
ignorer l'expérience du manque
qu'il vit vingt à cinquante fois
par jour.
A ce stade ultérieur, tolérance,
dépendance
vont
aller
s'accentuant au fil des années, ce
qui va obliger le sujet à
augmenter perpétuellement les
quantités d'alcool ingérées en
une spirale sans fin, jusqu'au
moment où le corps, se
dégradant de plus en plus, va
devenir intolérant : période
difficile
pour
l'alcoolique
apparaissant au bout de vingt à
trente ans (s'il n'est pas décédé
préalablement) où il dépend d'un
produit pour sa survie que son
corps ne supporte plus.
DEPENDANCE
INTOLERANCE
DEPENDANCE
PSYCHOLOGIQUE
Elle commence toujours avant la
dépendance du corps.
Elle s'explique par certaines
propriétés qu'a l'alcool de
modifier le psychisme de
l'individu
(alcool
produit
"psychotrope").
L'alcool est au départ un objet
de plaisir : plaisir du groupe,
plaisir
intérieur
organique,
impression de moindre fatigue,
sensation de bien-être etc.…
L'alcool
est
un
produit
désinhibiteur : il lève les
barrières psychologiques que
nous avons tous, à des degrés
divers en nous, et qui à la fois
nous protègent et nous gênent.
Suite à cette levée des
inhibitions, le sujet pourra faire,
ayant bu, ce qu'il n'arrive pas à
faire à jeûne : se mettre en
colère, aller vers l'autre, se
mettre à rire, à pleurer, dire ce
qu'il a sur le cœur, faire l'acte
sexuel etc.…
L'alcool provoque l'inflation de
la pensée : il rend euphorique,
permet
de
vivre
dans
l'imaginaire ce qui ne peut être
vécu dans la réalité ("A nous
deux nous serons DIEU" disait
Baudelaire).
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Surtout,
l'alcool
est
un
médicament,
le
meilleur
médicament connu actuellement
de l'anxiété et de la dépression et
un médicament que l'on peut
s'offrir en société pour le
moindre prétexte.
Pendant longtemps, cet "alcool
convivial", le verre que l'on
partage avec les autres, va
remplir sans le dire son rôle
d'alcool-médicament, calfeutrant
les petits soucis, améliorant la
communication, diminuant les
tensions psychologiques internes
: c'est la lune de miel
entre le sujet et le produit alcool.
Le problème, c'est que l'alcool
ne résout pas les difficultés, il
permet de les éluder. Ce faisant,
le sujet, à son insu, va prendre
l'habitude d'éluder chaque fois
qu'il se trouve confronté à des
situations sources de déplaisir.
A toujours éluder, la vie de ce
sujet va devenir une montagne
de problèmes non résolus qui va
devenir de plus en plus
persécutante et va l'amener à
augmenter les prises d'alcool
pour toujours faire face en
éludant.
Au lieu d'une maturation
psychologique, il y a une
régression
vers
des
comportements
souvent
enfantins que le futur malade, vu
son âge, n'admet pas d'où
l'apparition de troubles du
caractère.
Les prises d'alcool augmentant,
à partir d'un certain seuil,
variable selon chaque sujet,
apparaîtra
la
dépendance
physique et le manque et dès
lors,
ce
sera
la
phase
toxicomaniaque de la maladie
avec
ses
conséquences
inéluctables : exagération des
troubles
du
caractère,
désintéressement
pour
l'entourage,
désocialisation,
dépression nerveuse (tous les
alcooliques deviennent à un
moment de leur vie déprimés et
"soigneront" cette dépression par
leur médicament habituel =
l'alcool). Tout ceci se termine
dans la solitude la plus
complète.
C'est la lune de fiel.
Avant ce stade, une longue
LUTTE s'est menée :
Pendant très longtemps, le sujet
se bat avec lui-même. Se
reconnaître
alcoolique
l'amènerait à croire qu'il est ce
que lui-même (comme monsieur
tout-le-monde)
pense
des
alcooliques
:
des
êtres
méprisables et il s'ensuivrait
invariablement une dépression.
Pendant
longtemps,
un
mécanisme automatique de
pensée va donc se mettre en
place pour empêcher cette
dépression, c'est le déni qui va
permettre au sujet de se prouver
qu'il n'est pas alcoolique.
