Lettre Financière PDJ - Août 2006

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Lettre Financière PDJ - Août 2006
Lettre Financière PDJ - Août 2006
Publiée le 15 septembre 2006
Éditeur – Paul Dontigny Jr, M.Sc., CFA
Thèse principale d’investissement – Le marché boursier américain demeure dans les plus
chers de l’histoire des marchés financiers. L’économie montre des signes très clairs de
ralentissement, notamment dans le secteur de l’immobilier.
Donc aucun changement jusqu’ici depuis ma dernière lettre financière. Quoi de nouveau ? Le
marché obligataire annonce clairement une récession et le marché boursier s’attend au
proverbial atterrissage en douceur. Je vais vous expliquer pourquoi je n’y crois pas. Et plus
important, je vais vous répéter pourquoi il est préférable de ne pas s’engager dans les actifs
risqués à ce point dans les divers cycles (économique, boursier, politique monétaire).
La raison principale justifiant mon opinion Bear est la dette excessive. La dette américaine est
aujourd’hui à des niveaux records, que l’on utilise quelque mesure que ce soit.
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1-Impact de l’immobilier
Pour une lettre financière sur l’investissement en bourse et en obligations, je dois dire que
l’immobilier a eu une proportion anormale du contenu depuis un an. Et pour cause! Il y a
longtemps que j’ai indiqué que nous vivions une bulle immobilière, qui a simplement poursuivi la
bulle boursière de l’an 2000. Maintenant je vais démontrer l’impact qu’aura le dégonflement de
cette bulle sur l’économie et sur les marchés financiers au cours des douze prochains mois.
À cause des efforts de politique monétaire et fiscale de l’administration Bush, les taux d’intérêt
et, surtout, la disponibilité du crédit, ont ajouté à la bulle boursière celle de l’immobilier, et pour
couronner le tout, la bulle de dette a continué de gonfler à un rythme aussi alarmant
qu’insoutenable. Nous avons vu les graphiques qui démontrent que l’épargne annuelle totale
des Américains est négative depuis quelques années. C’est-à-dire qu’ils dépensent plus qu’ils
ne gagnent durant l’année. Ceci n’est possible évidemment que si la dette augmente.
Dans le graphique de la page précédente, on voit une autre façon d’illustrer que les Américains
n’épargnent plus du tout. Ils dépensent et « investissent » dans les maisons des sommes qu’ils
n’ont pas gagnées. Et c’est la première fois que le phénomène atteint une telle amplitude.
Dans le graphique, la seule autre période où il y a eu un déficit net pour les familles est l’aprèsguerre, alors que la dette était relativement faible par rapport à aujourd’hui, et que tous les pays
devaient de l’argent aux États-Unis. Le déficit était d’ailleurs très petit.
D’après CIBC-Wood-Gundy (deux
prochains graphiques) on voit que le
déficit « consommation-revenu » a été
financé par le refinancement des
maisons (ci-contre).
On s’attend maintenant à ce que cette
source soit éliminée au cours des
prochains mois. Notez que lorsque le
déficit du gouvernement américain
atteint 400$ milliards, on dit que c’est
excessif. Pourtant, on a laissé les
Américains utiliser leur maison comme
garantie pour sortir une équité de plus
de 800$ milliards, pour l’année terminée
en mars 2006.
Dans le prochain graphique, on voit clairement la proportion démesurée qu’ont eu les
refinancements dans la croissance des dépenses de consommation. Sans ces refinancements
(equity extraction), la croissance de consommation aurait été 50% plus faible depuis environ un
an. On voit aussi que la proportion des revenus des employés en proportion du produit national
brut a diminué graduellement. On peut utiliser la dette pour se sortir d’une impasse ou d’une
faiblesse cyclique de l’économie, mais on ne peut soutenir une telle croissance de
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l’endettement durant un cycle
économique complet sans que les
répercussions soient majeures et très
probablement négatives. Possiblement
désastreuses.
Les « pertes permanentes » sont les plus
dommageables pour une économie.
Lorsque le prix de votre maison baisse, si
vous pouvez continuer à faire vos
paiements et à habiter la maison, vous ne
subissez qu’une perte temporaire. Mais
si vous devez remettre la maison à la
banque parce que vous faites défaut sur
vos paiements, alors vous venez de subir
une perte permanente… et la banque
aussi !!!
Et c’est là le plus grand problème de la bulle immobilière 2006 !!! C’est dans la qualité du
crédit et dans le type de prêts qui ont été accordés. Les hypothèques à taux flottant
représentent un des dangers principaux cars ils ont été utilisés pour abaisser les paiements
hypothécaires, grâce à leur faible taux. Sauf qu’une fois la période flottante terminée, les
emprunteurs doivent fixer le taux, et le nouveau taux présentement est de 1% à 3% plus élevé.
Il est estimé que 2 US$ trillions (ou 2 000 US$ milliards) de ces prêts sont dus pour leur
renouvellement au cours des deux prochaines années.
