Pendant la traite négrière, il a existé deux variétés de - pug

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Pendant la traite négrière, il a existé deux variétés de - pug
LES NEGRESSES FACE AUX NEGRIERS
Stéphanie NYANGONE OBIANG NKOGHE
Université Omar Bongo
Libreville (GABON)
Résumé :
Pendant la traite négrière, il a existé deux variétés de femmes :
des Femmes-Chefs de tribu ou Reines aux pouvoirs incontestés ; et des
Femmes-Esclaves soumises à toutes formes de servitude.
L’histoire montre ainsi que pendant cette période, les
‘’négresses’’ ont joué un triple rôle : Rôle Politico-Militaire (AssistanceOrganisation- Négociation-Guerre) ; Rôle Socioculturel (service, cuisine,
femme de chambre, nourrice, gouvernante, prostitution) ; Rôle
économique (défricher, planter, entretenir, récolter, transporter)
Mots clés : Histoire- Rôle -Femmes noires-Traite
Abstract:
During the slave trade, existed two women variety: Heads-women of
tribe or queens with an indisputable power; and slaves-women submissive at all
servitude forms. Story show that during this period ”negress” played free roles:
Military-politic-role (assistance-organization-negotiation-war); Socio-cultural
role (to serve-to cook- chambermaid-nanny-governess-prostitution); Economic’s
role (to clear, to plant, to maintain, to collect, to transport).
Key words : Story- Role – Blacks women - Slave trade.
Introduction
Il a toujours été important de rendre compte de l’histoire des
hommes et des sociétés. En même temps pour informer les populations
à travers l’oralité ou l’écriture, et pour nous reconnaître, nous situer
dans le temps en tant qu’humain ayant vécu certaines réalités ou faits
historiques, tel que la traite négrière ou l’esclavage.
Il ne s’agit pas ici de reprendre tous les travaux historiques
existants, consacrés depuis des décennies à la traite ; mais de
reconstituer à l’aide de ces travaux et témoignages, les faits qui
Annales de l’Université Omar Bongo, n°12, 2006, pp. 322-333
Les nègresses face aux négriers
décrivent et font ressortir l’action peu vulgarisée ou encore mal connue
de la femme africaine durant cette période.
La traite négrière, commerce des esclaves noirs, qui selon les
historiens a duré quatre siècles, n’a épargné personne. Nous voulons
dire qu’aucune distinction de sexe, ni d’âge n’a été appliquée à ce
niveau. Hommes, femmes et enfants y étaient tous assujettis, ainsi que
le confirment certains documents audiovisuels (« La case de l’Oncle Tom »
d’Alex Haley, « Racines ou Roots » dans sa version anglaise,
« Mademoiselle », etc.) et écrits tel que celui où S.U.Abramova (1979)
rapporte, par exemple, que « Gonsalvez rembarqua donc ses prisonniers pour
l’Afrique et y reçut en échange dix noirs, hommes et femmes de différents pays, et
diverses marchandises dont un peu de poussière d’or » 1
Mais de tels documents ne présentent le rôle des esclaves que de
façon globale et non en termes de distinction des rôles selon le sexe.
Rares sont en effet les ouvrages ou articles uniquement consacrés au rôle
joué par les négresses. Les documents qui en font allusion le font de
façon éparse et succincte. Nous pensons par exemple aux écrits de C.
Meillassoux contenus dans le « Dictionnaire de l’ethnologie et de
l’anthropologie » (1991) où il évoque la question en ces termes : « dans les
sociétés orientales et africaines, les femmes sont préférées aux hommes pour leur
travail (agriculture, activités ancillaires, filage et même portage) et leur docilité,
elles fournissent aussi des épouses et des concubines » 2
C’est ce rôle de domestique, d’agricultrice, d’épouse, de
prostitué ou de femme asservie et soumise qui est habituellement
reconnu à toute femme noire chaque fois que la question est posée. Or,
les écrits et témoignages prouvent que certaines négresses avaient un
champ d’actions beaucoup plus important que celui là. Autrement dit,
le champ d’actions de la femme noire pendant la traite a été aussi
important que celui de l’homme.
