Valérie Van Voorst
Transcription
Valérie Van Voorst
PARENT CITOYEN PORTRAIT Valérie, professeur en fauteuil roulant C’est avec un grand sourire que Valérie nous accueille dans sa maison. On est mercredi midi, son frère Arnaud et sa sœur Alexia sont rentrés de l’école, l’aînée Olivia est revenue de son kot pour déjeuner en famille. Il y a de l’ambiance à la maison ! Valérie nous invite dans sa chambre pour être plus au calme. Nous montons l’escalier pendant qu’elle emprunte l’ascenseur spécialement construit pour elle. “Voilà mon ‘chez moi’ ! Comme je vis en famille, c’est important pour moi d’avoir cet espace où j’ai mon intimité. Ma chambre ressemble à un petit studio : j’ai ma salle de bain, mon bureau, ma télévision…” Tout est adapté à son handicap, un lit médical, un brancard de douche et un bureau spécialement conçu par son père pour corriger les devoirs et leçons de ses élèves. “Cela fait trois ans que je donne des cours particuliers et c’est ici que j’accueille mes élèves. Je travaille aussi douze heures par semaine à l’école communale d’Ohain. J’y donne des cours de néerlandais en 2e et 3e maternelle et des cours de remédiation de maths et français pour les primaires.” Pour pouvoir se rendre à l’école, Valérie compte sur sa mère qui a une voiture équipée d’un lift. Être une personne à mobilité réduite demande toute une infrastructure. “Ma vie doit tout le temps être organisée. Il n’y a pas de place pour l’imprévu. Récemment, notre voiture est tombée en panne. C’était tout un bazar, j’ai dû appeler le TEC un jour à l’avance pour les prévenir de l’heure où ils devaient venir me chercher. De plus, les trajets du TEC ne se limitent qu’au Brabant wallon. Impossible de me rendre à Bruxelles !” “LA VILLE NOUS A OUBLIÉS” “Depuis que je suis née, maman doit s’occuper de moi, m’habiller, me coucher, me préparer des repas… Un boulot 16 © Béa Uhart Depuis qu’elle est toute petite, Valérie Van Voorst se déplace en fauteuil roulant. Atteinte d’une amyotrophie spinale de type II, ses muscles s’atrophient au fil du temps. Malgré cette maladie, elle a réussi à réaliser son rêve: être professeur. À 25 ans,” Madame Valérie” déborde d’énergie et d’ambitions. à temps plein !” Pour alléger le travail de sa mère, des infirmières viennent trois fois par semaine donner un bain à Valérie. Depuis peu, l’Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes handicapées (AWIPH) offre une aide familiale quelques heures par semaine. “Il ne faut pas oublier que mon handicap a un prix… Tout est adapté et coûte très cher !” L’AWIPH réalise une analyse et octroie des financements en fonction des besoins. “Si je veux remplacer ma chaise, je leur donne un devis et ils m’en rembourseront une partie, soit le prix de la chaise de base… J’avoue que j’ai pris une chaise de luxe, avec plein d’options qui n’ont pas étés remboursées”, dit-elle en faisant un clin d’œil. Au-delà des aides mises en place pour faciliter la vie des personnes à mobilité réduite, les infrastructures restent trop peu accessibles. “Les gens ne réalisent pas à quel point la ville nous a oubliés. Il n’y a qu’un seul cinéma près de chez moi qui peut m’accueillir convenablement. Dans un cinéma voisin, je pourrais peut-être rentrer, mais je serais collée à l’écran. Il y a trop de magasins, de salles de spectacles qui sont inaccessibles. Même le secteur médical n’est pas au point, par exemple tous les dentistes n’ont pas un plan incliné. Nous devons constamment vérifier l’accessibilité avant de nous rendre quelque part. Bien sûr, cela reste du cas par cas, mais devoir toujours s’organiser pour aller quelque part, c’est vraiment lourd ! Et ça me handicape d’autant plus”, dit-elle en rigolant. C’est pour revendiquer la cause des handicapés neuromusculaires que Valérie s’est rendue au Téléthon. L’association récolte des fonds pour la