AAA MBA Thèse Eugénie Lefèvre 23.03.11

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AAA MBA Thèse Eugénie Lefèvre 23.03.11
l’Enass
Ecole nationale d’assurances
Fusions, regroupements et partenariats :
les mutuelles françaises et l’intégration
européenne
Eugénie LEFEVRE
Ecole nationale d'assurances
SOMMAIRE
Résumé et mots clés ................................................................................................................... 3
Abstract and key words .............................................................................................................. 4
INTRODUCTION...................................................................................................................... 5
1 – FACTEURS DE LA CONCENTRATION ................................................................... 15
1.1 LES CONTRAINTES EUROPÉENNES..................................................................... 15
1.1.1
La législation européenne et ses répercussions en droit français ..................... 15
1.1.2
Solvabilité II..................................................................................................... 19
1.2 CONCURRENCE ET CONTRAINTES INTERNES ................................................. 24
1.2.1
La taille critique ............................................................................................... 24
1.2.2
Conventionnement et réseaux .......................................................................... 27
1.2.3
Les efforts de diversification............................................................................ 30
2 – OUTILS ET STRATÉGIES............................................................................................ 34
2.1 SPÉCIFICITÉS DES MUTUELLES : LA STRATÉGIE DE DIFFÉRENCIATION
EST-ELLE VIABLE ? ......................................................................................................... 34
2.1.1
La segmentation comme constitutive de la mutuelle ....................................... 34
2.1.2
Ancrage géographique et professionnel ........................................................... 35
2.1.3
Réticences et alternatives à la concentration.................................................... 39
2.2 PARTENARIATS ET UNIONS TECHNIQUES........................................................ 44
2.2.1
Partenariats commerciaux ................................................................................ 44
2.2.2
Unions techniques et GIE : une indépendance préservée ?.............................. 49
2.3 L’INTÉGRATION FINANCIÈRE .............................................................................. 56
2.3.1
Fusions ............................................................................................................. 56
2.3.2
SGAM ET UMG .............................................................................................. 61
3 – LES VALEURS MUTUALISTES ................................................................................. 72
3.1 S.A. : UNE ENTORSE AUX VALEURS ?................................................................. 74
3.1.1
Le financement des fonds propres.................................................................... 74
3.1.2
Le développement de structures capitalistiques ............................................... 78
3.1.3
L’accès aux marchés ........................................................................................ 81
3.2 LES ENSEIGNEMENT EUROPÉENS....................................................................... 84
3.2.1
Le spectre de la démutualisation ...................................................................... 84
3.2.2
Le statut de Mutuelle Européenne.................................................................... 87
3.3 UN MODÈLE Á CLARIFIER … ET Á FAIRE CONNAITRE ................................ 93
3.3.1
Réformer la gouvernance ................................................................................. 94
3.3.2
Communiquer sur les valeurs mutualistes : quelques pistes ............................ 99
CONCLUSION ...................................................................................................................... 105
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 108
Index....................................................................................................................................... 115
Table des matières .................................................................................................................. 116
ANNEXES ............................................................................................................................. 119
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
2
Résumé et mots clés
Les mutuelles françaises, sous la double contrainte de la législation européenne et de la
concurrence, sont amenées à se regrouper. Les mutuelles « Code des assurances », plus
concentrées que leurs consœurs du Code de la mutualité, ont ouvert la voie à la constitution de
groupes réunissant dans une même structure des entités mutualistes et des entités de type
capitalistique. Face à ces nouveaux modèles, certaines mutuelles défendent au contraire leurs
spécificités traditionnelles, au moyen d’alliances jugées plus à même de garantir leur
autonomie. Chaque type de rapprochement, du simple partenariat commercial à la fusion, en
passant par les unions et les SGAM, illustre en effet une stratégie particulière. Au-delà des
avantages et des inconvénients que présentent ces outils, la question posée est aussi celle des
valeurs, et de la façon dont les mutuelles parviennent -ou non- à maintenir les principes
fondateurs de vie démocratique et de gestion collective des résultats. L’utilisation de plus en
plus généralisée de filiales sous forme de sociétés anonymes, et la possibilité d’accéder aux
marchés financiers en pratiquant une démutualisation partielle, renvoient également aux
pratiques existant dans les autres pays européens, tant pour l’édification de nouvelles règles
de gouvernance que pour la diffusion du modèle.
Mots clés : mutuelles, mutualité, concentration, regroupements, partenariats, SGAM, UMG,
fusions, gouvernance, Europe.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
3
Abstract and key words
Under the double strain of European legislation and competition, French mutual insurance
companies are led to join together. A broad spectrum of tools is available, ranging from mere
commercial partnerships to mergers, to various forms of technical alliances. “Insurance Code”
mutual societies, more integrated than their “Mutuality Code” counterpart, also initiated the
possibility of a non-mutualist back up, with SGAM societies. In contrast, some mutual
insurance companies put forward their traditional specificities, through alliances which they
believe are more able to maintain their independence. Each form of alliance reflects a strategy
based on markets, economic potential and the degree of autonomy they choose to retain.
Beyond the advantages and disadvantages of each tool, a question arises as to the outcome of
two founding principles of mutualism : the “one man-one vote” elective system and the
collective management of retained surplus. The widespread use of limited companies as
subsidiaries and the possibility to access capital markets also refers to other European
countries practices, regarding both the establishment of new governance rules and the
dissemination of the mutual model.
Key words : mutual insurance companies, mutuality, mergers, partnerships, SGAM, UMG,
governance, Europe.
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INTRODUCTION
1 – Choix du sujet
En douze ans, le nombre de mutuelles « Code de la mutualité » a quasiment été divisé par
sept. Du côté des mutuelles « Code des assurances », de très grands groupes émergent.
En 1998, le sénateur Alain Lambert1 annonçait la disparition de la plupart des organismes
assureurs relevant du Code de la mutualité. Selon ses estimations, on ne compterait plus
« dans un avenir proche, qu’un millier de groupements mutualistes ». Ces propos ne
manquèrent pas d’agiter le monde mutualiste, qui recensait à l’époque près de 5 000
groupements. Dix ans plus tard, en 2008, le nombre d’organismes relevant du Code de la
mutualité était effectivement passé sous la barre du millier. En 2009, l’ACAM2 faisait état de
880 mutuelles, soit presque sept fois moins qu’en 1998. A terme, pour la plupart des
analystes, les organismes relevant du Code de la mutualité ne seront plus qu’une vingtaine.
Les prévisions des responsables mutualistes sont encore en deçà : quinze ou vingt grands
groupes pour certains3, une dizaine pour d’autres4. L’estimation la plus basse est donnée par
Maurice Ronat, Président de la FNMI5, qui évoque quant à lui « cinq ou six mutuelles
capables à terme de couvrir l’intégralité du territoire ».
Comparativement, l’évolution récente du monde des mutuelles relevant du Code des
assurances est moins spectaculaire. La dernière décennie a pourtant vu l’émergence de
« superstructures » bouleversant l’état des forces en présence : Covéa, dès 2003 (réunissant la
MAAF et MMA, rejointes par Azur-GMF) puis Sferen, née en 2009 qui fédère désormais la
MACIF, la MAIF et la MATMUT.
1
Auteur d’un rapport sur la situation et les perspectives du secteur des assurances en France, intitulé « Assurons
l’avenir de l’assurance » (Rapport d’information (98-99), Tome II - Commission des Finances).
2
Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles, devenue en mars 2010 l’ACP : Autorité de Contrôle
Prudentiel.
3
Thierry Pattou, Président de la Mutualité française Paca (Le tour de France des mutuelles santé, Argus de
l’assurance, 31 mars 2006)
4
Patrick Hugon, Directeur Général de la Mutuelle Existence (Mariées pour le meilleur et pour éviter le pire,
Argus de l’assurance, 31 août 2007)
5
Fédération Nationale de la Mutualité Interprofessionnelle.
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5
Pourquoi une énième étude sur le regroupement des mutuelles ?
Le mouvement de concentration des mutuelles n’est pas nouveau, et la presse s’en fait
régulièrement l’écho. Dès lors, le lecteur peut légitimement se poser la question de
l’opportunité d’une énième étude portant sur ce thème. Quatre éléments justifient ce choix :
Tout d’abord, le morcellement des mutuelles « Code de la mutualité » persiste : pour un
secteur en voie de consolidation, le nombre de mutuelles reste impressionnant. A fin 2009, sur
880 organismes relevant du Code de la mutualité, 345 sont des mutuelles substituées, c’est-àdire des mutuelles ayant conservé leur identité juridique et leur fonctionnement institutionnel,
mais qui ont en réalité transféré tout ou partie de leurs risques assurantiels à un autre
organisme. Restent donc 535 mutuelles
« Code de la mutualité » indépendantes et
économiquement viables, à comparer avec 60 mutuelles « Code des assurances ».
Ensuite, la forte pression concurrentielle et les règles d’uniformisation imposées par
Solvabilité II induisent de nouvelles stratégies de regroupement. A mesure que l’échéance
approche, les stratégies se radicalisent : certains acteurs se montrent de plus en plus pressés de
trouver un partenaire avec qui fusionner, quitte à opérer une mutation rapide, parfois à marche
forcée, tandis que d’autres refusent de plus en plus résolument cette voie et cherchent au
contraire à nouer des partenariats souples, leur permettant de conserver leur autonomie.
Troisième constatation, les mutuelles ont désormais à leur disposition des outils juridiques
nouveaux. C’est le cas de la SGAM, ou des unions de groupe comme l’UGM et l’UMG.
Ces outils offrent une alternative possible à la fusion pure et simple, souvent difficile à
réaliser au sein d’un monde mutualiste très attaché à ses spécificités historiques. De plus, ils
offrent aux organismes assureurs une possibilité nouvelle : celle de nouer des liens hors de
leur « famille » d’origine. On assiste ainsi depuis quelques années à une recomposition totale
du secteur. Désormais, mutuelles, sociétés anonymes et institutions de prévoyance s’efforcent
d’étendre le champ de leur action et de conquérir des marchés sur lesquels elles n’étaient pas
perçues jusqu’alors comme légitimes.
Ces outils commencent aussi à s’exporter au sein de l’Union Européenne, ouvrant la voie à
une coopération plus concrète.
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6
Enfin, il semble intéressant d’examiner les stratégies de rapprochement des assureurs
mutualistes dans leur ensemble, c’est-à-dire quel que soit le code dont ils relèvent. En
effet, la grande majorité des travaux disponibles sur les rapprochements traitent uniquement
d’un certain type de mutuelles (souvent, les mutuelles « Code de la mutualité »). Or, les
mutuelles « Code des assurances » ont également connu, avec un peu d’avance, une vague de
concentration. Il semble donc intéressant de confronter les expériences de ces deux formes de
sociétés mutualistes.
2 – Définition des termes
2.1 - Que doit-on entendre par mutuelle ?
