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Un Peuple ‐ Un But – Une Foi MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES Document d’Etude N°10 EXISTETIL UNE BULLE IMMOBILIERE A DAKAR ? DPEE/DEPE @ Octobre 2008 EXISTE –T – IL UNE BULLE IMMOBILIERE A DAKAR ? Par Fatou DIANE Alsim FALL Direction de la Prévision et des Etudes Economiques (DPEE) Direction de la Prévision et des Etudes Economiques (DPEE) RESUMÉ La forte augmentation du prix de l’immobilier au cours des dix dernières années fait naître quelques suspicions quant à l’existence de bulle immobilière dans la région de Dakar. Cette étude se propose d’élucider la question en utilisant une approche méthodologique fondée sur l’analyse des propriétés d’intégration des indices de prix. Cette démarche en question repose sur l’idée que la présence de racine explosive sur les indices de prix et non sur les variables fondamentales implique la formation d’une bulle rationnelle. A cet effet, l’étude révèle les limites inhérentes aux tests standards de racine unitaire et propose leur généralisation à travers une approche relativement nouvelle basée sur les régressions avec changement de régimes suivant la chaine de Markov. Les résultats font état de la présence d’une bulle immobilière depuis le début des années 2000, mais les conditions de son effondrement restent, à ce jour, incertaines. Classification JEL: C12, C13, C51, G12, R11, R21, R31 Mots Clés: Prix de l’immobilier, bulle spéculative, test ADF, régression avec changement de régime, chaine de Markov, Dakar. ABSTRACT The exponential growth of the house price in Dakar during these ten last years gives some suspicions towards the existence of real estate speculative bubble. This study proposes to elucidate this question by using a methodological approach based on the investigation of the integration properties of house price indices. It is argued that the presence of explosive autoregressive root on these asset prices and not on their observable underlying fundamentals implies the formation of a rational bubble. For this purpose, the study reveals the insufficiencies related to standard unit root tests and proposes their generalization through a relatively new approach based on the Markov-switching regressions. The results show the presence of speculative bubble since the early 21st century, but the conditions of its collapse remain dubious to date. JEL Classification: C12, C13, C51, G12, R11, R21, R31 Keywords: House price, speculative Bubble, ADF tests, Markov-switching regression, Dakar. I INTRODUCTION Le prix de l’immobilier à Dakar n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Cette hausse est aussi bien constatée dans les quartiers résidentiels que populaires. L’explication essentiellement avancée est que la demande dépasse considérablement l’offre du fait notamment de la concentration démographique excessive. En effet, pour une superficie de 550 km2 et une population estimée à prés de 3 millions d’habitants, la capitale sénégalaise présente un marché immobilier structurellement déséquilibré, du fait de l’insuffisance naturelle des capacités d’offre de logement. Qui plus est, le secteur de l’immobilier présente bon nombre d’imperfections dues au manque d’organisation, à une asymétrie d’information et aux nombreux cas de litiges sur les titres fonciers. En conséquence, les prix ainsi pratiqués sur le marché du logement suivent une tendance haussière défavorable aux consommateurs et donnant lieu à de la spéculation foncière. Partant de ces constats, il est pertinent de s’intéresser en profondeur aux facteurs expliquant la nature de cette hausse substantielle des prix de l’immobilier à Dakar. La présente étude cherche précisément à analyser l’évolution du prix du logement au regard de la tendance de ses fondamentaux économiques. En d’autres termes, elle s’interroge sur l’existence éventuelle d’une bulle spéculative dans ce secteur. Pour définir la notion de bulle spéculative au sens de la théorie économique, on retient souvent la définition de Stiglitz : « La seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd'hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain, alors que les facteurs fondamentaux ne semblent pas justifier un tel prix ». Ainsi, détecter une bulle spéculative sur le marché immobilier revient à analyser le caractère soutenable du niveau des prix au regard de ses déterminants fondamentaux. A cet effet, la littérature économique et économétrique offre diverses méthodes parmi lesquelles l’analyse des propriétés d’intégration et de cointégration de l’indice du prix de l’immobilier et de ses fondamentaux, qui stipule que l’existence d’une bulle implique que le prix soit plus explosif que ses déterminants. Cependant, les tests de racine unitaire et de cointégration standards sont connus pour avoir un pouvoir assez limité de déceler la présence de bulles ponctuelles (qui s’estompent périodiquement), quelle que soit leur amplitude (Evans, 1991). Cela s’explique par le fait que, dans la mesure où la détection d’une bulle repose essentiellement sur l’identification de ses phases d’expansion et de détérioration, un test approprié devrait rendre compte des possibilités de changement dans le comportement dynamique du prix de l’immobilier au cours de la période d’étude. 1 Pour ce faire, ce travail propose une approche basée sur une généralisation du test ADF (Augmented Dickey Fuller) qui fait appel à la classe des modèles dynamiques à changement de régime (Markov-switching models) mise en évidence par Hamilton (1989, 1990, 1994). En permettant aux paramètres de régression de varier au cours du temps selon différents régimes, la formulation du test ADF peut mieux faire face aux changements dynamiques imposés par la présence de bulles. Suivant cette démarche, l’existence de bulles est déterminée par la présence de racine autorégressive explosive dans un régime donné. Le reste du document est organisé comme suit. La section II analyse les données du secteur de l’immobilier dans la région de Dakar à travers l’évolution des prix de l’immobilier et de la location, sur la période allant de 1960 à 2008. La section III met l’accent sur les développements théoriques qui ont inspiré les méthodes de détection de bulles spéculatives stochastiques. Elle montre en quoi les tests standards de racine unitaire peuvent altérer les résultats et propose leur généralisation à l’aide des modèles à changement de régimes. La section IV revient sur le principe du test avec changement de régime ainsi que sur la procédure d’estimation. La section V s’attèle à l’interprétation des résultats. Enfin, la section V fournit les principales conclusions. 2 II LES FAITS STYLISES SUR LE MARCHE DE L’IMMOBILIER A DAKAR 1 Il n’existe pas a priori d’indices synthétiques retraçant l’évolution des prix de l’immobilier à Dakar, les organismes de collecte et de traitement d’informations statistiques n’ont pas encore un dispositif approprié pouvant prendre en charge l’élaboration et le suivi de tels indices. S’inspirant de la littérature existante, l’étude se propose d’utiliser une des techniques d’évaluation d’indice pour rendre compte de l’évolution des prix de l’immobilier dans le temps. La constitution d'indices de prix dans l'immobilier fait l'objet de différentes méthodes, les unes se focalisent sur le traitement statistique des informations sur la base des prix des transactions immobilières, les autres s’appuient soit sur les évaluations à dire d’experts, soit sur la cotation des sociétés immobilières. Seules les premières sont susceptibles d’être utilisées dans notre cas. Il s’agit principalement de la méthode hédonique et de la méthode des ventes répétées. La méthode hédonique repose sur l'idée que des biens hétérogènes peuvent être décomposés en leurs divers éléments caractéristiques appelés attributs. Dans le cas de l’immobilier, ces attributs en question sont les caractéristiques intrinsèques