CE Sect., 3 novembre 1997, Société Million et Marais

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CE Sect., 3 novembre 1997, Société Million et Marais
Compétence juridictionnelle
Droit de la concurrence
CE Sect., 3 novembre 1997, Société Million et Marais
Faits
Une commune avait conclu avec une société un contrat de concession portant sur l'exécution du service public de
pompes funèbres sur le territoire de cette commune et prévoyant que ladite société bénéficiait, pour ce faire, d'un droit
exclusif.
Une autre société décida pourtant d'exercer cette même activité sur le territoire de cette commune.
Procédure
La société concessionnaire saisit les juridictions judiciaires aux fins d'engager la responsabilité délictuelle de sa
concurrente.
La Cour d'appel d'Orléans sursit à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative ait apprécié la légalité de la clause
du contrat de concession qui prévoyait l'octroi d'un droit exclusif au profit de la société demanderesse.
N.B. : La Cour fit ici application du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires (art. 13 de la loi des 16-24 août 1790), tel
qu'interprété dans l'arrêt Septfonds (TC, 16 juin 1923 ; on remarquera cependant que dans ce dernier arrêt les juges prétendent explicitement
interpréter non pas le principe de séparation des autorités mais celui de séparation des pouvoirs...).
Saisi d'un recours en appréciation de légalité, le Tribunal administratif d'Orléans rendit un jugement par lequel il
confirma la légalité du contrat de concession litigieux.
La société défenderesse au procès civil interjeta appel de ce jugement devant le Conseil d'Etat (compétent en vertu, à
l'époque, de l'article 1er de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif) .
Problème juridique
On sait que la première question soulevée par le juge est celle de savoir s'il est compétent pour statuer sur le litige
dont il est saisi. Si cette question ne fait pas toujours difficulté, elle est souvent délicate dans les litiges dans lesquels une
personne publique ou une personne privée en charge d'une mission de service public se comporte (ou est susceptible de
se comporter) comme un opérateur économique sur le marché. La faute, en premier lieu, à l'ambiguïté des dispositions
de l'ordonnance n° 86-1243.
Au moment où le Conseil d'Etat rendait cette arrêt Société Million et Marais , on savait que la répartition des
compétences juridictionnelles entre les deux ordres de juridiction était principalement régie par deux normes juridiques
: le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires (principe de valeur législative), d'une part et le
principe fondamental reconnu par les lois de la République dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision
Conseil de la concurrence du 23 janvier 1987 (principe de valeur constitutionnelle), d'autre part. Et s'agissant d'un
recours formé à l'encontre d'un contrat administratif, le principe de séparation des autorités administratives et
judiciaires - seul pertinent - ne connaissait jusque là aucune dérogation.
Pourtant, on avait pu se poser la question de savoir si l'ordonnance n° 86-1243 (dont l'ensemble des dispositions avait
été ratifié par la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt Ghez, qu'il rendit le 7
février 1994) ne prévoyait pas une telle dérogation.
La principale difficulté résidait dans l'interprétation de l'article 53 de cette ordonnance :
"Les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le
fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public." (rédaction issue de la loi n° 95-127 du 8 février
1995 relative aux marchés publics et délégations de service public)
Il faut alors préciser que parmi les règles définies par l'ordonnance n° 86-1243 s'en trouvaient certaines qui
prohibaient certaines activités économiques (voir infra les articles 7 et 8), d'autres qui précisaient les sanctions qui
s'appliqueraient aux actes juridiques qui méconnaîtraient ces interdictions (voir infra l'article 9), d'autres encore qui
prévoyaient que les juridictions judiciaires étaient seules compétentes pour statuer sur les litiges portant sur
l'application des dispositions précédentes (voir infra l'article 12) et d'autres enfin qui ajoutaient que les juridictions
judiciaires ne pouvaient en réalité être saisies qu'après que le Conseil de la concurrence (autorité administrative
indépendante ayant pris le nom, depuis, d'Autorité de la concurrence) a été lui-même saisi (ce qui doit s'analyser comme
l'institution d'un recours administratif préalable à la formation d'un recours contentieux ; voir infra l'article 11).
La première question était alors de savoir si un acte administratif portant organisation ou dévolution d'une mission de
service public pouvait s'analyser, à l'occasion et particulièrement lorsqu'il s'agit d'un contrat de délégation de service
public, comme une activité de production, de distribution ou de service. A cette question, le Tribunal des conflits (arrêts
Ville de Pamiers et Société Datasport) et le Conseil d'Etat (arrêt CGE) avaient déjà répondu de manière
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convaincante par la négative. La conséquence était que par une interprétation a contrario de l'article 53 de
l'ordonnance les juridictions administratives demeuraient en principe compétentes pour statuer sur les litiges les
concernant (conformément au principe de séparation des autorités, auquel il n'était donc pas dérogé).
