Les élections en République Centrafricaine

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Les élections en République Centrafricaine
Les élections en République Centrafricaine
CHARLES ARMEL DOUBANE
Député, ancien Ministre (République Centrafricaine)
La République Centrafricaine, avant d’être régie par la Constitution du 14 janvier 1995, consacrant la démocratie comme fondement de son système politique, a expérimenté du temps de la colonisation à nos jours plusieurs
élections. Après les indépendances, elle a connu une longue période de parti unique toutefois avec une parenthèse
de pluralisme en 1980-1981.
Le vent d’Est qui a soufflé sur le monde au début de la dernière décennie du 20e siècle, n’a pas épargné le pays
de Barthélemy Boganda qui a fini par renouer avec le multipartisme intégral en 1991. Depuis lors, les élections
selon l’article 18 de la Constitution, sont devenues à travers le droit de vote, le mode de désignation par excellence
usité par chaque citoyen des deux sexes jouissant de ses droits civils et politiques, de ses dirigeants et représentants : les députés et le président de la République.
Pour développer notre sujet, nous tenterons, dans un premier temps de dresser le bilan des élections en République
centrafricaine de 1991 à nos jours. Nous verrons ensuite les structures de gestion des opérations électorales ainsi
que les différentes étapes techniques du scrutin et enfin nous parlerons de l’assistance électorale et de l’observation des élections.
I.– LES ÉLECTIONS EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE DEPUIS LA RESTAURATION DU MULTIPARTISME
Comme énoncé plus haut, le vent d’Est et la Conférence de La Baule en 1990 n’ont pas épargné les palmiers et
les cocotiers de la RCA où une forte pression intérieure et extérieure exigeait le retour de la démocratie pluraliste,
exigence à laquelle le régime du Général Kolingba n’avait d’autre alternative que d’y accéder. C’est en considération de cette situation que se sont déroulées les premières élections législatives et présidentielles véritablement multipartites au mois d’octobre 1992, mais rapidement annulées par la Cour suprême pour cause de mauvaise organisation.
Elles feront l’objet d’un report pour le mois de février 1993 et finiront par n’avoir lieu qu’en août de la même année.
L’issue de ce scrutin, surtout pour les présidentielles qui ont eu lieu à deux tours, où étaient en lice sept candidats, a connu la victoire du candidat du MLPC, M. Ange Félix Patassé, avec 56,05 % face au candidat de la
Concertation des Forces Démocratiques, le Professeur Abel Goumba qui obtint quant à lui 46,51 %.
Le résultat des législatives a donné également une victoire remarquée des candidats du MLPC avec 34 sièges
sur 85, 13 pour le RDC du Général Kolingba, FPP 7, PLD 7, ADP 6, MDD 6.
Le 28 novembre 1994, un référendum avec un taux de participation de 45 % a recueilli 85 % des suffrages
exprimés pour doter le pays d’une nouvelle constitution promulguée le 14 janvier 1995. 16 mois plus tard éclatera
une vague de mutineries militaires (18 avril 1996, 18 mai 1996, la dernière et la plus meurtrière du 15 novembre
1996 à janvier 1997).
C’est la raison pour laquelle la Conférence France-Afrique de Ouagadougou dépêcha plusieurs chefs d’État
africains en « mission fraternelle » à Bangui. Conduite par le Président du Gabon, Monsieur El Hadj Omar Bongo,
la délégation était composée du Président Blaise Compaoré du Burkina Faso, le Président Alpha Omar Konaré du
Mali, et Idriss Deby du Tchad.
La médiation menée par ces personnalités a donné lieu à une trêve, permettant ainsi les négociations sous les
auspices de l’ancien chef d’État malien, le Général Amadou Toumani Touré, l’Homme à qui les Centrafricains
doivent beaucoup et qu’ils n’oublieront jamais pour déboucher sur la signature des accords dits « Accords de
Bangui » du 25 janvier 1997, desquels découlent la M.I.S.A.B (Mission Interafricaine de Surveillance des Accords
de Bangui – 12 janvier 1997), un Gouvernement ouvert à la Mouvance présidentielle, à l’Opposition et à la Société
civile, le GADD (Gouvernement d’Action pour la Défense de la Démocratie) placé sous la direction de M. Michel
Gbézéra-Bria, Premier ministre issu de la Société civile.