Souvent il s'arrêtera de boire
pendant un laps de temps donné.
La preuve étant apportée, il
pourra reboire avec moins de
culpabilité.
Tant qu'il n'est pas dépendant
dans son corps, ce moyen va
fonctionner.
Lorsqu'il ne pourra plus
interrompre l'acte de boire, à
cause
de
la
dépendance
physique, il se donnera comme
image de l'alcoolique quelqu'un
de ses connaissances qui est plus
avancé que lui et se dira que
"l'alcoolique c'est les autres,
celui-là, mais pas moi".
Ensuite, lorsque ça devient par
trop évident, commencera la
phase de la lutte ouverte, où
toutes les instances sociales vont
progressivement
rejeter
l'alcoolique.
Pendant très longtemps encore,
le sujet va arriver à se persuader
qu'il n'est pas alcoolique en
"buvant un coup" chaque fois
qu'il sera amené à en prendre
conscience.
C'est l'éludation qui continue et
qui aboutit au fait que tout
l'entourage
est
maintenant
persuadé qu'il l'est sauf une
personne ... l'alcoolique luimême.
Ceci aboutit à détériorer
complètement la relation
entre le malade et son
entourage :
La malade se sent persécuté par
l'entourage.
L'entourage se sent dupé par le
malade qui fuit sans arrêt,
accumule les problèmes, nie sa
maladie ou quant il la reconnaît
fait des promesses qu'il ne peut
tenir du fait du manque.
Il s'ensuit une agressivité
mutuelle qui va aboutir à de la
violence et à des rancunes
bilatérales (l'ardoise) qui vont
gêner considérablement ensuite
le traitement de la maladie
puisque à des problèmes de
santé physique et psychologique,
vont
s'ajouter
d'énormes
problèmes sociaux, presque
toujours les mêmes.
Les problèmes sociaux vont se
situer à différents niveaux :
- dans le monde du travail, la
société a toujours une mauvaise
conscience par rapport aux
alcooliques.
Cette société en effet s'alcoolise,
considère comme bien vivre le
fait de boire, en même temps
qu'elle rejette massivement
l'alcoolique comme sujet mal ou
trop buvant.
Pendant longtemps, le monde du
travail va tolérer de la part de
l'alcoolique
des
fautes
professionnelles
qu'il
ne
tolérerait pas de la part des
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autres. L'alcoolique ainsi, à son
insu, va accumuler un dossier
contre lui où se mélangent les
fautes professionnelles, les voies
de fait sur les lieux du travail,
les absences injustifiées, les
accidents de travail répétés, la
baisse des capacités de travail,
etc....
Un beau jour, la limite de
tolérance sera dépassée et pour
une cause souvent minime, qui
n'aurait pas donné lieu à
sanction chez son collègue,
l'alcoolique sera dégradé ou
licencié.
Il vivra cette sanction comme
une persécution. Se retrouvant
au chômage, il sera vite repéré
comme alcoolique à l'embauche
et aura plus de mal qu'un sujet
normal à retrouver du travail.
Lorsqu'il en retrouvera, ce sera
toujours à un poste moins
qualifié que celui qu'il avait
avant.
La meilleure chance qu'il lui
reste au terme de ce cursus est
d'être reconnu comme invalide,
ce qui lui permettrait d'utiliser la
pension pour continuer de
"soigner" sa toxicomanie.
La justice souvent sanctionne
l'alcoolique parce qu'elle ne
connaît pas les problèmes de la
dépendance physique.
Ainsi, un alcoolique dépendant
peut être tout à fait normal dans
son comportement avec deux
grammes d'alcool dans le sang.
Depuis des années, son corps est
habitué
à
ces
quantités
considérables d'alcool et s'en est
arrangé grâce à la tolérance.
C'est lorsque l'alcoolique est en
manque, à 1,20 g par exemple
d'alcool dans le sang, qu'il risque
de devenir dangereux au volant
du fait du manque et des
conséquences qu'il entraîne sur
le caractère et le comportement.
La justice sanctionnera donc cet
alcoolique à partir de barème
d'alcoolémie établi chez les nonbuveurs qui s'alcoolisent, loi tout
à fait valable en l'occurrence
chez
ces
sujets
mais
complètement inappropriée pour
le malade devenu dépendant.
