La performance du contrôle de gestion à travers la qualité perçue et

Transcription

La performance du contrôle de gestion à travers la qualité perçue et
LA PERFORMANCE DU
CONTROLE DE GESTION A
TRAVERS LA QUALITE PERÇUE
ET LA SATISFACTION DES
MANAGERS
Armelle GODENER et Marianela FORNERINO, Enseignants-chercheurs à Grenoble Ecole
de Management, 12 rue Pierre-Sémard, BP127, 38003 Grenoble Cedex 1
tel : 04 76 70 60 37 ; telecopie : 04 76 70 60 99 ; [email protected]
Intention de communication n°20050071
Résumé
A ce jour, la recherche comportementaliste en contrôle de gestion se heurte aux nombreuses
contradictions observées entre les travaux et à la complexité des modèles proposés. L’objectif du papier est de
proposer des pistes pour développer des recherches dans ce domaine en France. Utiliser le modèle de la
servuction, développé en marketing, pourrait notamment être intéressant.
Mots clés : contrôle de gestion, servuction, comportement
Abstract :
Today, the behavioral research in Management Accounting is confronted to a significant number of
contradictions among the models, and to a high complexity. The purpose of this paper is to suggest an agenda for
future research in France. Using the “servuction” model, developed in marketing research, appears to be
promising.
Key words: Management accounting, behaviour.
Introduction
Depuis sa remise en cause des années 80, le contrôle de gestion est reconnu comme un
avantage (ou un handicap) concurrentiel décisif (Lorino, 1991, p.4). D’ailleurs, s’il fait partie
des métiers et des processus qui résistent bien aux périodes de crise économique et aux
restructurations, c’est qu’on en attend une amélioration de la performance individuelle et
collective au travers de son rôle d’orientation des décisions des managers pour une cohérence
avec les objectifs stratégiques de la firme (Bouquin, 1997). Le pilotage des activités, avec un
but à atteindre et un point régulier permettant de se situer et éventuellement de corriger le cap,
l’efficience des services, la coordination des hommes et des départements sont autant de
retombées attendues du contrôle de gestion (Bollecker, 2001, p.141).
En France, les chercheurs en contrôle de gestion se sont surtout intéressés à ce jour aux
outils, à la disposition des professionnels et à leurs nécessaires adaptations. Tableaux de bord,
balanced scorecard, budgets, méthodes ABC et ABM sont ainsi étudiés en termes de
pratiques, de conditions de mise en place, d’apports et d’utilisation. Des recherches plus
conceptuelles sont également réalisées.
En regard, peu de recherches ont pour objet les conditions (ou les facteurs clé de
succès) de la performance même du contrôle de gestion. Or, dans un contexte de
développement technique d’outils sophistiqués, si le contrôleur de gestion ne développe pas
une grande sensibilité aux aspects comportementaux liés à l’utilisation de ces outils, des
conséquences inattendues et non désirées risquent de survenir (Caplan, 1992). L’objectif de ce
papier est de faire le point de l’existant et de proposer un cadre de recherche dans la matière.
A notre connaissance, seul le courant comportementaliste du contrôle de gestion a
pour objectif d’améliorer la connaissance des conditions de performance d’un outil du
contrôle de gestion, en l’occurrence du budget. Les recherches (essentiellement anglosaxonnes) qui y sont rattachées tentent de mettre en évidence les liens qui unissent d’une part
les conditions d’élaboration du budget ou les modalités d’évaluation de la performance
individuelle et d’autre part la performance de la firme via les comportements des managers. A
ce jour, les résultats sont mitigés et de nombreuses questions restent encore sans réponses.
Dans la première partie de cet article, nous présentons les résultats proposés par ce corpus
théorique et leurs limites. En particulier, le manque d’un modèle intégratif est souligné.
Nous proposons alors d’élargir le propos à l’ensemble du processus de contrôle de
gestion et d’étudier ses conditions de performance en faisant appel aux concepts principaux
développés dans le cadre du marketing des services (partie 2).
1. Le courant comportementaliste du contrôle de gestion
Le contrôle de gestion est souvent présenté comme une émanation du contrôle par les
résultats, un des cinq modes de coordination proposé par Mintzberg (1982, pp.21-22). Celui-ci
trouve tout son sens lorsque les décisions ne peuvent pas être programmées à l’avance et
imposent un choix de la part du décideur (Le Moigne (1973) cité par Bouquin, 1997).
Développée pour accompagner la délégation des responsabilités prônée par l’Ecole des
Relations Humaines, l’objectif de cette modalité de contrôle organisationnel est à fois
d’orienter les décisions des managers pour qu’elles soient cohérentes avec les buts de
l’organisation et d’inciter à ce que les moyens disponibles soient utilisés avec autant
d’efficience que possible (Bouquin, 1997). La conception du contrôle de gestion est alors
cybernétique. Le processus d’élaboration du budget aboutit à la déclinaison des objectifs
généraux de l’entreprise en objectifs par service et à l’allocation des ressources. Les standards
de performance ainsi définis servent de « carottes » et motivent les managers (Mintzberg,
1982, p. 150). Un suivi régulier des réalisations incite ensuite les acteurs à agir dans le sens de
la stratégie en gérant leurs facteurs clés de succès (Bouquin, 1997) et en mettant en oeuvre des
actions correctives en cas de besoin (Mintzberg, 1982, p.150). Il permet également de tirer des
leçons des événements (Lorino, 1997, p. 279) lorsqu’en fin d’exercice une évaluation de la
performance est effectuée (Bouquin, 1986). Des incitations financières complètent
éventuellement le dispositif (Merchant 1998).
Tout un courant de recherche étudie l’impact sur le comportement des managers, et par
là sur la performance de la firme, des modalités d’exercice de ce type de contrôle. Quelles en
sont les principales observations (§1.1) ? Quelles sont les origines de la faiblesse des résultats
obtenus malgré l’importance des efforts réalisés (§1.2) ?
1.1 Les principaux résultats
Le point de départ de ce vaste courant de recherche est un ouvrage proposé en 1952
par Argyris intitulé The impact of budgets on people (Hartmann, 2000). Il y apparaît que les
outils du contrôle de gestion sont susceptibles de générer des dysfonctionnements en incitant
les managers à ne prendre en compte que leur propre intérêt et celui de leurs départements.