1
S.U. Abramova: UNESCO : La traite négrière du XV ès au XIXès, publié par
l’ONU pour l’Education, la Science et la Culture, Paris, Fontenoy, 1979, p. 8.
2
C. Meillassoux, .in Dictionnaire de l’Ethnologie et de l’Anthropologie, de Pierre
Bonte & Michel Izard, 1991, Paris PUF , p . 234.
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Les nègresses face aux négriers
Au delà de leur domesticité, elles ont été parfois des femmes
Reines ou Princesses capables d’exercer leur pouvoir, d’affronter
d’autres royaumes afin de faire face aux négriers.
Le rôle de la femme africaine pendant la traite était donc non
négligeable. Le peu d’intérêt accordé à celui-ci constitue un non sens. Il
importe aujourd’hui de le vulgariser encore davantage, en tenant
d’abord compte de leur présence effective durant la traite, puis de leur
influence ou participation sur tous les plans politico-militaire,
socioculturel et économique.
1. Présence féminine
L’absence d’intérêt accordée à la participation féminine dans la
traite ne se justifie pas : « l’histoire africaine est souvent marquée par les
figures masculines.Fondateurs de royaumes, résistants à la pénétration
européenne, personnages influents, les Soundjata Keita, les Kanka Moussa,
accaparent les projecteurs des peuples et de l’histoire, reléguant dans l’ombre ces
femmes qui pourtant, par leurs actes et leur courage… ont guidé leur peuple, ces
résistantes hors du commun, ces mères qui ont forgé des destins de héros et toutes
ces femmes noires anonymes qui, par leurs exploits, ont soutenu les combats de
l’humanité…il y a ainsi les reines d’Afrique (Anne Zingha, Pokou, Tassin
Hangbe), les femmes d’influences et de pouvoir (Néfertiti, Madame Tinubu) , les
résistantes (la Kahena, Solitude la mulâtresse), les prophétesses, les guerrières ou
les mères de héros»3
La réalité est que, en Afrique Noire, la traite a connu une
présence féminine effective, que ce soit avant, pendant ou après la
capture des esclaves. Avant la capture, on notait dans certaines sociétés
africaines, l’existence des femmes « chefs coutumiers, princesses ou reines »
capables de dresser leurs guerriers, contre les chasseurs ou kidnappeurs
d’esclaves.
Au moment de la capture ou de la vente des esclaves, les
chasseurs ou négriers s’intéressaient non seulement aux hommes
3
in Union Plus du 04 juin 2005, N°8832, p10.
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Les nègresses face aux négriers
adultes, mais aussi « aux femmes et jeunes filles » 4 qui d’ailleurs
représenteront après leur capture, une partie importante des cargaisons
européennes et une main d’œuvre non négligeable (femmes
domestiques, ouvrières agricoles, adolescentes pêcheuses de perles,
etc..).
Si nous considérons le cas du Gabon où la traite « n’a
véritablement commencé qu’au début du XVIIè à Loango » on note que « les
chargements des négriers français ayant traité sur les côtes gabonaises au XVIIIè
comportaient en moyenne 48 % d’hommes. Ils étaient complétés par 21% de
femmes, 21% de garçons et 10 % de filles, soit près d’un esclave sur trois de sexe
féminin » 5
Ce pourcentage, bien qu’inférieur à celui des hommes, restera
tout de même significatif et déterminant dans l’apport politico-militaire,
socioculturel et économique de la femme noire pendant la traite.
2. Rôle politico-militaire
Nous sommes sans ignorer que la traite négrière consistait pour
les négriers, à instaurer un système de négociation ou de capture et
d’achat des esclaves, puis à faire appliquer le « Code Noir ou Edit du Roy,
servant de règlement »6 auquel tout esclave, homme ou femme devait se
soumettre.
Les négociations entre négriers et les chefs coutumiers ou
« roitelets »(selon l’expression employée par Boubacar Barry, 1985)
constituaient un préalable nécessaire avant toute livraison d’esclaves.