du logement (ascenseur, étage, garage, pièces d'eau, niveau de sécurité du quartier etc.) et qui interviennent sur son prix2. La faisabilité du calcul de l’indice par le bais de cette approche reste malheureusement très limitée vue la quantité et le niveau de détail des informations requises, mais également le temps assez long et les moyens financiers à mettre en place. L’étude opte ainsi pour la méthode des ventes répétées3 qui consiste à construire un indice en ne retenant que les biens ayant fait l'objet d'au moins deux transactions. Chaque vente répétée (couple de transactions sur un même bien) permet alors de calculer une variation de prix, l'indice étant ensuite construit sur la base de ces transactions individuelles. L’exploitation des livres fonciers disponibles au niveau des services de conservation foncière de la Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID) a permis de collecter les informations brutes sur les transactions immobilières répétées au sein du département de Dakar4. Etant donné que la détermination de l’indice est d’autant plus précise que le nombre de transactions est élevé, l’objectif a été de collecter le maximum d’information (plus de trois 1 Pour mieux comprendre le fonctionnement du marché de l’immobilier le lecteur peut se référer au document Thiam A. S. (2008), « Analyse du fonctionnement du marché de l’immobilier à Dakar : Une approche empirique et qualitative » 2 Voir Rosen (1974), article fondateur qui permit à l'analyse hédonique de faire son entrée dans les sciences économiques. Voir également Gravel (2000). 3 Consulter annexe 1 pour les détails techniques de confection d’indice de prix de l’immobilier à partir de cette approche. 4 Ces informations brutes peuvent être transmises sur demande. 3 cent titres fonciers par zone) dans chaque service de conservation. L’analyse s’est cantonnée sur la période 1960 – 2008, même si certaines transactions ont commencé depuis les années trente. Les services de conservation visités sont au nombre de trois lesquels sont : - la Conservation de Dakar – Plateau qui se charge des transactions dans le centre-ville, les quartiers Médina, Fass, Gueule tapée, Reubeuss, Gibraltar, Colobane etc. Dans cette localité 320 titres fonciers ont été tirés au hasard, chacun ayant fait l’objet d’au moins deux transactions ; - la Conservation du grand Dakar qui prend en charge les quartiers Point E, Fann, Amitié, Zones A et B, Grand-Dakar, Niaari Talli, HLM, Baobab, Bourguiba, Dieupeul, Castor, Libertés, Sacré Cœur, Mermoz, VDN, Foire, Grand-Yoff, Ouakam, Almadies etc. Les tirages ont permis de collecter 436 titres fonciers ; et enfin, - la Conservation de la banlieue qui se charge des zones Pikine, Guediawaye, Parcelles Assainies, Mbao, Keur Massar etc. Les tirages ont donné 353 titres fonciers. Les informations recueillies auprès de ces conservations ont permis de construire un indice annuel de prix de l’immobilier pour chacune de ces trois zones, sur la période 1960 – 2008. Ces indices sont nommés respectivement : indice PLATEAU pour la zone Dakar – Plateau ; indice GRD pour le grand Dakar ; et indice BANLIEUE pour la banlieue dakaroise. Enfin, un quatrième indice nommé DAKAR est construit pour synthétiser l’ensemble des informations obtenues dans ces trois zones localisées à Dakar. Le même travail aurait pu être fait pour confectionner des indices de prix de la location pour chaque zone, n’eût été l’indisponibilité des informations requises à cet effet. L’étude s’est bornée alors à l’exploitation du poste « loyer effectivement payé » issu de l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC). La série obtenue n’existant que depuis 1996, elle a été complétée par les données des comptes nationaux, notamment celles issues de la branche des services de location immobilière. L’indice LOYER obtenu s’étale ainsi sur la période 1980 – 2008. II.1 EVOLUTION DES PRIX DE L’IMMOBILIER Les évolutions annuelles des prix réels du marché de l’immobilier sont représentées aux graphiques II.1, II.2, II.3 et II.4 respectivement pour les indices PLATEAU, GRD, BANLIEUE et DAKAR. Il est nécessaire de préciser que ces indices ont la même année de base (1960), et leur évolution ne donne pas d’indications sur le niveau des prix. En effet de 4 tout tempps, le niveau des prix dan ns Dakar – Plateau P est suupérieur à ceelui du grand d Dakar qui,, à son tour,, reste largeement supérrieur à celuui de la bannlieue. Ainsi, l’analyse tient comppte exclusiveement à la viitesse par laqquelle les priix changent au cours du temps. FIGURE II.1: Indice du u prix de l’imm mobilier du sectteur Dakar-plaateau déflaté par p l’IHPC (basse 100 = 1960)) 2008 2005 2002 1999 1996 1993 1990 1987 1984 1981 1978 1975 1972 1969 1966 1963 1960 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0 Sources : Calcul des serrvices de la DP PEE FIGURE E II.2: Indice du d prix de l’imm mobilier du seccteur grand Daakar déflaté paar l’IHPC (basee 100 = 1960) 120 00 100 00 80 00 60 00 40 00 20 00 2008 2005 2002 1999 1996 1993 1990 1987 1984 1981 1978 1975 1972 1969 1966 1963 1960 0 Sources : Calcul des serrvices de la DP PEE FIGURE II.3: I Indice du prix de l’immo obilier du secteeur Dakar-ban nlieue déflaté par p l’IHPC (baase 100 = 1960) 2000 0 1500 0 1000 0 500 0 Sources : Calcul des serrvices de la DP PEE 5 2008 2005 2002 1999 1996 1993 1990 1987 1984 1981 1978 1975 1972 1969 1966 1963 1960 0 FIGU URE II.4: Indice globale du prix p de l’immoobilier à Dakarr déflaté par l’IIHPC (base 100 = 1960) 200 00 150 00 100 00 50 00 2008 2005 2002 1999 1996 1993 1990 1987 1984 1981 1978 1975 1972 1969 1966 1963 1960 0 Sources : Calcul des serrvices de la DP PEE De primee abord les inndices préseentent le mêm me profil qu ui peut être ddécrit en trois phases : unne évolutionn ascendantee et régulièree de 1960 juusqu’à la preemière moitiié des années quatre vinngt dix, suiviie d’une hauusse plus raapide à partiir de la secoonde moitié de la mêm me décennie et enfin, unee accélératio on de la croisssance depuiis le début des d années deeux mille. Toutefoiss, ces évoluutions cacheent certainess disparités. Dans la prremière phasse (régulièree), l’indice PLATEAU P est nettemeent au dessuus des autres ; ce qui s’explique par le fait quue l’engouem ment autourr de l’acquissition de la propriété fooncière a coommencé dans le DakaarPlateau, avant de s’étendre dans d les auutres contréées. Il fautt noter quee, depuis les indépenddances, cette zone représente le princcipal milieu des affaires du pays abrritant à la foois l’essentieelle des insstitutions dee l’Etat, less directions générales des entreprrises les pluus prestigieuuses, les bannques et les institutionss internationnales. Cette zzone bénéficcie égalemeent des meilleures infrasttructures pub bliques. Dans la même m périod de, l’indice GRD G croît pplus rapidem ment que BA ANLIEUE. Là L encore, rieen d’étonnan nt quand on n sait que laa zone du grrand Dakar est mieux aavantagée qu ue celle de la banlieue en termes dee qualité dess logements, d’assainisseement et de ssécurité publlique. v dix, less tensions suur les prix dee l’immobiliier Durant laa seconde mooitié des annnées quatre vingt quoique plus p vives dans d zone du d Dakar-plaateau, se resssentent avec plus d’acu uité dans toout Dakar. Cela s’expliqu ue par plusieeurs facteurss notammen nt : (1) les coontraintes dee plus en pluus d accrues liées à la rarréfaction dess zones habiitables dans cette régionn qui abrite l’essentiel de ue du pays ; (2) le mannque d’infrasstructures dee communiccation liant la l’activité économiqu e les autress villes, quii constitue lle principal goulet d’étrranglement limitant ainnsi capitale et l’exploitaation des teerres en dehhors de la région de Dakar D ; (3) la stabilité politique, le 6 développement des infrastructurees de télécom mmunication, la douceuur climatiquee et la grandde ouverturee vers l’extérrieur qui renndent attracttive la détenttion