En ce qui concerne le domaine
de la santé, il faut bien
reconnaître que le corps médical
connaît très mal les phénomènes
de dépendance et continue de
soigner le malade alcoolique
comme s'il s'agissait d'un sujet
tout-venant.
Ceci aboutit à des conseils
inappropriés, à des ordonnances
souvent hasardeuses, à des
hospitalisations qui n'avancent
guère le problème si ce n'est de
faire un bilan et un sevrage qui
ne durera que le temps
d'hospitalisation faute de prise
en charge adaptée.
En outre, le corps médical se
trouve pris entre deux feux, d'un
côté le malade qui redoute la
confrontation au médecin, de
l'autre l'entourage qui met tous
ses espoirs sur sa personne, ceci
aboutit très souvent à une
collusion inconsciente entre
l'entourage et le médecin,
transformant celui-ci en un
élément persécuteur de plus.
La famille en effet, même avec
les meilleurs intentions du
monde, va devenir persécutante
à son insu. Pas plus que le
malade, elle ne sait qu'elle a
affaire à un drogué et elle va
donner des conseils qui seraient
judicieux pour un sujet normal
mais qui sont totalement
inadaptés pour un drogué ; il
s'ensuit des conflits qui vont
aller en s'aggravant, de la
violence et un véritable calvaire
autant pour le malade que pour
son entourage.
Il y a de malade : le malade luimême et la relation qu'il
entretient avec cet entourage.
Au bout d'un certain nombre
d'années, l'entourage, s'il n'est
pas devenu aussi malade que le
malade lui-même, n'aura qu'une
ressource de survie : prendre la
fuite.
Il
s'ensuit
un
nombre
considérable de divorces dans la
maladie alcoolique.
Toutes ces pertes
successives, conséquences de
la toxicomanie, vont aboutir
au fait qu'un jour, le malade
va prendre conscience qu'il ne
peut plus vivre désormais de
cette façon :
Cette prise de conscience est
dénommée
par
certains
alcooliques : "toucher son fond".
Le bénéfice immédiat, énorme
qu'apporte l'alcool en calmant le
manque et en apaisant les
tensions est dépassé par la
somme des pertes accumulées.
C'est le moment des prises de
décisions qui suit cette prise de
conscience. Un certain nombre
de
malades
entreverront
malheureuse- ment une issue au
problème : disparaître.
C'est ainsi qu'il existe cinq fois
plus de suicides dans une
population d'alcooliques que
dans une population normale.
La
plupart,
heureusement,
arrivés à ce stade, vont se mettre
en quête de gens susceptibles de
les aider et ce pour la première
fois.
C'est la période de la rencontre
avec les groupes d'anciens
buveurs, avec une assistante
sociale, avec un médecin, avec
un centre spécialisé dans le
traitement de la maladie
alcoolique.
DEPENDANCE SOCIALE
Fait fondamental : pour la
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première fois, c'est le malade
lui-même qui fait la démarche,
et l'on peut dire dès lors que plus
de la moitié du chemin qui le
mènera à l'abstinence est
parcouru.
L'ABSTINENCE TOTALE
ET DEFINITIVE est en effet
le seul traitement, à la fois ce
qu'il y a de plus simple mais
aussi de plus compliqué, si l'on
considère que le malade depuis
plus de dix ans, utilise l'alcool
comme médicament de toutes
ses souffrances.
Cette abstinence est le seul
traitement car le corps, dans
toutes ses cellules va garder
jusqu'à sa fin la mémoire de
l'intoxication. Si le sujet, après
des
années
d'abstinence,
réintroduit dans ce corps
mémorisé le produit alcool, en
quelques secondes ou en
quelques mois, le délai est
variable selon les sujets, il va
redevenir de nouveau dépendant.
Il est fondamental que le malade
puisse comprendre cela et qu'à
partir de cette constatation, il
soit amené à se forger une
nouvelle
identité
:
celle
d'abstinent.
Ceci n'est pas simple, car être
abstinent dans une société qui
s'alcoolise, c'est être à nouveau
mis en marge de la société.