La deuxième question était de savoir si un acte administratif ne pouvait pas, à l'occasion, être étroitement lié à une
activité de production, de distribution ou de service, par exemple parce qu'il les permettrait. De nouvelles incertitudes
quant à la réparation des compétences juridictionnelles étaient évidemment à craindre.
La troisième question était de savoir si l'article 53 pouvait être interprété a contrario en totalité ou seulement en
partie (étant précisé qu'il faudrait alors distinguer la partie de l'ordonnance relative au fond du droit de la concurrence
de celle relative à la compétence juridictionnelle). Dans le premier cas, la question de la compétence juridictionnelle
aurait été étroitement liée à celle du bien-fondé du recours : soit les juridictions judiciaires étaient compétentes et alors
les articles 7 à 10 de l'ordonnance s'appliquaient à l'acte litigieux, soit la compétence des juridictions administratives
était retenue (ce qui n'était pas sérieusement discuté en l'espèce) et ces dispositions ne s'appliquaient pas (solution
retenue dans les arrêts CGE et SA CAMIF ). Dans le second cas, il aurait fallu envisager la possibilité que les articles 7 à 10
se soient appliquées au-delà des seules activités de production, de distribution et de service, tandis que la compétence
des juridictions judiciaires serait restée, elle, cantonnée à ces seules activités.
N.B. : En réalité la véritable difficulté de l'arrêt concernait l'examen du bien-fondé du recours et résidait, plus précisément, dans le fait de savoir si
l'acte litigieux était entaché d'une erreur de droit.
Si, outre la compétence des juridictions administratives, l'applicabilité des articles 7 à 10 de l'ordonnance était
reconnue, restait problématique la question de savoir si le contrat litigieux était ou non valide et plus précisément si la
clause attribuant un droit exclusif à la société concessionnaire était ou non entaché d'une erreur de droit.
En effet, aux termes de l'article 9 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de
la concurrence, "Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par
les articles 7 et 8" , sauf dans les cas prévus par l'article 10 de la même ordonnance, tandis que l'article 53 (modifié)
prévoyait que ces règles s'appliquaient "à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris
celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public" .
Or, l'article 8 de l'ordonnance prohibe, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou
de fausser le libre jeu de la concurrence sur un marché, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe
d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Quant à l'article
10, il dispose que "Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques : 1. Qui résultent de
l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application [...]" .
Il se trouve que l'article L. 362-1 du Code des communes prévoyait que "Le service extérieur des pompes funèbres […]
appartient aux communes, à titre de service public. Les communes peuvent assurer ce service, soit directement, soit par
entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications" .
Une difficulté résidait à l'évidence dans l'application (c'est-à-dire avant tout dans l'interprétation et l'articulation) de
ces dispositions juridiques. Dans la mesure où elle ne relève pas du programme de deuxième année, elle ne sera pas
étudiée ici.
Solution
Le Conseil d'Etat a rejeté la requête dont il était saisi, confirmant ainsi le jugement du Tribunal administratif d'Orléans.
Portée
L'immixtion des juridictions administratives dans la vie des affaires, même lorsqu'elles concernent directement ou
indirectement une personne publique n'a pas cessé d'être contestée par les juridictions judiciaires, les parlementaires et
une partie de la doctrine. Ils reprochent aux juridictions administratives leur inaptitude, leur lenteur et l'inefficacité de
leurs outils pour trancher ce type de litige.