d’une propriété p fonncière pour les étrangers. Tous ces facteurs inccitent à une spéculation s ffoncière outtre mesure dans un marcché totalemeent me politique intervenu en 2000 quue libéraliséé. Mais, c’eest avec le changemennt de régim l’envoléee des prix a atteint soon paroxysm me. Les graaphiques fonnt état d’un ne croissancce exponenttielle de touss les indicess. L’indice PLATEAU P q affichaitt la plus fortte progressioon qui s’est fait rattraper ett même dép passer par lees autres inddices. Les loogements daans le DakaarPlateau devenant d horrs de prix, de même quee ceux du grrand Dakar, les rares zonnes habitables qui se situuent dans la banlieue fonnt l’objet d’iintenses spécculations. Par ailleu urs, l’on peutt raisonnableement se dem mander si laa hausse des prix de l’im mmobilier resste compatibble avec ses fondamentau f ux du marchhé notammennt le prix de la location. II.2 EVO OLUTION DU RAPPORT T DU PRIX DE L’IMMOB BILIER ET DU LOYER En théoriie, si le prix de l’actif s’’aligne en teendance sur sa valeur fonndamentale,, la croissancce des loyerrs tend à faire augmenteer les prix. L La hausse générale g des loyers devra suffire pouur expliquerr la hausse constatée c su ur les prix dde l’immobillier, ce qui exclut e l’évenntualité d’unne bulle spéculative. Nééanmoins, su ur le marchéé immobilierr dakarois, ill existe des périodes p où la flambée des d prix de l’immobilier l r ne semble guère justifiiée par les pprix de la loccation, d’où le soupçon de d l’existencce de bulles périodiques Dans le cadre de ceette étude, l’’absence de séries statisstiques longgues des loy yers conduit à restreindrre la comparraison prix-looyer sur la période p 1980 0-2008. FIGURE I II.5 : Rapport R prix dee l’immobilier/lloyer du secteuur Dakar-Plateeau (base 100 = 1980) 160 140 120 100 80 60 40 20 0 2008 2006 2004 2002 2000 1998 7 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 Soources : Calcuul des services de d la DPEE FIGURE II.6 : Rapport R prix dee l’immobilier//loyer du secteuur Grand-Dak kar (base 100 = 1980) 300 0 250 0 200 0 150 0 100 0 50 0 0 2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 S Sources : Calccul des servicess de la DPEE FIG GURE II.7 : Ra apport prix de l’immobilier/loy l oyer du secteur Dakar-Banlieeue (base 100 = 1980) 400 350 300 250 200 150 100 50 0 2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 Sou urces : Calcull des services de d la DPEE FIGURE II.8 : Rapportt prix de l’imm mobilier/loyer à Dakar (base 100 = 1980) 300 250 200 150 100 50 0 2008 2006 2004 2002 2000 1998 8 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 Soources : Calcuul des services de d la DPEE Les graphiques II.5, II.6, II.7, et II.8 montrent que du début des années 80 à la fin des années 90, le prix de l’immobilier rapporté au loyer a évolué de manière plus ou moins stable, ce qui implique que la hausse du premier semble bien expliquée par celle du dernier5. Durant cette période, même si, par moment, le prix de l’immobilier croît plus vite que celui de la location, il s’ensuit un effet de rattrapage synonyme d’un marché (ré)équilibré. Toutefois, les graphiques présentent une tendance haussière très marquée les huit dernières années. De manière générale, la hausse du prix du logement ne semble pas expliquée par les loyers effectifs. On peut donc soupçonner l’existence d’une bulle spéculative sur le marché de l’immobilier. 5 La croissance des loyers a pu avoir plusieurs explications qui n’étaient d’ailleurs pas incompatibles. Elle a dû résulter d’une dérégulation dans un marché jusqu’alors stabilisé par l’instauration des structures telles que la SICAP et SN HLM qui détenaient un important parc locatif permettant de fixer les prix de la location à des niveaux très accessibles aux personnes à revenu modéré. Ces sociétés immobilières ont perdu leur vocation de régulateurs avec la disparition du parc locatif, accentuant ainsi la contraction de l’offre locative. A cela s’ajoute une forte croissance de la demande locative. Enfin, le cadre juridique inapproprié et l’insuffisance voire l’absence de structure chargée du contrôle des loyers, ont contraint le marché à une totale dérèglementation. 9 III REVUE DE LA LITTERATURE Il existe deux approches usuelles pour tester la présence de bulles rationnelles : les tests directs et les tests indirects. Les premiers sont fondés sur l’estimation d’une spécification paramétrique du processus de formation de la bulle (voir Flood et Garber, 1980 ; Flood et al., 1984). Cependant, ces tests directs sont soumis à la critique selon laquelle ils ne sauraient détecter des bulles autres que celles appartenant spécifiquement à la classe de paramètres estimés, si bien que le non rejet de l’hypothèse d’absence de bulle n’implique pas nécessairement l’absence d’autres types de bulles. Cet article s’intéresse plutôt à la classe des tests indirects lesquels ne font pas appel à une spécification paramétrique explicite de la bulle. Ces types de test proposés par Diba et Grossman (1984, 1988) et Hamilton et Whiteman (1985), se basent sur l’analyse de l’ordre d’intégration d’une paire de variables6. En effet, si le prix (par exemple : le prix de l’immobilier, le prix d’une action ou l’indice des prix à la consommation) n’est pas plus explosif que la variable fondamentale qui l’explique (par exemple : le loyer, les dividendes ou l’expansion monétaire) alors il serait pertinent de conclure à la non-existence de bulle rationnelle. De telles hypothèses peuvent être testées à l’aide de modèles d’autocorrélation, de tests de racine unitaire et de tests de cointégration7. Cependant, Hall et al. (1999) montrent que cette procédure de tests indirects n’est pas toujours fiable. Dans la majorité des travaux, la difficulté survient dans l’analyse des propriétés de stationnarité de la série temporelle en question. Les tests utilisent généralement l’hypothèse nulle de racine unitaire contre l’hypothèse alternative unilatérale de la stationnarité plutôt que celle de l’explosivité, sur la série en niveau et en différences. Bien que ces tests standards sont théoriquement en mesure de révéler l’existence d’une tendance 6 Il existe d’autres procédures indirectes basées notamment sur des tests de variance-bounds (Shiller, 1981 ; LeRoy et Porter, 1981), des tests de spécification (West, 1987 ; Durlauf et Hooker, 1994 ; Hooker, 1996), et des régressions à changement de régime van Norden, 1996). Gurkaynak (2005) propose une revue de littérature très riche dans ce domaine Par ailleurs, dans le cas spécifique d’une bulle immobilière, on peut citer une autre approche de détermination de bulle est fondée sur une équation d’arbitrage entre actifs immobiliers et actifs financiers permettant en théorie d’analyser l’évolution de la « prime de risque » pesant sur les actifs immobiliers (voir Weeken, 2004). 7 S’agissant des relations de cointégration, des modèles structurels sont développés pour estimer l’écart entre le prix réel de l’immobilier et celui donné par ses fondamentaux. C’est le cas de McCarthy et Peach (2004) qui mettent en évidence un modèle structurel permettant d’évaluer deux grandeurs: d’une part, l’écart entre le prix observé sur le marché immobilier et le prix lié aux évolutions des fondamentaux de la demande; d’autre part l’écart entre le prix observé et le prix lié aux évolutions des déterminants de l’offre. Dans cette modélisation, qui s’inscrit dans une perspective de long terme, tout écart important entre le prix observé et le prix de demande d’équilibre et/ou le prix d’offre d’équilibre pourra s’interpréter comme une preuve de l’existence d’une bulle immobilière. La même approche est utilisée par Bessonne et al. (2005) pour le marché immobilier parisien. 