Pour le néophyte, le terme « mutuelle » désigne bien souvent l’assurance complémentaire
santé, et ce quelle que soit la forme juridique de l’organisme assureur. Un public plus averti
distinguera entre deux familles :
- les mutuelles relevant du Code de la mutualité, auxquelles ce mémoire fera référence sous le
vocable « mutuelles 45 »,
- les mutuelles relevant du Code des assurances, qui, pour faciliter la lecture, seront appelées
ici « mutuelles d’assurance ».
Caractéristiques communes
Avant d’examiner plus précisément chacune de ces deux familles, trois éléments majeurs
peuvent être cités comme fondant la spécificité des mutuelles :
1°) Ce sont des sociétés (ou des groupements) de personnes et non de capitaux.
2°) Elles sont à but non lucratif (mutuelles 45), et leur objet n’est pas commercial (mutuelles
d’assurance).
3°) Elles fonctionnent selon la règle démocratique « un homme = une voix ».
De ces principes découlent les caractéristiques suivantes : les mutuelles sont à vocation tant
économique que sociale. Elles n’ont pas de capital social, et leurs fonds sont alimentés par les
cotisations de leurs sociétaires. A l’origine d’une mutuelle, on trouve des assurés qui se
regroupent de leur propre initiative pour organiser la mutualisation. Ainsi, la collectivité des
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assurés individuels devient assureur, et chaque sociétaire est à la fois assureur et assuré. Pour
reprendre les propos de l’un des fondateurs de la MAIF1 « les adhérents d’une mutuelle ne
sont bien assurés que s’ils sont bons assureurs ».
Les « profits » des mutuelles (on parle plutôt d’excédents de gestion) bénéficient à l’ensemble
des sociétaires. La richesse produite peut se transformer en baisses tarifaires, en ristournes, en
améliorations de garanties, en investissements, ou encore venir renforcer les fonds propres de
la mutuelle, pour assurer sa solidité financière et sa pérennité. En cela, les mutuelles diffèrent
radicalement des compagnies d’assurance, dans lesquelles assurés et actionnaires sont
distincts. Pour caricaturer, on peut dire que l’affectio societatis du sociétaire d’une mutuelle
est de bénéficier des meilleurs services aux meilleurs coûts, et donc d’économiser de l’argent,
tandis que l’actionnaire d’une S.A. d’assurance compte en gagner. N’ayant pas d’actionnaires
à rémunérer, les mutuelles sont à l’abri de deux formes de conflits possibles au sein des S.A. :
-
le conflit dirigeants / actionnaires (schématiquement: investissements à long terme
contre profit immédiat) ;
-
le conflit assurés / actionnaires (amélioration du produit ou du service rendu contre
distribution des profits).
De plus, n’étant pas une société de capitaux, une mutuelle est à l’abri des visées
expansionnistes de ses concurrentes. Une S.A., au contraire, peut faire l’objet d’une O.P.A,
notamment lorsque son cours de Bourse est sous-valorisé. En clair, comme le souligne avec
force Alain Tempelaere2 « personne ne peut rien contre une mutuelle qui équilibre ses
résultats ». Corollaire de cette indépendance, les mutuelles ne peuvent pas faire appel au
marché pour se développer, d’où des problèmes récurrents de financement.
Enfin, les mutuelles sont administrées selon un schéma démocratique reposant sur deux
principes : l’égalité entre les sociétaires d’une part et la transparence du fonctionnement
politique et financier d’autre part. Les administrateurs des mutuelles sont des bénévoles, élus
par leurs pairs en Assemblée Générale, selon le principe « un homme = une voix ». Notons
toutefois que dans les plus grandes mutuelles, compte tenu du nombre extrêmement élevé de
sociétaires, ce principe est décliné selon une représentation à deux degrés : l’Assemblée
Générale ne réunit alors que des « délégués sociétaires », élus par les sociétaires d’un groupe
défini (groupe professionnel, régional, ou défini par nature de contrat).
1
Edmond Proust, cité par Adrien Couret,
l’ADDES, mars 2009.
2
La Valeur ajoutée du modèle mutualiste, XXIIe Colloque de
Dans Les Mutuelles d’assurance en France et dans le monde, 2001
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8
Les mutuelles 45
Héritières des mouvements de solidarité sociale du XIXe siècle, les mutuelles 45 tirent cette
appellation de l’ordonnance du 19 octobre 1945, portant statut de la Mutualité. Leur fonction
première est de compléter les prestations santé de la Sécurité sociale tout juste créée1, à un
moment où se construit un pan important de l’État-providence français. Les acteurs des
mutuelles 45 se sentent ainsi dépositaires d’une culture de l’économie sociale, dont on trouve
écho dans le premier article du Code de la mutualité : « les mutuelles (…) mènent, notamment
au moyen des cotisations versées par leurs membres, et dans l’intérêt de ces derniers et de
leurs ayants droit, une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide, (…)
afin de
contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et à
l’amélioration de leurs conditions de vie »2.
La FNMF, Fédération Nationale de la Mutualité Française, instance représentative des
mutuelles 45, revendique aujourd’hui 38 millions de personnes protégées et fédère la quasitotalité des mutuelles 45. Elle joue un rôle politique non négligeable, notamment comme
interlocuteur du gouvernement dans les négociations ayant trait à la santé.
Il existe deux types de mutuelles 45 : les mutuelles dites du livre II3, habilitées à pratiquer les
opérations d’assurance, et les mutuelles du livre III, qui gèrent des établissements à vocation
sanitaire ou sociale (hôpitaux, centres de santé, laboratoires…) En 2010, le site de la FNMF
recensait ainsi 2 400 services de soins et d’accompagnement assurant le maillage du système
sanitaire français et pratiquant une politique active de prévention et de promotion de la santé.
Sauf mention explicite contraire, les mutuelles 45 dont il est question ici sont uniquement
celles du livre II, c’est-à-dire les mutuelles en tant qu’organismes assureurs.
Au sein des mutuelles 45, on peut également distinguer entre mutuelles interprofessionnelles
et mutuelles dites « fonction publique ». Les mutuelles interprofessionnelles sont
territorialisées, et souvent regroupées au sein d’unions plus larges (à l’échelon d’un ou de
1
Par ordonnance du 4 octobre 1945.
2
Article L111-1 du Code de la Mutualité.
3
Le Code de la Mutualité est en effet divisé en trois « livres », le livre I traitant des unions de mutuelles.
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plusieurs
départements,
voire
d’une
région).
Les
secondes
sont
des
mutuelles
professionnelles, liées à des corps de la fonction publique (Education, nationale avec la
MGEN, personnels des hôpitaux, de la police ...).
Les mutuelles 45 sont principalement actives sur le marché de la santé. On considère
généralement qu’elles pèsent moins de 10% du marché français de l’assurance, mais près de
20% en Non-vie, et sans doute encore 55% en santé.
Les mutuelles d’assurance
Nées de mouvements de solidarité professionnelle, les mutuelles d’assurance sont, à l’origine,
des mutuelles catégorielles. On les regroupe parfois sous l’acronyme de SAM, reflet de leur
véritable appellation juridique : « sociétés d’assurance mutuelles ». Les premières, comme le
Sou Médical (devenu MACSF1), créé par les médecins, apparaissent à la fin du XIXe siècle.
Mais c’est principalement au XXe siècle qu’elles se développent : entre les deux guerres (la
MAIF, dédiée aux enseignants ; la GMF, pour les fonctionnaires) et plus encore lors des
Trente Glorieuses (citons par exemple la MAAF, créée en en 1950 pour les artisans, et la
MACIF, pour les commerçants et industriels, née en 1960). Leur histoire est notamment
marquée par une forte opposition au secteur des assurances commerciales, notamment lorsque
ces dernières, du fait des nationalisations de 1945, passent majoritairement sous contrôle de
l’Etat.
Dans la décennie 1980-1990, les mutuelles d’assurance ouvrent la possibilité de souscrire à
des publics plus larges et gagnent des parts de marché aux dépens des compagnies
d’assurance, grâce à une gestion efficace et un bon compromis qualité/prix.
Parmi les mutuelles d’assurance, on distingue traditionnellement entre celles qui font appel à
des commerciaux non salariés (agents généraux ou courtiers), et les mutuelles sans
intermédiaires (MSI), nées dans les années soixante et souvent appelées mutuelles
« niortaises », par référence à leur siège social d’origine. Ce critère a moins de pertinence
aujourd’hui, où toutes les mutuelles d’assurance utilisent plusieurs canaux de distribution.
1
Mutuelle d’Assurances du Corps de Santé Français.
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10
Citons également un sous-groupe particulier, celui des mutuelles d’assurances « à cotisations
variables ». Ces dernières ont la particularité de pouvoir exercer auprès de leurs sociétaires
un « rappel de cotisation », lorsqu’un exercice s’est révélé particulièrement déficitaire par
exemple. A l’inverse, elles peuvent également rembourser une partie des cotisations sous
forme de « ristourne ». Ces facultés, qui sont strictement encadrées par le Code des
assurances1,
semblent de moins en moins pratiquées.
Elles constituent néanmoins une
spécificité forte. Le rappel de cotisation, en particulier, peut être remis au goût du jour dans
des circonstances exceptionnelles : la MAIF y eut recours pour équilibrer ses comptes après
les tempêtes Lothar et Martin de 1999, et la Mutuelle de Poitiers le pratique toujours.
Les mutuelles d’assurances sont principalement fédérées au sein de la FFSAM2, qui rassemble
des entreprises très hétérogènes, régionales ou professionnelles, toutes développées à partir de
mutuelles d’assurance, mais qui peuvent être aujourd’hui coordonnées par des sociétés
anonymes. Elles sont également dotées d’un syndicat professionnel, le GEMA3. Enfin, la
ROAM, syndicat professionnel indépendant, veille plus spécialement aux intérêts des
mutuelles d’assurance de taille petite et intermédiaire.
A la différence des mutuelles 45, qui assurent les risques sociaux liés à la personne (maladie,
prévoyance, épargne parfois), les mutuelles d’assurance ont un champ d’activité centré sur
l’assurance dommages. Schématiquement, elles occupent toujours la place conquise dans les
années soixante sur le marché de l’assurance auto. Elles se sont également ouvertes à une
large gamme de produits et de services en assurance de biens et de personne, santé, et
assurance vie.
1
L’article R. 322-71 du Code des Assurances encadre l’amplitude du rappel de cotisation, et les statuts de la
mutuelle doivent également préciser le montant maximal qui peut être demandé au sociétaire. Par ailleurs, la
marge de solvabilité de la mutuelle ne peut être constituée de ces rappels qu’à hauteur de 50%. De même, la
pratique de la ristourne est encadrée par les articles R. 322-43 et R. 322-73, et son octroi est soumis à plusieurs
conditions, dont l’accord de l’autorité administrative.
2
Fédération Française des Sociétés d’Assurance Mutuelles.