Faisant suite à cette observation, de nombreux chercheurs travaillent sur les conséquences
comportementales de la mise en oeuvre d’un contrôle budgétaire et sur les conditions qui
favorisent leur émergence.
Une large part de ces recherches tourne autour de la variable « participation des
managers à l’élaboration du budget », qui se définit comme le degré selon lequel les
subordonnés sont autorisés à participer au processus budgétaire. Les études cherchent alors à
déterminer quel est l’impact de la « participation » sur de nombreuses variables, l’objectif
semblant être, in fine, d’expliquer la « performance individuelle » et « la performance de la
firme ».
Les résultats obtenus sont mitigés. Nouri et Parker (1998) reprennent ainsi les
principales études ayant exploré l’influence de la « participation » sur la « performance
individuelle » (Job performance) : plusieurs auteurs ont observé un effet positif (Argyris 1952,
Becker et Green 1962, Merchant 1981, Brownell 1982), mais d’autres ont conclu à un effet
inverse (Stedry 1960, Bryanet Locke 1967) ou n’ont pas pu établir véritablement une relation
claire (Milani 1975 et Kenis 1979). Clinton et Hunton (2001) ont observé un phénomène
similaire en ce qui concerne la « performance de la firme ».
Par voie de conséquence, les chercheurs se sont lancés dans l’étude de variables
susceptibles de jouer un rôle médiateur entre « participation » et « performance ». Nous
citerons pour exemple la « motivation des managers » (Hofstede, 1967 ; Milani, 1975 ;
Brownell & McInnes, 1986), leur « sentiment d’équité » (Wentzel 2002), leur « engagement
(commitment) envers les objectifs budgétaires » (Wentzel, 2002), leur « engagement envers
l’organisation » (Chenhall et Brownell, 1988 ; Cherrington et Cherrington, 1973 cités par
Langevin et Naro, 2003 ; Nouri et Parker, 1998), leur « satisfaction au travail » (Chenhall et
Brownell 1988 ; Cherrington et Cherrington 1973 cités par Langevin et Naro), le partage
d’informations entre les managers et leurs supérieurs hiérarchiques (Chong & Chong, 2002 ;
Earley et Kanfer (1985) cités par Chong et Chong), le degré de tension (Argyris 1952 et Dunk
1993 cités par Langevin et Naro), la qualité des relations (Argyris (1952) et Dunk (1993) cités
par Langevin et Naro, 2003) ou encore le degré de congruence entre le « degré de participation
accordé » et le « degré de participation perçue comme nécessaire » (Clinton & Hunton, 2001).
Au fur et à mesure que de nouveaux résultats apparaissent contradictoires, des variables
complémentaires sont introduites et des facteurs de contingence envisagés.
C’est également par le changement des méthodes de recherche qu’une solution aux
contradictions observées est cherchée. Ainsi, des résultats différents ayant été obtenus à
propos de la relation existante entre la « participation au budget » et « l’engagement des
managers envers leurs objectifs » (goal commitment) via « l’implication organisationnelle »,
Chong et Chong (2002) décident de rompre avec la pratique habituelle : les tests deux à deux.
Au moyen d’équations structurelles, ils étudient conjointement les liens entre les variables
« participation », « engagement des managers », « partage de l’information » et « performance
organisationnelle ». Il en ressort qu’une forte participation à l’élaboration du budget favorise
un fort engagement envers ces objectifs et qu’un fort engagement associé à un meilleur
partage de l’information favorise une meilleure performance dans la mission. Mais les
résultats de cette enquête restent à confirmer par d’autres études.
Les conditions favorisant ou au contraire limitant les matelas budgétaires (ou slacks)
ont également fait l’objet de beaucoup d’attention. Il en ressort que l’aversion au risque du
manager (Waller (1988) et Young (1985) cités par Langevin et Naro, 2003), l’importance de
l’asymétrie informationnelle entre le manager et son subordonné (Dunk (1993) cité par
Langevin et Naro, 2003), l’importance dans le système de rémunération d’une part variable
liée à la réalisation des objectifs budgétaires (Christensen (1982), Magee (1980) cités par
Fisher et al., 2002 ; Cammann (1976), Walker et Johnson (1999) cités par Langevin et Naro,
2003) ont tendance à favoriser les matelas budgétaires. Au contraire, la participation au
processus d’élaboration budgétaire contribuerait à les réduire (Fisher et al., 2000 ; Camman
(1976), Collins (1978), Dunk (1993) cités par Langevin et Naro, 2003).
Un second grand ensemble de travaux est focalisé quant à lui sur le concept de « style
d’évaluation individuelle », encore appelé RAPM pour « Reliance on Accounting
Performance Measures » qui définit le degré selon lequel les mesures comptables et
financières sont utilisées par les managers pour l’évaluation individuelle de la performance de
leurs subordonnés. Ce courant de recherche s’appuie plus particulièrement sur la théorie de
l’agence, son objectif principal étant d’étudier l’impact sur l’effort et la performance de
l’agent de différentes formes de contrat de délégation, c’est-à-dire de différentes formes de
systèmes d’évaluation et de rémunération. Comme les recherches sur la « participation », les
travaux focalisés sur le « système d’évaluation » se sont nourris des contradictions apparentes
de leurs résultats. Ainsi, devant la non confirmation par Otley (1978) des relations observées
par Hopwood (1972) entre le style d’évaluation des managers et des dysfonctionnements
organisationnels, de nombreuses recherches ont eu pour objet d’approfondir ces relations et de
rechercher leurs conditions de validité (Hartmann, 2000).
Dans sa synthèse critique de cette littérature, Hartmann (2000) distingue six
principales voies de recherche aujourd’hui explorées : les effets positifs et négatifs du RAPM
sur les comportements, l’influence du style d’évaluation individuelle sur la participation des
managers au processus d’élaboration du budget, ses effets selon la culture nationale, les
caractéristiques de l’environnement, la stratégie de la firme, ou encore la personnalité du
manager subordonné. Un fort degré d’utilisation des critères de performance comptables et
financiers a été mis en relation avec une tension au travail élevée, des comportements
dysfonctionnels importants et/ou une mauvaise performance, quand il y a incertitude de la
tâche (Abernathy et Stoelwinder (1991), Brownell et Hirst (1986), Hirst (1981 et 1983) cités
par Langevin et Naro, 2003), quand l’environnement est incertain (Govindarajan (1984), cité
par Langevin et Naro, 2003), quand le domaine d’activité poursuit une activité de
développement (Govindarajan et Gupta (1985) cités par Langevin et Naro, 2003) ou encore
lorsque les styles de management diffèrent entre supérieurs et subordonnés (Choo et Tan
(1997) cités par Langevin et Naro, 2003). Au contraire, un fort RAPM suscite une meilleure
motivation des managers à participer au budget (Kenis (1979) cité par Hartmann, 2000),
réduit l’ambiguïté du rôle des managers (Hirst et Yetton (1984) cités par Hartmann, 2000) et
est associé à la performance s’il est accompagné d’un management participatif (Brownell
(1982 et 1983) cités par Langevin et Naro, 2003 ; Brownell et Dunk, 1991).