10 explosive (puisque la racine explosive implique que la le série ne peut être stationnaire même après plusieurs différentiations), leur application aux échantillons de taille moyenne ou réduite n’est pas une tâche aisée. Dans la réalité, lorsque l’échantillon est petit, la série contenant une bulle explosive se comporte comme une série stationnaire lorsqu’elle est différenciée une ou plusieurs fois. En plus de ces difficultés, Evans (1991) démontre que l’utilisation des tests standards de racine unitaire et de cointégration sur les prix et leurs fondamentaux peut conduire à réfuter à tort l’hypothèse d’existence de bulle rationnelle, cela pour une importante classe de bulles qui se développent et s’effondrent périodiquement. En effet, du fait du principe usuel de normalité de l’erreur, un test basé sur l’estimation des coefficients autorégressifs tend à faire la moyenne des parties explosives et non explosives de la série générant ainsi des biais dans la règle de décision relative au rejet de l’hypothèse d’explosivité8. La formalisation mathématique des tests de Diba et Grossman (1988) ainsi que la critique subséquente d’Evans (1991) permettent de mieux étayer la réflexion portant sur les mécanismes de formation d’une bulle ainsi que les tests de détection mis en œuvre. LES TESTS DE DIBA ET GROSSMAN (1988) Pour effectuer leur test de stationnarité, Diba et Grossman supposent que le processus de génération des données est le suivant (voir Gurkaynak, 2005 ; Xiao et Tan, 2005) : ( Pt = (1 + r )−1 Et Pt +1 + αd t +1 + ut +1 ∞ ( Ft = ∑ (1 + r )− j Et αd t + j + ut + j j =1 ) (III.1) ) (III.2) Bt +1 = (1 + r )Bt + zt (III.3) Pt = Ft + Bt (III.4) Où Pt est le prix réel de l’actif à la date t (dans notre cas c’est le prix réel de l’immobilier), dt+1 le dividende réel généré par l’actif entre t et t+1 (dans notre cas c’est la rente ou le loyer), r est le taux d’intérêt réel compatible avec le taux d’actualisation des gains espérés en capital, α est le ratio des dividendes futurs sur les gains futurs en capital, Et dénote l’espérance conditionnelle tenant compte de toute l’information disponible sur le marché à la date t,{Bt} 8 Pour contourner ces obstacles Im (1996) et Im et Schmidt (2000) analysent le skewness et l’excès de kurtosis engendrés par la présence de bulles dans la série temporelle en question. Cette analyse permet de corriger les résidus de la relation de cointégration afin que l’estimation du vecteur de cointégration soit efficiente. Cette procédure est appelée méthode RALS (Residuals-Augmented Least Squares) 11 est une séquence de variables aléatoires qui satisfait une forme autorégressive telle que décrite par l’équation (III.3), {zt} une séquence de variables aléatoires indépendamment et identiquement distribuée de moyenne nulle, et ut une variable observée ou construite par les participants du marché mais que le chercheur n’observe pas. L’équation (III.1) décrit un modèle standard d’efficience du marché de l’actif, tandis que l’équation (III.2) représente sa solution fondamentale. L’équation (III.4) donne la solution générale de (III.1) comme étant la somme des composantes fondamentales du marché (Ft) et d’une composante sous forme de bulle rationnelle (Bt). Les auteurs supposent que dt est non stationnaire en niveau tandis que sa différence première et ut sont stationnaires. Ainsi, en absence de bulle rationnelle, Pt est non stationnaire en niveau et stationnaire en différence. Cependant, lorsque la bulle existe, la variable Pt ne peut être stationnaire même après plusieurs différentiations9. En appliquant les tests ADF standards, Diba et Grossman concluent que les prix des actifs et leurs dividendes associés ne sont pas stationnaires en niveau mais sont stationnaires en différence première, ce qui implique la non existence de bulle. Ils effectuent également le test de cointégration sur les prix et les dividendes. Des réarrangements faits sur les équations (III.2) et (III.4) forment l’équation suivante : ⎡∞ ⎤ ∞ Pt − αr −1d t = Bt + αr −1 ⎢ ∑ (1 + r )1− j Et Δd t + j ⎥ + ∑ (1 + r )− j Et ut + j ⎢⎣ j =1 ⎥⎦ j =1 (III.5) Si ut est stationnaire en niveau et dt en différence première et si Bt est nul, alors Pt et dt sont cointégrés avec comme vecteur de cointégration : v = (1, αr -1). Cependant les résultats des tests semblent mitigés ce qui peut être dû, selon les auteurs, à la variable inobservable ut. Pour tester la stationnarité de ut les auteurs ont recours à l’équation ci-après qui découle de l’équation (III.1) : Pt +1 + αd t +1 + (1 + r )Pt = et +1 − ut +1 (III.6) ( Ou et+1 est l’erreur de prévision : et +1 = Pt +1 + αd t +1 + ut +1 − Et Pt +1 + αd t +1 + ut +1 ) Ainsi, en vérifiant que la partie de gauche de l’équation (III.6) forme une relation de cointégration, les auteurs montrent que ut est stationnaire d’où Pt et dt sont cointégrés. En conséquence, les tests ADF effectués sur Pt et dt donnent les conclusions suivantes. 9 Cela est dû au fait que la bulle Bt est générée par un processus qui n’est ni stationnaire ni inversible : [1-(1-r)L](1-L) Bt = (1-L)zt, où L est un opérateur retard. 12 - Si dt est stationnaire en différence et s’il n’existe pas de bulle, alors Pt est aussi stationnaire en différence - Si dt est stationnaire mais qu’il existe une bulle, alors Pt est explosif - Enfin, Pt et dt sont tous les deux explosifs, alors on ne peut pas parler de bulle, l’explosion sur le prix étant parfaitement expliquée par celle de sa variable fondamentale. LA CRITIQUE D’EVANS (1991) En plus de la remarque empirique de Hall et al. (1999) sur le comportement fallacieux d’une variable explosive lorsqu’elle est différenciée un certain nombre de fois, Evans démontre qu’une bulle qui apparait et s’effondre de manière irrégulière peut difficilement être détectée par un test ADF standard. Son modèle est semblable à celui de Diba et Grossman exception faite du paramètre α qui est égal à l’unité et de la séquence ut qui est nulle. Puisque la bulle rationnelle n’est définie que via l’équation (III.3), il existe en principe une infinité de formes fractionnaires qui satisfont à cette équation différentielle stochastique. Evans décrit une classe plausible de bulles rationnelles positives qui s’estompent périodiquement. Ces bulles prennent la forme suivante : ⎧ ⎪ ⎪(1 + r )Bt ωt +1 ⎪ Bt +1 = ⎨ ⎪ ⎪⎡δ + 1 + r ⎛⎜ Bt − δ ⎞⎟ξ t +1 ⎤ωt +1 ⎢ ⎥ π ⎝ 1+ r ⎠ ⎦ ⎩⎪⎣ si Bt ≤ β (III.7.a) si Bt > β (III.7.b) Où δ et β sont des scalaires réel tels que 0 < δ < (1+ r) β, {ωt} est un processus i.i.d avec Et ωt=1, et {ξt} est un processus de Bernoulli indépendant de {ωt}, tel que Pr(ξt = 0) = 1 – π et Pr(ξt = 1) = π ; 0 1 . De ce fait, la bulle croît de deux manières différentes : si Bt β alors la bulle croît au taux moyen de (1+ r). Si par contre Bt > β, la bulle croît plus rapidement avec un taux moyen de (1+ r)/ π, mais elle peut s’effondrer à tout instant avec une probabilité de 1 – π. L’argument de base d’Evans est que les tests d’intégration et de cointégration peuvent être robustes pour détecter une bulle rationnelle uniquement dans le cas où cette dernière s’étend 13 à la majeure partie de la l’échantillon considéré10. En théorie, comme le montre l’équation (III.7.a), une bulle déterministe peut perdurer infiniment et l’utilisation d’un test ADF standard est suffisamment pertinente pour détecter une telle bulle. Néanmoins, les faits réels de ce monde ne peuvent pas être caractérisés par une bulle déterministe ; la présence d’une bulle ne peut être que stochastique ou périodique si bien qu’une phase d’expansion devrait nécessairement être suivie par une phase de contraction (équation III.7.b). Le problème crucial rencontré avec la formulation de l’équation (III.7.b) est que cette dernière ne caractérise le comportement de la bulle que dans sa phase d’expansion. En conséquence un test de détection de bulle ne peut être efficient que lorsqu’il est en mesure d’identifier les points de l’échantillon qui correspondent à des phases explosives. Pour identifier ces périodes explosives, Van Norden (1996) et Hall et al. (1999) proposent le test de racine unitaire avec changement de régime de Markov (the Markov-switching unit root test)11. Ce test est pertinent dans le sens qu’il permet de distinguer les phases explosives des phases non explosives et d’affecter à tout instant t une probabilité d’occurrence à chacune des phases. 