Enregistrement / Apport en nue-propriété et donation / Abus de droit.

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Enregistrement / Apport en nue-propriété et donation / Abus de droit.
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LETTRE JURIDIQUE & FISCALE
- après le décès du père, la SCI permettait
d’éviter le risque qu’un créancier provoque le
partage judiciaire des biens familiaux
Droit fiscal :
 Enregistrement / Apport en nue-propriété et
donation / Abus de droit.
Cass. com. 26 mars 2008 n°06-21.944
(n°431 FS-D).
Un père constitue plusieurs sociétés civiles
avec ses deux enfants. Chaque enfant apporte
à cette occasion dans les SCI une somme
dérisoire et le père apporte la nue propriété
d’immeubles lui appartenant.
Moins de trois mois après la création des SCI,
le père fait une donation partage de ses parts
à ses enfants.
Les droits de donation sont naturellement
évalués en fonction de la valeur économique,
ce qu’avait condamné précédemment la Cour
de cassation (Cass. Com. 15 mais 2007, n°0614.262).
Le sort de l’opération de restructuration
semblait donc scellé : l’administration devait
une nouvelle foi obtenir la constatation d’un
abus de droit manifeste au motif le
contribuable aurait réalisé l’ensemble de ces
opérations dans le but, exclusif (quasi
exclusif ? cf. les commentaires sur les
« errements » récents de la Cours en la
matière), d’échapper au barème fiscal de
l’usufruit.
Contre toute attente, les redressements
proposés par l’administration fiscale sont
annulés au motifs que l’opération de donation
n’avait pas une finalité exclusivement fiscale :
- la constitution des SCI permettait par une
organisation
statutaire
appropriée
de
conserver le contrôle sur les immeubles ;
- la cohésion du patrimoine familial était
maintenue en cas de décès du père, par la
mutualisation des revenus des immeubles et la
mise en place d’une procédure d’agrément
pour les nouveaux associés ;
Dans cet arrêt, la Cour semble revenir à une
solution plus classique de l’abus de droit.
Ses deux composantes que sont la fictivité et
le but exclusivement fiscal redeviendraient
exclusives l’une de l’autre.
En l’espèce, si l’opération présentait un intérêt
fiscal, elle n’est pas sanctionnée car elle avait
également un intérêt civil indéniable.
Nous souhaiterions que cet arrêt puisse
marquer le retour à une notion plus orthodoxe
de l’abus de droit.
Ceci devra être confirmé.
Arrêt :
« Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-enProvence, 3 octobre 2006), que, par actes
notariés du 29 septembre 1993, M. X... et ses
deux enfants ont constitué dix sociétés civiles
(les SCI) avec apport en numéraire par chacun
des associés d'une somme de 1 000 francs et
apport en nature par M. X... de la nue-propriété
d'immeubles lui appartenant, évaluée lors du
démembrement à leur valeur économique à
partir des tables de mortalité ; que les actes de
constitution prévoyaient que les SCI seraient
propriétaires des parts et portions désignées
dès leur immatriculation, mais qu'elles n'en
auraient la jouissance qu'à compter du décès
de M. X... qui se réservait l'usufruit des biens
apportés sa vie durant ; que par acte notarié
du 23 décembre 1993, M. X... a fait une
donation à titre de partage anticipé à ses
enfants de la totalité des parts, sauf une ; que
l'administration fiscale a estimé que l'apport
concomitant de la nue-propriété d'un bien
immobilier à une société constituée sous la
forme d'une SCI et la donation de la quasi
totalité des parts représentatives de l'apport,
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alors même que la SCI n'avait pas de
fonctionnement réel, dissimulait la donation
des immeubles en fraude de l'article 762 du
code général des impôts quant à l'évaluation
de la part de l'usufruitier ; qu'elle a procédé à
une nouvelle liquidation des droits de mutation
à titre gratuit ; que le litige a été soumis à
l'appréciation du comité consultatif pour la
répression des abus de droit qui a émis, le 22
septembre 2000, un avis favorable ; qu'après
rejet de leur réclamation, les héritiers ont
assigné le directeur des services fiscaux en
dégrèvement de l'imposition ; que leur
demande, rejetée en première instance, a été
accueillie par la cour d'appel ;
Attendu que le directeur général des impôts
fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors,
selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L.