Enfin, des études ont cherché à faire le lien entre les deux variables phares du courant
comportementaliste de la recherche en contrôle de gestion que sont la « participation
budgétaire » et « RAPM ». Brownell (1982, cité par Hartmann, 2000) a conclu que quand la
« participation » est forte, le degré de RAPM devrait aussi être fort. Cette observation a été
ensuite croisée avec celles relatives aux matelas budgétaires que la participation permet de se
constituer et à des facteurs de contingence éventuelle. Mais les résultats de ces travaux sont
mitigés, souvent difficilement interprétables… et les résultats de Brownell ont été contredits
par ceux de Dunk (1989) et de Aranya (1990) cités par Hartmann (2000).
Ainsi, malgré l’importante quantité de travaux associés à ce courant de recherche, les
incohérences de cette littérature restent importantes à ce jour et nous estimons que les modèles
ne peuvent être considérés que comme en cours d’élaboration. Quelles pourraient être les
raisons de ce manque de résultats et les pistes de progrès ?
1.2. Les difficultés du courant comportementaliste en contrôle de gestion
Pour un chercheur français, une première limite aux travaux existants réside sans doute
dans le fait que les modèles développés l’ont été dans les pays anglo-saxons et ne peuvent être
transposés au cas de la France sans un travail préalable d’adaptation. En effet, « il n’existe
pas en France une forte tradition de rémunérations fondées sur les performances,
contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis » (Bourguignon et al., 2002). Ceci est d’autant
plus vrai que les variables analysées se rapportent à des variables personnelles des individus,
vraisemblablement imprégnées de la culture nationale, mais aussi que le métier de contrôleur
de gestion met en France un accent particulier sur la mission d’assistance et d’aide à la
décision du contrôleur de gestion. Tout reste donc à faire chez nous, avec bien entendu la
possibilité de nous appuyer sur les travaux réalisés ailleurs, mais aussi la lourde tâche de ne
pas tomber dans les difficultés rencontrées par les chercheurs anglo-saxons dans la
construction de leurs modèles.
En effet, comme nous l’avons souligné précédemment, les conclusions des études
publiées sont rarement confirmées par les recherches ultérieures. La non reproductibilité des
résultats est généralement interprétée comme due au fait que le modèle testé ne serait pas
complet et de nouvelles variables et relations sont proposées. La situation est aujourd’hui telle
qu’il devient difficile de s’y retrouver. Bouquin (1997) parle en ce sens de modèles
« labyrinthiques ». Il est délicat d’identifier quelles relations sont réellement
(définitivement ?) établies et quelles sont celles qui risquent d’être contredites par une
prochaine étude. Comment expliquer cette situation ?
Une première explication avancée dans la littérature réside dans l’instabilité des
concepts retenus. A l’examen des variables et des instruments de mesure utilisés dans des
recherches différentes, il apparaît ainsi souvent que sous un même vocable se cachent des
variables diverses.
Ainsi, la mesure de la variable centrale que représente la « participation des
managers » à l’élaboration budgétaire diffère selon les travaux. Dans certaines études, elle
représente une synthèse du degré d’influence que ceux-ci pensent avoir sur la décision, de
l’importance des explications qui leur sont fournies par leurs supérieurs hiérarchiques en cas
de révision du budget et de la fréquence des discussions avec leurs managers au moment de la
définition du budget (Nouri et Parker, 1998 ; Wentzel, 2002 ; Chang et Chang, 2002). Mais de
son côté, Govindarajan (1986) a adopté une vision plus large puisqu’aux questions
traditionnelles sur la fréquence des discussions budgétaires s’ajoutent des questions sur le
comportement personnel du répondant (« vous recherchez personnellement les explications
aux écarts », « vous faites des propositions d’amélioration du système budgétaire », « vous
commencez à préparer le budget pour votre centre de responsabilité avant qu’on ne vous le
demande »).
La variable centrale du courant RAPM, le style d’évaluation individuelle, a également
été mesurée et conceptualisée différemment selon les auteurs, comme l’ont démontré Otley et
Faliokas (2000) ou Hartmann (2000). L’étude des principaux travaux utilisant le concept
d’évaluation individuelle a ainsi conduit Otley et Faliokas à identifier quatre grandes
approches distinctes. Même en cas d’utilisation d’un questionnaire similaire, des différences
entre études apparaissent dans le traitement effectué pour déterminer les styles à partir des
réponses collectées. Selon les cas, est pris en compte le classement relatif des items les uns
par rapport aux autres ou bien le score de chaque item. Les uns tiennent compte des réponses
à chacun des deux items principaux, les autres agrègent ces réponses pour ne plus avoir qu’un
construit. Otley et Fabiokas regrettent que cette différence n’ait pas été perçue, ce qui a créé
une confusion dans la littérature. Et comme Hartmann, ils concluent que la mesure du concept
doit être retravaillée et précisée.
Pour avancer dans la construction d’un corpus théorique établi, Hartmann (2000)
estime que des réplications de qualité des recherches existantes doivent être systématiquement
entreprises, plutôt que soient introduites toujours plus de variables et que soient étudiées
toujours plus de relations entre elles. Un effort sur la définition des variables et de leurs
instruments de mesure semble également nécessaire.