10 Raison pour laquelle Xiao et Tan (2005) ont divisé leur échantillon en de courtee périodes afin que leurs ADF puissent être robustes. 11 Voir également Van Norden et Vigfusson (1996). Par la suite, au cours des années 2000, plusieurs auteurs ont utilisé ce type de test pour identifier la présence de bulles et les résultats sont très probants, voir Garino et Sarno, (2004) et Xiao et Tan (2005). 14 IV TEST DE RACINE UNITAIRE AVEC CHANGEMENT DE REGIME DE MARKOV IV.1 LE PRINCIPE DU TEST Une approche conventionnelle de construction d’un test d’hypothèses selon lequel la composante stochastique de la série temporelle {yt }t =1 est caractérisée par la présence d’une T racine unitaire autorégressive, est basée sur des modèles de régression de la forme : k Δyt = ρ yt −1 + ∑ψ l Δyt − l + μ 0 + μ1t + ζ t (IV.1) l =1 Où Δ est l’opérateur de différence première, { ζ t } un bruit blanc et k le nombre de retards optimal (voir Dickey et Fuller, 1981 ; Saïd et Dickey, 1984). Ce type de test est appelé test ADF (Augmented Dickey Fuller). Le coefficient associé à yt-1 sert de base pour tester l’hypothèse nulle de racine unitaire autorégressive et la statistique du test est calculée sous H0 où ρ = 0. Comme il a été montré dans la section précédente, les tests du type ADF se révèlent inappropriés pour détecter la présence de bulles ponctuelles. En conséquence, cette section propose la généralisation du test ADF qui offre la possibilité que la dynamique de {yt } puisse changer de comportement à travers les différentes parties de l’échantillon. En particulier, il est supposé que les paramètres de l’équation (IV.1) peuvent être influencés par l’état (ou le régime) dans lequel le processus se situe à une date donnée. Il convient de rappeler que le choix d’une telle spécification sied bien au contexte de bulles spéculatives qui s’effondrent périodiquement, où les deux régimes correspondent aux phases d’expansion et de détérioration de la bulle. De plus, les changements de régime s’opérant de manière endogène et aléatoire, ce modèle se trouve être une généralisation des spécifications adoptées par Perron (1990) et Perron et Vogelsang (1992) où la structure de la série est affectée par un break exogène à une date précise. Ainsi, le modèle à changement de régime de Markov (Markov-switching Model) est formulé de manière à ce que les paramètres de l’équation (IV.1) puissent varier dans le temps, soit : k Δyt = ρ st yt −1 + ∑ψ ls t Δyt − l + μ 0s t + μ1s t t + ε t (IV.2) l =1 15 Où {εt} est une séquence de variables aléatoires indépendamment et identiquement distribuées, de moyenne nulle et de variance égale à l’unité. Suivant la démarche de Goldfeld et Quandt (1973) et Hamilton (1989, 1990, 1994), la nature choisit un régime à la date t avec une probabilité qui dépend du régime dans lequel se trouvait le processus à la date t –1. La séquence aléatoire {st} est alors décrite par une chaîne de Markov à deux régimes, définie sur l’espace {1, 2}, avec comme probabilités de transition : p11 = Pr (st = 1 st −1 = 1) p12 = Pr (st = 2 st −1 = 1) p21 = Pr (st = 1 st −1 = 2 ) p22 = Pr (st = 2 st −1 = 2 ) (IV.3) Les spécifications (IV.2) et (IV.3) généralisent ainsi le modèle linéaire (IV.1) en permettant aux paramètres de changer en fonction du régime qui détermine le processus à la date t. La statistique du test de racine unitaire sous son hypothèse nulle, quelque soit le régime (c'està-dire, ρ 1 = 0 et /ou ρ 2 = 0 ), peut être construite grâce à l’utilisation de procédures basées sur la vraisemblance. En effet, en supposant la normalité du terme d’erreur, l’équation (IV.2) est estimée de manière récursive, à l’aide d’un algorithme de filtrage non linéaire. La procédure d’estimation est résumée à la sous-section suivante. L’estimation des paramètres ρ st , st {1, 2}, permet de tester pour chacun des deux régimes l’hypothèse nulle de racine unitaire ( ρ st = 0 ), contre l’hypothèse alternative qui peut être soit la stationnarité ( ρ st < 0 ), soit l’explosivité ( ρ st > 0 ). IV.2 PROCEDURE D’ESTIMATION DU MODELE A CHANGEMENT DE REGIME DE MARKOV L’hypothèse de normalité des erreurs permet de représenter les fonctions de densité de Δyt comme suit : 2 ⎡ ⎧ ⎛ k ⎞ ⎫⎤ ⎢ ⎪ − ⎜ Δyt − ρ 1 yt −1 − ∑ψ l1Δyt − l − μ 01 − μ11t ⎟ ⎪ ⎥ ⎟ ⎪⎥ ⎢ 1 ⎪⎪ ⎜ l =1 ⎠ ⎪⎥ exp⎨ ⎝ ⎢ ⎬ 2 σ 2 ⎢ 2π σ ⎪ ⎪⎥ ⎢ ⎪ ⎪⎥ ⎪ ⎡ f (Δy t st = 1, I t −1;θ )⎤ ⎢ ⎩ ⎭⎪ ⎥ ηt = ⎢ ⎥=⎢ 2 ⎫⎥ ⎧ ⎛ k ⎣ f (Δy t st = 2, I t −1;θ )⎦ ⎢ ⎞ ⎪ − ⎜ Δyt − ρ 2 yt −1 − ∑ψ l2 Δyt − l − μ 02 − μ12t ⎟ ⎪⎥ ⎢ ⎟ ⎪⎥ ⎜ ⎪ l =1 ⎠ ⎪⎥ ⎢ 1 exp⎪⎨ ⎝ ⎬⎥ 2 ⎢ 2π σ 2 σ ⎪ ⎪⎥ ⎢ ⎪ ⎪⎥ ⎢ ⎩⎪ ⎭⎪⎦ ⎣ 16 (IV.4) Ou It est un vecteur contenant l’ensemble des informations disponibles à la date t, et θ le vecteur des paramètres : ( ) ( ) ′ ′ I t = Δyt' , Δyt' −1 ,......, Δy−' m , Wt' , Wt'−1 ,......, W−' m ; θ = ρ st ,ψ lst , μ 0st , μ1st , σ , p11 , p12 , p21 , p22 La matrice Wt = ( yt −1 , Δyt −1 ,..., Δyt − k , const , t ) représente l’ensemble des régresseurs de l’équation (IV.2). L’objectif est d’estimer le vecteur θ mais pour le moment il est supposé que sa valeur est connue avec une certaine précision. Cela dit, la connaissance de θ ne suffit pas pour identifier le régime st dans lequel se trouve le processus à tout instant t dans l’échantillon. Suivant Hamilton (1994), il est possible de spécifier l’inférence probabilistique relative à la valeur de st. Cette inférence dépend de toute l’information disponible. Notons Pr{st= i / It ;θ}, l’inférence relative à la valeur st qui dépend des données disponibles à la date t ainsi que des connaissances sur les paramètres de la population θ. Cette inférence prend ainsi la forme d’une probabilité conditionnelle mesurant la « chance » que la tième observation soit générée par le régime i. Les probabilités conditionnelles Pr(st= i / It ; θ) pour i = 1,2 sont collectées dans le vecteur ξt/t de taille (2x1). On peut également former des prévisions sur le régime dans lequel se situera le processus à l’instant t+1 étant données les observations disponibles à la date t. Ces prévisions sont collectées dans le vecteur ξt+1/t de taille (2x1), chacune des deux lignes étant composée de Pr(st+1= i / It ; θ) pour i= 1,2. Ainsi, l’inférence optimale, à tout instant t de l’échantillon, est obtenue par itération en s’appuyant sur les deux équations suivantes : ξˆt / t = (ξˆt / t −1Θηt ) 1′(ξˆt / t −1Θηt ) ξˆt +1 / t = Pξˆt / t (IV.5) (IV.6) Où P désigne la matrice des probabilités de transition appelée encore matrice de transition ⎡p P = ⎢ 11 ⎣ p12 p21 ⎤ , 1 représente un vecteur de taille (2x1) composé de chiffres 1, le symbole Θ p22 ⎥⎦ désigne la multiplication d’élément par élément. Partant d’une valeur initiale ξ1/0 et en supposant que les paramètres du vecteur θ sont connus, on peut procéder à des itérations sur 17 les équations (IV.5) et (IV.6) pour calculer les valeurs de ξt/t et ξt+1/t à tout instant t = 1,2,….T. Pour rappel, il est supposé que les paramètres du vecteur θ sont connus afin de pouvoir calculer les probabilités ξt/t et ξt+1/t, mais en réalité ce vecteur doit être estimé. Pour ce faire, il y a lieu de maximiser la fonction de vraisemblance des données observées à l’aide d’un algorithme d’optimisation numérique. Cette étude fait appel à l’algorithme ExpextationMaximisation (EM algorithm) utilisé pour maximiser le logarithme de la fonction de vraisemblance des données réelles laquelle est exprimée ci dessous12 : T L (θ ) = ∑ log f (Δyt Wt , I t −1 ,θ ) t =1 ( f (Δyt Wt , I t −1 ,θ ) = 1′ ξˆt / t −1Θη t Où (IV.7) ) (IV.8) En définitive, la procédure d’estimation des paramètres et des inférences Pr(st= i / It ; θ) suit les étapes suivantes13 : Etape 1: choisir des ( valeurs arbitraires pour les paramètres du vecteur )′ θ = ρ st ,ψ lst , μ 0st , μ1st , σ , p11 , p12 , p21 , p22 ; Etape 2 : calculer les probabilités filtrées Pr(st= i / It ; θ) à l’aide des équations (IV.5) et (IV.6) ; Etape 3 : faire la régression par les MCO de Δyt Pr(st = j I t ;θˆ) sur Wt Pr(st = j I t ;θˆ) et obtenir les estimations par le maximum de vraisemblance des coefficients ρˆ st ,ψˆ lst , μˆ 0st et μ̂1st , st {1,2}, l =1,2…k ; 12 L’algorithme EM (Expectation-maximization algorithm) est connu pour être efficient, simple et stable, voir Hamilton (1990,1994). Voir également Xiao et Tan (2005) pour l’analyse des propriétés asymptotiques de l’estimateur par le maximum de vraisemblance. 