Bien que ce soit l’action ou l’autorité masculine qui fut plus
remarquable à ce niveau, il convient tout de même de signaler
l’assistance ou la participation active, indépendante ou non, des femmes
aux côtés des chefs coutumiers ou rois.
4
Nathalie Picard-Tortorici & Michel François: La traite des esclaves au Gabon du
XVIIè au XIXè, Essai de quantification pour le XVIIIè, CEPED, N°6, Paris, 1993,
p. 75
5
Idem, p .58.
6
I. J. L Vissière: La traite des noirs du siècle des lumières (témoignages de négriers)
Paris, Editions A.M.Métaillé,1982, pp.163-170 .
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Les nègresses face aux négriers
Le voyage d’André Brue, Général français, Commandant de
Vaisseau en exploration sur les côtes sénégalaises est assez édifiant à ce
sujet. D’après une copie littérale extraite des voyages de Brue, telle
qu’elle a été publiée par M. de la Harpe, nous remarquons «qu’après
avoir introduit Brue dans son appartement, le fils ou Prince de l’Empereur
Siratik, le laissa seul un instant, peu de temps après, le général fut conduit à
l’audience de la Princesse » qui « reçut Brue fort civilement et le remercia de ses
présents avec beaucoup de grâce, il fit successivement sa visite à deux ou trois
autres femmes du Prince : après quoi retournant auprès de lui, il fut conduit à
l’heure du souper dans son appartement où il trouva plusieurs plats de Kuskus,
sanglier, des fruits et du lait en abondance qui lui étaient envoyés par les femmes
du Prince»7
Ces observations montrent que les pourparlers en matière de
traite négrière, faisaient intervenir plusieurs personnalités, au rang
desquelles les princesses occupaient une place importante. Ici le Prince,
fils de l’Empereur et ses princesses furent chargés de l’accueil, de
l’introduction du Général dans la cour du Roi. L’audience préalable
conduite par la Princesse avait bien évidemment sa raison d’être.
Laquelle ? Nous ne pouvons l’imaginer, mais toujours est-il que
l’importance accordée à cette audience dans le processus des
négociations, mérite tout de même un droit de regard. Etant entendu
que cela suppose une implication, une influence particulière de sa
personne.
De même, lorsque le Prince accompagna Brue au palais du Roi,
il « trouva le Siratik assis sur un lit avec quelques unes de ses femmes ». Et lors
de l’audience, « ses femmes et ses courtisans répétaient avec la même joie : les
français sont une bonne nation, ils sont nos amis » 8
Ceci est une parfaite illustration du rôle de « NégressesAssistantes » du Roi dans ses transactions de traite. Les conditions de
7
Collection «La révolution française et l’abolition de l’esclavage: textes et
documents, Tome III , Paris, EDHIS (Editions d’Histoire Sociale),1968, pp.20-21
(Cette citation n’a pas été reproduite littéralement en raison de la difficulté
orthographique existante)
8
Idem, pp.22-23.
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Les nègresses face aux négriers
capture, de livraison et de vente des esclaves furent donc négociées en
leur présence et sous leur influence.
Le rôle de «Cheffesse, Princesse ou Reine noires » a été également
fort remarquable pendant la traite. Les « Notes d’histoire du Gabon » de A.
Raponda Walker sont formelles sur le portrait des femmes gabonaises
ayant marqué cette époque.
La vieille Banzabi, Kengué, surnommée Bipuma (les nuages),
autrement dite « la cheffesse au képi » du village Ndendé du clan
Bassomba ou Bavouli était par exemple une Maîtresse-femme qui savait
mener ses gens et a rendu bien des services aux européens de passage,
en les ravitaillant. La cheffesse Galwa, Ivendo aurait elle aussi mené au
combat tous les guerriers de son clan contre ceux d’une tribu voisine
ayant attaqué leur village « afin supposons-nous, de préserver les siens contre la
prison et l’esclavage.» La grande Mbataganga du clan des Awandji chez les
Orungu n’était pas en reste .Un dicton du pays proclame que « jamais,
femme ne fut si puissante, ni si sage que mbataganga » (omwanto, érependa,
tomberepa mbataganga) 9.