3
Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurance, créé en 1964. A noter que la correspondance entre
mutuelles sans intermédiaire et GEMA n’est pas parfaite : on trouve au sein du GEMA des structures avec
intermédiaires, et toutes les MSI n’y sont pas représentées.
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2.2 – Le contexte européen
En quoi le contexte européen est-il déterminant, alors que les mutuelles françaises sont encore
assez peu implantées hors du cadre hexagonal ?
Tout d’abord, parce que les textes de loi régissant les sociétés d’assurance sont désormais
issus de la réglementation européenne. Les directives européennes tendent en effet à aligner le
statut des mutuelles sur celui des compagnies d’assurance, et les mouvements de fusions et de
regroupements qui les animent aujourd’hui sont en grande partie le résultat de cet alignement.
Ensuite, la concurrence est désormais « européenne » : les mutuelles sont désormais en
concurrence avec de grands assureurs européens, dont les dimensions et les stratégies sont
internationales.
Enfin et surtout, c’est au niveau européen que les mutuelles défendent leur identité. Pour faire
reconnaître leurs spécificités historiques, jusqu’ici ignorées du législateur européen, les
mutuelles doivent d’abord s’attacher à clarifier leur modèle, mal connu ou mal compris, et
parfois contesté.
3 –Objectifs de recherche
Ce mémoire, en examinant les stratégies de regroupement des mutuelles, a pour but de
dégager des pistes de réflexion sur les questions suivantes :
1°) S’agissant du mouvement de concentration en lui-même:
- Quelles sont les contraintes européennes dont il faut désormais tenir compte ?
- Quels sont les incitations et les freins à la concentration ?
2°) S’agissant des moyens :
- Quels sont les outils juridiques disponibles ? Leurs avantages et inconvénients ?
- Y a-t-il des écueils à éviter ? Quelles leçons tirer des fusions et rapprochement avortés ou
finalement inopérants ?
- A contrario, quels sont les modèles d’alliances les plus performants ?
- En quoi l’expérience acquise par les mutuelles d’assurance, plus concentrées, peut-elle
profiter aux mutuelles 45 ?
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12
3°) S’agissant des valeurs et de l’identité mutualiste :
- Comment les mutuelles préservent-elles leur fonctionnement face aux bouleversements du
secteur ?
- Le modèle mutualiste apparaît-il comme suffisamment viable pour continuer à véhiculer ses
valeurs fondatrices ?
- Quels sont les appuis que l’Europe peut apporter à ce modèle ?
A travers ces différentes questions, la problématique suivante se dégage : est-il possible de
distinguer des formes de regroupement mutualistes propres à garantir à la fois efficacité
économique et maintien des valeurs d’origine ?
4 - Quelques mots sur les sources
Pour répondre à ces questions, outre les ouvrages généraux cités dans la bibliographie, les
principales sources de ce mémoire sont les suivantes :
-
les articles parus dans la presse spécialisée (l’Argus et la Tribune, la revue Risques …)
principalement entre 2008 et 2010, avec de fréquents recours à des articles couvrant une
période plus ancienne (2002 à 2007), complétés par des articles de la presse généraliste,
pour les mêmes périodes ;
-
les revues et publications des fédérations ou associations professionnelles, tant françaises
(ROAM, GEMA et FNMF) qu’internationales (AMICE…) ;
-
les rapports d’activité de l’ACP, ceux des cabinets de conseil, ainsi que ceux de différents
groupes mutualistes, pour les données chiffrées ;
-
certaines publications universitaires, actes de colloques (ADDES …) et comptes rendus
de conférences portant sur l’économie sociale en général ou les mutuelles en particulier ;
Enfin, de nombreux sites internet (les principaux figurent dans la bibliographie) ont permis
d’appréhender l’image des mutuelles et leur stratégie de communication.
En outre, sept entretiens menés à partir de questions ouvertes ont été conduits auprès de
responsables confrontés à des mouvements de regroupements, qu’ils en soient parties
prenantes, conseils ou observateurs actifs :
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13
-
Pascale Le Lann (Cabinet Alenium Consultants)
-
et Hans Willert (Cabinet Alturia Consulting), tous deux consultants dans des
sociétés de conseil spécialisées, et ayant participé à des études préalables à des
opérations de fusion et de regroupement ;
-
Pierre-Yves Ledoeuf (HUMANIS), responsable du pôle Partenariats Mutualistes,
pour la partie institutions de prévoyance ;
-
Yannick Philippon, Directeur du marché collectif (Générali), pour la partie
compagnies d’assurances ;
-
Yves Hérault, (AXA), Directeur des Partenariats IP et Mutuelles, qui a apporté son
éclairage sur le rôle de la réassurance ;
-
Cornelia Federkeil-Giroux, Chargée des affaires européennes au sein de la FNMF ;
-
et Dominique Chaignon, Directeur Général Adjoint de l’UNPMF.
5 - Plan de l’étude
Une première partie analyse les facteurs contraignant les mutuelles à se regrouper : facteurs
issus de la réglementation européenne, mais aussi de l’accélération de la concurrence. Une
deuxième partie est consacrée aux stratégies adoptées par les mutuelles, et aux outils qui leur
permettent de les mettre en œuvre, soit pour atteindre les effets de taille recherchés, soit au
contraire pour maintenir leur indépendance. Une dernière partie décrit les effets des
mouvements de concentration sur le fonctionnement traditionnel et les valeurs fondatrices des
mutuelles, et la façon dont ces impacts sont traités au niveau européen.
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1 – FACTEURS DE LA CONCENTRATION
1.1
LES CONTRAINTES EUROPÉENNES
1.1.1 La législation européenne et ses répercussions en droit français
Mutuelles 45 : la transposition tardive des directives « Assurance »
En 1992, deux directives européennes viennent achever la construction du marché unique
dans le domaine des assurances1. Si les textes sont anciens, leur application en France est
extrêmement tardive : il faut attendre huit ans, et une condamnation de la France par la Cour
de Justice des Communautés Européennes, avant leur transposition en droit français,
aboutissant l’année suivante à la réforme du Code de la Mutualité de 20012.
Elles entraînent pour les mutuelles trois changements majeurs :
1°) En vertu du principe de spécialisation, les mutuelles 45 doivent désormais séparer
activités d’assurance et gestion des œuvres sanitaires et sociales. Le modèle solidaire qui
reposait sur une redistribution des cotisations en prestations via un équilibre entre les deux
domaines est donc totalement remis en cause.
2°) Désormais assimilées, en droit, à des entreprises d’assurance, les mutuelles peuvent
pratiquer de nouvelles branches d’assurance, Vie et Non-vie. Elles se retrouvent ainsi en
concurrence avec les institutions de prévoyance (IP) et les compagnies d’assurances sur
des garanties nouvelles, qui nécessitent d’acquérir rapidement des compétences
techniques.
1
Directives 92/96/CEE du 10 novembre 1992 (assurance directe sur la vie) et 92/49/CEE du 18 juin 1992
(assurance directe autre que l’assurance sur la vie)
2
Ordonnance 2001-350 du 19 avril 2001
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3°) Enfin, les directives européennes viennent renforcer les exigences comptables,
financières et prudentielles. Pour obtenir leur agrément, les mutuelles doivent atteindre
des marges de solvabilité exigées au niveau de chaque activité. Ces marges sont précisées
par de nouvelles directives, en 2002. Les décrets d’application, pris en 20041, donnent aux
mutuelles jusqu’à mars 2007 pour se conformer aux nouvelles règles, avec un fonds de
garantie minimal multiplié par six en Non-vie, et par 3,75 fois en Vie2.
Résultat de la transposition de ces directives : une première vague de concentration des
mutuelles 45, dont le nombre se réduit de plus de la moitié entre 1999 et 20063. C’est
également le début du phénomène des mutuelles substituées, les plus petites d’entre elles se
trouvant contraintes de transférer leurs risques auprès de mutuelles plus solides, ou d’unions.
Pression fiscale
De façon plus générale, l’application du droit européen de la concurrence entraîne pour les
mutuelles des charges nouvelles, et modifie de manière radicale leur environnement fiscal.
Dès 2001, la Commission Européenne souligne que « le caractère non lucratif d’un
établissement n’est pas un critère pertinent » pour le soustraire aux règles de la concurrence.
En conséquence, l’exonération de TCA (Taxe sur les Conventions d’Assurance) dont
bénéficiaient jusqu’ici les mutuelles 45 et les IP est supprimée, à la grande satisfaction des
compagnies d’assurance qui y voyaient depuis longtemps une distorsion de concurrence4.
En application des mêmes principes, une loi de 2006 prévoit l’entrée des mutuelles 45 et des
IP dans le régime fiscal de droit commun. Une fois encore, l’entrée en vigueur du dispositif
est repoussée d’années en années. Le texte français prévoyait en effet une série de dérogations
1
Décret n° 2004-486 du 28 mai 2004 transposant les directives 2002/13 /CE et 2002/83 /CE
2
Le fonds minimal de garantie est ainsi porté à 1,5 M€ en Non-vie et à 2,25 M€ en Vie.
3
On comptait 5 000 mutuelles 45 à fin 1999, contre un peu plus de 2000 à fin 2006.
4
La TCA est une taxe de 7% sur les cotisations. A compter du 1er octobre 2002, l’exonération de TCA est liée à
la nature du contrat, et non plus à la nature de l’organisme assureur. Sont ainsi exonérés tous les contrats santé
dits « responsables » (conformes aux contraintes édictées par la Loi Evin de 1989), quel que soit l’opérateur. A
noter toutefois que la Loi de Finances de 2011 supprime finalement cette exonération, avec le retour d’une TCA
« allégée » (3,5 %) sur tous les contrats santé, y compris les contrats responsables.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
16
portant sur l’assiette d’imposition1. En janvier 2011, la Commission Européenne réitère sa
position : « Bien que la Commission ne mette pas en doute l’objectif social » de ces mesures,
les avantages fiscaux envisagés par la France ne sont pas « de nature à garantir une
répercussion effective (…) sur le consommateur final 2 » et sont donc incompatibles avec les
règles européennes de la concurrence.
En réalité, les mutuelles ne seront imposables sur la totalité de leur résultat qu’à compter de
20143. Mais l’impact technique de cette mutation fiscale est d’ores et déjà palpable, ne seraitce qu’à travers l’obligation de mettre en place une comptabilité informatisée, devant faciliter
le contrôle.