13 Les inférences Pr{st= j / It ;θ} sont également appelées les probabilités filtrées (filtered probabilities) du fait qu’elles découlent de l’algorithme de filtrage représenté par les équations (IV.5) et (IV.6). 18 Etape 4 : réinitialiser σ en utilisant les résidus de la régression de l’étape 3 : σˆ 2 = 2 k k st =1 l =1 l =1 ∑ (Δyt − ρˆ st yt −1 − ∑ψˆ lst Δyt −l + μˆ 0st − μˆ1st t )′(Δyt − ρˆ st yt −1 − ∑ψˆ lst Δyt −l + μˆ 0st − μˆ1st t ) 2 × (T − N ) Où N est le nombre de coefficients estimés ; Etape 5 : réinitialiser les probabilités de transition pij : T pij = ∑ Pr(st = j, st −1 = i t =2 T ∑ Pr(st −1 = i t =2 I t ; θˆ) ; I t ;θˆ) Etape 6 : réinitialiser les valeurs initiales ξ1/0 comme étant la moyenne des probabilités filtrées : ξˆ1 0 = 1 ∑ ξˆt t ; T t Etape 7 : répéter les étapes 2, 3, 4, 5 et 6 jusqu’à ce que la vraisemblance converge. La connaissance des estimateurs des paramètres de l’équation (IV.2) permet de tester l’existence d’une racine unitaire, mais auparavant, il importe de connaître la distribution de ces estimateurs. S’il est difficile d’identifier de manière théorique les propriétés asymptotiques des statistiques des tests ADF avec changement de régime, il est possible de procéder à des techniques d’échantillonnage de façon à générer leur distribution empirique. IV.3 LE PRINCIPE DU BOOTSTRAP OU REECHANTILLONNAGE Si les distributions théoriques des statistiques des tests standards de racine unitaire sont connues et tabulées sous l’hypothèse nulle14, celles relatives aux tests ADF avec changement de régime restent inconnues mais peuvent être générées à l’aide du boostrap. 14 Voir Dickey et Fuller (1979), Mackinnon (1991 et 1996), Hamilton (1994). 19 Le bootstrap est une méthode qui consiste à faire de l’inférence statistique sur de nouveaux échantillons tirés à partir de l’échantillon initial. Disposant d’un échantillon destiné à donner une certaine information sur une population, la technique consiste à reconstituer un nouvel échantillon de même nature à travers des tirages aléatoires avec remise. La procédure est répétée M fois, où M est un nombre assez grand. Les nouvelles observations ainsi obtenues sont analysées afin d’affiner l’inférence faite sur l’échantillon initial. En somme, le bootstrap s'organise autour d'une technique de rééchantillonnage (ou resampling), accompagnée d'un grand nombre d'itérations qui résultent de l'application de la méthode de Monte-Carlo. Xiao et Tan (2005) font remarquer que le bootstrap donne une approximation de la distribution d’un estimateur ou d’une statistique avec au moins autant de précision qu’une approximation obtenue à partir de la théorie asymptotique au premier ordre15. Les étapes du boostrap sont décrites ci après : ( ) Etape 1 : recueillir le vecteur des paramètres estimés βˆ = ρˆ st ,ψˆ lst , μˆ 0st , μˆ1st et les résidus {εˆ}Tt=1 issus du modèle ( IV. 2) ; Etape 2 : simuler deux termes d’erreur aléatoire es, où s = 1,2 ; (es peut être un processus aléatoire indépendamment et identiquement distribué ou un processus ARCH) ; Etape 3 : construire deux nouvelles séries Δyt, correspondant aux deux régimes, à partir de βˆ et des résidus simulés comme suit : k Δy1(1) = ∑ψˆ lst Δy− l + μˆ 0st + μˆ1st × 1 + e1s l =1 k Δy2(1) = ψˆ1st Δy1(1) + ∑ψˆ lst Δy− l + μˆ 0st + μˆ1st × 2 + e2s l =2 k Δy3(1) = ψˆ1st Δy1(1) + ψˆ 2st Δy2(1) + ∑ψˆ lst Δy− l + μˆ 0st + μˆ1st × 3 + e3s l =3 ....... k ΔyT(1) = ∑ψˆ lst ΔyT(1−) l + μˆ 0st + μˆ1st × T + eTs l =1 Où Δyt(1) constitue la valeur simulée de Δyt , et 15 Voir Handbook of Econometrics, vol. 5, chapitre 52, pour des détails relatifs à la procédure d’échantillonnage ainsi qu’à la pertinence du boostrap. 20 Δy− l , les l premières valeur de Δyt . Etape 4 : estimer le modèle ( IV. 2) avec le nouvel échantillon afin d’obtenir un nouveau vecteur de paramètres β̂ (1) . Etape 5 : répéter 10000 fois les étapes 2, 3 et 4 pour obtenir 10000 estimations des { } coefficients du vecteur βˆ , c'est-à-dire βˆ (i ) 10000 i =1 . Ainsi, il devient possible de générer sous H0, la distribution de la statistique du coefficient rho et de déterminer les intervalles de confiance selon les niveaux du risque de première espèce. Il arrive en pratique que le terme d’erreur e ne soit pas un processus i.i.d du fait que les résidus issus du modèle Markov-Switching font apparaitre, par moment, des fluctuations plus erratiques. Dans ce cas, le terme d’erreur est simulé selon un processus ARCH(q) de la forme : ⎡ q ⎤ i =1 ⎥⎦ ε t = ut ⎢α 0 + ∑ α iε t2− i ⎥ , ⎢⎣ ( IV. 9) où ut → iid (0,1) Et donc : E (ε t ε t −1 ) = 0 q V (ε t ε t −1 ) = α 0 + ∑ α i ε t2− i ( IV. 10) i =1 Cov(ε t ε t −1 ) = 0 , pour i ≥ 1 Le nombre entier q est choisi suivant le test de Fischer. Les équations ( IV. 9) et ( IV. 10) donnent les caractéristiques des résidus qui sont hétéroscedastiques mais ne présentent pas de corrélation sérielle. Ce modèle ARCH (q) peut être estimé suivant la procédure proposée par Bollerslev (1986) et Green (1997) : 1. régresser les résidus au carré sur leur q valeurs retardées pour avoir les premières estimations des αi, notés âi, i = 0,1…q ; 21 q 2. calculer les variances conditionnelles en utilisant la formule : σ 2 = aˆ 0 + ∑ aˆiε t2− i , i =1 q ⎛ e ⎞ e2 1 puis, estimer le modèle qui suit : ⎜ t2 − 1⎟ = d 0 2 + ∑ d i t −2i + vt ; ⎟ ⎜σ σ t i =1 σ t ⎝ t ⎠ q 3. l’estimateur asymptotiquement efficient de αi est donné par α 0 + ∑ α iε t2−i αˆ i = aˆi + dˆi i =1 . Ces paramètres sont utilisés pour simuler les termes d’erreur dans la procédure du bootstrap. 22 V RESULTATS Cette section cherche à examiner l’état de stationnarité des indices de prix de l’immobilier à Dakar, l’objectif étant d’identifier à tout instant t les parties non stationnaires qui sont attribuables à l’avènement de bulles explosives. La principale variable fondamentale expliquant l’évolution des prix de l’immobilier est le prix de la location. Ainsi, des changements simultanés dans les comportements d’un prix de l’immobilier et du loyer impliqueraient que les tendances explosives du prix sont imputables à celle de ses fondamentaux du marché. Cependant, si ces changements ne sont pas synchronisés, alors la présence de racine explosive sur le prix de l’immobilier induit de manière pertinente la formation d’une bulle rationnelle. Le test Dickey-Fuller Augmenté avec changement de régime (Markov-switching model) est appliqué aux indices des prix de l’immobilier et à celui de la location. L’estimation de ce type de modèle (équation IV.2) requiert certaines spécifications préalables quant au nombre de retards et à l’existence ou non d’une constante et/ou d’un trend. Les résultats sont résumés au tableau V.1. Si l’hypothèse H0 reste conforme à la nullité du s coefficient ρ t quelque soit le régime (ρ1 =0 et ρ2 =0), le choix de l’hypothèse alternative est ici guidé par le signe de ce coefficient. En effet, un signe négatif (resp. positif) de rho incite à opter pour la stationnarité (resp. l’explosivité) pour l’hypothèse H1. Pour toutes les séries, la spécification à deux régimes parait donner de meilleurs résultats. En ce qui concerne le régime représenté par st = 1, les estimations de rho sont positives et l’hypothèse de racine unitaire est rejetée en faveur de la racine explosive avec un risque de 1 % pour toutes les séries à l’exception du LOYER. Pour cette dernière série, H0 est rejetée à 5%. S’agissant du régime