Une deuxième explication au manque de résultats observé serait le peu de recours aux
théories existantes. De nouvelles variables sont intégrées sans s’appuyer véritablement sur des
corpus théoriques reconnus, sans apporter d’élément explicatif à la relation étudiée (Bouquin,
encyclop. 1997). Pour Shields et Shields (1998), cela explique pourquoi quatre type de
modèles peuvent être distingués autour de la variable « participation des managers au
processus d’élaboration budgétaire » avec (1) des modèles qui étudient des variables
modératrices affectant les relations entre la variable « participation » considérée comme
variable indépendante et des variables dépendantes comme la satisfaction, la motivation et la
performance, (2) des modèles qui étudient les effets directs de la « participation budgétaire »
sur des variables dépendantes, (3) des études où la « participation » est comprise comme une
variable indépendante qui interagit avec une autre variable indépendante pour affecter une
variable dépendante et (4) des recherches où la « participation budgétaire » est appréhendée
comme variable modératrice de relations existant entre des variables indépendantes et des
variables dépendantes. Cela explique également finalement pourquoi les conclusions portant
sur le rôle de la participation sont si diverses.
Une piste de progrès serait de développer des modèles en utilisant des théories
éprouvées. Shields et Shields (1998) estiment ainsi nécessaire de développer un modèle
intégratif général se focalisant sur les raisons du recours à la participation, voire de développer
différents modèles selon les raisons ayant conduit un ensemble d’entreprises à développer la
participation des managers au processus d’élaboration du budget.
Une troisième source de difficultés pourrait provenir du fait que le courant
comportementaliste ne s’est quasiment préoccupé à ce jour que du seul budget, et cela souvent
de façon parcellaire puisque beaucoup se sont exclusivement intéressés à la manière dont il est
élaboré quand de nombreux autres se focalisaient sur la façon dont il est utilisé pour
l’évaluation individuelle des managers.
Or, le budget ne tient pas aujourd’hui la place centrale qu’il occupait il y a seulement
quinze ans. La modification en 1988 de la définition du contrôle de gestion proposée en 1965
par R.N. Anthony représente un recul certain par rapport à la conception essentiellement
planificatrice et financière du contrôle de gestion qui avait cours jusque dans les années 70
(Bouquin, 1997). L’utilisation d’indicateurs non financiers en complément des indicateurs
« traditionnels » est aujourd’hui prônée afin de limiter les effets peu satisfaisants de ces
derniers : non prise en compte de l’immatériel (Merchant, 1998), orientation des
comportements vers le court terme (Dearden (1969), Hayes et Abernathy (1980), Merchant
(1990) cités par Langevin et Naro, 2003). D’outils de mesure, les techniques de comptabilité
analytique tendent à se transformer en outils de compréhension des phénomènes et d’aide à la
décision. Et le rôle d’influence du contrôleur de gestion est aujourd’hui explicitement
reconnu.
Dans ce contexte, quelques auteurs suggèrent d’élargir la problématique du courant
comportementaliste à la mise en place et à l’utilisation de mesures de performance non
financières (Otley et Fakiolas, 1998 ; Hartmann, 2000). La publication de telles études
commence d’ailleurs à venir (Said et al., 2003).
Nous allons plus loin en envisageant des recherches qui porteraient sur des variables
relatives au contrôle de gestion compris comme un processus global où les différents outils ou
sous-systèmes mis en œuvre sont complémentaires et à ce titre indissociables les uns des
autres. Comprendre les conditions de performance de l’entreprise au travers des conditions
d’exercice du contrôle de gestion nous paraît une problématique intégratrice essentielle
puisque c’est de la performance même du contrôle de gestion qu’il s’agit.
Ainsi, différentes pistes de progrès ont été identifiées : travailler sur le processus
global de contrôle de gestion, n’intégrer des variables qu’en prenant appui sur des théories
établies ou en avançant des arguments explicatifs solides et enfin porter une attention
particulière à la définition des variables et des instruments de mesures de ces variables. Nous
montrons dans une deuxième partie qu’adapter au contrôle de gestion le cadre de la servuction
développé en marketing des services devrait permettre de répondre à l’ensemble de ces
exigences.
2. Eléments conceptuels et opérationnels de la recherche
en Marketing de Services applicables au contrôle de
gestion
Afin de montrer en quoi le modèle de la servuction pourrait nourrir la recherche sur la
performance du contrôle de gestion, nous présentons successivement les principaux concepts
et variables développés dans le domaine du marketing des services et discutons pour chacun
de sa pertinence pour l’étude du champ qui nous intéresse.
2.1 Le contrôle de gestion en tant que prestation de service
Un champ important de la recherche en marketing s’est intéressé aux particularités des
activités de services. Le concept de servuction a été proposé pour modéliser le système de
production de telles activités. Eiglier et Langeard (1987, p.15) le définissent comme
« l’organisation systématique et cohérente de tous les éléments physiques et humains de
l’interface client - entreprise nécessaire à la réalisation d’une prestation de service dont les
caractéristiques commerciales et les niveaux de qualité ont été déterminées ». Le modèle de
servuction (Figure 1) définit quatre éléments du système : (1) le client, co-producteur du
service, (2) le personnel en contact, (3) le support physique et (4) le service lui-même. Ce
dernier constitue à la fois l’objectif même et la résultante de l’interaction entre le client et
l’entreprise, à travers notamment du personnel en contact.
Figure 1. Le modèle de la servuction
Ensemble de moyens
Le client devient un
Source : Eiglier et Langeard (1987)
nécessaires à la production du
élément actif dans la production
service (système d’information,
du service et dans l’évaluation
outils, etc)
de saau
qualité
Nous proposons d’étendre ce modèle
contrôle de gestion
compris comme une
prestation de service interne à l’entreprise.
Le premier élément
du système est laCLIENT
participation du client – dans le cadre du contrôle
SUPPORT
PHYSIQUE
de gestion, celle du manager et/ ou de la direction – à la production du service. Le deuxième
élément, le personnel en contact avec le client, sont les membres du département de contrôle
de gestion. Ceux-ci interagissent avec les managers pour produire le service lui-même qui
constitue le troisième élément. Finalement, le dernier élément du système est le support
matériel nécessaire à la production du service et qui correspond aux tableaux de bord,
budgets, analyses, PERSONNEL
etc. produites par les contrôleurs
de gestion avec la collaboration des
EN
SERVICE
CONTACT
managers. Nous présentons
dans la figure 2 ces quatre éléments représentatifs du système.