64 du livre des procédures fiscales que
l'administration fiscale peut écarter les actes
qui dissimulent la portée véritable d'un contrat
ou d'une convention à l'aide de clauses qui
donnent
ouverture
à
des
droits
d'enregistrement moins élevés ; que la mise en
oeuvre de la procédure de répression des
abus de droit suppose que l'administration
établisse que lesdits contrats présentent un
caractère fictif ou peuvent être considérés
comme ayant été conclus dans un but
exclusivement fiscal ; que pour juger cette
preuve non rapportée en l'espèce, l'arrêt
attaqué se fonde sur l'intérêt économique de
l'opération de démembrement au profit du nupropriétaire et sur la volonté des coassociés
des SCI de préserver les intérêts familiaux des
aléas d'une indivision ; que cependant, en ne
répondant
pas
aux
conclusions
de
l'administration fiscale faisant valoir l'absence
d'activité des sociétés civiles constituées entre
M. X... et ses enfants qui justifiait cependant à
elle seule la mise en oeuvre de la procédure
de répression des abus de droit, la cour
d'appel a violé l'article 455 du code de
procédure civile ;
2°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L.
64 du livre des procédures fiscales que
l'administration fiscale peut écarter les actes
qui dissimulent la portée véritable d'un contrat
ou d'une convention à l'aide de clauses qui
donnent
ouverture
à
des
droits
d'enregistrement moins élevés ; que la mise en
oeuvre de la procédure de répression des
abus de droit suppose que l'administration
établisse que lesdits contrats présentent un
caractère fictif ou peuvent être considérés
comme ayant été conclus dans un but
exclusivement fiscal ; que pour écarter toute
notion d'abus de droit et justifier l'utilité
économique de l'opération en cause, la cour
d'appel d'Aix-en-Provence a établi que M.
Giancarlo X... disposait de tous les pouvoirs
pour la durée de sa vie dans l'organisation des
SCI ce qui lui conférait le contrôle de ces
sociétés et en conséquence celui de chacun
des immeubles apportés notamment celui de
les vendre ; qu'en statuant ainsi, par des motifs
établissant au contraire l'absence d'intérêt
économique et de viabilité des sociétés et
donc leur caractère fictif, la cour d'appel n'a
pas donné de base légale à sa décision au
regard des dispositions du texte précité ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la
constitution des SCI par M. X... lui avait permis
d'organiser les statuts de la manière qu'il
estimait la plus appropriée, conservant le
contrôle des SCI et celui des immeubles ainsi
que la possibilité de les céder ; qu'il retient
encore que l'opération avait permis à M. X...
d'assurer après son décès la cohésion du
patrimoine familial en mutualisant entre ses
enfants les aléas locatifs et les écarts de
rentabilité susceptibles d'apparaître entre les
différents immeubles et en permettant de
mettre en place une procédure d'agrément de
nouveaux associés tout en évitant que le
créancier d'un indivisaire puisse déclencher le
partage judiciaire des biens familiaux et cela
dans un cadre juridique présentant une
stabilité beaucoup plus grande qu'une
indivision ; qu'en l'état de ces constatations,
desquelles il résulte que l'opération litigieuse
ne présentait pas une finalité exclusivement
fiscale, la cour d'appel qui a ainsi répondu aux
conclusions prétendument délaissées, a
légalement justifié sa décision ; que le moyen
n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des impôts aux
dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
condamne le directeur général des impôts à
payer à M. et Mme X... la somme globale de 2
500 euros et rejette sa demande ; »
JMB.
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