Les troupes de la MISAB se sont retirées le 15 avril 1998 et ont été remplacées par la MINURCA (Mission
des Nations Unies en République Centrafricaine) forte de 1350 hommes appartenant à dix pays avec pour mission
essentielle le suivi des Accords de Bangui. Et plus tard à travers deux résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU,
s’ajouteront à la mission initiale, l’organisation des élections législatives d’abord et présidentielles ensuite.
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A.– Cadre institutionnel et technique
La Constitution de 1995 institue trois pouvoirs :
– Le pouvoir exécutif
– Le pouvoir législatif
– Le pouvoir judiciaire.
Le pouvoir exécutif, défini par le titre 3 de la Constitution, met en exergue le Président de la République élu
au suffrage universel pour 6 ans, assisté d’un Gouvernement à la tête duquel se trouve un Premier ministre nommé
par lui et responsable devant lui et devant l’Assemblée nationale. Il faut noter que par le jeu de la motion de censure, l’Assemblée nationale peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement.
B.– Le législatif (Titre III art. 47 à 61)
Monocaméral, il est composé de 109 députés élus pour cinq ans et l’Assemblée nationale exerce les pouvoirs
traditionnels dévolus par la loi fondamentale en ses articles 55 et 56.
Il y a également d’autres institutions constitutionnelles qui ne nous intéressent pas directement dans le cadre
de ce travail. Il s’agit de la Haute Cour de Justice, du Conseil Économique et Social, sauf la Cour constitutionnelle
à laquelle revient le pouvoir de veiller à la régularité des élections, proclamer les résultats des élections et de
connaître du contentieux électoral (Titre VI art. 70 à 74).
II.– LES STRUCTURES DE GESTION DES ÉLECTIONS EN RCA
A.– La Commission électorale mixte indépendante (CEMI)
La loi n° 98.004 du 27 mars 1998 et amendée par la loi n° 99.015 du 1er juillet 1999 portant Code Électoral
dispose en son article 7 : « Il est créé une Commission Électorale Mixte Indépendante (CEMI). Elle est chargée
de la préparation, de l’organisation, de la supervision et du contrôle des élections présidentielles, législatives, régionales, municipales et des consultations référendaires. C’est en application de ces dispositions que la République
centrafricaine a tenu ses élections législatives de 1998 et présidentielles de 1999.
Ces attributions sont prévues par un décret n° 99.166 du 2 avril 1999 qui donne à la CEMI des pouvoirs considérables :
– Superviser les travaux de révision et d’édition des listes électorales, en veillant à leur fiabilité et à la radiation d’office en cas de multiples inscriptions. L’établissement et la publication de nouvelles listes électorales rendent caduques les anciennes ;
– Superviser l’édition et assurer une distribution correcte des cartes d’électeur ;
– Veiller à l’édition des bulletins de vote, soit localement, soit hors de la République centrafricaine, comportant des numéros de série ;
– Veiller à ce que les bulletins des candidats à l’élection présidentielle et des candidats aux élections législatives, régionales ou municipales, de chaque formation politique, portent la même couleur ou le même signe ;
– Veiller à la différenciation des couleurs et des signes entre les formations politiques et les candidats indépendants ;
– Veiller à la fourniture en quantité suffisante de tout le matériel électoral et à l’alimentation matérielle des
bureaux de vote ;
– Proposer la liste des présidents des bureaux de vote et des présidents des centres de dépouillement, ainsi que
faire assurer leur formation ;
– Réviser la carte d’implantation des bureaux de vote ;
– Faire prendre des mesures de sécurité pour tous les bureaux de vote et les centres de dépouillement et assurer le libre choix des électeurs durant les scrutins ;
– Veiller au bon déroulement des scrutins et des opérations de dépouillement sans influence des membres des
bureaux de vote ou d’autres électeurs ou des candidats ou de leurs représentants ;
– Veiller à la stricte application du Code électoral dans le cadre du scrutin :
– Transmettre par la voie la plus rapide et la plus sûre, les résultats à la Cour constitutionnelle.