L’intérêt d’une telle approche réside dans la conception systémique de la production
Personnel
mispart, àl’identification des différents
Objectif éléments
du processus
du service,
avec d’une
et et
de leurs rôles respectifs,
disposition par le fournisseur
résultat
de
l’interaction
etpour
d’autre
part avec
la vision
globale du processus.
interagir
le client
fournisseur de service-client
Figure 2. Le modèle de la servuction adapté au contrôle de gestion
Tableaux de bords
Budgets
Analyses
La direction
Les managers
2.2 Qualité du service et satisfaction du client
Les recherches du courant comportementaliste du contrôle de gestion qui font
SUPPORT
CLIENT
intervenir la variable
« performance » s’intéressent
soit à la performance de l’individu dans
PHYSIQUE
son poste – généralement au travers d’une grille d’autoévaluation portant sur huit items
managériaux comme par exemple : la planification, la coordination, l’évaluation, la
supervision, soit à la performance de la firme – mesurée cette fois par la variation du résultat
net, celle du cours de l’action, etc. -.
Nous proposons
plutôt de nous focaliser sur la performance du contrôle de gestion en
PERSONNEL
Conseil Stratégique
EN
SERVICE à travers la qualité perçue par les managers
tant que service, et CONTACT
de mesurer cette performance
Conseil
Opérationnel
(les clients internes) ainsi que par leur satisfaction à l’égard
du service. Nous transposons de
Adaptation
outils aux
cette façon la proposition de Bowen et Schneider (1988)des
concernant
le fait que les clients sont
Le contrôleur de
besoins des opérationnels
les personnes
d’un service
parce ilsdesont mieux placés pour
gestion idéales pour apprécier la qualité
Définition
du système
Le personnel des
du employés que contrôle
observer la performance
les superviseurs de ces employés et encore plus
service
contrôle
de
Traitement
de
données
que lesgestion
employés eux-mêmes.
budgétaires
En marketing des services, Parasumaraman et al. (1985) ont introduit le concept de
qualité perçue du service comme un jugement global ou une attitude en relation avec une
supériorité du service. La satisfaction est un concept clé très proche de la qualité perçue. Il a
fait l’objet de nombreuses études et nombreuses définitions. Yi (1990) propose d’envisager la
satisfaction comme un état qui correspond au résultat d’un jugement. Nous évoquerons la
définition de Howard et Sheth (1969) selon laquelle la satisfaction correspond à « l’état
cognitif de l’acheteur résultant du fait d'avoir été récompensé de façon adéquate ou non pour
les efforts consentis ». Oliver (1993) met en évidence que la prise en compte des aspects
affectifs améliore de manière significative l’explication de la satisfaction. Il définit la
satisfaction comme « un état psychologique provenant d’un processus d’évaluation affectif et
cognitif ». Nous allons retenir cette définition qui nous semble la plus complète.
Concernant les services internes à l’entreprise, Bruh (2000) a développé un modèle
causal qui met en évidence l’impact de la qualité d’un service interne sur la satisfaction du
client interne. Mais en terme général, des nombreuses études se sont intéressées au lien
existant entre la qualité perçue et la satisfaction. Si la satisfaction est conçue comme le
résultat d’un processus d’évaluation d’un service avec une perspective globale sur l’ensemble
des échanges (plutôt que comme l’évaluation d’une transaction ou échange spécifique) alors la
qualité perçue est un antécédent de la satisfaction (Spreng et Mackot, 1996 ; Lee et al., 2000).
A condition que la qualité du service et la satisfaction soient mesurées d’une façon
globale (Spreng et Mackoy, 1996), nous pouvons formuler l’hypothèse suivante :
H1 : plus la qualité perçue par les managers du contrôle de gestion est forte, plus leur satisfaction sera
forte.
L’échelle d’évaluation de la qualité qui sera utilisée pour tester cette hypothèse devra
explicitement s’intéresser aux faiblesses potentielles du contrôle de gestion, telles que, comme
le notent Dearden (1969), Hayes et Abernathy (1980) et Merchant (1990) (cités par Langevin
et Naro, 2003), la propension à focaliser l’attention des managers sur le court terme au
détriment de la préparation du long terme de l’entreprise ou encore telles que le non prise en
considération de l’immatériel (Merchant, 1990).
Si la satisfaction envers le contrôle de gestion est forte, ce dernier devrait aider les
managers à accroître leurs performances, et en conséquence, il devrait permettre d’accroître
celles de la firme. Dans un contexte plus globale des services internes de l’entreprise, certains
auteurs ont mis en évidence que la satisfaction des clients internes est une condition
nécessaire pour atteindre la performance financière durable (Gremler et al, 1995, Gilbert
2000). Ceci nous amène à formuler l’hypothèse suivante :
H2 : plus la satisfaction des managers vis-à-vis du contrôle de gestion est forte, plus la performance est
élevée.
2.3 Participation et implication des managers et de la direction
Le modèle de la servuction prévoit que la « participation » du client dans le processus
intervient à différents niveaux : dans le diagnostic, dans la conception du service, dans la
réalisation et dans l’évaluation de la qualité du service.
Ce rôle est manifeste dans le cadre du processus de contrôle de gestion, où les
« clients » internes, à savoir les managers et la direction, sont partie prenante du processus. En
effet, l’adaptation des outils du contrôle de gestion – tableaux de bord, méthode ABC/ ABM,
etc. – aux besoins et à la situation propre de chaque organisation, voire de chaque service,
nécessite une collaboration entre le contrôleur de gestion et les destinataires des informations
(Dworaczek & Oger, 1998 ; Krumwiede, 1998 ; Bourguignon et al., 2002). Leur
fonctionnement exige de plus qu’ils soient régulièrement renseignés par les multiples
détenteurs d’informations. De leur côté, les analyses réalisées par le contrôleur de gestion ne
peuvent se faire à partir des seules données chiffrées : elles doivent également s’adosser à la
compréhension et l’interprétation des faits par les décideurs et acteurs de l’entreprise. Enfin, la
prise en compte, dans le processus de décision du manager, des informations produites et des
conclusions des analyses réalisées est la raison d’être du contrôle de gestion, si on se réfère
aux définitions classiques de R.N. Anthony - qui a d’abord énoncé que le contrôle de gestion
est « le processus par lequel les managers s’assurent que les ressources sont obtenues et
utilisées […] » (1965) puis qu’il s’agit du «processus par lequel les managers influencent
d’autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre les stratégies de l’organisation »
(1988). Considérer explicitement ce rôle dans les modèles comportementaux du contrôle de
gestion nous paraît important. Seule l’évaluation de la qualité du service n’est pas, à notre
connaissance, explicitement reconnue comme faisant partie des prérogatives des managers et
de la direction. Pourtant, il paraît clair que chaque manager évalue ne serait-ce
qu’inconsciemment la qualité du service dont il bénéficie.