Et ce n’est pas le pire. Il existe aussi des hypothèques sans mise de fonds et avec un paiement
minimum très bas les trois premières années. Par exemple, on donne le cas d’un policier de
Sacramento en Californie. Il a refinancé son hypothèque 500 000 US$ de 30 ans qui lui coûtait
5,1% par année, ce taux étant gelé pour 30 ans. Il l’a remplacé par une hypothèque à taux
variable (appelé ARM ou adjustable rate mortgage aux États-Unis) au taux de 2,2%. Il
épargnait 14 000 US$ par année en paiement. Sauf que le paiement n’était pas le plein
paiement et pour chaque versement minimum de 1697 $, la banque ajoutait 1 000$ au capital à
rembourser chaque mois.
Lorsqu’il s’en est rendu compte, il a aussi appris de son institution financière, la 5e en
importance dans le marché des hypothèques au pays, qu’il y avait des pénalités de 10 000 $
pour reprendre le taux fixé sur 30 ans maintenant à 6,25%. Autre exemple : certains prêts sont
en escaliers plutôt que d’être renégociés dans deux ans. Le taux de la première année est 4%,
la deuxième 5% et 6% par la suite. Pour une hypothèque de 250 000 US$, la différence de
paiements entre la première année et la troisième est de 7 500 US$ par année.
J’essaie de démontrer ici que l’impact du ralentissement en immobilier ne sera pas limité
à ce secteur de l’économie. L’impact sera diffusé à travers l’économie parce que c’est ce
secteur qui a soutenu la croissance économique depuis 2001, en plus d’avoir créé d’énormes
profits dans les divers secteurs des institutions financières.
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À cet effet, voici les chiffres alarmants :
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En 2005, 32,6% des nouvelles hypothèques ou des prêts sur l’équité de la maison étaient
des prêts où l’on ne rembourse que les intérêts. Ce pourcentage était de 0,6% en 2000,
c’est-à-dire que ce type de prêts était quasiment inexistant.
43% des acheteurs d’une première maison en 2005 ont eu une mise de fonds de 0 $.
15,2% des acheteurs de maison en 2005 doivent plus de 110% de la valeur de leur maison.
10% de tous les propriétaires de maison n’ont aucune équité dans leur maison. Donc la
valeur de la maison est égale à, ou moindre que l’hypothèque.
La valeur estimée de tous les prêts dont le taux d’intérêt sera ajusté à la hausse en 2006 et
2007 est de 2,7 US$ trillion (2 700 US$ milliards)
Pourquoi alarmant ? Le risque de contagion dans l’immobilier, dans les finances personnelles et
puis finalement dans les institutions financières est dangereusement présent. Mais pourtant les
profits des banques sont en hausse ? Parait-il que certaines institutions américaines ont une
perception particulière de ce qu’est un revenu. Dans l’exemple du policier ci-dessus, il paraît
que les 1 000$ qui sont rajoutés au capital à rembourser plus tard sont déclarés l’année même
comme un revenu pour la banque. Pas logique ? Exactement. Mais c’est comme ça que ça
fonctionne car ces paiements sont considérés des paiements d’intérêt différé (comptes
recevables). Tous les autres intérêts aussi, incluant les « rabais » d’intérêt des deux premières
années (la différence entre le taux de 4% et le taux réel de 6%). Pour certaines institutions,
comme FirstFed Financial Corp. (Calif), ce genre de revenus totalisait 67% des profits au 2e
trimestre de 2006. C’est une bombe à retardement de la même envergure que les ventes de
produits de télécoms aux compagnies d’internet en 1999 alors que ces compagnies payaient en
émettant des actions à Nortel et cie… C’est simplement du mauvais crédit.
Graphique Merrill Lynch : Ratio des prêts refinancés à un taux plus élevé
TOP du marché
Immobilier 1989
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2- L’économie américaine est déjà en fort ralentissement
L’impact négatif de l’immobilier ne fait que commencer. Comme vous le voyez dans le
graphique suivant, l’immobilier est devenu une plus grande proportion de l’économie depuis
2001. Chaque transaction immobilière est accompagnée par une foule de ventes de produits et
services de toutes sortes. Frais de notaires, taxes, prêts et hypothèques, frais de modifications
des prêts, meubles, décoration, commission des agents immobiliers, rénovation,
déménagement, frais de changement de services publics et autres (téléphone, internet, …), etc.
C’est pourquoi lorsqu’on combine le niveau ridicule de dette à l’importance de l’immobilier pour
l’économie, il est facile d’en déduire que ce ralentissement sera plus long et plus violent
que lors des autres périodes qui ont été caractérisées par des ralentissements en immobilier.
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Déjà la confiance des dirigeants
d’entreprise est affectée. Les petites
entreprises interrogées dans ces
sondages créent 80% des emplois aux
États-Unis.
La confiance est en forte baisse tout
récemment.
Les attentes des consommateurs sont
aussi graduellement en baisse depuis
plus d’un an.
L’évaluation par les consommateurs de
l’état actuel de l’économie est encore plus
en baisse tout récemment.
#
Les services (70% de
l’économie) sont en très
faible croissance et lorsque
l’indice tombera sous le 50,
ils seront en baisse.
