Volatilité Enquête - Coop Saint Pierre de Juillers
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Volatilité Enquête - Coop Saint Pierre de Juillers
© FOTOLIA Enquête Volatilité 8 C I R C U I T S C U L T U R E . AV R I L 2 0 0 9 . N ° 4 3 3 Variations des cours Comment gérer le risque ? Achat à prix forts, vente au plus bas : 2008, année d’amplitude extrême des cours des céréales et des engrais, pousse les entreprises à réfléchir à des solutions de gestion des risques. Exemples de méthodes envisagées. 9 C I R C U I T S C U L T U R E . AV R I L 2 0 0 9 . N ° 4 3 3 QUELQUES DÉFINITIONS Volatilité : une notion mesurable Marché à terme : c’est un marché où les règlements se font à une date ultérieure, et prévue à l’avance, de celle où les transactions sont conclues. Option : c’est un produit dérivé qui donne le droit d’acheter ou l’obligation de vendre un actif à un prix fixé à l’avance, pendant un temps donné, moyennant une prime. Son prix se calcule à partir du prix d’exercice (strike), du prix du support (sous-jacent), de la date d’exercice, de la volatilité implicite et du taux d’intérêt. Objectif : l’assurance contre une aversion (un risque) de tendance de marché (à la baisse ou à la hausse). Volatilité : le concept est assez parlant en soi, c’est une mesure de l’amplitude de variation des cours d’un actif. C’est un indicateur de la vitesse de variation des prix. On mesure la volatilité de deux façons : la volatilité historique (observation sur un temps donné a posteriori) et la volatilité implicite (qui se traite à l’instant T). C’est une des données qui se traduit par le prix des options. Par exemple, un céréalier qui a vendu à 100 euros et qui craint que le prix du blé ne remonte à 120 euros la tonne, va se couvrir avec une option d’achat (call) à 100 euros (strike), à 10 euros (prime). Au cas où le prix augmenterait jusqu’à 120 ou 150 euros, l’option lui donne le droit d’acheter du blé à 100 euros (majoré de 10 euros) et donc d’optimiser sa vente première de 10 ou 40 euros par tonne. Autre exemple, un industriel qui a acheté du blé à 100 euros, et qui craint que le prix ne rechute à 80 euros, va se couvrir avec une option de vente (put) à 100 euros, à 10 euros. Au cas où le prix viendrait à 80 euros, l’option lui confère le droit de vendre du blé à 100 euros (minoré de 10 euros) et donc de se préserver d’un manque à gagner de 20 euros par tonne. Volatilité du Matif blé 350 000 120 000 OPTIONS BLÉ 300 000 100 000 Volume Position ouverte 250 000 80 000 200 000 40 000 100 000 20 000 50 000 0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 La volatilité a varié de 12 à 40 % depuis novembre 2007 pour un blé à échéance mai 2009. 10 C I R C U I T S C U L T U R E . AV R I L 2 0 0 9 . N ° 4 3 3 0 0 Position ouverte 60 000 150 000 Source : Plantureux, d’après Nyse-Euronext PLUS DE TRANSPARENCE Reste que le fonctionnement de ce marché peut encore être amélioré. Contrairement au marché américain où il existe une certaine transparence, en France l’opacité est de mise. Impossible de connaître précisément le nombre d’opérateurs non commerciaux, c’est-à-dire, les fonds financiers. Le sujet a été évoqué dans les instances interprofessionnelles, sans aboutir pour l’instant, semble-t-il davantage pour des problèmes de faisabilité technique que pour un manque de volonté. Aux États-Unis, ce ratio fait l’objet d’une publication hebdomadaire. Cette information permet de constater que les fonds financiers se sont largement retirés des marchés agricoles, diminuant de moitié leurs avoirs entre En attendant, au niveau des entreprises, la condition sine qua non pour utiliser au mieux les outils de gestion du risque est la formation. Volume annuel Enquête Volatilité 270 euros la tonne en septembre 2007, 140 en mars 2009 : jamais les cours du blé tendre n’avaient connu une telle variation en si peu de temps. Quant aux engrais, ils ont augmenté de 30 % entre janvier 2008 et janvier 2009, avec une décrue qui s’amorce début 2009. Acheter à prix fort et vendre au plus bas n’est pas tenable longtemps pour les entreprises. Dans ce contexte, vécu comme une menace, les organismes stockeurs et les distributeurs agricoles cherchent de nouveaux moyens de sécuriser leur fonctionnement. Pour