Mais l’histoire la plus remarquable fut celle de l’Angolaise Jinga
de Ngola et de Matamba, née en 1581 à Kouanza :
« Son père Ngola Kiluandji, le plus célèbre guerrier Ambundo, tint tête
aux Portugais qui pour se frayer un chemin vers les mines de Cambambe, lui
faisaient une guerre sans merci.
Quand Ngola Kiluandji mourut, sa fille Nzinga était déjà femme et
mère. De son père elle avait hérité l’orgueil, le courage, la ténacité et la haine de
l’étranger. Ces qualités accrurent son prestige quand elle devint Reine des pays de
Dongo et de Matamba.
Mais ce qui la rendit véritablement célèbre et l’imposa aux yeux des
Ambundos et des portugais ce fut sa grande intelligence. Son génie politique et
guerrier, et sa haute notion de la justice mise au service du peuple, lui donnèrent
une place de premier plan dans l’histoire de l’Angola.
La vie de cette femme est prodigieuse. Son royaume lui fut enlevé, on
lui fit la guerre pour mettre son peuple en esclavage, et elle conquit un autre
9
A. Raponda Walker, Notes d’histoire du Gabon, p. 23 (document non daté)
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Les nègresses face aux négriers
royaume pour pouvoir lutter contre l’usurpateur étranger. Elle perdit beaucoup
de batailles, mais jamais la guerre. Elle vécut et mourut Reine. »10. Aussi au
delà de ces informations, on se souviendra également du récit sur Anna
Zingha qui se vengea d’une mutilation génitale, sans oublier celui de
Solitude la mulâtresse, qui au mépris de sa propre vie et de l’enfant
qu’elle portait, se lança à corps perdu dans la lutte de libération des
peuplades noires de la Guadeloupe. Une bataille qu’elle perdra, pendue
pour avoir refusé de retourner comme beaucoup d’autres, dans les fers
et les chaînes de l’esclavage.
Considérant toutes ces données d’ordre ethnographique, il est
donc clair que les pouvoirs déjà existants et reconnus à certaines femmes
dans les sociétés traditionnelles d’Afrique noire, n’avaient subi aucun
changement en raison de la traite. Les mêmes pouvoirs se sont en effet
fait valoir au moment de la pénétration européenne. Par contre, ce rôle
politico-militaire féminin que nous évoquons ne pouvait être du ressort
de la femme-esclave contrainte à la servitude. Il était le fait des femmes
libres, aux pouvoirs incontestés, et rien qu’à l’intérieur des terres ou
sur les côtes africaines. Le rôle des femmes esclaves étaient d’une autre
nature : Rôles socioculturel et économique.
3. Rôle socioculturel
Depuis les temps immémoriaux, et cela avant l’exploration des
côtes africaines, il a toujours existé une certaine forme d’esclavage local
qui n’a fait qu’exposer les femmes aux exactions des négriers.
E. Dejonghe (1949) cité par Nathalie Picard Tortorici et Michel
François(1993)11 a d’ailleurs relevé les différentes formes d’esclavage
existant en Afrique, valables aussi bien pour les hommes que pour les
femmes et les enfants :
Esclaves des guerres tribales (cas des prisonniers de guerre),
esclaves achetés (cas des Bakongo qui ont vendu femmes et enfants à
cause de la famine), esclaves pour dettes, meurtre ou crime, vol,
adultère, sorcellerie, mariage, héritage, naissance (les enfants d’esclaves
10
Castro Soromenho in Présence Africaine : Revue Culturelle du Monde Noir, 3è
trimestre, 1962, pp. 48-49.
11
Idem note (3) p.35.
328
Les nègresses face aux négriers
naissent esclaves), esclaves volontaires, esclaves d’ordre religieux ou
magique, etc.
L’Afrique constituait donc pour l’Europe, un marché d’esclaves
potentiel. Une fois capturé et vendu, chaque esclave devait alors se
soumettre aux besoins exprimés par ses maîtres depuis les étables du
Roi jusque dans les plantations de canne à sucre et de coton des
Amériques.