D’ici là, la loi de finances pour 2011 instaure une taxe forfaitaire de 10% sur la réserve de
capitalisation, également connue sous son nom anglais d’exit tax4. Applicable à tous les
organismes assureurs, quels qu’ils soient, cette taxe suscite l’inquiétude d’une grande partie
du monde mutualiste. Le GEMA souligne par exemple que la réserve de capitalisation
représente en moyenne 20 % des fonds propres des assureurs français, et qu’elle joue un rôle
contracyclique et prudentiel important : alimentée par les plus-values de cession sur
obligations, les assureurs l’alimentent quand les taux baissent et ont la possibilité de venir y
puiser lorsque les taux montent. En amortissant les chocs de taux d’intérêt, la réserve de
capitalisation permet donc de sécuriser les bilans. Cette nouvelle taxation aura-t-elle pour
effet, à terme, de supprimer la réserve de capitalisation ? Pour le Jean-Luc de Boissieu5, c’est
très probable : après épuisement des réserves constituées jusqu’alors, la réserve de
capitalisation risque de disparaître définitivement des bilans. L’exit tax ne pouvant en
aucun cas être mise à la charge des assurés, les mutuelles vont donc « s’appauvrir » de
sommes parfois considérables (26,2 M€ pour la MAIF), et constituer des suppléments de
fonds propres.
1
Exonération de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle sur les contrats santé dits «responsables «
(c’est-à-dire quasiment tous les contrats santé), et allégement sur certains contrats collectifs de prévoyance.
2
Commission Européenne, communiqué de presse du 26 janvier 2001 – ref. IP/11/69.
3
Le dispositif leur permet de doter une provision spéciale de solvabilité, déductible fiscalement, dont le montant
dégressif s’échelonnera de 100 % à 20 % entre 2008 et 2013.
4
Taxe forfaitaire de 10 % sur le stock de réserve de capitalisation constaté au 1er janvier 2010.
Elle est plafonnée à 5 % des fonds propres de chaque organisme, et payable en deux fois, en 2011 et 2012.
5
Interview de Jean-Luc de Boissieu, alors secrétaire général du GEMA, 16 octobre 2010 – www.newsassurances.com.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
17
Réduction des déficits publics
Elément significatif, le produit de l’exit tax, évalué au total à 1,7 milliard d’euros, doit être
affecté à CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale). De fait, l’intégration fiscale
des mutuelles participe d’un mouvement plus large, ayant trait à la réduction des déficits
publics. A la question : « Quelle est l’intensité du facteur européen dans le mouvement des
concentrations des mutuelles ? », Hans Willert, Directeur des opérations du cabinet de conseil
Alturia1, souligne d’emblée l’impératif européen de maîtrise des dépenses : « Pour
moi, l’exception française du système de protection sociale tel qu’on le connait aujourd’hui
en santé va durer au maximum cinq ans. Le système de la sécurité sociale va-t-il être mis en
question ? C’est probable. Bien sûr, les attaques directes des opérateurs européens sur le
marché français n’auront pas lieu tout de suite, pas avant que ces opérateurs n’aient la
possibilité d’assurer au premier euro. Mais c’est inéluctable à terme : l’hypothèque énorme
créée par la dette, en santé comme en retraite, est inacceptable au plan européen. Des lois
contre les déficits vont apparaître, et une véritable concurrence européenne aussi. »
Référencement
Le processus de référencement, imposé aux mutuelles de la fonction publique, est une
illustration des contraintes que l’on vient de voir. Il répond en effet à la double exigence du
droit européen de la concurrence et de la maîtrise des dépenses publiques, encadrée en
l’occurrence par la révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 20072. Le
dispositif du référencement organise les nouvelles règles de participation de l’Etat employeur
public au financement de la protection sociale complémentaire de ses agents. Il vise
l’ensemble de la Fonction publique d’Etat. Pour les mutuelles de la fonction publique, c’est la
fin du lien organique qui les attachait jusqu’alors à leurs adhérents. Chaque ministère établit
désormais3 un cahier des charges, et lance un appel public à concurrence auquel peuvent
1
Interviewé en novembre 2010
3
Décret n° 2007-1373 du 19 septembre 2007 relatif à la participation de l’Etat et de ses Etablissement Publics
au financement de la protection sociale complémentaire de leurs personnels.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
18
répondre aussi bien les mutuelles, les institutions de prévoyance, que les compagnies
d’assurance, dès lors qu’elles proposent une offre garantissant la solidarité entre les
bénéficiaires, actifs et retraités. En 2009, année de lancement des premiers appels d’offres, les
mutuelles historiques de la fonction publique ont réussi à mettre en valeur leur expérience
dans la mise en œuvre des mécanismes de solidarité (intercatégorielle et intergénérationnelle)
et à conserver leurs positions. Néanmoins, les regroupements amorcés à cette occasion vont
s’intensifier, avec de nouvelles échéances : le renouvellement du référencement, à horizon
2016, et l’extension du processus de référencement aux collectivités territoriales.
1.1.2 Solvabilité II
Parmi les divers impacts de la législation européenne, la directive Solvabilité II1 tient
évidemment une place centrale. S’il n’est pas question ici de détailler une directive largement
commentée ces deux dernières années, on peut toutefois souligner les éléments propres à
accélérer la concentration dans le secteur des mutuelles.
La directive, qui prendra effet au 1er janvier 2013, s’articule autour de trois piliers :
•
Le Pilier I définit une exigence quantitative de marge de solvabilité.
Il fixe deux niveaux réglementaires pour les fonds propres :
- un minimum absolu, le MCR (Minimum Capital Requirement), est considéré comme un
seuil d’alarme. En deçà de ce niveau, l’intervention de l’autorité de contrôle est automatique.
- un capital cible, le SCR (Solvency Capital Requirement), doit permettre de faire face à des
scenarii très défavorables avec une probabilité de ruine à un an inférieure à 0,5%. Le SCR
est calculé :
- soit selon une formule standard, en cours de calibrage au travers de QIS 5 2.
- soit selon un modèle interne, élaboré par l’entreprise en fonction de ses propres
spécificités, et validé par l’autorité de contrôle.
1
Directive Solvency II, du 10 juillet 2007, adoptée par le Parlement européen en avril 2009. Les mesures
d’application, négociées entre les fédérations professionnelles, les régulateurs et les gouvernements européens,
sont encore à déterminer.
2
Quantitative Impact Sudy 5, 5ème et dernière étude d’impact, qui déterminera les mesures d’exécution finales.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
19
•
Le Pilier II définit des exigences qualitatives pour la surveillance et la gestion des risques.
A travers ces nouvelles normes, l’organisme assureur doit prouver qu’il est en mesure de
calculer et de maîtriser l’ensemble de ses risques, assurantiels mais aussi financiers et
opérationnels. Il s’agit donc de mettre en place des stratégies d’investissement et de gestion
actifs-passifs, ainsi que des dispositifs de contrôle interne. La gouvernance fait également
l’objet d’une surveillance renforcée. Le conseil d’administration a obligation de publier une
information sur le système de gouvernance mis en place, la répartition des responsabilités, et
l’indépendance et les compétences du management.
Pour une société ne se donnant pas les moyens nécessaires d’apprécier ses propres risques,
l’autorité de contrôle peut relever le seuil du capital requis, en exigeant un add-on capital.
Elle peut donc légitimement s’immiscer dans la gestion opérationnelle de l’assureur.
•
Enfin, Le Pilier III est consacré à la discipline de marché. Il fixe des exigences en
matière de reporting et de transparence. Un certain nombre d’informations doivent ainsi être
rendues accessibles au public, ou fournies à l’autorité de contrôle.
L’un des buts poursuivis par la directive est de « renforcer la compétitivité internationale des
assureurs européens ». Or les mutuelles se différencient des compagnies d’assurance par une
taille et des moyens plus réduits, rendant la mise en place des nouvelles normes plus difficiles.
En outre, les répercutions sur leur capital réglementaire sont proportionnellement plus
importantes que pour les compagnies d’assurance.
Conséquences directes sur le capital réglementaire des mutuelles
D’une manière générale, le monde mutualiste dénonce le niveau trop élevé des provisions
exigées par Solvabilité II.
Côté mutuelles 45, on juge que les calibrages prévus, excessifs, conduiront pour le moins à
des hausses de cotisations. Après la crise de 2008-2009 et un durcissement de la formule de
calcul du SCR, elles estiment en effet que la proportion de fonds propres nécessaires à la
couverture du risque santé est passée du simple au double1. Pour la FNMF, « certains
organismes ne seraient plus solvables » et les autres « devraient reporter ce surcoût en
1
de 3% à 7,5% des cotisations et de 7,5% à 12% des provisions techniques
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
20
augmentant fortement les prix des complémentaires santé, ce qui se traduirait pour les
assurés français par une hausse des cotisations d’au moins 17% ».
Côté mutuelles d’assurance, on estime également que Solvabilité II revient à multiplier par
deux les exigences actuelles de capital, avec un MCR (minimum requis) très proche de la
marge de solvabilité actuelle, et un SCR (capital cible), « au double du MCR ». Pour autant,
comme le note la ROAM, l’augmentation du SCR sera probablement en grande partie
compensée par la prise en compte « d’un certain nombre d’éléments de richesse propre »
comme la réassurance ou l’intégration des profits futurs par le jeu des impôts différés, dont le
régime actuel de Solvabilité I ne mesure pas l’effet.
En l’absence de certitudes sur les mesures d’exécution finales, l’impact réel sur le capital des
mutuelles reste difficile à évaluer, et les estimations données par les fédérations ont également
pour but de peser sur les arbitrages finaux.
Cependant, de l’avis unanime des opérateurs, Solvabilité II représente une menace réelle
pour les mutuelles spécialisées sur des branches longues : responsabilité civile ou
construction en dommages, ou prévoyance et retraite en assurance de personnes. Pour ces
acteurs, le besoin en fonds propres pourrait être de trois fois supérieur à l’exigence actuelle (et
jusqu’à dix fois supérieure pour certains). Dans la modélisation des calculs, les
investissements correspondant aux engagements de long terme sont en effet traités comme des
investissements à court terme, sur quelques mois ou sur un an. Pour les mutuelles et les
institutions de prévoyance (IP) concernées, il s’agit là d’une « hyperprudence étouffante »1,
imposant des garanties de solvabilité excessives par rapport à ce qui est économiquement
nécessaire.
Modèle interne versus formule standard
De très nombreuses mutuelles font partie de ces opérateurs qui couvrent des risques
spécifiques. Pour optimiser leur niveau de fonds propres, elles ont donc intérêt à s’éloigner de
la formule standard du SCR. Selon certains cabinets de conseils, l’utilisation d’un modèle
interne entraînerait un gain en exigence de capital pouvant aller jusqu’à 45%2. Pour les
mutuelles, cependant, les freins à la mise en place des modèles internes se cumulent :
1
Selon l’expression utilisée par Bernard Spitz et Rolf-Peter Hoenen (« Pour une régulation intelligente de
l’assurance », Les Echos, 31 janvier 2011)
2
Selon le cabinet Sia Conseil (Solvabilité II, histoire de coût, La Tribune de l’Assurance, novembre 2008)
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
21
1°) Les coûts humains et techniques induits par la création et la maintenance d’un modèle
interne sont prohibitifs : Le surcoût lié à sa seule élaboration serait de 25%1 du coût total
du chantier « Solvabilité II ». Outre les aspects informatiques et « process » (remontées
des données et traitements associés), la complexité des techniques de modélisation,
nécessite de recruter des équipes importantes de statisticiens et d’actuaires.