recherche de traitements, pour développer son service de prêts de matériel très coûteux, et fait pression auprès des pouvoirs publics pour qu’ils interviennent davantage dans la qualité de vie des handicapés. “J’ai voulu assister à l’émission d’une part parce que c’est un projet me tient à cœur, d’autre part parce qu’elle permet de conscientiser Monsieur et Madame Toutlemonde. En voyant cette émission, mon libraire se dira peut-être qu’investir dans un plan incliné n’est pas une si mauvaise idée…” BEAUCOUP D’AMBITION Quand on lui demande si elle a déjà participé à de nombreux projets, elle répond avec un grand sourire : “J’ai beaucoup d’ambition ! En fait, moins on sait en faire, plus on a envie de faire ! Je mets tout en place pour atteindre mes objectifs. Il m’arrive d’avoir des coups durs, mais je pense que tout le monde en a de temps en temps. Cela dit, ce n’est pas une raison pour pleurer du matin au soir. J’ai déjà vu des handicapés cafardeux qui passaient leur vie à déprimer. Moi je dis ‘Carpe diem’, on ne vit qu’une seule fois ! On est ici, alors autant tout faire pour le vivre à fond !” Si Valérie a autant d’ambition c’est aussi grâce à sa famille qui l’a toujours soutenue dans ses projets. “Mes parents ont toujours cru en moi, ils m’ont mis dans une école normale. J’ai donc reçu la même éducation que les autres enfants, j’ai fait plein d’activités à l’école, j’ai même fait les lutins. Cela m’a permis de me développer et d’avoir envie de faire des choses constructives dans ma vie. C’est d’ailleurs un message que j’aimerais faire passer : trop d’écoles refusent les enfants à mobilité réduite parce qu’ils n’ont pas les moyens matériels d’accueillir ces élèves. Il faudrait pouvoir donner sa chance à chaque enfant qui a la capacité intellectuelle d’intégrer les écoles normales. Lui en refuser l’accès, c’est déjà le mettre en marge de la société dès son plus jeune âge !” Aujourd’hui, Valérie est fière de ce qu’elle est devenue. “Quand on est handicapé, on apprend à se débrouiller et à s’organiser. J’ai fait appel à l’asbl Exception qui m’a aidée à trouver un emploi. J’ai vraiment de la chance d’avoir un boulot. Je suis surtout fière d’apprendre aux enfants à porter un autre regard sur le handicap. Pour eux, je suis Madame Valérie. Certains parents, quand ils me voient, sont tout surpris, les enfants ne leur ont jamais parlé de mon handicap. Et ça, ça me fait sourire !” Valérie a encore plein de projets en tête. Prochainement, elle se lancera dans un nouveau défi : les 20 km de Bruxelles. Elle est la première personne à mobilité réduite à participer à la course en fauteuil électrique. Elle a fait appel à ses amis et sa famille pour constituer l’équipe des 20 km… de la tortue ! ■ Laetizia Blondeau EN SAVOIR + Il existe plusieurs associations et organisations qui fournissent des aides pour mieux vivre son handicap. Voici quelques liens qui peuvent vous être utile : • L’Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes handicapées (awiph.be). Le site Internet propose diverses animations, réunions, activités et documentation. • L’Adeps (adeps.be) organise désormais pendant certaines vacances scolaires des stages pour des enfants présentant un handicap moteur, sensoriel ou physique. • L’asbl Exception fournit une aide aux personnes handicapées dans la réalisation de leurs projets. 58 Boulevard des Archers à 1400 Nivelles Contact : 067/89 36 19 [email protected] • Le Téléthon (telethon.be) propose des aides matérielles. • Aide et Soins à Domicile (fasd. be) propose toutes sortes d’aides à domicile dans les différentes régions. • Plusieurs salons spécialisés : Autonomies du 26 au 28 avril à Liège (autonomies.be) et Reva (reva.be), qui a lieu tous les deux ans à Gand (prochaine édition en avril 2013). LE LIGUEUR DES PARENTS - N°12 - 23 MAI 2012 LL 12.indd 16 16/05/12 14:15