Il est important de souligner que la « participation » telle que présentée ci-dessus est la
participation effective des managers. Elle diffère à ce titre de la variable participation utilisée
généralement dans les modèles en contrôle de gestion qui mesure, outre l’influence du
manager sur son budget, la place que son supérieur hiérarchique lui offre (fréquence des
discussions managers/ supérieur, part de son budget sur lequel le manager a été impliqué,
etc.).
Cermak et al.(1994) ont tenté de différencier ce concept de participation et celui
d’implication. En marketing, ce dernier a été traditionnellement lié à l’importance ou à
l’intérêt porté par un client à un produit ou un service (Greenwald & Leavitt, 1984). Il a été
souvent mesuré à la fois par des attitudes et par des comportements. Cermak et al. (1994)
proposent de mesurer l’implication par les attitudes et la participation par des comportements.
Nous allons retenir cette proposition.
Or, « la réussite en matière de contrôle de gestion est fortement liée à la
reconnaissance, par les opérationnels, de la réalité des services que peut leur offrir le système
de contrôle » (Bouquin, 1991, p.320). L’« implication » des managers dans le contrôle de
gestion est ainsi reconnue comme une variable essentielle de réussite.
Nous nous basons sur la théorie des attitudes et comportements de McGuire (1976) qui
détermine que les attitudes (implication) sont des antécédents des comportements
(participation) pour formuler l’hypothèse H3 :
H3 : plus l’implication des managers vis-à-vis du contrôle de gestion est forte plus la participation des
managers dans le processus de réalisation du contrôle de gestion est forte
Enfin, nous nous basons sur les travaux de Cermak et al. (1994) qui ont mis en
évidence l’impact de la participation du client sur la qualité des services pour formuler
l’hypothèse H4 comme suit :
H4 : plus la participation des managers dans le processus du contrôle de gestion est forte plus la qualité
du service perçue par ces managers est forte.
Nous présentons dans la partie suivante un modèle de performance du contrôle de
gestion reprenant l’ensemble des hypothèses proposées.
3. Un modèle de performance du contrôle de gestion
A partir des éléments présentés, nous avons ainsi progressivement construit un modèle
de performance du contrôle de gestion.
Cet ensemble d’hypothèses tend à mettre en évidence (1) le rôle médiateur de la
satisfaction des managers (les clients internes du contrôle de gestion) dans la relation entre la
qualité du service et la performance de l’entreprise et (2) le rôle médiateur de la participation
des managers au processus de contrôle de gestion dans la relation entre l’implication du
manager et la qualité du service. Nous espérons ainsi mieux expliquer comment ces
caractéristiques du client interne peuvent se transformer en une performance de l’entreprise à
travers un service de contrôle de gestion de qualité. La figure 3 illustre le modèle proposé à
travers ces hypothèses.
Figure 3. Le modèle proposé de performance du contrôle de gestion
Implication
des managers
H3
Participation
des managers
Nous proposons de valider ce modèle à partir d’une enquête administrée aux managers
H
d’un échantillon d’entreprises françaises
représentatives du marché français. Pour chacune des
variables, des échelles développées et validées dans le domaine de la psychologie sociale ou
du marketing sont disponibles. Qualité
Par exemple, différentes échelles de mesures développées en
perçue par les
marketing des services sontmanagers
disponibles pour mesurer les degrés de participation et
d’implication à l’égard d’un produit ou un service (Cermak et al., 1994).
En ce qui concerne la qualitéH percue, Parasumaraman et al. (1988) ont proposé dix
H
déterminants de la qualité du service : (1) La fiabilité
dans la performance ; (2) la réactivité du
personnel en contact ; (3) les compétences
de
la
personne
en contact ; (4) l’accessibilité ; (5)
Satisfaction
Performance
des
managers
de
l’entreprise
la courtoisie ; (6) la communication avec le client ; (7) la crédibilité ; (8) la sécurité (physique,
financière, confidentialité) ; (9) la compréhension des besoins du client et (10) la tangibilité
(le support physique nécessaire à la production du service). Il est important de noter qu’une
4
1
2
grande partie de ces déterminants concerne directement le personnel en contact. Les travaux
de ces auteurs se concrétisent dans l’élaboration d’un instrument de la mesure de la qualité de
service - SERVQUAL - comportant vingt-deux items qui se regroupent par une analyse
factorielle en cinq dimensions : fiabilité, réactivité, assurance, empathie et tangibilité. Malgré
les critiques faites à ce modèle, concernant surtout le caractère trop général de l’instrument et
la nécessité d’adaptation aux spécificités des différents services, cet instrument a eu un grand
succès commercial jusqu’à nos jours, ce qui fait sa première force (Brown et al. 1993). Plus
récemment, Frost et Kumar (2000) ont fait une adaptation du modèle SERVQUAL aux
services internes de l’entreprise. Ils ont développé ainsi le modèle INTSERVQUAL qui
détermine la qualité du service co-produit entre des clients et des fournisseurs internes. La
variable dépendante est la qualité du service interne, et les variables indépendantes sont la
tangibilité, la fiabilité, la réactivité, l’assurance et l’empathie. Par ailleurs, l’échelle de qualité
de service interne conçue par Bruh (2003) semble aussi être intéressante et nous la présentons
dans la Table 1. Nous pensons prometteur de travailler ces instruments de mesure pour en
construire une adaptation aux particularités du contrôle de gestion puis de l’utiliser pour
mesurer la qualité perçue.
De son côté, la satisfaction globale peut être appréhendée par une échelle à trois items
telle que proposée par Voss et al. (1998) (Table 2).
Enfin, la performance individuelle ou globale pourra être mesurée au travers des
échelles classiquement utilisées par les chercheurs du courant comportementaliste du contrôle
de gestion (Test de Mahoney et al. (1963), autres outils comparés par Otley et Fakiolas
(2000), Wentzel, 2002).
Conclusion
L’étude de la littérature se rapportant au courant comportementaliste du contrôle de
gestion nous a permis de mettre en lumière les difficultés principales rencontrées par ce
courant de recherche développés dans les pays anglo-saxons : résultats rarement confirmés par
des recherches ultérieures, complexité croissante des modèles étudiés et incohérence d’un
modèle à l’autre. Les raisons pouvant être avancées pour expliquer cette situation sont le
manque de stabilité des concepts, le peu d’appui recherché dans les théories existantes ainsi
que le fait que les études sont focalisées sur l’impact sur la performance des conditions
d’élaboration et/ ou d’utilisation du budget, excluant ainsi l’impact de la mise en œuvre des
autres outils du contrôle de gestion ainsi que celui de l’informel.