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B.– Structure
La CEMI est composée de 27 membres, 9 pour la Mouvance présidentielle, 9 pour l’opposition, 5 représentants l’Administration et 3 pour les Indépendants. La CEMI a un Président assisté de deux Vice-Présidents, l’un
représentant la Mouvance présidentielle, l’autre l’opposition. Elle a un Bureau national, 6 Sous-Commissions (souscommissions préfectorales et comités locaux). Chaque Sous-Commission ou Comité local a un président.
Dans les régions administratives du pays, les sous-préfets sont les Présidents des comités locaux. Et pour la
ville de Bangui, les comités locaux sont présidés par les maires d’arrondissement.
C.– Fonctionnement
La CEMI tient des séances de travail en plénière et en sous commissions techniques. Elle peut requérir des
compétences techniques extérieures. L’État centrafricain pourvoit la CEMI en moyens pour le bon accomplissement de sa mission. Les ressources de la CEMI proviennent de la dotation du budget de l’État et des subventions
diverses à charge pour elle de rendre compte au moyen d’un rapport détaillé, transparent, de la gestion des ressources financières et matérielles à elle confiées pour sa mission.
Elle accède librement et à tout moment aux médias publics et à toutes les sources d’information.
Les membres de la CEMI prêtent serment devant les Tribunaux de Grande Instance avant leur entrée en fonction. Le mandat de la CEMI se termine 45 jours après la date de la proclamation officielle des résultats des scrutins par la Cour constitutionnelle.
En dehors de la CEMI qui est un organe mixte, ad hoc et temporaire, le gouvernement ne se met pas en marge
du processus.
D.– Le Ministère de l’Administration du Territoire
Ce département joue un rôle non négligeable sur le processus électoral. Même si son rôle a beaucoup diminué
depuis les élections présidentielles de 1993 avec l’avènement de la Commission Électorale Mixte d’abord puis de la
CEMI, il n’en demeure pas moins que la loi l’implique dans la révision annuelle des listes électorales du 31 décembre
au 31 mars de l’année suivante. Sa responsabilité dans la tâche de l’établissement de la liste des bureaux de vote, la
liste des présidents de bureaux de vote et des centres de dépouillement mérite d’être signalée.
Dans la coordination nationale de la CEMI, le poste de Rapporteur général adjoint revient au Secrétaire général dudit ministère.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’avant la transmission des dossiers des candidats à la CEMI, leur vérification
est du ressort du Ministère de l’Administration du Territoire qui, par ailleurs, garde le monopole de l’élaboration du
Code électoral et de sa présentation devant le Parlement.
E.– La Cour constitutionnelle
La Constitution du 14 janvier 1995 fait de la Cour constitutionnelle, la juridiction chargée de la constitutionnalité des lois. À ce titre, elle régule le fonctionnement de l’institution et l’activité des pouvoirs publics. Son siège
est à Bangui et provisoirement situé dans les locaux de l’Assemblée nationale.
L’article 70 de la Constitution lui donne le pouvoir de veiller à la régularité des élections présidentielles, législatives, régionales et municipales, d’examiner et proclamer les résultats des scrutins. Elle veille également sur la
régularité des opérations référendaires, en proclame les résultats. Elle connaît du contentieux électoral et statue sur
les conflits d’attribution entre les institutions de l’État.
Elle est composée de 9 membres : 6 sont nommés en raison de 3 par le président de la République et 3 par le
président de l’Assemblée nationale. Les 3 autres sont des magistrats élus par leurs pairs. Ils disposent d’un mandat de 9 ans non renouvelables.
Les anciens présidents de la République sont membres d’honneur. Les conseillers de la Cour constitutionnelle
sont inamovibles et bénéficient d’immunité.
Le Président et le Vice-président de la Cour constitutionnelle sont nommés par le président de la République
sur proposition de leurs pairs. Il est fait interdiction aux membres de la Cour d’appartenir à un parti politique. Avant
d’entrer en fonction, ils prêtent serment en présence du président de la République et des députés à l’Assemblée
nationale.
Les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec toute autre fonction publique
ou toute activité professionnelle.
Les décisions rendues par la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Toutes les questions
relevant de sa compétence peuvent faire l’objet d’un avis de sa part.
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F.– Les partis politiques
La Constitution, en son article 19, dispose : « Les partis ou groupements politiques concourent à l’expression
du suffrage, à l’animation de la vie politique, économique et sociale. Ils forment et exercent librement leurs activités… »
Cette disposition n’est qu’une reprise de celle contenue dans la loi n° 91-003 du 4 juillet 1991 les régissant.