ce qui concerne les céréales, il est clair que les opérateurs se rapprochent d’un outil existant : le marché à terme. Initié en 1994 pour le colza, premier touché par la diminution des soutiens européens aux marchés, le marché à terme sur le blé existe depuis 1998 et sur le maïs depuis 1999. Aujourd’hui, la gestion en est confiée à Nyse-Euronext, groupe issu de la fusion d’Euronext et de la Bourse aux actions de New York. L’activité a réellement décollé en 2003, suite à la sécheresse. Et on constate actuellement une augmentation très nette des volumes annuels, qui sont passés de 217 000 t en 2005 à 1,46 Mt en 2008, par exemple, pour le blé. « Le marché à terme n’a jamais été aussi actif », confirme Edward-Hugues de SaintDenis, courtier chez Plantureux. Deux raisons à cela : l’intervention de fonds financiers non commerciaux, qui placent de l’argent et ne possèdent pas physiquement de marchandise, et la participation de plus en plus massive des organismes stockeurs et des industriels de la filière (coopératives et négoces, fabricants d’aliments du bétail, amidonniers, meuniers…). Ces derniers utilisent les « futures » pour sécuriser leurs marges et plutôt les outils financiers (dérivés ou options) pour se couvrir du risque d’amplitude et de volatilité. « D’après une enquête que nous avons menée, la quasi-totalité des coopératives françaises utilise le marché à terme, soit directement, soit par l’intermédiaire de leurs unions », explique Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France métiers du grain. LA FORMATION EN PREMIER En attendant, au niveau des entreprises, la condition sine qua non pour utiliser au mieux les outils de gestion du risque est la formation. L’univers des marchés à terme utilise en effet des concepts et un vocabulaire très particuliers, qu’il convient de maîtriser parfaitement avant de se lancer. Comme l’a déclaré Philippe Mangin, président de Coop de France, « la gestion des risques est un challenge. Il nous faut des compétences nouvelles ». Parmi les OS, la prise de conscience a eu lieu. « La demande de formation existe réellement et s’est accélérée depuis fin 2006, au moment où les marchés ont commencé à bouger », souligne Benoît Labouille, directeur d’ODA (Offre et demande agricole). En toute logique, les équipes commerciales chargées de vendre les grains ont été formées les premières et reçoivent souvent ensuite, un accompagnement d’analyse des marchés en suivi. Une autre population en cours de formation est celle des technicocommerciaux. En contact régulier avec les agriculteurs, ils pouvaient parfois être moins avancés que leurs clients sur le sujet. Enfin, les cadres (comptabilité, finance, gestion) et dirigeants ne sont pas exemptés : un cycle de formation est ainsi programmé à leur intention par Coop de France. Objectif ? Apporter une connaissance permettant de superviser le travail de leurs traders et d’évaluer les risques engagés. Munis de ces nouveaux savoir-faire, et face à une population d’agriculteurs fortement demandeurs, les organismes stockeurs proposent d’ores et déjà de nouvelles offres aux agriculteurs adhérents ou clients. Engagement précoce sur les volumes, contrat avec un prix adossé au Matif ou système de type option. Cette diversification des modalités de paiement aux agriculteurs doit PHILIPPE ROUSSILLON, DIRECTEUR DE LA SCAR (DORDOGNE) « Le marché à terme représente 40 % de nos volumes » La Scar (Société coopérative agricole du Riberacois) est présente sur le marché à terme des céréales depuis 2002. Depuis 2006, elle propose ce service à ses adhérents, avec différents degrés d’implication possible de leur part. Une activité qui a renforcé les liens avec les adhérents HWTXLSHUPHWGHPDLQWHQLUOHVPDUJHVGDQVXQFRQWH[WHĠXFWXDQW « Entre la trentaine d’adhérents qui participent à nos groupes, ceux qui traitent directement avec ODA et ceux qui bénéficient de l’information par notre intermédiaire, nous estimons que le marché à terme représente actuellement 40 % des volumes commercialisés. » Pour Philippe Roussillon, directeur de la Scar, le marché à terme est devenu un passage obligé. « Cela nous a permis de préserver les marges », indique-t-il. AGRICULTEURS ACTEURS DE LA DÉCISION Tout a commencé en 2002, une réflexion