2°) Une fois ces barrières internes levées, les mutuelles doivent faire valider leur historique
statistique auprès du régulateur, exercice périlleux pour les plus petites d’entre elles, qui
n’ont pas vécu de fusions récentes, et n’ont donc jamais eu l’occasion de le faire. Enfin, le
régulateur se réserve le droit de ne pas valider un modèle interne si l’écart avec les
résultats de la formule standard s’avère trop important.
En définitive, les mutuelles redoutent donc avec Solvabilité II un important effet de ciseaux :
baisse des besoins en capital pour les compagnies d’assurance, déjà habituées à la
modélisation des données, et qui sauront manipuler à bon escient leur modèle interne, et
hausse pour les acteurs les plus petits, qui ne pourront pas proposer un modèle interne
performant. Pour Yanick Philippon2, si les institutions de prévoyance se sont regroupées en
quinze ans environ (de 1995 à 2010), Solvabilité II aura sans doute des effets beaucoup plus
rapides la concentration des mutuelles 45.
Mise en œuvre opérationnelle
Pour Hans Willert, du cabinet Alturia « c’est le pilier I, le besoin en fonds propres, qui reste
pour l’instant moteur dans les regroupements. Pour certaines mutuelles, mais elles ne sont
pas nombreuses, c’est une question de survie. En revanche, il me semble qu’il y a une grande
ignorance des risques opérationnels, des contraintes induites par le piler II. Je pense que, une
fois les exigences de fonds propres satisfaites, la mise en conformité avec le pilier II
entraînera une deuxième vague de concentration » Pour les petites structures, la mise en
œuvre de la gestion des risques constitue en effet une difficulté majeure. Dans la plupart
d’entre elles, jusqu’à une période très récente, le risque de souscription (tarification et
surveillance du portefeuille) était le domaine réservé de la direction technique, tandis qu’une
direction « financière » (le plus souvent un directeur comptable) veillait aux investissements
1
Sia Conseil, ibid.
2
Directeur du marché collectif chez Générali, interviewé en février 2011
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
22
et placements. Même s’il est exagéré de dire que ces deux directions évoluaient de façon
totalement étanche, les domaines réservés de l’une et de l’autre étaient clairement établis.
Solvabilité II vient bouleverser ces organigrammes souvent verticaux pour mettre en place
une gestion des risques globale, où les choix assurantiels et stratégiques doivent être pesés
en fonction du comportement attendu des actifs détenus. L’ORSA1, défini par la directive
comme l’outil central de la gestion des risques, apparaît comme le principal chantier
d’implémentation à Solvabilité II, pour des mutuelles souvent habituées à pratiquer un
calibrage des risques « intuitif ».
Tous les risques, y compris cette adéquation actifs / passifs doivent ainsi faire l’objet d’un
contrôle interne renforcé, couvrant horizontalement tous les domaines d’activité, et en prise
directe avec les instances dirigeantes. La mise en conformité requiert ainsi trois tâches
principales :
-
la réalisation (ou, dans le meilleur des cas, l’actualisation) de la cartographie des
risques ;
-
l’amélioration des procédures et des contrôles ;
-
la clarification de la gouvernance, notamment de la supervision du contrôle
interne.
Dans les petites structures, les changements à accomplir restent importants. Paul Coulomb,
chef de brigade à l’ACP, souligne ainsi le retard pris dans la mise en place du contrôle interne,
et mentionne le fait que certaines mutuelles ne sont même pas en conformité vis-à-vis de la
législation actuelle 2. Pour ces dernières, la menace qui pèse est celle de devoir externaliser
la surveillance des risques, et donc de renoncer à exercer directement un pan stratégique de
l’activité, confié à un prestataire.
Avec le droit européen de la concurrence, Solvabilité II apparaît donc comme le principal
facteur direct de concentration des mutuelles. Mais la législation européenne a également des
effets indirects en termes de concurrence : face à l’ampleur des changements à accomplir, les
rapprochements apparaissent comme le moyen de bénéficier d’effets de taille et d’assurer une
1
Own Risk and Solvency Assessment
2
« Les mutuelles sont encore en pleine évolution ; il reste un travail de rattrapage pour se conformer à
Solvabilité I, et le secteur doit aussi, comme tous les autres opérateurs, se préparer aux prochaines échéances. »
(Propos cités par Laure viel, La Mutualité est un concept exigeant, l’Argus, 13 novembre 2009)
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
23
meilleure diversification des risques, deux atouts essentiels pour continuer d’être compétitifs
face à des compagnies d’assurance de dimension européenne.
1.2
CONCURRENCE ET CONTRAINTES INTERNES
1.2.1 La taille critique
Un des arguments les plus mis en avant par toutes les mutuelles ayant opéré des
regroupements est l’effet de taille, mis à profit pour conclure des partenariats ou faire des
acquisitions qu’elles n’auraient pas pu mener à bien seules. Notons que les mutuelles ne sont
pas les seules engagées dans cette course à la taille. À mesure que l’assurance se rapproche
d’une activité industrielle, les compagnies d’assurance, mais aussi les institutions de
prévoyance et les bancassureurs cherchent de la même façon à pouvoir bénéficier
d’économies d’échelle. Notons également que l’évaluation de la taille à atteindre varie en
fonction du contexte et des acteurs. Lors de la première vague de concentration des mutuelles
45, la taille critique se situait pour ces dernières autour de 100 à 200 M€ de chiffre d’affaires.
En 2005, un Délégué Général de mutuelle d’assurance considérait qu’avec avec 450 M€ de
chiffre d’affaires, son groupe restait une petite entreprise1, confrontée à un problème de taille.
Aujourd’hui, sur le marché de la santé, on estime à un million de personnes protégées la
taille critique permettant d’accompagner les évolutions prévisibles du secteur2, soit un chiffre
d’affaires compris entre 500 et 700 M€. Avec la concentration des institutions de prévoyance,
qui donne naissance à de nouveaux poids lourds, on peut donc estimer que le ticket d’entrée à
horizon 2015 sera proche du milliard3,
1
Propos de Gilles Dupin à propos du Groupe Monceau Assurances (Nous recherchons un partenaire européen
mutualiste, l’Argus, 3 juin 2005).
2
Olivier Falla-Etzol, responsable de l’offre de protection sociale chez Aedian.
3
Vauban-Humanis et Aprionis, qui ont fusionné en 2011, affichent un chiffre d’affaire proche du milliard en
santé. A ce chiffre il convient d’ajouter celui de Novalis, qui doit rejoindre le groupe en 2012, avec un chiffre
d’affaire « assurances de personnes » de plus d’un milliard.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
24
Economies d’échelle
L’évaluation à priori des effets de taille reste difficile. Sur certains marchés très bien
maitrisés, la seule mutualisation du portefeuille entraîne une baisse notable des cotisations.
C’est le cas de l’assurance auto, avec une baisse de 10% des tarifs lorsque l’on passe de 1 à 3
millions de véhicules assurés. Pour accroître la rentabilité et peser à la fois sur les prix des
fournisseurs et sur les coûts du service rendu, quatre pôles de « mutualisation » semblent se
dégager :
1°) Les achats
Interrogé sur les chantiers communs de Sferen (née du rapprochement MACIF, MAIF et
MATMUT), Roger Belot place les achats en tête de liste des « sept champs prioritaires »
pour le groupe1. La taille permet en effet de peser sur les achats d’assurance (expertise,
avocats, réassureurs, concepteurs de produits...) mais aussi sur les achats « classiques » (poste
et acheminement, prestataires divers…).
2°) La gestion des ressources humaines
La croissance des effectifs dédiés aux différents contrôles internes est l’un des éléments
importants du renchérissement des coûts induits par Solvabilité II. Seule une mutuelle de
bonne taille peut attirer les professionnels disposant d’une vision globale de l’activité. Le
regroupement des compétences actuarielles (dans le cadre du pilier I de Solvabilité II) et des
compétences de risk management (pilier II) apparaît donc comme une nécessité.
3°) La gestion financière
Dans un contexte de baisse des rendements des produits financiers, la mise en commun de la
gestion financière est également de rigueur. C’est l’un des axes de développement de Covéa,
avec la finalisation, en mai 2010, d’une société de gestion commune à MMA, MAAF et
GMF, gérant 67 Md€, et prenant la dixième place parmi les sociétés de gestion en France.
Même chose avec la société Ofi AM, détenue par la MACIF et la MATMUT, et sans doute
destinée à terme à recueillir la gestion financière des trois entités de Sferen.
4°) Les Systèmes Informatiques (SI)
1
Sferen, à l’assaut de la culture mutualiste, l’Argus, 5 avril 2010
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
25
Ils sont considérés comme le principal vecteur des économies d’échelle. La mutualisation peut
se limiter à une plate-forme informatique (édition et/ou exploitation technique, processus de
back-office), ou, dans une intégration à maxima, concerner une activité à part entière. Avec la
dématérialisation des flux, les mutuelles sont quasiment toutes dotées de SI adaptés à leurs
activités. Aujourd’hui, l’accent n’est plus seulement mis sur l’efficacité, mais sur la capacité
d’adaptation de ces SI. Il est ainsi courant de remplacer un système performant par un autre,
uniquement parce que les coûts d’adaptation du second sont moins élevés. Les modifications
constantes de la législation de l’assurance-maladie1 par exemple, rendent incontournable
l’acquisition d’outils de gestion ultra-réactifs pour tout organisme intervenant sur le marché
des assurances de personnes. En santé, la gestion des flux est entrée dans une logique
d’industrialisation. D’après le cabinet de conseil Eurogroup, là où un flux papier de tiers
payant revenait à 1 euro, un flux électronique peut coûter 15 centimes, si le système sert 5 à
10 millions de bénéficiaires, et ce montant pourrait encore baisser2.
Avec ces économies d’échelle, les mutuelles visent la réduction des frais, une thématique
citée par de très nombreux dirigeants, sans doute en raison de l’incidence des frais de gestion
sur le ratio combiné, devenu depuis quelques années l’indicateur majeur de la bonne santé
d’un organisme, qu’il soit mutualiste ou non. Le cabinet Facts & Figures stigmatise ainsi
certaines mutuelles (MACIF, MAIF et MATMUT), moins rentables que certaines de leurs
concurrentes3. Avec des niveaux de coût atteignant parfois 30% (contre les 22 à 25%
considérés comme satisfaisants), ces mutuelles perdent du terrain, tandis que d’autres, en
industrialisant les processus, parviennent à comprimer ces coûts de gestion. Paradoxalement,
Cyrille Chartier-Kastler, commentant ce rapport4, cite parmi les causes d’augmentation des
frais de gestion « la constitution de structures transversales de type holding », et la mise en
œuvre de chantiers informatiques « trop ambitieux ». Preuve s’il en était que la seule addition
de volumes ne suffit pas, et que les économies d’échelle ne sont possibles qu’en tenant
compte d’une réorganisation quasi complète des activités.