Les conclusions du CG Jaques-Henri Stahl montrent bien comment il a pourtant réussi à convaincre les juges du Conseil
d'Etat de modifier leur interprétation de l'article 53 de l'ordonnance et ainsi d'opérer un revirement de jurisprudence :
"Il faut reconnaître que l'interprétation de l'article 53 de l'ordonnance, article sur lequel vous vous êtes, après le Tribunal des conflits, appuyés, n'est pas
des plus faciles. Elle a déjà fait couler beaucoup d'encre. C'est donc avec une particulière humilité que nous vous suggérons aujourd'hui d'en retenir une
nouvelle lecture, différente de celle à laquelle vous vous êtes livrés jusqu'ici. A s'en tenir au texte, l'article 53 se borne à énoncer que les "règles définies
(par l'ordonnance) s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes
publiques". Stricto sensu, il signifie que lorsque des personnes publiques se livrent à des opérations de production, de distribution ou de services - c'està-dire en fait lorsqu'elles se conduisent comme des opérateurs économiques dans le cadre le plus souvent de services industriels et commerciaux - , ces
personnes publiques sont soumises à toutes les règles du droit de la concurrence définies par l'ordonnance, y compris celles qui définissent la
compétence du Conseil de la concurrence. Mais il ne nous paraît pas tomber sous le sens qu'il en résulte a contrario que "les dispositions de
l'ordonnance ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant qu'elles se livrent à des activités de production, de distribution ou de services". En
réalité, l'article 53 nous paraît sans véritable portée sur l'examen par le juge administratif de la légalité d'actes administratifs,
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même lorsqu'il s'agit d'actes de dévolution du service public : nous le croyons dépourvu de conséquences sur la consistance du bloc de légalité dont vous
imposez le respect aux actes de l'administration. Il concerne les agissements des personnes publiques lorsque ces personnes se comportent comme des
opérateurs économiques ; il ne concerne pas la légalité des actes administratifs."
Le CG ne cache pas que sa "proposition déborde le cadre de la simple technique juridique et qu'elle engage un
véritable choix de politique jurisprudentielle ". Or, la première justification du revirement de jurisprudence qu'il propose
tient à la "cohérence de l'ordre juridique" : il s'agit de permettre que le juge administratif "traite sur le même pied les
règles nationales de la concurrence et celles issues du traité de Rome" (voir CE, 8 novembre 1996, Fédération française
des sociétés d'assurance ). Quant à la seconde justification de ce revirement, elle tient à la nécessité que le juge
administratif "continue de jouer [son] rôle dans l'élaboration du droit des services publics" . Il précise d'ailleurs que cela le
conduira à "repenser les relations du service public et de son environnement concurrentiel" et ainsi à "ajouter à [sa]
conception traditionnelle du service public, centré sur l'usager, une autre dimension, celle des rapports avec
l'environnement et le droit de la concurrence" . En d'autres termes, il faut un "débat et un contrôle juridictionnel
renouvelé sur les modalités d'organisation du service public, conciliant ou arbitrant entre l'intérêt des usagers et les
On peut tout de même essayer de justifier l'interprétation finalement retenue de l'article 56 de l'ordonnance n° 861243 de manière plus objective. En effet, la question de la répartition des compétences juridictionnelles est très sensible
et le fait que les règles figurant dans l'ordonnance n° 86-1243 soient des règles dérogatoires (puisqu'elles dérogent au
principe de séparation des autorités) doit nous conduire à les interpréter strictement (au moyen, notamment, de
l'interprétation a contrario ). Au contraire, les règles de l'ordonnance qui encadrent les activités des opérateurs
économiques doivent être interprétées au regard de l'objectif poursuivi par l'auteur du texte (interprétation
téléologique) : préserver et même garantir autant que faire se peut la libre concurrence. D'où la possibilité de considérer
que l'article 56, qui est d'ailleurs rédigé de façon à insister sur l'idée de totalité, ne désigne pas limitativement les
activités soumises aux dispositions des articles 7 à 10.
N.B. : Le Conseil d'Etat continue de faire application du principe de liberté du commerce et de l'industrie, au même titre que les dispositions de
l'ordonnance de 1986, ne serait-ce que parce qu'il recèle des potentialités inconnues du droit de la concurrence. En particulier, il continue à s'appliquer
là ou le droit de la concurrence issu de l'ordonnance de 1986 est inefficace : un règlement soumettant une activité à autorisation ne favorise ni
ententes, ni abus de position dominante, mais il affecte la liberté du commerce et de l'industrie (CE, 22 juin 1951, Daudignac ). De même, le principe de
liberté du commerce et de l'industrie sert toujours de rempart contre les interventions économiques des personnes publiques non justifiées par une
carence de l'initiative privée, interventions que l'ordonnance de 1986 ne permet d'appréhender que si elles prennent la forme d'un abus de position
dominante. Cette complémentarité englobe aussi d'autres règles, telles la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 prescrivant la mise en concurrence dans le
cadre des marchés publics et des délégations de services publics, les articles 85 et 86 du Traité instituant les communautés européennes (devenus 81 et
82) ou encore le principe de spécialité. On remarquera également que chaque fois que le juge administratif fait entrer des dispositions du droit privé
dans la légalité administrative, c'est sous réserve de leur compatibilité avec les nécessités du service public (voir l'arrêt Sté EDA , pour l'entrée du droit
de la concurrence dans la légalité administrative).