stratégique indique que le marché à terme constitue « la seule voie qui allait permettre de pérenniser la coopérative ». Après une formation du personnel de la coopérative et du conseil d’administration, la coopérative ouvre un compte au Matif et commence à utiliser l’outil pour son propre compte. « L’idée n’était pas de spéculer, mais bien de nous couvrir vis-à-vis du risque de fluctuation des prix. » Puis, en 2006, « nous avions des acheteurs qui étaient prêts à passer des contrats avant la récolte. Nous avons alors pensé que les agriculteurs devaient être acteurs de la décision et nous avons fait appel à un prestataire, afin qu’il amène son expertise des marchés », explique Philippe Roussillon. C’est ainsi qu’ODA (Offre et demande agricole) est intervenu auprès des adhérents qui le souhaitaient pour les former et les accompagner dans ce nouveau champ de connaissances. Une fois les adhérents familiarisés avec l’outil et le vocabulaire, ODA apporte, en continu, un service d’analyse des marchés, soit directement à l’agriculteur, soit par l’intermédiaire de groupe de coopérateurs. « Les agriculteurs disposent ainsi d’un expert à proximité et peuvent gérer leur récolte sans nécessairement ouvrir un compte au Matif. » « ÇA NE RÉSOUT PAS TOUT » Cette proposition a été plutôt bien accueillie par les adhérents, qui n’ont pas l’habitude de gérer des amplitudes de prix aussi élevées. En effet, les variations ne dépassaient guère 10 euros/t, avec les anciens mécanismes de gestion de marché européens. « Nous devons aller de l’avant et apporter des solutions en tant que coopérative, souligne le directeur. C’est ce que nous avons fait et cela nous a rapproché de nos adhérents. » « Le marché à terme est un bon outil de gestion des risques, résume Philippe Roussillon, mais ça ne résout pas tout, car il faut bien fixer un prix à un moment donné, celui qui correspond à un prix de revient. Mais actuellement, le prix de marché est inférieur à ce coût. Les adhérents peuvent aussi rencontrer des problèmes pour connaître ce coût, étant donné la fluctuation du prix des intrants. » Pour la Scar, il est primordial de continuer dans cette voie, en formant encore davantage d’adhérents. Un programme qui devrait être bouclé d’ici deux à trois ans. permettre de mieux répondre à leurs attentes, tout en assurant les volumes nécessaires aux organismes stockeurs. L’une des parades à la variation des prix étant en effet de mutualiser les volumes, afin d’étaler les ventes tout au long de la campagne. DIFFICULTÉ SUR LES ENGRAIS Si des clés existent pour tenter de gérer la situation pour les céréales et oléagineux, sur le marché des engrais, en revanche, il semble très difficile de se protéger des fluctuations actuellement, même si des solutions partielles de couverture peuvent être trouvées sur le marché à terme de l’énergie ou même des matières premières. « Le marché n’est pas mûr. Il nous manque des outils, constate Edward-Hugues de SaintDenis. Aujourd’hui, c’est un handicap, mais ce retard peut aussi nous permettre d’apprendre des erreurs des autres, dans la mise en place de nouveaux outils. » C’est pourquoi 11 C I R C U I T S C U L T U R E . AV R I L 2 0 0 9 . N ° 4 3 3 FOTOLIA juin et décembre 2008 (de 53,3 à 24,4 milliards de dollars). La part de responsabilité de la spéculation financière dans l’évolution des cours apparaît ainsi plus clairement. Mais les fonds financiers sont loin d’être entièrement responsables des fluctuations. Avant tout, ce sont des amplificateurs de mouvement, leur but n’étant pas de manipuler le marché, mais de profiter d’une tendance. Ils amènent aussi des liquidités indispensables au bon fonctionnement du marché. « Sans eux, le marché français pourrait être directement influencé par les gros opérateurs », estime un organisme stockeur habitué du Matif. Autre amélioration qui avait été évoquée pendant un temps au conseil spécialisé de l’OniGC : la possibilité d’encadrer les fluctuations journalières des cours, avec un plafond et un plancher, comme c’est le cas aux États-Unis. Mais sur ce sujet, « il n’existe pas de consensus entre les acteurs », estime l’OniGC. Le dossier ne semble donc pas prêt à aboutir prochainement. « La volatilité qui s’installe sur les marchés agricoles est insupportable. Nous devons inventer, au sein des filières, des instruments de régulation alternatifs à ceux que la Pac n’assure plus. » FOTOLIA 1 600 000 100 000 90 000 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 FUTURE BLÉ 1 400 000 Volume Position ouverte 1 200 000 1 000 000 Volume annuel 800 000 600 000 400 000 200 000 0 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 0 Position ouverte Marchés à terme : des volumes échangés en hausse marquée depuis 2006 Le marché à terme du blé atteint un volume de 1,4 Mt échangées en 2008. 