En France, ce courant de recherche ne s’est pas réellement développé à ce jour.
Pourtant, l’approche comportementaliste est a priori intéressante pour comprendre comment
le contrôle de gestion peut remplir sa mission d’influence des comportements des managers
dans le sens de la réalisation de la stratégie de la firme. Dans ce contexte, nous avons formulé
des propositions visant à développer en France un corpus théorique allant dans ce sens tout en
cherchant à éviter les écueils rencontrés par nos collègues anglo-saxons.
Notre première proposition est de ne pas limiter les travaux à l’étude des
comportements dans le cadre de l’utilisation d’un outil spécifique, mais plutôt travailler dans
le cadre plus général de l’ensemble du processus du contrôle de gestion.
De plus, la relation contrôleur de gestion – manager étant une relation de service, les
observations des chercheurs en marketing des services pourraient nourrir les recherches
entreprises. L’ambiguïté de la variable « participation des managers » utilisée en contrôle de
gestion apparaît clairement à la lumière du modèle de servuction. La relation entre les
variables « participation des managers » et « performance » pourrait s’en trouver clarifiée.
D’autres variables telles que « l’implication », actuellement absentes des modèles
comportementalistes anglo-saxons, sont à intégrer aux modèles. De plus, des instruments de
mesure élaborés en marketing des services sont disponibles et pourraient améliorer la qualité
des recherches réalisées.
Notre discussion nous amène à proposer un modèle. Ce modèle correspond à une
première tentative d’étude de la performance du contrôle de gestion en France, à partir des
attitudes, comportements et évaluations de ce service par les managers dans une perspective
globale. Conformément aux conseils de Hartmann (2000), nous pensons nécessaire, avant
d’aller plus loin, de commencer par travailler ce modèle simple, tester des instruments de
mesure, établir des concepts partagés et de premières relations.
Les antécédents de l’implication des managers n’ont pas été abordés, et ceci constitue
une limite du modèle ainsi qu’une voie de recherche future. Ces extensions en amont du
modèle pourront être établies à partir d’une réflexion sur les attitudes et comportements du
contrôleur de gestion, ainsi qu’à partir des objectifs généraux de l’entreprise. Il serait possible
ainsi d’introduire certains variables utilisées dans la recherche comportementaliste, comme
par exemple « l’engagement envers l’organisation » du contrôleur de gestion et du manager,
en tant que déterminants de l’implication des managers dans le contrôle de gestion. Ces
éléments peuvent avoir un impact sur l’implication du managers dans le contrôle de gestion.
Les implications managériales de la mise en évidence de ces relations par la validation
de ce modèle sont importantes, puisqu’il met en évidence que la satisfaction des managers
vis-à-vis du contrôle de gestion est un facteur clé de performance de l’entreprise et qu’il
souligne l’influence favorable de l’implication des managers (et donc finalement de l’image
du contrôle de gestion auprès d’eux) et de leur participation au processus. Si le modèle est
validé, la nécessité de gérer ces variables en tant que telles sera établie. Il restera alors à
étudier les variables qui les influencent…
BIBLIOGRAPHIE :
Anthony R. N. (1965), Planning and control systems, a framework for analysis, Boston: Division of research,
Graduate school of business administration, Harvard university
Anthony R.N. (1988), The Management Control Function, Boston: Harvard University Press
Berry L. (1981) “The employee as customer?” , Journal of Retailing Banking, Vol. 3, March, pp. 33-40
Bollecker M. (2001), Systèmes d’information différenciés et contrôle des services opérationnels, une analyse
empirique des mécanismes opérationnels de contrôle et du rôle des contrôleurs de gestion, Thèse de doctorat en
sciences de gestion : Université Nancy 2
Bouquin H. (1986) et (1991), Le contrôle de gestion, Paris : PUF
Bouquin H. (1997) “Contrôle”, in : Encyclopédie de gestion, Y. Simon et P. Joffre Eds, Paris : Economica,
2ème édition, pp.551-566
Bourguignon A., Malleret V. et Norreklit H. (2002) “L’irréductible dimension culturelle des instruments de
gestion : l’exemple du tableau de bord et du Balanced Scorecard ”, Comptabilité – Contrôle – Audit, tome 8,
vol.1, pp.7-32
Brown, T.J., Churchill G.A. et Peter J.P. (1993) “Improving the measurement of service quality”, Journal of
Retailing, vol.69, n°1, pp.127-139
Brownell P. et Dunk A. (1991) “Task uncertainty and its interaction with budgetary participation and budget
emphasis: some methodological issues and empirical investigation”, Accounting, 0rganizations and Society,
vol.16, n°8, pp.693-703
Brownell P. et McInnes M. (1986) “Budgetary participation, motivation and managerial performance”, The
Accouting Review, vol.61, pp.587-600
Bruh M. (2003) “Internal service barometers: conceptualization and empirical results of a pilot study en
Switzerland”, European Journal of Marketing, vol. 37, n° 9, pp. 1277-1278.
Cermak D., File K.M. et Price R.A. (1994) “Customer participation in service specification and delivery”,
Journal of Applied Business Research, vol. 10, n° 2, pp. 90-97
Caplan E. H. (1992) “The behavioral implications of management accounting”, Management International
Review, vol.32, pp.92-102
Chenhall R.H. et Brownell P. (1988) “The effect of participative budgeting on job satisfaction and performance:
role ambiguity as an intervening variable”, Accounting, Organizations and Society, vol. 13, n°3, pp.225-233
Chong V. K. et Chong K. M. (2002) “Budget Goal Commitment and Informational Effects of Budget
Participation on Performance: A Structural Equation Modelling Approach”, Behavioural Research in
Accounting, n°14, pp.65-86
Clinton R.D. et Hunton J.E. (2001) “Linking participative budgeting congruence to organization performance”,
Behavorial Research in Accounting, vol. 13, pp.127-141
Dworaczek A. et Oger B. (1998) “L’ABC, facteur d’efficience des services internes”, Revue Française de
Comptabilité, n°302, pp.40-47
Eiglier P., Langeard E. (1987), Servuction, le marketing des services, McGraw-Hill.