Le Code électoral prévoit que le candidat aux différentes élections peut se réclamer d’un parti politique, ou se
déclarer candidat indépendant.
Fort de ces dispositions, on peut conclure que les partis politiques sont des acteurs incontournables dans le processus électoral du pays. D’ailleurs, c’est pour cette raison qu’on les retrouvera dans les différents maillons du processus : de la campagne électorale à la CEMI en passant par les bureaux de vote et centres de dépouillement, jusqu’à
la Cour constitutionnelle où leurs délégués assistent à la centralisation des procès-verbaux.
À ce jour, la vie politique centrafricaine est animée par 38 partis politiques dont une dizaine est représentée à
l’Assemblée nationale.
G.– Les étapes techniques du scrutin
La liste électorale
La liste électorale est généralement source de conflits en République Centrafricaine car c’est de là que partent
les accusations de toutes sortes venant aussi bien du côté du Pouvoir que de l’opposition.
L’article 13 du Code électoral dit que la liste électorale sera révisée chaque année du 1er décembre au 31 mars
de l’année suivante. Cette révision est de la compétence du Ministère de l’Administration du Territoire. C’est en
exécution de cette disposition que la liste électorale a été révisée pour les législatives de 1998 et la présidentielle
de 1999.
Tous les observateurs internationaux, les partis politiques s’étaient accordés pour reconnaître les carences existant dans le traitement de la liste électorale et entachant sa fiabilité pour en demander la révision. Croyant tout verrouiller pour éviter d’éventuelles contestations, le législateur a posé beaucoup de contraintes dans le Code électoral.
Le caractère obligatoire de l’inscription n’attire pas les citoyens à une inscription massive.
Les citoyens à l’étranger peuvent s’inscrire et voter pendant les présidentielles là où ils résident s’il y a une
représentation diplomatique.
Les personnes à qui on a délivré des ordonnances peuvent s’inscrire après le délai d’inscription, même le jour
du scrutin. L’article 20 du Code électoral en énumère une longue liste (allant du soldat démobilisé au nomade transhumant).
Pour être inscrit sur la liste, il faut vivre au moins six mois dans la circonscription. L’inscription par ordonnance se fait par la Cour constitutionnelle.
Les cartes d’électeur ne sont délivrées qu’aux inscrits. L’article 28 d’ajouter qu’elles doivent être distribuées
au moins 15 jours avant le scrutin. En réalité, les faits ont toujours prouvé le contraire.
H.– Procédure d’inscription en RCA
Les notables traditionnels continuent de jouer un rôle très important dans l’inscription des électeurs puisque
supplétifs de l’administration.
Pour être électeur, il faut avoir 18 ans et résider pendant au moins 6 mois dans la circonscription. Cela se fait
par le chef du quartier sous l’égide du Ministère de l’Administration et du Territoire qui remet à ces chefs 3 cahiers
devant servir à l’inscription des électeurs.
Après la clôture, un cahier reste avec le chef du quartier, les deux autres sont transmis au chef-lieu de la commune qui, à son tour, en transmet au département de l’Administration qui avisera quant à lui l’Office national
d’Informatique pour l’entrée et la saisie de la liste définitive. La radiation des noms de décédés se fait après l’affichage de la liste révisée publiquement. Ce qui permet également aux électeurs inscrits et non inscrits de faire des
observations et réclamations dans les 10 jours qui suivent l’affichage. Pour les dernières élections, lors du traitement de la liste à l’ONI, plusieurs irrégularités ont été découvertes. Il faut noter que le système du cahier certainement à l’origine de plusieurs doubles et d’informations erronées parce que les chefs de village et de quartier non
formés et informés sur les dispositions du Code électoral, a été dénoncé par l’opposition qui voyait là une sorte de
manipulation du pouvoir tendant à faire gonfler la liste électorale.
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Aussi, le fait que les représentants de l’Administration, à savoir les sous-préfets étaient d’office présidents des
comités locaux de la CEMI. Une méfiance a régné au sein de cet organe entre les représentants du pouvoir et de
l’opposition débouchant sur la création d’une super-structure qui est l’organe de contrôle de la CEMI. Son inefficacité sur le terrain nous amène à un non-développement parce que plus budgétivore qu’opérationnel.