Textes appliqués :
Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence (modifiée)
Titre III - Des pratiques anticoncurrentielles
Article 7 : "Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence
sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : [...]" .
Article 8 : "Est prohibée, dans les mêmes conditions, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises : / 1. D'une position
dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; […]" .
Article 9 : "Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8."
Article 10 : "Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques : / 1. Qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte
réglementaire pris pour son application ; […]" .
Article 11 : "Le Conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l'économie. Il peut se saisir d'office ou être saisi par les entreprises
ou, pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge, par les organismes visés au deuxième alinéa de l'article 5. / Il examine si les
pratiques dont il est saisi entrent dans le champ des articles 7 et 8 ou peuvent se trouver justifiées par application de l'article 10. Il prononce, le cas
échéant des sanctions et des injonctions [...]" .
Article 12 : "Le Conseil de la concurrence peut [...] prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées par le ministre chargé de l'économie,
par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 5 ou par les entreprises. / La décision du conseil peut faire l'objet d'un recours en
annulation ou en réformation par les parties en cause et le commissaire du gouvernement devant la cour d'appel de Paris au maximum dix jours après
sa notification. La cour statue dans le mois du recours." (rédaction issue de la loi n° 87-499 du 6 juillet 1987 transférant le contentieux des décisions du
Conseil de la concurrence à la juridiction judiciaire)
Titre VII - Dispositions diverses
Article 53 (cf. supra )
N.B. : Les dispositions de cette ordonnance ont été codifiées aux articles L. 410-1 et suivants du Code de commerce.
Article L. 362-1 du Code des communes
"Le service extérieur des pompes funèbres […] appartient aux communes, à titre de service public. Les communes peuvent assurer ce service, soit
Compétence juridictionnelle
Droit de la concurrence
CE Sect., 03/11/1997, Société Million et Marais
directement, soit par entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications."
N.B. : Cet article a depuis été abrogé, mais l'article L. 2223-19 du CGCT en reprend l'essentiel, à ceci près qu'il est désormais explicitement prévu que
"Les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d'aucun droit d'exclusivité pour l'exercice de cette mission. Elle peut être également assurée par
toute autre entreprise ou association bénéficiaire de l'habilitation prévue à l'article L. 2223-23" .
Situation dans la jurisprudence :
TC, 6 juin 1989, Préfet de la région Ile-de-France (Ville de Pamiers) : "Considérant qu'il résulte de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986
que les règles qui y sont définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant que celles-ci se livrent à des activités de production, de distribution
et de services ; que l'organisation du service public de la distribution de l'eau à laquelle procède un conseil municipal n'est pas constitutive d'une telle
activité ; que l'acte juridique de dévolution de l'exécution de ce service n'est pas, par lui-même, susceptible d'empêcher, de restreindre ou de fausser le
jeu de la concurrence sur le marché, et qu'il n'appartient en conséquence qu'aux juridictions de l'ordre intéressé de vérifier la validité de cet acte au
regard des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance susvisée ;" .
CE, 23 juillet 1993, Compagnie générale des eaux (CGE) : "Considérant qu'il résulte de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les règles
qui y sont définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant que celles-ci se livrent à des activités de production, de distribution et de services ;
que l 'organisation du service public de la distribution de l'eau à laquelle procède un conseil municipal n'est pas constitutive d'une telle activité ; que
l'acte juridique de dévolution de l'exécution de ce service n'est pas, par lui-même, susceptible d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence sur le marché ; qu'il suit de là que le conseil municipal de Saint-Denis de la Réunion pouvait choisir le délégataire du service municipal de
l'eau sans être astreint, en l'état de la législation alors en vigueur, à une mise en concurrence préalable ;" .
CE, 29 juillet 1994, SA CAMIF : "Considérant qu'il résulte des termes de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les règles qui y sont
définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant que celles-ci se livrent à des activités de production, de distribution et de service ; que
l'organisation, par le pouvoir réglementaire du service des achats publics , n'est pas constitutif d'une telle activité ; que, dès lors, si l'UGAP, est, pour les
opérations auxquelles elle se livre, soumise aux règles susindiquées, la CAMIF, n'est pas fondée à soutenir que les dispositions litigieuses se heurteraient
à la prohibition des pratiques anticoncurrentielles définies aux articles 7 et 8 de l'ordonnance susmentionnée du 1er décembre 1986 ; que le moyen tiré
de ce que le maintien en vigueur de ces dispositions serait contraire aux prescriptions de ladite ordonnance doit par suite être écarté ;" .
