Le Parlement dégrippe le droit de gestion publique
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Le Parlement dégrippe le droit de gestion publique
Le Parlement dégrippe le droit de gestion publique Olivier Evrard Une modification récente du Code du logement tente de faciliter la mise en œuvre du droit de gestion publique. Le droit de gestion publique permet à un opérateur immobilier public (notamment la commune, le CPAS, une régie communale autonome ou une société immobilière de service public) de gérer des logements inoccupés, déclarés inhabitables sur base de l’article 135 de la Nouvelle loi communale, ou qui ne répondent pas aux exigences de salubrité et d’équipement du Code du logement. Après réalisation des travaux de mise en conformité, le logement est mis en location aux conditions de revenus et de propriété pour l'accès au logement social 1. Après sept années d’existence, il faut bien constater que ce mécanisme est resté lettre morte. Et pour cause, sa mise en œuvre est délicate dans la pratique et la commune n’est pas certaine de récupérer son investissement en mettant le bien en location moyennant un loyer modéré. Certaines communes ont toutefois pu l’utiliser avec succès comme moyen de pression, sans que la procédure n’aboutisse à une gestion publique. Deux améliorations avaient déjà été apportées par le passé. D’une part, le fonds régional Droit de gestion publique permet de préfinancer partiellement la rénovation du logement2. D’autre part, les opérateurs immobiliers publics peuvent confier la remise en état et la gestion locative à une agence immobilière sociale3. Les modifications introduites en 2010 tentent de faciliter la mise en œuvre de la procédure administrative. La proposition initiale avait pour but de clarifier le point de départ de la prise en gestion publique et de permettre d’en prolonger la durée. Plusieurs amendements ont renforcé le dispositif. 1 Pour une présentation du droit de gestion publique, voir F. LAMBOTTE, « Le droit de gestion publique, pour qui pour quoi, comment ? », Trait d’Union, 2006-3, pp. 9 à 12. 2 Voir l'ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires, telle que modifiée par l'ordonnance du 20 juillet 2006 ainsi que l’arrêté du Gouvernement du 30 novembre 2006 organisant le fonds Droit de gestion publique. Les moyens du fonds sont affectés à des aides sous forme de prêts sans intérêts, remboursables par tranches mensuelles, dans un délai de maximum 9 ans qui commence à courir à la fin des travaux. Le montant du prêt ne peut dépasser 50 % du montant total des travaux prévus, ce taux est porté à 80 % dans certains cas. Le coût total ne peut dépasser 50.000 euros (montant indexé) par unité de logement. 3 Article 88, §2 du Code du logement, tel qu’il résulte de l’ordonnance du 19 juillet 2007. © Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale asbl – www.avcb.be 1 Clarifier le point de départ du délai La nouvelle formulation de l’article 21 du Code du logement indique que l’opérateur immobilier public peut gérer provisoirement le logement et y effectuer des travaux de mise en conformité dès la notification de la prise en gestion publique. Le délai de neuf ans ne prend cours qu’à partir de la prise en location par un particulier. Prolonger la durée de la prise en gestion publique Le Code du logement prévoit désormais que la période de prise en gestion publique peut être prolongée du nombre de mois nécessaires pour que les loyers couvrent l’ensemble des frais exposés. Il s’agira d’un exercice délicat dans la mesure où il faudra toujours éviter une atteinte disproportionnée au droit de propriété. La possibilité de prolonger la période initiale de 9 ans a aussi pour avantage de permettre une meilleure articulation avec la législation relative au bail de résidence principale, qui prévoit des règles impératives en ce qui concerne la durée ou la prorogation d’un contrat. Par ailleurs, l’opérateur immobilier court toujours un risque financier en cas d’insolvabilité du locataire. Cette question n’est pas résolue. Visiter le logement Les agents inspecteurs du Service d’inspection régionale du logement peuvent visiter le logement avant la prise en gestion publique. Cette modification devrait permettre de déterminer, sur base de l’état du bien, la faisabilité et les conditions de la prise en gestion. Le rôle des associations Les associations ayant pour objet la défense du droit au logement et agréées par le Gouvernement pour déposer plainte en cas de logement inoccupés4 voient leur rôle renforcé. La commune concernée ou le service régional chargé d’infliger des amendes administratives en cas de logement inoccupé5 ont l’obligation, dans les trois mois de la réception de la plainte, d’informer l’association de la suite qui y a été réservée tant en ce qui concerne la sanction administrative qu’en ce qui concerne l’exercice du droit de gestion publique. Son attitude doit être motivée. La modification établit un lien entre deux parties complémentaires du Code du logement qui visent à réduire le nombre de logements inoccupés. Le législateur mise sur le rôle participatif des associations. Les travaux préparatoires révèlent que le but ultime n’est pas la prise en gestion publique mais plutôt d’inciter le propriétaire à mettre son logement en location. Le droit de gestion publique est un outil complémentaire aux taxes communales ou à la future sanction administrative régionale. 4 Article 23undecies du Code du logement. Signalons que le Gouvernement n’a pas encore déterminé les critères permettant d’agréer ces associations. 5 Ce service n’a pas encore été créé malgré l’entrée en vigueur le 1er janvier 2010 de l’ordonnance du 30 avril 2009 instaurant une sanction administrative en cas de logement inoccupé. Sur cette question, voir O. EVRARD et B. RUSLANOVA NIKOLOVA, « Amende administrative et action en cessation en cas de logement inoccupé », Trait d’Union, 2009-6, pp. 8-13 Olivier Evrard – Le Parlement dégrippe le droit de gestion publique – Juillet 2010 2 Conclusion Le Parlement a travaillé vite, en faisant l’impasse sur les auditions et consultations habituelles, pourtant bien utiles. Heureusement, plusieurs amendements ont permis une amélioration substantielle du texte déposé. La modification, même si elle est constituée de bric et de broc, va incontestablement dans le bon sens.L’avenir nous dira si elle suffira à faciliter un recours plus fréquent au droit de gestion publique. En tout cas, celui-ci fera l’objet d’une évaluation continue et le Secrétaire d’Etat au logement se réserve déjà la possibilité de déposer un projet visant à améliorer davantage le dispositif6. Base légale Ordonnance du 1er avril 2010 modifiant l’ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du logement pour faciliter la mise en œuvre du droit de gestion publique, M.B. 9/4/2010, inforum 246302 6 Doc. Parl., Brux.-Cap., A 74/2, sess. 2009-2010, discussion générale, p. 15. Olivier Evrard – Le Parlement dégrippe le droit de gestion publique – Juillet 2010 3