I.– Préparation des opérations électorales
La probité intellectuelle nous impose de dire, d’emblée, que depuis le retour de la démocratie multipartite en
Centrafrique, en 1991, le calendrier électoral a été difficilement respecté par les autorités et structures en charge
du processus. Les législatives et présidentielles de 1992 n’ayant pas abouti, ont été simplement annulées par la
Cour suprême pour mauvaise organisation. Car, reportées au mois de février de l’année suivante, elles n’auront
lieu que six mois plus tard, en août 1993.
Pour les législatives de 1998, les députés craignant un vide institutionnel, ont été obligés de modifier la
Constitution pour permettre la tenue des élections. Au lieu d’octobre, elles ne se tiendront qu’en novembre alors
que la constitution exigeait que la nouvelle Assemblée entre en fonction le 22 octobre 1998.
Cette pratique est revenue récemment lors de la présidentielle de 1999 qui a été reportée à 3 reprises avant
d’avoir lieu finalement le 19 septembre 1999. Ces gymnastiques sont souvent dues aux longues discussions à l’occasion de la mise en place le plus souvent tardive de la CEMI.
Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, par son caractère mixte et ad hoc, où l’on retrouve politique et société
civile ayant des intérêts divergents, il est difficile de tenir le calendrier. À cela, il faut ajouter la question des finances
qui, le plus souvent, est à la base de ces blocages.
J.– Financement des élections
1. Coût et financement des élections
La démocratie, quoi qu’on en dise, a un lourd prix. Le processus électoral engage d’énormes coûts et engendre
beaucoup de dépenses. À titre d’illustration, les élections législatives de 1998 ont coûté FF 17 163 069 soit 1 716
306 900 F CFA. Connaissant des difficultés de trésorerie de la RCA, malgré une prévision budgétaire, cette enveloppe a été couverte presque entièrement par la communauté internationale et des partenaires décidés à accompagner le processus démocratique, après les tristes événements de 1996-1997.
Pays ou organisation
France
Union européenne
Japon
PNUD
EU
Chine
montant en F CFA
montant en FF
700 000 000
500 000 000
450 000 000
280 000 000
40 000 000
15 000 000
7 000 000
5 000 000
4 500 000
2 800 000
400 000
150 000
Comme pour les législatives, la présidentielle de 1999 a été prise en charge pour une très grande part par les
bailleurs de fonds bi- et multilatéraux.
Aux législatives, le matériel de campagne des partis politiques était exonéré de taxes et droits de douane puisque
les véhicules neufs importés à cette fin, n’étaient taxés qu’à 5 %. Malheureusement cette attitude salvatrice et encourageante pour la démocratie a disparu lors de la présidentielle déséquilibrant ainsi les moyens de campagne des différents candidats à la compétition. Cette question soulève celle du financement des partis politiques en Centrafrique.
En se référant à la Constitution qui fait des partis politiques les véritables animateurs de la vie politique, économique et sociale du pays, l’État devait nécessairement leur accorder des subventions au même titre que les services publics et autres organisations nationales.
Comme le souligne M. Kingsley dans son rapport « il s’agit d’aménager un espace d’existence à l’opposition
contribuant ainsi à la circulation et à la diversification des idées, au déploiement des débats, à l’alternance politique ».
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Aujourd’hui, privés de moyens, les partis politiques sont limités dans leurs interventions. Ne pouvant plus former et informer, n’ayant pas accès aux médias publics, la plupart de leurs cadres se vident au profit du parti au
pouvoir qui souvent est accusé à tort ou à raison d’encourager cette pratique parce que procédant souvent sinon
régulièrement au débauchage en vue soit de fragiliser les partis, soit pour se constituer une majorité confortable
au Parlement.
L’affaire Koudoufara qui a défrayé la chronique en 1998-1999, a fait basculer la majorité du côté du parti au
pouvoir, cause de la longue crise qu’a connue le Parlement centrafricain au début de la législature en cours.
En finançant les partis politiques, l’on contribuerait à créer une classe politique à qui revient cette mission de
professionnels décourageant, par-là même, de nombreux nécessiteux qui y trouvent un tremplin pour une promotion sociale.