800 000 45 000 FUTURE COLZA 700 000 40 000 Volume Position ouverte 600 000 35 000 30 000 500 000 25 000 20 000 300 000 15 000 200 000 10 000 100 000 5 000 0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 0 Position ouverte Volume annuel 400 000 Plus ancien, le marché à terme du colza est pourtant plus restreint, à 600 000 t en 2008. 100 000 Volume annuel FUTURE MAÏS 12 000 Volume Position ouverte 10 000 80 000 8 000 60 000 6 000 40 000 4 000 20 000 2 000 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 0 Position ouverte 120 000 Source : Plantureux, d’après Nyse-Euronext Enquête Volatilité « Les volatilités des cours de plus en plus extrêmes que nous connaissons depuis quelque temps, sont autant meurtrières pour les populations les plus pauvres (en cas de hausse de prix), que pour les agriculteurs (en cas de chute de prix). C’est bien la preuve qu’il est urgent et légitime d’intervenir pour lisser ces «à-coups» tant à la hausse, qu’à la baisse. » Seul le marché du maïs connaît un développement moins régulier. l’idée d’ouvrir un marché à terme sur les engrais a été évoquée par certains professionnels. Mais « l’outil n’est pas simple à mettre en place », rappelle Vincent Magdelaine, puisqu’il faudrait trouver un produit standard qui puisse faire office de référence du marché, une place de cotation, et de nombreux opérateurs. C’est cette dernière condition qui pourrait être la plus difficile à satisfaire, étant donné la concentration des producteurs d’engrais. En attendant la mise en place éventuelle d’un tel outil, « nous continuons la recherche afin de mieux comprendre ce marché et peaufiner notre modèle de prévision », indique François Labouille, pour ODA. LISSER LES À-COUPS Pourtant, et la question trouve un nouvel écho en ces temps de crise financière, les marchés à terme sont-ils la solution à privilégier ? Un courant de pensée, représenté par Momagri, estime le contraire. « Les volatilités des cours de plus en plus extrêmes que nous connaissons depuis quelque temps, sont autant meurtrières pour les populations les plus pauvres (en cas de hausse de prix), que pour les agriculteurs (en cas de chute de prix). C’est bien la preuve qu’il est urgent et légitime d’intervenir pour lisser ces "à-coups" tant à la hausse, qu’à la baisse », pense ainsi Christian Pèes, le président d’Euralis. Pour lui, les outils tels que les marchés à terme ont un double inconvénient : ils ne sont pas accessibles à tous, pour des raisons de savoir-faire, et ils contribuent à accentuer la volatilité. « La volatilité qui s’installe sur les marchés agricoles est insupportable. Nous devons inventer, au sein des filières, des instruments de régulation alternatifs à ceux que la Pac n’assure plus », poursuit Philippe Mangin. D’après lui, cela passe par des mécanismes de contractualisation, sur toute la filière, et sur plusieurs années, sans pour autant fixer un prix déconnecté du prix de marché. « Ce type de contratscadre existe déjà, mais pour l’instant, ils concernent des volumes trop faibles pour qu’on en voit les effets », déplore Vincent Magdelaine. Dernière solution, que la profession a portée à Bruxelles : la constitution de stocks stratégiques en France, c’est-à-dire la reconstitution d’une intervention, avec un objectif adapté. D’autres pays producteurs, comme la Russie, disposent en effet de ce genre de stocks. Mais l’idée est loin d’être approuvée par la Commission européenne, dont le travail depuis de nombreuses années a consisté à pousser l’agriculture vers le modèle libéral. Mais les temps peuvent changer, voire, pourquoi pas, pencher pour un modèle hybride. I. A. 12 C I R C U I T S C U L T U R E . AV R I L 2 0 0 9 . N ° 4 3 3