1
Les exemples sont nombreux : mise en place de la CCAM (Classification Commune des Actes Médicaux) ou
de la T2A (Tarification à l’Activité) pour les soins hospitaliers ; parcours de soins responsable ; évolution du
régime fiscal et social des cotisations ; évolutions de la CMU, de la TCA ; changement des niveaux et/ou des
postes pris en charge par le régime de base…
2
3
4
Les assureurs paritaires à l'heure des grandes manœuvres, Les Echos, 11 avril 2006
Rapport 2010 sur l’Assurance et la Protection Sociale, Facts & Figures, 12 juillet 2010
Les mutuelles d’assurance perdent en compétitivité, Les Echos n° 20718 du 13 Juillet 2010
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
26
Notoriété
Outre les économies d’échelle, l’autre domaine dans lequel l’effet de taille joue de façon
importante est la notoriété. Les mutuelles souffrent en effet d’un manque de reconnaissance
face aux compagnies d’assurance. Pour le Directeur Général Délégué Santé du groupe Covéa,
l’attrait de la marque est même si important qu’il « peut expliquer un certain nombre de
regroupements, tout autant que Solvabilité II, car installer une marque demande un
investissement considérable1 ». Beaucoup plus avancées sur ce sujet que les mutuelles 45, les
grandes mutuelles d’assurance sont attentives à leur communication depuis plus d’une dizaine
d’années et suivent maintenant de près des indicateurs comme la notoriété ou l’image de
marque. Si les retombées commerciales des campagnes publicitaires sont évidentes, la
charge qu’elles représentent n’est pas à la portée des mutuelles de taille de moyenne : en
2004, la campagne MAAF avait couté au groupe 20 millions d’euros, une somme jugée
« raisonnable »2 au regard des 150 000 nouveaux contrats générés en 9 mois. MMA, dont le
« plan de reconquête3 », est estimé à 50 millions d’euros, estime qu’après chaque campagne,
le trafic dans les agences augmente de 30%. Du côté des mutuelles 45, le phénomène
commence à apparaître. Citons par exemple la MG, ex-Mutuelle Générale des PTT, qui
accompagne son virage vers le grand public par une campagne de publicité destinée à installer
la marque, et à laquelle Patrick Saegon attribue une production de nouveaux contrats de 25 %
supérieure aux objectifs.
1.2.2 Conventionnement et réseaux
Pourtant, il est un domaine dans lequel l’effet de taille semble toujours insuffisant : celui des
réseaux, qui ne peuvent se construire sans l’aide de partenaires.
1
Top 30 de la santé: se différencier en 2010, Argus du 25 juin 2010
2
GRONDAHL Marie-Pierre, la Maaf, c’est la pub que j’préfère, Management, 1er mars 2005
3
A l’époque du lancement, en 1999, MMA perdait 1 000 clients par mois
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27
Principes du conventionnement
Les réseaux sont des regroupements de professionnels agréés par des compagnies d’assurance
ou des mutuelles. En santé, il s’agit le plus souvent d’opticiens, parfois de dentistes ou
d’audioprothésistes. Pour les mutuelles d’assurance, il s’agit de réseaux de garagistes,
d’experts, ou encore d’avocats. Quel que soit le domaine d’intervention, le principe repose sur
une maîtrise des dépenses, profitable aux deux parties :
-
pour l’assuré, le recours à un professionnel du réseau entraine une diminution du
reste à charge, associée en général à des services supplémentaires : tiers payant en
santé, assistance pour l’assurance de biens.
-
L’organisme assureur, de son côté, peut contenir le volume des remboursements
grâce à des prix négociés.
Dans certains cas, les mutuelles encouragent l’utilisation de leur réseau par un
« remboursement différencié », avec une indemnisation de meilleur niveau pour les adhérents
s’adressant aux professionnels agréés1.
Réseaux santé …
Parmi ces réseaux, ceux touchant à la santé et au conventionnement des soins sont les plus
actifs. Le dernier né, Kalivia, est un réseau d’opticiens créé en 2010 par Malakoff-Médéric
(IP) et le groupement Harmonie Mutuelles (mutuelles 45). Les bénéfices attendus sont une
économie de 25% à 30% par rapport aux tarifs habituellement pratiqués, avec un objectif de
3 500 points de ventes, soit un maillage suffisant pour assurer à chaque adhérent une
présence dans un rayon de vingt kilomètres. Pour obtenir de telles conditions, les deux
partenaires estimaient ne pas avoir, seuls, la taille critique suffisante. Ensemble, ils atteignent
6 millions de bénéficiaires2, soit exactement le nombre annoncé par Santéclair, pionnier et
1
Le remboursement différencié a récemment occasionné quelques déboires aux mutuelles 45 : dans un arrêt du
18 mars 2010, la cour de cassation a donné raison à un adhérent de la MGEN qui contestait cette pratique. De
fait, l’article L.112-1, al.3, du Code de la mutualité stipule que : « les mutuelles et leurs unions ne peuvent
instaurer de différences dans le niveau des prestations qu’elles servent qu’en fonction des cotisations payées ou
de la situation de famille des intéressés ». Le remboursement différencié n’est donc pas autorisé par le Code de
la mutualité. Toutefois, la situation ne devrait pas perdurer, et une loi sera vraisemblablement votée pour
modifier cet article et couper court à tout recours.
2
4 millions de personnes protégées pour Harmonie, 2 pour Malakoff Médéric.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
28
leader des réseaux de santé, créé il y a dix ans par quatre organismes issus des quatre familles
de l’assurance1.
En matière de conventionnement, une nouvelle étape sera peut-être bientôt franchie par
Covéa, qui cherche des partenaires pour peser sur les coûts de l’hospitalisation, qui ont
doublé en six ans. Les chiffres donnés à cette occasion par Didier Bazzocchi relativisent ceux
généralement admis comme constituant la taille critique en chiffre d’affaire : pour mener à
bien ce conventionnement hospitalier, Covéa, avec « seulement » 1,7 millions de
bénéficiaires, souhaite rassembler … 10 à 20 millions de personnes couvertes2.
Notons enfin que ces réseaux sont appelés à se développer, encouragés par l’autorité de la
concurrence pour qui « le développement de réseaux de professionnels de santé agréés par les
OCAM (Organismes Complémentaires d’Assurance-Maladie) apparaît comme plutôt proconcurrentiel3 ».
… et futurs réseaux
La dépendance, marché en devenir qui attise les convoitises de tous les acteurs, sera
probablement l’enjeu de la constitution de grands réseaux nationaux, entraînant la
multiplication des alliances et partenariats. Quels que soient les résultats de la concertation
nationale conduite en 2011 par le gouvernement, la couverture de la dépendance implique non
seulement un besoin en terme d’assurance, mais plus encore un besoin en terme de prestations
« en nature ». Outre l’indemnisation, la difficulté porte en effet sur la capacité, pour
l’assureur, à fournir le service adéquat. En l’occurrence, la présence quotidienne et répétée
d’un aidant permettant le maintien à domicile d’une personne dépendante. A ce jour, aucune
des deux grandes enseignes mutualistes consacrées aux services à la personne n’a réussi à
s’imposer :
1
Allianz (compagnie), MAAF-MMA (mutuelles d’assurance) IPECA (IP) et MGP, Mutuelle Générale de la
Police (mutuelle 45).
2
Se Différencier en 2010, l’Argus, 1er octobre 2010
3
Par un communiqué du 28 septembre 2009, l’autorité de la concurrence fait savoir que « si le risque
d’homogénéisation des tarifs pratiqués au sein d’un même réseau ne peut être exclu, le développement de
réseaux de professionnels de santé agréés par les OCAM apparaît comme plutôt pro-concurrentiel « : pour
continuer à attirer des assurés, les professionnels non conventionnés seraient de la sorte incités à fournir des
services supplémentaires ou une meilleure qualité de services.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
29
-
Côté mutuelles 45, France Domicile, crée en 20051 est placée en liquidation
judiciaire en octobre 2010 avec un déficit de 2,9 millions d’euros.
-
Côté Mutuelles d’assurances, Serena2, après un deuxième plan social, abandonne
l’activité de services à la personne liée au « plan Borloo ».
Les deux enseignes ont souffert de la crise. Mais leur échec illustre aussi la fragilité du
modèle, qui repose sur la mise en relation « en ligne » d’un particulier avec un prestataire de
services. Gageons néanmoins que les mutuelles sauront tirer parti de cette expérience au
moment de mettre en place des réseaux liés à la dépendance, et qui demanderont d’allier
proximité, services médicalisés et peut-être capacité d’accueil dans des centres spécialisés. La
constitution de réseaux tendant vers le « service maximal » appelé de ses vœux par Roger
Belot3 ne devrait pas manquer de susciter de nouveaux partenariats.
Nouveaux marchés, concurrence et législation européenne poussent les acteurs à se regrouper
pour bénéficier d’une « prime à la taille » qui leur permet de continuer à se développer. La
diversification, corollaire de l’effet de taille, est le troisième facteur incitant les acteurs à se
regrouper.
1.2.3 Les efforts de diversification
Par le biais d’un bonus accordé à la diversification dans le calcul du SCR, Solvabilité II
creuse l’écart concurrentiel entre généralistes et spécialistes. Tandis que les petites mutuelles,
ainsi que tous les monoliners, défendent leurs spécificités à Bruxelles, les plus grandes
tentent de se « solidifier », dans un modèle comportant beaucoup plus de métiers »4 .
1
France Domicile a été fondée par trois acteurs de l’économie sociale : la Mutualité Française, l’UNA
(Fédération patronale de la branche Aide à Domicile) et l’UNCCA (Centres Communaux d’Action Sociale).
MATMUT et la MACIF en étaient également partenaires.
2
A l’origine Serena est un partenariat MAIF, MACIF, MGEN et Caisse d’Epargne. Ces deux derniers se
retirent fin 2010, tandis qu’Ima (Inter Mutuelles Assistance) est pressenti pour faire son entrée au capital. Dans
cette configuration, Serena resterait donc entièrement détenue par des mutuelles d’assurance.
3
« La dépendance (…) est vraiment un domaine où la puissance de la Sgam devrait (…) nous permettre de
construire (…) un contrat d’assurance dépendance qui ne soit pas simplement un outil financier comme il en
existe déjà un certain nombre, mais qui aille bien au-delà en tendant véritablement vers le service maximal. »
Entretien réalisé par François-Xavier Albouy, Arnaud Chneiweiss et Robert Leblanc, Revue Risques n°79, juillet
2009.
4
Gérard Andreck, op.cit.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
30
A l’instar des compagnies d’assurance, où le décloisonnement des métiers est beaucoup plus
ancien, certaines mutuelles sont donc entrées dans une logique de diversification, destinée à
« équiper » le sociétaire de plusieurs contrats.