En Centrafrique, ce débat demeure à l’ordre du jour et au moment où nous parlons, 2 propositions de loi déposées par le Professeur Abel Goumba sur le financement des partis politiques et le statut de l’opposition parlementaire sont sur la table du gouvernement ainsi qu’un autre projet déposé par le député Maïtart concernant la relecture
de la loi portant organisation et fonctionnement des partis politiques de 1991.
2. Régulation
En Centrafrique, la démocratie balbutiante, cherche encore sa voie. C’est pourquoi, même s’il apparaît aujourd’hui un foisonnement de la presse dite indépendante, les différentes libertés, notamment l’accès des partis politiques de l’opposition aux médias publics, demeure un vœu pieux malgré l’existence d’un texte réglementaire
édicté à cette fin.
Il faut attendre la période de campagne électorale pour que le Haut Conseil de la Communication accorde des
temps d’antenne à la radio et des plages à la télévision aux différents candidats en compétition pour s’exprimer.
La démocratie ne peut vivre sans le respect des libertés individuelles et collectives.
La plupart des actions des partis politiques, surtout celles de l’opposition concernant les marches pacifiques,
sont systématiquement refusées quand les dirigeants en font la demande alors que celles du parti au pouvoir sont
abondamment commentées à la radio et à la télévision, constituant une injustice et un frein à l’implantation d’une
démocratie véritable.
3. La société civile
En dehors des partis politiques, nous assistons en Centrafrique, depuis 1993, à une forte entrée de la société
civile et des Organisations Non Gouvernementales (ONG) dans l’espace démocratique (GERDDES Centrafrique,
Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme -LCDH-, Mouvement de la Défense des Droits de l’Homme -MDDH,
le REDEC, un réseau national d’ONG qui a joué un rôle très important lors des élections présidentielles de 1999).
Ces organisations et le PNUD ont excellé dans la formation, l’information et la sensibilisation sur le processus électoral. D’ailleurs, ce n’est pas sans raison aujourd’hui que, dans notre pays, les différents gouvernements
qui se sont succédé, font une place de choix à la société civile en appelant ses ressortissants comme ministres ou
en leur confiant de hautes responsabilités dans l’Administration. Leur présence confirme le principe d’égalité qui
caractérise notre démocratie. C’est à juste titre qu’aujourd’hui d’autres organisations comme le NDI, la Francophonie
et tout le système des Nations Unies encouragent et soutiennent leurs actions.
4. Le contentieux électoral
Le processus électoral génère souvent des conflits. À notre avis, c’est en trouvant des solutions à ces conflits
et dans les délais que nos juridictions obtiendront leurs lettres de noblesse.
En République centrafricaine, il est de la compétence de la Cour constitutionnelle de connaître le contentieux
électoral. Depuis 1993, cette juridiction a été régulièrement saisie de plusieurs affaires. Aux législatives de 1998,
plusieurs recours en annulation ont été déposés. La célèbre affaire Koudoufara, citée plus haut, a retenu beaucoup l’attention. Aux présidentielles de 1999 plusieurs recours ont été déposés également soit en invalidation des
candidatures d’un certain nombre de postulants par le représentant du président de la République lui-même candidat ou encore les recours en annulation déposés par les 9 autres candidats contre le président de la République
candidat.
Les arrêts de cette juridiction « rendus souvent au nom du peuple centrafricain » du fait de leur position constante
sur ces recours exacerbent souvent l’opinion qui la considère, à tort ou à raison, comme au service du Pouvoir.
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Symposium international de Bamako
C’est pourquoi nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper qu’une démocratie pluraliste ne peut pousser
dans un monde où l’analphabétisme demeure très vivace et qu’il faudrait tout mettre en œuvre pour éduquer, former, sensibiliser les citoyens sur leurs droits civils et politiques.
III.– ASSISTANCE ÉLECTORALE ET OBSERVATION DES ÉLECTIONS
Enfin, la démocratie sans frontière répond à un certain nombre de critères et règles universellement reconnus
pour être validées. L’engouement de la communauté internationale ces dix dernières années pour soutenir le processus démocratique en Centrafrique témoigne de l’intérêt de la cause.
La démocratie doit être considérée comme un produit « inculturé » et non un produit de luxe importé, car les
droits et devoirs aussi bien en Afrique qu’en Europe, en Asie ou ailleurs sont les mêmes, tous fondés sur la Déclaration
des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948, droits
qui n’ont pas de propriétaires encore moins de patrie.