st = 2 caractérisé par des estimations négatives de rho, l’hypothèse de stationnarité ne peut être rejetée à 1% pour les séries PLATEAU, BANLIEUE et DAKAR, et à 5% pour les séries GRD et LOYER. En somme, les variables sont caractérisées à la fois par un régime non explosif représenté par l’état 2 et un régime explosif représenté par l’état 1. Les épisodes explosifs, lorsqu’ils surviennent, persistent en moyenne environ 10 ans pour la variable PLATEAU, 5,2 ans pour GRD, 4 ans pour BANLIEUE, 7,3 ans pour DAKAR et 11 ans pour LOYER. Quant aux 23 TABLEAU V.1 : Test de raine unitaire du type ADF avec changement de régime de Markov st = 1 ETAT 1 Valeurs Critiques (avec 10000 échantillons Boostrap) SERIES [k] rho (ρst) t-stats PLATEAU [1] 0,11 GRD [0] Bornes inférieures Bornes supérieures Min Max 1% 5% 10% 10% 5% 1% 1,94 -1,76 -1,22 -0,94 0,96 1,23 1,73 -3,48 66,61 0,04 3,07 -2,53 -1,74 -1,36 1,20 1,52 2,12 -4,79 3,49 BANLIEUE [1] 0,13 3,86 -2,32 -1,67 -1,29 1,26 1,62 2,30 -3,59 3,83 DAKAR [4] 0,48 2,58 -2,38 -0,59 -0,37 0,35 0,55 2,02 -45,74 15,15 LOYER [0] 0,21 1,76 -2,31 -1,67 -1,31 1,24 1,62 2,29 -3,67 4,25 st = 2 ETAT 2 PLATEAU [1] -0,12 -1,33 -0,69 -0,46 -0,34 0,35 0,46 0,72 -100,58 1,31 GRD [0] -0,10 -1,95 -2,57 -1,75 -1,36 1,18 1,53 2,11 -4,08 3,11 BANLIEUE [1] -0,08 -3,00 -2,37 -1,68 -1,30 1,26 1,61 2,33 -3,86 3,50 DAKAR [4] -0,49 -1,84 -1,19 -1,10 -1,07 0,07 0,10 0,21 -2,85 3,82 LOYER [0] -0,05 -1,75 -2,37 -1,63 -1,28 1,28 1,65 2,31 -3,57 4,01 Note : [k] représente le nombre de retards appliqués dans les modèles. Les spécifications du test ADF (nombre de retards, constante trend) ont été reportées dans l’estimation du modèle à changement de régime. Les valeurs critiques sont calculées par la méthode boostrap à partir de 10000 échantillons générés sous H0. 24 FIGURE V.1 : Probabilité d’apparition des phases explosives Pr ( st = 1 I t ,θˆ) pour les indices PLATEAU et LOYER 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 0 Représente la probabilité que l’indice PLATEAU soit dans son état explosif Représente la probabilité que l’indice LOYER soit dans son état explosif FIGURE V.2: Probabilité d’apparition des phases explosives Pr ( st = 1 I t ,θˆ) pour les indices GRD et LOYER 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 1,1 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Représente la probabilité que l’indice GRD soit dans son état explosif Représente la probabilité que l’indice LOYER soit dans son état explosif 25 FIGURE V.3: Probabilité d’apparition des phases explosives Pr ( st = 1 I t ,θˆ) pour les indices BANLIEUE et LOYER 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 1,1 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Représente la probabilité que l’indice BANLIEUE soit dans son état explosif Représente la probabilité que l’indice LOYER soit dans son état explosif FIGURE V.4: Probabilité d’apparition des phases explosives Pr ( st = 1 I t ,θˆ) pour les indices DAKAR et LOYER 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 1,1 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Représente la probabilité que l’indice DAKAR soit dans son état explosif Représente la probabilité que l’indice LOYER soit dans son état explosif 26 périodes non explosives, elles durent en moyenne environ 12,5 ans pour la variable PLATEAU, 5,2 ans pour GRD, 11,3 ans pour BANLIEUE, 11,5 ans pour DAKAR et 2 ans pour LOYER. Pour les quatre premières variables (c'est-à-dire les indices PLATEAU, GRD, BANLIEUE et DAKAR), les probabilités d’apparition du régime explosif en tout point t de l’échantillon, Pr(st= 1 / It ; ), sont présentées respectivement aux graphiques V.1, V.2, V.3 et V.4. Le prix de la location étant la principale composante fondamentale des prix de l’immobilier, la probabilité d’apparition de son régime explosif est également jointe à tous les graphiques. Rappelons qu’en toute date t une bulle n’est identifiée que lorsque l’indice de prix de l’immobilier est dans sa phase explosive alors que celui de la location ne l’est pas. Dans cette étude la présence de racine explosive est retenue si la probabilité d’apparition de l’état explosif est supérieure ou égale à 60 % : [Pr(st= 1 / It ; ) 0,6]. Dès lors, il est possible d’identifier les périodes d’apparition de bulles. Notons avant tout que l’existence de racine explosive sur l’indice LOYER entre 1999 et 2000, permet d’écarter toute présence éventuelle de bulle dans cette période. Dans la zone Plateau, la bulle immobilière n’apparaît que de façon ponctuelle. Cependant, étant donné que cette zone a été la première à être touchée par les tensions sur les prix, la bulle est apparue dès le début des années quatre vingt dix, précisément en 1992 et 1994. Plus récemment la bulle est apparue en 2003 puis en 2007 et 2008. La cherté de plus en plus accrue de la propriété foncière dans le centre ville (plateau) a favorisé le déplacement massif des zones d’habitation vers des milieux moins densément occupés. Dans ces derniers, la terre a commencé à prendre de la valeur à la hauteur de l’effervescence constatée au niveau de la demande de logement. Dans le grand Dakar, la hausse des prix de l’immobilier devenant inquiétant à partir de la seconde moitié des années quatre vingt dix, a donné libre cours à la spéculation16 et nécessairement à la formation d’une bulle en 1997 et 1998. Les résultats indiquent également une recrudescence de la bulle depuis l’année 2001. La banlieue quant à elle, a enregistré la plus longue période de stabilité du prix du fait principalement de ses nombreuses insuffisances en rapport avec la qualité des logements, l’assainissement, la sécurité, l’insalubrité et la promiscuité, mais également de son enclavement vis-à-vis des centres d’affaires. Cependant, au cours des années deux mille, les prix du logement ont commencé à flamber entrainés par ceux des zones Plateau et grand Dakar. C’est ainsi qu’on assiste depuis 2002 à la formation d’une bulle qui persiste jusqu'à nos jours. En définitive, l’indice consolidé du prix de l’immobilier dans le département de Dakar fait ressortir l’existence de bulles en deux périodes distinctes de l’échantillon. La première est 16 Notamment dans les zones Almadies, Sicap, Point E et Foire. 27 apparue à la fin des années quatre vingt dix, juste avant l’explosion des prix de la location, précisément les années 1997 et 1998. Par la suite, la bulle se dégonfle du fait que la tendance explosive de l’indice DAKAR est parfaitement expliquée par celle de l’indice LOYER. Cependant, elle réapparaît entre 2001 et 2008. 28 V CONCLUSIONS La tendance actuelle marquée par la hausse vertigineuse des prix de l’immobilier dans la région de Dakar a conduit la présente étude à s’interroger sur les risques de présence de bulles immobilières. La méthodologie de détection de bulle rationnelle est rendue possible par l’analyse des propriétés d’intégration des indices de prix de l’immobilier et de la location. A cet effet, l’étude a révélé les limites inhérentes aux tests standards de racine unitaire et proposé leur généralisation à travers une approche relativement nouvelle basée sur des régressions avec changement de régimes suivant la chaine de Markov. A la différence des tests ADF standards dont la puissance reste très limitée pour détecter la présence de bulles ponctuelles, les tests ADF avec changement de régimes paraissent fournir des inférences plus robustes et mieux adaptées à l’interprétation des données réelles (voir Hall et al., 1999). Les résultats relatifs à ces derniers tests ont permis de situer les périodes d’expansion de la bulle immobilière au niveau des trois zones étudiées à savoir le Dakar-Plateau, le grand Dakar et la banlieue de Dakar. Pour rappel, la bulle existe lorsque les phases explosives des prix de l’immobilier ne sont pas simultanées à celle de leur principale composante fondamentale. Ainsi, depuis le début des années 2000, les résultats indiquent que la bulle apparaît manifestement de manière ininterrompue dans la quasi-totalité des zones étudiées. Seule la zone Dakar-Plateau fait état de quelques incertitudes, du fait que les prix y ont atteint des niveaux record, difficiles à surpasser. L’analyse portant sur l’indice synthétique des trois zones renseigne que, de façon générale, le marché de l’immobilier dans la capitale sénégalaise est caractérisé par une bulle qui persiste depuis près de sept ans. 29 REFERENCES Blanchard O. J. et M. W. Watson (1984), "Bulles, anticipations rationnelles et marchés financiers", Annales de l'INSEE, N°54. Bessone H. J., J. Boissinot et B. Heitz (2006), « Marché immobilier : voit-on une bulle ? », Note de conjoncture, INSEE. Bollerslev, T. (1986), « Generalized autoregressive conditional heteroskedasticity », Journal of Econometrics, 31, 307-327. Case, K.E. and Shiller, R.J. (2003), “Is There a Bubble in the Housing Market? 