Mutuelles d’assurance : le marché Vie comme axe stratégique
Les mutuelles d’assurance qui restent encore aujourd’hui axées sur l’IARD, sont confrontées
à un marché saturé. En 2009, les assurances dommages représentent par exemple 90% de
l’encaissement de la MATMUT. Daniel Havis, son PDG, avoue que l’idéal serait un
rééquilibrage avec les activités vie et santé, jusqu’à aboutir à une répartition 50-50. Il ajoute
toutefois que « si se diversifier est un axe stratégique, il n’est pas pour autant vital 1 ». Tel ne
semble pas être l’avis qui prévaut dans d’autres grandes mutuelles d’assurance. La GMF, la
MAAF et la MACIF, ont entamé il y a quelques années des stratégies de diversification
ambitieuses et réussies, en santé et plus récemment en Vie. L’assurance vie,
traditionnellement captée par la banque, est particulièrement mise en avant pour son rôle dans
la fidélisation des sociétaires. Selon les estimations du cabinet Facts & Figures2, les mutuelles
sans intermédiaires ont ainsi collecté 6,4% du marché français de l’assurance-vie en 2008.
En 2009, pour la première fois, le chiffre d’affaires réalisé par la MACIF en assurance de
personnes l’emporte sur celui de l’assurance dommage. L’exercice est semble-t-il plus
difficile pour MMA, qui mettait en place fin 2008 un plan d’action pour accompagner les
agents, jugés « encore trop dépendants de l’automobile et de l’habitation », vers des marchés
plus dynamiques, comme celui des entreprises ou des assurances de personnes.
Les mutuelles d’assurances plus petites ont également franchi le pas pour la plupart, avec
leurs propres produits santé (AGPM), la distribution de produits prévoyance, ou des offres
conçues grâce à des sociétés communes, (Ima, Socram...).
1
Interview de Daniel Havis, PDG de la MATMUT, l’Argus du 13 novembre 2009.
2
Rapport annuel 2010
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
31
Mutuelles 45 : la prévoyance … en attendant l’assurance dommages
Les mutuelles 45 sont souvent considérées comme étant « mono-produit ». De fait, l’une
de leurs faiblesses majeure est leur manque de relais de développement en dehors de la santé,
alors même que leur part de marché sur ce cœur de métier ne cesse de diminuer1. Le terme de
« mono-produit » est sans doute inexact : les mutuelles 45 proposent en effet des garanties de
prévoyance, d’épargne et de retraite. Très souvent, ces produits sont issus d’unions, la plupart
de mutuelles 45 ne possédant en propre ni les ressources ni les compétences pour satisfaire la
demande. En retraite, citons Corem, complément retraite par points dédié à l’origine aux
fonctionnaires, distribué par l’UMR (Union Mutualiste Retraite) via des mutuelles
interprofessionnelles. En prévoyance, les contours d’un pôle mutualiste de référence
restent à définir :
-
L’UNPMF2, créée en 2002 pour porter l’offre prévoyance des mutuelles 45, tarifie
et co-assure des produits prévoyance et retraite distribués par près de 150
mutuelles.
Elle coordonne également l’offre des mutuelles sur les marchés
nationaux, grands comptes et conventions collectives. Après une croissance très
rapide en 2008 et en 2009, l’UNPMF est en cours de restructuration, et s’oriente
vers une nouvelle structure juridique.
-
Un autre pôle de prévoyance émerge du côté des mutuelles de la fonction
publique : la MFP Prévoyance, dans laquelle la CNP vient d’investir plus de 86
M€. La structure commune, désormais détenue à 65% par la CNP, s’est donné
pour but de développer la prévoyance collective et l’offre de services aux
entreprises des mutuelles de fonctionnaires.
Quant à l’ouverture vers des produits IARD, elle semble parfois amorcée… du moins
dans le discours des dirigeants. Dans les faits, à quelques exceptions près, rares sont les
mutuelles 45 qui proposent des produits auto ou habitation, même si cette diversification
servirait la logique du « multi-équipement » qui est mise en œuvre. Lorsqu’elles le font, il
s’agit de produits en marque blanche, issus de mutuelles d’assurance (Nexx Assurances,
filiale de Covéa, par exemple, pour l’assurance auto de la Mutuelle Bleue) ou de compagnies.
1
Début 2009, les mutuelles santé détenaient 54,5% des parts de marché, contre 57% en 2008 et 58% en 2007.
Dans le même temps, la part des compagnies d’assurance passaient de 24,5% en 2007 à 25,5% en 2008, puis à
28,8% début 2009 (Lettre d’information du Fonds de financement de la Couverture Maladie Universelle, octobre
2009).
2
Union Nationale de la Prévoyance de la Mutualité Française.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
32
Vers les marchés européens ?
Dernière possibilité de diversification : la diversification géographique, avec un
développement international, ou tout au moins européen. La perspective semble encore
lointaine pour les plupart des acteurs mutualistes. Même chez les plus grands, l’international
ne représente encore qu’une très faible par du chiffre d’affaire (3% chez Covéa). Pour
des acteurs de taille moyenne, l’entreprise reste risquée. Les parts de risques prises dans des
affaires internationales sont ainsi considérées comme ayant participé à la liquidation de la
CGA (Caisse Générale des Assurances Mutuelles) en 2003.
Reste que, à moyen terme, et pour un groupe d’envergure, les perspectives de croissance
offertes par la France apparaissent limitées. Pour Jean-Claude Seys, président du Groupe
MMA et PDG de Covéa : « Tant que n’existera pas un véritable marché domestique européen
de l’assurance - pas avant trente ans peut-être -, il n’y aura pas de stratégie de croissance en
Europe qui tienne véritablement la route. Mais ce jour arrivera et il faut s’y préparer : là est
toute la difficulté1 ». Covéa développe ainsi une politique de croissance externe à
l’international. Après l’échec, en 2008, du projet d’adhésion d’Ethias (troisième opérateur
belge toutes branches confondues), Covéa envisage le rachat de Provident Insurance (exHalifax), assureur auto britannique, et de BPM Vita, filiale d’assurance-vie d’une banque
milanaise. « Le monde de la mutualité souffre souvent de frilosité, il se défend avant d’être
assailli. L’Europe de l’assurance n’est pas seulement le terrain de jeu des groupes cotés2 »
souligne Thierry Derez.
Dans ce domaine, les initiatives des mutuelles 45 font figure d’exception. Pionnier en la
matière, Harmonie Mutuelles œuvre cependant pour créer une société coopérative
européenne, détenue à parité avec la mutuelle italienne Cesare Pozzo, qui développera une
activité commune d’assurance santé en Italie.
1
Cité par Marc Michaux, ibid.
2
Covéa projetait alors l’adhésion d’Ethias à la SGAM. Cité par Floriane Bozzo, Ethias rejoint le groupe Covéa,
l’Argus, 5 septembre 2008.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
33
2 – OUTILS ET STRATÉGIES
Face aux impératifs de solvabilité et de taille, les mutuelles disposent de nombreux outils de
regroupement, qu’elles peuvent décliner, et parfois même combiner, selon la stratégie
envisagée. La plupart de ces solutions conduisent toutefois les mutuelles à abandonner tout ou
partie de leur autonomie au profit d’entités plus grandes. Certains mouvements s’opposent
donc à la concentration et dénoncent un « gigantisme » incompatible avec les valeurs du
mutualisme. Crispation identitaire ou défense salutaire de valeurs fondamentales menacées ?
Certaines spécificités mutualistes semblent appartenir au passé, tandis que d’autres restent des
atouts.
2.1
SPÉCIFICITÉS
DES
MUTUELLES :
LA
STRATÉGIE
DE
DIFFÉRENCIATION EST-ELLE VIABLE ?
2.1.1 La segmentation comme constitutive de la mutuelle
Les mutuelles se distinguent des compagnies d’assurance en ce sens qu’elles se sont créées
pour satisfaire les besoins d’un groupe bien particulier, souvent une profession ou une
région. Ces affinités professionnelles et/ou territoriales expliquent la relation de « proximité
affective » qui existe entre une mutuelle et ses sociétaires. Pour Patrick Peugeot,
l’implantation locale et la stabilité du portefeuille sont les deux points forts des mutuelles, qui
« bénéficient d’une forte reconnaissance locale, de sociétaires fidèles et souvent actifs, et
d’intermédiaires capables d’appliquer sans dérive la politique de leur mandante1 ». Ce lien
étroit unissant une mutuelle à ses assurés est également salué par des dirigeants de
compagnies d’assurance, comme Jacques Richer, alors président de Swiss Life France : « les
mutuelles connaissent mieux leurs clients que les sociétés de capitaux ». Ce dernier ajoute
1
Le véritable visage des mutuelles Roam, 1er février 2002.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
34
« mais elles offrent des gammes de produits plus étroites car souvent dédiées à des
populations de même profil1 ». En effet, la spécialisation et la segmentation sont à l’origine
du succès des mutuelles : une population assurée relativement homogène, combinée à une
bonne connaissance du portefeuille, leur procure un avantage stratégique en matière de coût,
et donc de tarif pratiqué.
Quid donc de cette spécialisation face aux contraintes de taille et de diversification ? Les
petites et moyennes mutuelles, qui conservent un ancrage historique fort, sont-elles les plus
fragiles ? Paul Coulomb, commissaire contrôleur chargé des mutuelles à l’ACP, considère que
la spécialisation est plutôt de nature à protéger certaines mutuelles de la concentration :
« Il existe des mutuelles qui ne sont pas très grandes, qui ont trouvé des niches, des créneaux,
sur lesquels elles répondent à un besoin. Elles ont su se bâtir une réputation et fonctionnent
très bien. Je pense donc que les mutuelles les plus menacées sont celles de petite ou de
moyenne taille et qui n’ont aucune spécificité 2 ». Jean Azéma, à qui l’on pose la question de
savoir s’il restera ou non des petites mutuelles d’assurance dans dix ans, opère également une
distinction entre mutuelles généralistes et mutuelles spécialisées…pour en arriver à la
conclusion inverse : «Le risque est que, se situant sur une seule niche, le jour où les grands
acteurs décident d’attaquer cette niche, elles présentent une certaine vulnérabilité 3 ».
2.1.2 Ancrage géographique et professionnel
Ancrage régional
L’ancrage géographique des mutuelles est-il encore assez fort pour constituer un frein à la
concentration et une réelle stratégie de différentiation ? Les dénominations sociales des
mutuelles, qui font souvent référence à une ville ou à une région, le laissent penser. Certaines
mutuelles, la MAL en Alsace-Lorraine par exemple, réellement ancrées dans leur
territoire, présentent des résultats et des taux de croissance enviables, et peuvent se targuer
d’afficher quasiment deux siècles d’existence. Pierre-Yves Ledoeuf, directeur des partenariats
1
Capitalisme et mutualisme : y a-t-il un modèle idéal ?, Revue Mutations, 17 octobre 2003.