Fisher J., Frederickson J.R. et Peffer S.A. (2002) “ The effect of information asymmetry on negociated budgets:
an empirical investigation ”, Accounting, Organizations and Society, vol. 27, pp.27-43
Frost F. et Kumar M. (2000) “INTSERVQUAL – an internal adaptation of the GAP model in a large service
organisation” The Journal of Services Marketing, vol. 14, n° 5, pp 358-351
George, W.R. (1977) “The retailing of services – a challenging future”, Journal of Retailing, vol. 5, n° 1, pp.8598
Gilbert G.R. (2000) “Measuring internal customer satisfaction”, Managing Service Quality, vol. 10, n° 3, pp.
178-186.
Govindarajan V. (1986) “Impact of participation in the budgetary process on managerial attitudes and
performance: universalistic and contingency perspectives”, Decisions Science, vol. 17, pp. 496-516
Greenwald A. et Leavitt C. (1984) “Audience involvement in advertising: four levels”, Journal of Consumer
Research, vol.11, n°1, pp.581-593
Gremler D., Bitner M.J., Evans K.R.
Management, vol. 8, n° 4, pp. 22-34
(1995) “The internal service encounter”, Logistics Information
Grönroos C. (1984) “A service quality model and its implications in marketing”, European Journal of Marketing,
vol. 18, n°4, pp.36-44
Hartmann F. G. H. (2000), “The appropriateness of RAPM: toward the further development of theory”,
Accounting, Organizations and Society, vol.25, pp.451-482
Hofstede G. (1967), The game of budget control, Assen, The Netherlands: Van Gorcum.
Hopwood A. G. (1972) “An empirical study of the role of accounting data in performance evaluation”, Journal of
Accounting Research, vol.10, pp.156-182
Howard J. A. et Sheth J. N. (1969), The Theory of Buyer Behavior, Wiley & Sons, New York.
Krumwiede K. P. (1998) “ABC, why it’s tried and how it succeeds”, Strategic finance, vol.10, n°79, pp.32-38
Langevin P. et Naro G. (2003), “Contrôle et comportements : une revue de la littérature Anglo-saxonne”,
Congrès de l’AFC : Louvains la Neuve
Lee H., Lee Y. et Yoo D. (2000) “The determinants of perceived service quality and its relationship with
satisfaction”, The Journal of Services Marketing , vol. 14, n° 3, pp. 217
Lorino P. (1997), Méthodes et pratiques de la performance, Les Editions d’organisations
Lorino P. (1991), Le contrôle de gestion stratégique, la gestion par les activités, Paris : Dunod
McGuire W. (1976) The concept of attitudes and their relation to behavios, in H. W. Sinalko and L.A. Broedling
(Eds). Perspectives on attitude assessment: surveys and their alternatives, Pendleton, Champaign, IL.
Mahoney T., Jerdee T.H. et Carroll S. J., (1963), Development of managerial performance: a research approcah,
Cincinnati: Southwestern Publishing Company.
Merchant K.A. (1998), Modern management control systems, Prentice Hall, Upper Saddle River, N.J.
Milani K. (1975) “Budget setting, performance and attitudes”, The Accounting Review, Vol.5, pp.274-284
Mintzberg H. (1982), Structure et dynamique des organisations, Paris : Les éditions d’organisation, 434 p.
Nouri H. et Parker R. J. (1998) “The relationship between budget participation and job performance: the role of
budget adequacy and organizational commitment”, Accounting, Organizations and Society, vol.23, n°5/6,
pp.467-483
Oliver R. L. (1993) “Cognitive, Affective, and Attribute Bases of the Satisfaction Response”, Journal of
Consumer Research, vol. 20, n°3, pp.418-430
Oliver R.L. (1980) “A cognitive model of the antecedents and consequences of satisfaction decision”, Journal of
Marketing Research, vol. 17, n° 3, pp.460-460
Otley D.T. (1978) “Budget use and managerial performance”, Journal of Accounting Research, vol.16, pp.122149
Otley D. et Fakiolas A. (2000) “Reliance on accounting performance measures: dead end or new beginning?”,
Accounting, Organizations and Society, vol.25, pp.497-510
Parasuraman, A., Zeithaml V.A., Berry L. (1988) “Servqual: A Multiple-Item Scale For Measuring Consumer
Perceptions”, Journal of Retailing. vol. 64, No. 1; pp.1-12
Parasuraman A., Zeithaml V.A. et Berry L.(1985) “A conceptual model of service quality and its implications for
future research”, Journal of Marketing, vol. 49, n° 4, pp.41-50
Said A. A., HassabElnaby H. R. & Wier B. (2003) “An emprirical investigation of the performance consequences
of non financial measures”, Journal of Management Accounting Research, vol.15, pp.193-223
Shields J.F. et Shields M.D. (1998) “Antecedents of participative budgeting”, Accounting, Organizations and
Society, vol. 23, n°1, pp.49-76
Spreng R. et Mackoy, R. (1996) “An empirical examination of a model of perceived service quality and
satisfaction ”, Journal of Retailing, vol. 72, n° 2; p. 201
Voss G., Parasuraman A. et Grewal D. (1998) “The roles of price, performance and expectations in determining
satisfaction in services exchanges”, Journal of Marketing, vol. 52, n°4, pp.46-67
Wentzel K. (2002) “The influence of fairness perceptions and goal commitment on managers’performance in a
budget setting”, Behavioral Research in Accounting, vol. 14, pp.247-271
Yi Y. (1990) “A critical review of consumer satisfaction”, in Review of Marketing, Ed. V. A. Zeithaml,
American Marketing Association, Chicago, pp. 68-123
Table 1. L’échelle de qualité du service interne proposée par Bruh (2003) :
Très mauvais
Très bon
1 2 3 4 5 6 7
Compétences
Fiabilité
Accessibilité
Amabilité
Vitesse de réaction
Délais dans la livraison des services
Flexibilité
Adaptation au besoins du manager
Valeur ajoutée générée
Rapport coût/bénéfice
Transparence dans le service fourni
Coût de la transparence
Table 2. L’échelle de satisfaction proposée par Voss, Parasuraman et Grewal (1998) :
Pas d’accord du tout
Tout à fait d’accord
1 2 3 4 5 6 7
Je suis satisfait avec le service fourni par le contrôle de
gestion
Je suis ravi avec le service fourni par le contrôle de gestion
Je suis mécontent avec le service fourni par le contrôle de
gestion