L’un des buts de l’esclavage étant de répondre aux besoins
socioéconomiques des Européens, les femmes esclaves vont donc subir
au même titre que les hommes, le Code Noir ou « Edit du Roy, servant de
règlement, pour le gouvernement et l’administration de justice et la police des îles
françaises de l’Amérique, et pour la discipline et le commerce des nègres et
esclaves dans les dits pays »12
Ce code constituait pour les européens, un texte réglementaire
et juridique du travail servile. Les esclaves noires jouèrent dès lors, à la
demande de leurs maîtres, plusieurs rôles sociaux allant du travail
domestique (service de maison) à la prostitution (concubinage).
3.1. La domesticité
Les négresses ont toujours été des bonnes à tout faire. François
Renault et Serge Daget remarquent à ce sujet qu’« un grand nombre se
trouvait affecté à la domesticité, service de maison proprement dit : en Afrique du
Nord, les négresses avaient la réputation d’être d’excellentes cuisinières»13
De même, à partir des ‘Archives Départementales du
Morbihan’ , Baba Kaké Ibrahima (1978) note que « sur terre de SaintMalo, près de Lorient, Mme de Coligny est servie par Anne-Marie Cado, Nègre
du Mozambique »14
Ces rôles de serveuse, cuisinière, femme de chambre, nourrice,
gouvernante, etc. sont à ce niveau les plus remarquables. Ce genre de
rôle a surtout permis aux négresses d’une part, de contribuer
12
Idem note (5) p.163.
Renault François & Serge Daget: Les traites négrières en Afrique, Paris, Karthala
,1985, p.59
14
Kaké Ibrahima Baba : les noirs de la diaspora, Editions Lion Libreville, 1978, p
.81 (Archives Départementales du Morbihan)
13
329
Les nègresses face aux négriers
activement à la vie communautaire, à l’épanouissement de la vie
familiale européenne, et d’autre part, d’être soumise à une forme
d’apprentissage et d’adaptation forcée à la culture européenne. Les
manières de table à appliquer n’étaient donc plus celles de leur village,
mais celles dictées par la culture blanche.
3-2. La prostitution
La traite négrière avait vulgairement exposé les négresses à tous
les vices, et particulièrement aux vices sexuels. Tous les écrits et
témoignages sont unanimes à ce sujet.
C’est dans ce sens que Maurice Lengellé (1976) rapporte que
« quelle que soit la période historique, l’emploi des esclaves a toujours été le
même. En dehors du rapt en vue d’une rançon, il a consisté à en tirer la dose
maximum de travail physique ou intellectuel. Tout naturellement, l’utilisation de
l’esclave de sexe féminin s’est faite sous forme de prostitution. [ ] ».
Plus loin il ajoute que « quelques chroniques du temps de l’esclavage
attribuent une grande importance à la prostitution des négresses, mais des
négresses et des mulâtresses exploitées par des blancs. La Barbinais affirme que des
dames même se livraient à un si honteux commerce. Elles paraient leurs
négrillonnes de chaînes d’or, de bracelets, de bagues, de fines dentelles, et
participaient ensuite au bénéfice de la journée »15
Et Baba Kaké (1978) certifie que « dans une lettre, Deguer
recommande à ses agents de veiller à ce que les femmes aient des seins bien faits, il
lui faut des Vénus Noires »16
Toutes ces observations témoignent du rôle Charnel, Sensuel ou
Erotique joué par les négresses lors de la traite. Elles représentaient en
effet, des objets de plaisir et donc une importante population de
concubines, de laquelle naquirent plusieurs unions et des descendants de
‘sangs mêlés’. Prendre une négresse de force devenait une règle, et
l’acceptation de ce rôle fut une contrainte. Ces alliances créèrent tout
de même des liens biologiques (de sang), socioculturels
(communication, concubinage, amitié, etc.) et économiques (échanges
des personnes et des biens etc.)