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Merrill Lynch combine une foule de facteurs économiques et a bâti ses propres modèles pour
tenter de « prédire le futur ». Sachant que de tels modèles ne sont pas parfaits et qu’ils
fonctionnent peut-être seulement dans un environnement historique spécifique qui était différent
d’aujourd’hui, je vous présente tout de même leur estimation de la probabilité d’une récession
au cours des douze prochains mois.
Le meilleur indicateur de récessions dans le passé fut certainement l’inversion de la courbe des
taux d’intérêt. C'est-à-dire que lorsque les taux d’intérêt des obligations de 10 ans et 30 ans
sont plus bas que les taux à court terme, comme on voit que c’est le cas aujourd’hui dans le
graphique ci-dessous, alors la récession suit dans les 12 à 18 mois (30 ans à 4,9%).
Courbe des taux US - 15 septembre 2006
5.50%
5.30%
5.10%
4.90%
4.70%
10
an
s
5a
ns
2a
ns
6m
ois
1a
n
3m
ois
Fe
dr
ate
4.50%
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Cette inversion dure maintenant depuis environ 2 mois. Et la plupart des nouvelles
économiques continuent de confirmer et de démontrer que la croissance s’affaiblit.
3- Et que pense Wall Street de tout ça ?
Je veux attirer votre attention sur un graphique et une idée très intéressante de Merrill Lynch.
(Note – Merrill, comme la plupart des courtiers, publie des dizaines de graphiques chaque
semaine dans tous les domaines imaginables de l’économie et des marchés financiers).
Le graphique suivant montre un indice d’inflation qui utilise un panier de biens et
services typiquement représentatif de la vie d’un employé des grandes firmes de
courtage de Wall Street et des gestionnaires de portefeuilles. Il utilise donc un plus grand
pourcentage de biens de luxe, de transport d’affaires, de frais et coûts légaux, financiers et
médicaux, en plus de vacances et articles de sports, spas, entretien ménager personnel, etc.
La conclusion est que les gestionnaires, économistes et analystes ont tendance à avoir un train
de vie qui utilise plus de biens et services de luxe ayant connu une plus forte inflation que
l’ensemble des biens utilisés par le consommateur moyen. Notez que sur Wall Street, les
revenus moyens de ces employés sont de 2 à 5 fois la moyenne de ceux de Montréal.
C’est une des raisons pour lesquelles les estimations d’inflation future sont probablement un
peu trop élevées. Depuis cinq ans, l’inflation a été presque toujours en dessous des prévisions
exprimées un an plus tôt. Wall Street ne veut pas de déflation et pas trop d’inflation non plus.
N’oubliez jamais que Wall Street (et Bay Street) est toujours biaisé.
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Je continue de croire que le processus de désinflation débuté en 1982 ne se terminera que
lorsque nous aurons de la déflation (inflation négative ou baisse de prix dans l’indice des prix à
la consommation). L’inflation ralentit déjà et les baisses du pétrole et de l’immobilier en
septembre n’ont pas été comptabilisées.
Pour ce qui est des marchés, voici un exemple de l’étendue de la confusion que nous vivons.
Lisez les trois nouvelles suivantes et observez les dates et heures auxquelles elles ont été
émises. C’est absolument ridicule de voir les justifications qui caractérisent les fluctuations.
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Le 6 septembre – soirée
U.S. stocks drop on inflation worry; Nasdaq hit
NEW YORK, Sept 6 (Reuters) - U.S. stocks fell on Wednesday, with the Nasdaq
posting its sharpest drop in seven weeks, as investors dumped shares of riskier
sectors such as technology and home builders on signs wage inflation may force
the Fed to again lift interest rates.
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Le 7 septembre – matin
Stocks Drop on Economic Slowdown Worries
Thursday September 7, 10:06 am ET
By Tim Paradis, AP Business Writer
Stocks Drop in Morning Trading As Economic Slowdown Worries Persist
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Le 7 septembre – matin
U.S. Stocks Fall as Housing Slump Deepens; KB Home…
By Hilary Johnson
Sept. 7 (Bloomberg) -- U.S. stocks dropped for a second day after two
homebuilders cut their earnings forecasts, fueling concern that the housing slump
may curb economic growth.
Last Updated: September 7, 2006 10:40 EDT
Recommandations d’investissement :
Pas de changement. Je vais m’en tenir au général et vous donner des recommandations plus
spécifiques d’ici deux semaines. Je crois que le risque d’un crash boursier est énorme. Au
prix actuel, le rendement potentiel à long terme est probablement de moins de 5%.
1- Liquidez vos actions si vous en détenez. Le risque n’en vaut pas le rendement potentiel.
2- Achetez des obligations du gouvernement avec échéances de 1 à 30 ans, selon votre âge.
3- Achetez des options de vente sur les indices boursiers américains et achetez des zérocoupons pour la valeur du prix d’exercice. Utilisez les options ayant une maturité en fin
2007, en 2008 ou en 2009. Utilisez les titres indiciels comme celui de l’indice Nasdaq-100,
symbole QQQQ. Pour Dow Jones c’est DIA et pour le S&P 500 c’est SPY.
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