Un processus démocratique bien réussi est le meilleur gage de crédibilité d’un État qui veut s’ouvrir au monde.
Ainsi, de nos jours, l’assistance électorale devient essentielle pour les jeunes démocraties du Sud et l’expérience vécue en Centrafrique ces dix dernières années témoigne de la véracité de cette assertion. La limite des
moyens dont dispose notre pays a suscité la sympathie et la coopération des pays du Nord et des organismes internationaux qui n’ont ménagé aucun effort pour répondre spontanément afin de l’accompagner dans sa lutte pour
une politique saine et moderne.
Sous diverses formes, appuis matériels ou financiers, assistance technique par la mise à disposition d’experts,
ces concours ont grandement contribué à faire évoluer positivement le processus électoral en Centrafrique. Le souhait que nous pouvons émettre aujourd’hui est de voir cette initiative poursuivie et se perpétuer puisque l’avenir
de la démocratie en dépend.
En concourant à cette œuvre, l’assistance électorale prouve l’idée que nous vivons dans un monde devenu un
simple village planétaire. Ce qui, à coup sûr, réduira beaucoup d’obstacles au développement.
Car une meilleure avancée démocratique suscite des investissements dans le pays. Parce que le risque pays est
minoré. Ce qui également empêchera la fuite de cerveaux et ressources humaines du Sud qui, craignant pour leur
vie et leurs intérêts, choisissent de s’expatrier à la recherche d’un mieux-être et de plus de liberté dans les pays du
Nord.
Enfin, le processus électoral de bout en bout devrait faire l’objet d’observation. De par leur présence, les observateurs neutres seront de véritables gages de crédibilité amenant une caution supplémentaire aux résultats des élections pour une validation universellement acceptée. Cette présence décourage sur son passage les pratiques illicites,
démocraticides et contribue inlassablement, comme le dit Kingsley, à générer la confiance du peuple et la reconnaissance par la communauté internationale envers les résultats électoraux.
Les dirigeants élus dans la transparence s’honorent et honorent leur pays parce qu’au-dessus de tout soupçon.
Même si l’observation demeure un apport positif pour la démocratie, il faut du temps aux observateurs pour faire
des investigations à chaque étape du processus. Et comme constaté dans un certain nombre de pays, la neutralité
devrait conduire les observateurs à éviter de paraître comme des censeurs alors qu’ils sont beaucoup plus de simples
messagers de la paix et de la démocratie.
10 ans ne suffisent pas pour rattraper le long chemin parcouru en plusieurs siècles par les grandes démocraties
occidentales ; mais 10 ans avec les avancées significatives que nous connaissons ça et là en Afrique, font que la
démocratie demeure une propriété universelle.
Question de mentalité d’abord, l’alternance peut avoir lieu en Afrique si ceux arrivés au pouvoir dès le premier jour s’imposent une sortie quand le peuple en fait la demande. Ne pas accepter cela entraîne souvent des
conflits inutiles sources de régressions pour notre continent et nos pays.
Aujourd’hui, une lueur d’espoir pointe à l’horizon. L’entrée ces derniers temps sur la scène politique africaine
d’une race d’hommes politiques aux idées novatrices, dont celle d’arrimer l’Afrique au train de la mondialisation,
ne peut qu’être encouragée. Toutefois la réussite parfaite ne pourra se faire sans le concours de la communauté
internationale.
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Ce travail n’est qu’une modeste contribution d’un Centrafricain soucieux de participer avec vous au débat du
Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone.
SOURCES
• Constitution de la RCA du 14 janvier 1995.
• Code électoral de la RCA (loi n° 99.015 du 4 juillet 1999).
• Rapport de J.-P. Kingsley, avril 2000.
• Élections législatives en République centrafricaine, 22 novembre et 13 décembre 1998, Rapport de la Mission
d’observation de la Francophonie.
• La Consolidation des Capacités pour la Promotion de la Démocratie en République Centrafricaine.
• Hilary A.A. Miezah, Chef de l’Unité électorale de la MINURCA, Projet Bangui, février 2000.
• Commission électorale mixte indépendante (CEMI), Rapport des élections présidentielles de 1999.