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Appliqué dans le secteur de l’immobilier, l’approche hédonique considère donc que tout logement peut être défini comme un ensemble de caractéristiques bien connus. Cette démarche suppose la connaissance des quantités de chaque caractéristique ainsi que leur prix de marché. Autrement dit, chaque caractéristique doit faire l’objet d’une mesure quantitative objective : le logement possède ou ne possède pas de cuisine équipée par exemple. Et pour cela, tous les acteurs du marché à savoir les vendeurs et acheteurs sur le marché de l’acquisition, les bailleur et locataires sur le marché locatif devront connaitre les quantités de chacune des caractéristiques que possède un logement. Egalement, le nombre de caractéristiques considérées doit être suffisamment large pour englober toutes les considérations qui peuvent entrer dans le choix, par un locataire ou un acheteur, d’un logement particulier. Un logement doit être entièrement caractérisé par les Caractéristiques qui le définissent18. Cette approche économétrique est très largement utilisée par les tribunaux en Amérique du Nord pour établir les valeurs des compensations suite à un litige ou un une décision étatique concernant la construction d’une autoroute par exemple et devant causer des préjudices à des tiers. D’autres secteurs tels que l’informatique et l’automobile ont également utilisé cette méthode pour l’évaluation des prix espérés des biens suites à des modifications de quelques caractéristiques des produits. Coûteuse à mettre en œuvre, la méthode hédonique présente beaucoup de limites. Le problème potentiellement important de cette technique reste la définition des caractéristiques et surtout la mesure de ces dernières quand on évolue dans un marché totalement libre. Dans le cas spécifique du Sénégal, il serait difficile voire impossible d’appliquer cette technique d’évaluation du prix de l’immobilier avec l’insuffisance des données statistiques notée dans ce secteur. Gaston Duon (1943) est l’un des premiers à s’intéresser à l’évolution de la valeur vénale des immeubles parisiens en utilisant des données de ventes répétées. Plus tard, Case et Shiller (1989), et Follain et Calhoun (1997) l’ont aussi appliquée aux Etats Unis pour évaluer un indicateur des biens immobiliers. C’est une technique qui consiste à construire un indice en ne retenant que les biens ayant fait l’objet d’au moins deux transactions. Chaque vente répétée permet de calculer une variation de prix, l’indice étant ensuite construit sur la base de ces variations individuelles. Le principe consiste à collecter tous les logements, sur une période bien définis et ayant fait l’objet de deux transactions ou plus. Entre deux périodes données (T-1 et T), si on enregistre deux ventes répétées, on détermine ainsi la croissance du prix de ce bien en calculant l’écart entre ces deux prix donnés. L’évolution du prix du bien considéré est prise dans ce cas comme étant constante sur cette période. Le modèle est de type : ln Avec : = prix du bien lors de la deuxième vente ; = prix du bien lors de la première vente ; = coefficient à estimer pour l’année t ; = variable muette = -1 pour l’année de la première vente ; 1 pour l’année de la seconde vente ; 0 pour les autres années ; ε = terme d’erreur. La méthode des ventes répétées, utilisée dans le cadre de ce travail, prend en compte des logements ayant fait plus de deux transactions. Autrement dit, chaque couple de transactions permet de déterminer une croissance sur la période couvrant ces mêmes transactions. 17 En réalité, cette méthode date de bien avant la seconde guerre mondiale, déjà en 1927, l’agronome Waugh avait déjà utilisé cette technique pour établir une régression entre le prix de la botte d’asperge en fonction de trois caractéristiques: la couleur, la taille de la tige et la taille de la pointe. 18 Nicolas Gravel, la méthode hédonique d’évaluation des biens immobiliers : intérêts et limites pour les parcs HLM, CNRS N°7536 33 Les résultats de cette régression font ressortir les paramètres suivant : estimés, lesquels ont permis d’obtenir l’indicateur Avec : = indice de l’année t ; = l’indice de l’année de base, 100 pour notre cas ; = le paramètre estimé de l’année t ; = le paramètre de l’année de base. La méthode des ventes répétées, comme toute technique statistique, n’échappe pas aux critiques de la part des utilisateurs. L’une des premières critiques formulées étant la non exhaustivité des données du fait que l’échantillon retenu ne concerne que les logements ayant fait l’objet de deux transactions au minimum. Si les logements qui ont enregistrés une seule vente de la période considérée sont plus représentatifs que ceux retenus dans la méthode des ventes répétées, alors, l’indicateur obtenu ne pourra pas refléter la vraie tendance du marché. Pour répondre à cette critique, l’on évoque, le fait que les biens ayant fait l’objet de plusieurs ventes sont ceux qui reflètent au mieux les évolutions du marché comparés aux biens qui n’ont enregistrés qu’une vente. L’autre inconvénient cité dans ce cadre de cette technique est la non-prise en compte des différentes caractéristiques des biens. En effet, les biens considérés dans cette technique. La vétusté, la rénovation ou la construction sont autant de facteurs pouvant affectés les biens immobiliers dans le temps. La valeur des biens immobiliers évoluent ou se dégradent avec ces facteurs. Cependant pour prendre en compte ces caractéristiques dans l’évaluation d’indicateurs des biens, la méthode hédonique est mieux indiquée. Toutefois, la technique des ventes répétées considère que le niveau élevé des prix des biens dû par une rénovation ou une construction sur ce bien, compense le niveau bas d’un prix d’un autre bien causé pas la vétusté ou la dégradation de ce dernier bien. 34 LISTE DES MEMBRES DU COMITE SCIENTIFIQUE 1. Professeur Adama DIAW, Enseignant-chercheur à l’Unité de Formation et de Recherches de Sciences Economiques et de Gestion de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis ; 2. Docteur Ibrahima Thione DIOP, Enseignant-chercheur, Directeur du CREA ; 3. Docteur Amadou Lô GUEYE, Enseignant-chercheur, Directeur de l’Unité de Formation et de Recherches de Sciences Economiques de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis; 4. Docteur El hadji FAYE, Enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar ; 5. Docteur Malick SANE, Enseignant-chercheur au Centre de Recherches Economiques Appliquées de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar ; 6. Docteur François Joseph CABRAL, Enseignant-chercheur au Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES) ; 7. Monsieur Amadou DIOUF, Adjoint au Chef de Service des Etudes et des Statistiques à la BCEAO-Agence ; 8. Monsieur Babacar NDIR, Expert économiste au Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement du Ministère de l’Economie et des Finances ; 9. Monsieur Amadou Ciré TOURE, Conseiller Technique au Ministère de l’Economie et des Finances. 35