Cette abstinence entamée va
aboutir au sevrage ; ce
sevrage est en fait double :
Physique tout d'abord, le corps
est très rapidement sevré, en 10
ou 15 jours maximum, il
recouvre son autonomie par
rapport à l'alcool, il n'a plus
besoin d'alcool pour fonctionner.
Le sevrage psychologique, par
contre, va être beaucoup plus
long et demandera plusieurs
années.
Dès
l'abstinence
installée, il est fondamental de
distinguer deux périodes qui
vont suivre.
Une première période que l'on
pourrait qualifier de période sans
alcool comme si la pièce de
théâtre qui se jouait avant,
continuait de se jouer avec un
personnage en moins, l'alcool.
C'est la période dure qui durera
plusieurs années, où le sujet, dès
qu'il sera tendu, quelle qu'en soit
la cause, se retrouvera confronté
au besoin d'alcool, c'est-à-dire
au manque psychologique.
C'est une période où il est
fondamental de préserver les
MODES DE COMPENSATION
AU
MANQUE
:
ces
compensations ont au départ
plutôt à faire avec la bouche :
tabac, café, besoin perpétuel de
boire du liquide, boulimie etc..
Les semaines passant,
ces
compensations deviendront de
plus en plus élaborées au fur et à
mesure que les premières
s'atténuent : besoin d'action, de
rencontres, de se faire plaisir.
Cette période est caractérisée
aussi
par
le
fait
que
progressivement le malade va
tenter de résoudre tous les
problèmes qu'il avait accumulés
avant son abstinence.
Plus il arrivera à s'identifier
comme malade alcoolique et à le
dire aux autres, plus rapidement
seront résolus les problèmes de
la
période
d'avant.
La
multiplicité des difficultés que
rencontre le malade dans cette
phase est telle qu'assez souvent,
surtout s'il s'isole, il risque de
rechuter.
Il est fondamental à cet égard,
de voir la rechute non pas
comme un retour au point de
départ mais comme une pause
dans la progression qui va
l'amener à une abstinence stable.
Cette façon de voir la rechute
évite de la dramatiser, lui permet
d'en parler à ceux qui peuvent
l'entendre et bien souvent lui
permet d'interrompre la rechute
avant que la dépendance
physique
majeure
ne
réapparaisse.
La nouvelle abstinence est plus
solide que l'abstinence d'avant la
rechute.
En définitive, pendant cette
phase sans alcool, le malade va
réapprendre à vivre, à nouer de
nouveaux contacts avec son
environnement mais aussi et
surtout avec lui-même. Vivre est
le meilleur apprentissage de la
vie et en fin de compte, au bout
du chemin, le malade aura appris
à se connaître.
Se
connaître,
c'est-à-dire
s'accepter comme être désirant,
accepter les limites de ses désirs,
apprendre à les différer parfois
et reconnaître les désirs de
l'autre.
Enfin de compte, apprendre à
s'aimer.
Lorsque le malade en sera arrivé
à cette aventure prodigieuse, l'on
pourra dire qu'il se situe dans la
phase hors alcool.
C'est une autre pièce de théâtre
qui se joue où le personnage
alcool n'a jamais été plaisir
offert ni objet persécutant.
Le manque d'alcool a disparu,
par contre, le malade est capable
de manipuler l'alcool dans cette
société qui s'alcoolise.
Il est capable d'offrir l'apéritif à
ses amis sans frustration, en
acceptant l'idée que ce produit
n'a pas du tout la même fonction
pour eux et pour lui.
L'intérêt du malade se situe
complètement ailleurs du côté de
la vie, certains malades étant
capables de devenir ivres de vie
comme ils le furent autrefois de
l'alcool.
Docteur François GONNET
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Tolérance
Dépendance
Psychologique
modification
du
psychisme
de l’individu
Physique
Intolérance
Sociale
le sujet devenu
alcoolique
perdant ce qui
faisait
préalablement
son autonomie
sociale
MOUVEMENT NATIONAL DE BUVEURS GUERIS ET D’ABSTINENTS VOLONTAIRES POUR LA GUERISON, LA
REINSERTION ET LA PROMOTION DES MALADES ALCOOLIQUES, LA PREVENTION ET LA LUTTE CONTRE LES CAUSES
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