15
16
Maurice Lengellé, l’esclavage, Que-Sais-Je ? 1976, N°667 p 27 & p 37.
Idem, note (13), p. 82
330
Les nègresses face aux négriers
4. Rôle économique
L’esclavage répondait à un besoin économique. Elle a contribué
pour ce faire, au développement économique de l’Europe et de
l’Amérique.
«C’est pour le travail de force que essentiellement, l’institution
esclavagiste a vu le jour. Aux captifs sont confiés les besognes les plus rebutantes :
exploitation des mines, travaux agricoles etc.»17
Les négresses subissaient donc les mêmes besognes rebutantes et
représentaient pour cela, une force de travail considérable. Dans les
plantations où elles étaient censées travailler, leur emploi consistait à
défricher, planter, entretenir, récolter, transporter, etc. pour son
maître et contre de modestes ressources. Leur main d’œuvre moins
coûteuse, joua ainsi un rôle socioéconomique indéniable en cultivant la
terre, et en fabriquant par conséquent des marchandises destinées à la
vente.
Conclusion
Les discours populaires ou habituels tenus sur la femme Noire,
font souvent état d’une personne soumise, docile, érotique, réduite à la
domesticité et donc à l’esclavage.
Or, dans les sociétés traditionnelles africaines, le rôle de la
femme dépasse parfois ces considérations péjoratives. Etant entendu
qu’elle ne joue pas seulement un rôle de second plan.
Cet état des choses s’est avéré réel pendant la traite négrière où
l’on a rencontré deux variétés de femmes :
- Des Femmes-Chefs de tribu ou Reines aux pouvoirs incontestés
- et des Femmes-Esclaves soumises à toutes les formes de
servitude
Les rôles joués se sont donc déterminés selon le statut des unes
et des autres. Tout porte à croire que pendant la traite négrière, les
négresses ont joué un triple rôle :
- Rôle Politico-Militaire
17
Idem, note (14)
331
Les nègresses face aux négriers
- Rôle Socioculturel
- Rôle économique
qui peut se subdiviser en plusieurs opérations selon la classification
suivante :
OPERATIONS
1. Rôle PoliticoMilitaire
2. Rôle Socioculturel
3. Rôle économique
Assistance-Organisation- Négociation-Guerre
Service - Cuisine - femme de chambre –
nourrice – gouvernante - Prostitution
Défricher – Planter – Entretenir – RécolterTransporter
Notes bibliographiques
Abramova .S.U. (1979) : UNESCO : La traite négrière du XV ès au
XIXès, publié par l’ONU pour l’Education, la Science et la Culture,
Paris, Fontenoy, p8.
Baba Kaké Ibrahima (1978) : les noirs de la diaspora, Editions Lion
Libreville, p 81 (Archives Départementales du Morbihan cité par)
Bonte & Michel Izard (1991) : Dictionnaire de l’ethnologie et de
l’anthropologie, Paris, PUF, p 234
Collection « La révolution française et l’abolition de l’esclavage
(1968) : textes et documents, Tome III, Paris, EDHIS (Editions
d’Histoire Sociale) pp 20-21 (Cette citation n’a pas été reproduite
littéralement en raison de la difficulté orthographique existant)
Lengellé Maurice (1976) : L’esclavage, Que-Sais-Je ? N°667, Paris,
PUF, p 27 & p 37.
.Picard-Tortorici Nathalie & Michel François (1993) : La traite des
esclaves au Gabon du XVIIès au XIXès, Essai de quantification pour le
XVIIIès, CEPED, N°6, Paris, p75.
Raponda Walker .A. Notes d’histoire du Gabon, p23 (document non
daté)
332
Les nègresses face aux négriers
Renault François & Daget Serge (1985) : les traites négrières en
Afrique, Paris, Karthala, p 59.
SERBIN Sylvia (2004) Reines d’Afrique et héroïne de la diaspora noire,
Editions Sépia.
Vissière. I. J. L (1982) : La traite des noirs du siècle des lumières
(témoignages de négriers) Paris, Editions A.M. Métaillé, pp. 163-170.
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