TC, 4 novembre 1996, Société Datasport c/ Ligue nationale de football : "Considérant que si l'acquisition d'un logiciel par la Ligue Nationale de
Football auprès de la société Monacosoft peut être regardée comme une convention passée entre personnes privées, l a décision d'unifier, par ce
logiciel, la billetterie informatique des clubs participant aux manifestations sportives organisées par la Ligue Nationale de Football ressortit aux
pouvoirs d'administration et aux prérogatives de puissance publique qui ont été conférés à ce groupement par l'article 364 susvisé ; que dès lors, la
délibération du conseil d'administration de la Ligue Nationale de Football, en date du 21 avril 1994, désignant le système informatique de gestion et
d'édition de la billetterie des compétitions disputées sous l'autorité et le contrôle dudit groupement par les clubs de première et deuxième divisions
professionnelles, a été prise dans le cadre de la mission de service public assignée à la Ligue Nationale de Football, et relève de l'exercice d'une
prérogative de puissance publique ; qu'elle ne constitue pas, en conséquence, une activité de production, de distribution ou de services, à laquelle
s'appliqueraient les règles de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative d'en apprécier la validité ;" .
CE, 8 novembre 1996, Fédération française des sociétés d'assurance : Le Conseil d'Etat accepte désormais de contrôler la légalité d'un acte
administratif par rapport aux normes communautaires relevant du droit de la concurrence.
TC, 19 janvier 1998, Préfet de la région Ile-de-France c/ Union française de l'Express et autres : "Considérant que le litige, opposant des sociétés
commerciales à l'établissement public industriel et commercial de la Poste et à ses filiales de droit privé, tend à la cessation et à la réparation des
dommages occasionnés par des pratiques commerciales imputées à la Poste et susceptibles, selon les sociétés demanderesses, de fausser le jeu de la
concurrence, tant en droit interne qu'en droit communautaire ; que ce litige, qui ne met pas en cause l'exercice des prérogatives de puissance publique
du service postal, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, sous réserve d'éventuelles questions préjudicielles sur l'appréciation de
la légalité d'actes administratifs relatifs à l'organisation et aux conditions d'exploitation de ce service ;" .
CE Sect., 26 mars 1999, Société EDA : "Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de
gérer celles-ci tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à
l'affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d'activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses
règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ou l'ordonnance du 1er décembre 1986 , dans le cadre desquelles s'exercent ces
activités ; qu'il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir, à qui il revient d'apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public ,
de s'assurer que ces actes ont été pris compte tenu de l'ensemble de ces principes et de ces règles et qu'ils en ont fait, en les combinant, une exacte
application ; / Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 26 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, le Conseil de la concurrence
"peut être consulté par les juridictions sur les pratiques anticoncurrentielles définies aux articles 7, 8 et 10-1 et relevées dans les affaires dont elles sont
saisies" ; qu'en vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, lorsqu'il doit apprécier la légalité d'un acte administratif en prenant en compte le
droit de la concurrence, consulter le Conseil de la concurrence et lui demander des éléments d'appréciation ; " .
TC, 18 octobre 1999, Aéroports de Paris : "Considérant que si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de
services les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les
décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique , relèvent
de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité
encourue par ces personnes publiques ; / Considérant que les décisions de regrouper à l'aérogare d'Orly-Ouest les activités du groupe Air-France et de
refuser à la société TAT European Airlines d'ouvrir de nouvelles lignes à partir de cette aérogare qui se rattachent à la gestion du domaine public
constituent l'usage de prérogatives de puissance publique ; qu'il suit de là qu'en ce qui concerne les pratiques relevées par le Conseil de la concurrence
qui sont en réalité indissociables de la réorganisation des aérogares d'Orly décidée par l'établissement public puis approuvée, le 4 mai 1994, par le
ministre de l'équipement, du transport et du logement, c'est à bon droit que le conflit a été élevé ; / Considérant en revanche, que sont détachables de
l'appréciation de la légalité d'un acte administratif, les pratiques d'AEROPORTS DE PARIS susceptibles de constituer un abus de position dominante
c onsistant dans l'obligation faite à la Compagnie TAT European Airlines d'utiliser les services d'assistance en escale de cet établissement public en
substitution à ses personnels ; que c'est par suite à tort que l'arrêté de conflit a revendiqué pour la juridiction administrative la connaissance desdites
pratiques ;" .