2
Paul Coulomb, La mutualité est un concept exigeant, Argus 13 novembre 2009.
3
Revue Risques n°69, Mars 2007.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
35
mutualistes chez Humanis1 note également qu’une forme de « culture nordiste, reposant sur
des relations de confiance » contribue à la bonne cohésion du groupe Humanis, notamment
dans les relations qu’entretiennent les mutuelles avec les autres instances du groupe.
Pour les mutuelles 45, avant 2002, la proximité géographique prenait tout son sens avec la
présence, dans la commune ou le département, des œuvres sanitaires et sociales qu’elles
géraient directement. La récente réorganisation de la FNMF témoigne d’un changement
d’échelle, les anciennes unions départementales laissant la place à des unions régionales.
« Quand la Fédération a été créée, les mutuelles étaient toutes infradépartementales, parfois
même à l’échelle d’un village. Elles se sont donc regroupées au sein d’unions
départementales (UD) et la FNMF était avant tout une fédération d’UD. Avec la
concentration qui s’est opérée depuis vingt ans sous la triple influence du nouveau Code de la
mutualité, de la professionnalisation des mutuelles et de la concurrence, toutes les mutuelles
ou presque sont devenues supradépartementales Aujourd’hui, les vingt premières mutuelles
(…) représentent 60% des adhérents et les cinquante premières 80%. Nous sommes donc
passés à une fédération de mutuelles2 ». De fait, aujourd’hui, la survivance des « intitulés »
régionaux semble relever d’un attachement plus symbolique qu’effectif. Pendant les dix
dernières années, de nombreuses mutuelles ont d’ailleurs mené des stratégies de
désenclavement : citons par exemple le cas de Sphéria, mutuelle 45 prise en tenaille entre
Harmonie en Poitou et Ociane dans les Landes, qui s’offre de vastes débouchés avec
l’adhésion, en 2004, de la mutuelle MCD (72 départements) à son union technique. Même
chose pour la MRA, mutuelle d’assurance orléanaise, qui reprend successivement, à partir
années 1990, des mutuelles à Nantes, Angers, en Normandie puis en Seine et Marne et dans
l’Indre.
En devenant nationales, les mutuelles perdent donc leur ancrage régional et, avec celui-ci, leur
proximité physique. Pourtant cette notion de « proximité » continue d’être largement mise en
avant dans les mutuelles. Une nouvelle définition de la proximité semble en effet s’être mise
en place. Pour Dominique Chaignon, « La proximité physique reste un avantage réel, qui
n’est pas toujours considérée à sa juste valeur dans le choix d’un organisme assureur. Dans
des branches professionnelles comme celle de la coiffure, ou les micro-entreprises sont
nombreuses, la proximité a joué par exemple rôle important, pour déployer l’accord et le
1
Interviewé en janvier 2011.
2
Propos de Jean-Philippe Huchet, secrétaire général de la FNMF, La mutualité renforce ses structures, Argus,
19 février 2010.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
36
faire vivre auprès des adhérents. Ceci dit, aujourd’hui, c’est surtout la proximité "de
services" qui prime. J’entends par proximité de services tout ce qui touche au tiers-payant,
aux services dématérialisés, à internet, et surtout aux réseaux. Face à cela, la proximité
physique apparait maintenant comme secondaire. Elle est en quelque sorte devenue " la
cerise sur le gâteau" ». Pour Jean-Louis Span1, téléphoner à sa mutuelle pour exposer son
problème ou son inquiétude à un gestionnaire qualifié reste un atout que les grands groupes,
qui ont recours à des plateformes externalisées, ne peuvent plus offrir. Pierre-Yves Ledoeuf
remarque ainsi : « Le talent des mutualistes réside je crois dans une véritable qualité
d’écoute, il y a une vraie compétence du non-lucratif pour jouer un rôle de facilitateur dans
une société où les structures, administratives par exemple, sont complexes ». Dans le domaine
de la santé, les mutuelles ont ainsi mis en place de nouveaux services d’orientation et
d’information : PSM2 pour les mutuelles 45, ou OWIH3, mis à la disposition des assurés
MAAF et MMA via le réseau Santéclair. Avec ces outils, les mutuelles délivrent notamment
des informations sur la qualité et les prix des établissements de soins, publics et privés. Elles
donnent accès, pour tel ou tel acte médical, au palmarès des établissements d’une région. Ce
type de service est-il suffisamment « différenciant » pour constituer un atout mutualiste ?
Le bilan est mitigé : PSM ayant été créé par la FNMF, toutes les grandes mutuelles 45 offrent
le même service, sans pouvoir le personnaliser. OWIH, ouvert à tous publics (et pas
uniquement aux adhérents MAAF et MMA) est sans doute utile à l’image de marque, mais les
compagnies d’assurance (Swiss Life avec Guidhospi) ou les IP (Compar Hospit de MalakoffMédéric) sont également présentes sur ce créneau. Néanmoins, on peut penser que
l’expérience d’écoute et d’accompagnement jouera en faveur des mutuelles dans le
déploiement de l’offre dépendance
Si l’ancrage régional ne semble plus être un frein à la concentration, la notion de proximité
« opérationnelle » offre quant à elle des possibilités de différenciation pour l’instant peu
exploitées.
1
Président de l’ADPM, Association Diversité et Proximité Mutualiste.
2
Priorité Santé Mutualiste, mis en place par la FNMF, services d’aide pour tous les aspects touchant à la santé :
informations, conseils, accompagnement.
3
OWIH : Outil Web d’Informations Hospitalières.
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37
Ancrage professionnel
L’ancrage professionnel, en revanche, semble conserver en partie sa légitimité historique : la
collectivisation des risques pour les professionnels d’un même secteur reste pertinente. Certes,
cette spécialisation n’a bien souvent plus le même visage qu’à ses débuts : les mutuelles de la
fonction publique s’ouvrent à d’autres publics, et les mutuelles professionnelles élargissent
le champ de leurs adhérents. En intégrant la mutuelle 45 MFPS1, puis en créant une filiale
sous forme de S.A. (Libéa), la MACSF s’adresse désormais aux enfants de sociétaires, aux
anciens sociétaires, mais aussi à tous les actifs des professions libérales, et non plus seulement
les seuls professionnels de santé, son marché « légitime ». Dans la fonction publique, la
démarche a pu faire l’objet de critiques véhémentes. L’ancien modèle associait, dans une
couverture globale, régime obligatoire et régime complémentaire, avec parfois (à la MGEN)
le maintien d’une cotisation unique pour tous les adhérents. Mais pour gagner de nouvelles
adhésions, les anciennes mutuelles de la fonction publique sont de plus en plus nombreuses à
proposer des formules surcomplémentaires, ou à se lancer sur le marché du collectif « sur
mesure ». La plupart ont revu leurs offres, en pratiquant la segmentation en fonction des
populations. Pour certains, elles ne sont plus donc de « vraies » mutuelles. Jean Sammut,
Directeur Général de la MGET s’en défend : « L’esprit mutualiste est de maintenir une
solidarité intergénérationnelle, mais cela n’empêche pas d’avoir des produits d’appel pour
les jeunes. C’est du bon sens, car cela peut leur donner envie d’entrer dans la Mutualité 2 ».
Pour autant, la spécialisation professionnelle semble toujours constituer une stratégie
viable :
1°) Elle s’exporte facilement
Dans certains cas, la spécificité professionnelle est presque plus déterminante que
l’environnement national. L’AGPM, spécialisée dans la protection sociale militaire en France,
exporte ainsi son savoir-faire hors de ses frontières, en Espagne, en Allemagne, et en
Belgique via Ethias. Les contrats proposés par l’AGPM prennent en compte les contraintes
de la vie militaire et proposent une protection élargie, quel que soient les circonstances et le
lieu. On pourrait aisément imaginer, pour la mutuelle des motards par exemple, une
diversification similaire à l’étranger. Pour ces mutuelles très spécialisées, le lien avec les
1
Mutuelle Française de Profession de Santé.
2
Cité par Laurent Viel, La révolution culturelle, Argus, 3 novembre 2006.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
38
adhérents est renforcé par des actions de prévention et une communication ciblées. La
stratégie commerciale découle naturellement de ce lien, avec une simplicité et une efficacité
qui renvoient le « permission marketing » et autres outils sophistiqués au rang de gadgets
inutiles.
2°) Elle peut être préservée au sein d’une structure plus large.
Contrairement à la spécificité régionale (deux mutuelles de même nature ont peu de légitimité
à coexister dans un même périmètre géographique), la spécificité professionnelle peut vivre
sans trop de difficultés au sein d’une entité plus grande. La Mutuelle de Poitiers abrite ainsi
une branche dédiée au personnel de la Gendarmerie Nationale, avec une communication et
des produits ciblés, et un périmètre d’assurance bien identifié, pouvant conduire par exemple
à la distribution de ristournes1. Dans une autre famille d’assureurs, celle des institutions de
prévoyance, on peut également noter qu’AG2R, puis AG2R-La Mondiale, ont successivement
préservé l’autonomie d’Isica, le pôle alimentaire du groupe, qui n’a cessé de s’étoffer. Outre
les avantages techniques liés à la bonne connaissance d’un périmètre homogène, les
spécificités professionnelles, portées par les élus et les assurés, permettent d’afficher une
longévité particulièrement bénéfique en termes d’image.
2.1.3 Réticences et alternatives à la concentration
D’autres spécificités apparaissent comme un frein à la concentration. Elles peuvent être
d’ordre technique, mais aussi et surtout politique, avec l’apparition ou le développement de
mouvements défendant l’indépendance des petites et moyennes mutuelles.
Quelques freins techniques
Selon Jean-Claude Seys2, le phénomène de concentration a d’abord été nié dans certaines
mutuelles pour deux raisons :
1
Début 2009, les gendarmes adhérant ont bénéficié d’une ristourne de 3% de leur cotisation 2008.
2
Intervention de Jean-Claude Seys sur le thème du regroupement des mutuelles lors du Congrès réunissant
AISAM et ACME à Bruges, 20 octobre 2006.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
39
1°) Historiquement, dans les petites mutuelles, la logique des économies d’échelle ne se
vérifiait pas toujours. Ainsi, quand la gestion des sinistres était peu automatisée, son coût était
proportionnel à la taille de la mutuelle.
2°) Les économies d’échelle sont souvent considérées dans les mutuelles comme moins
importantes que la qualité de la gestion, grand facteur de succès, des mutuelles d’assurance
notamment.
Parmi les obstacles à la concentration, Patrick Peugeot pointe quant à lui le manque de temps
et de moyens : Les mutuelles de taille moyenne ne peuvent investir suffisamment en hommes
et en argent pour développer des plates-formes de gestion captives, ou des interfaces
informatiques coûteuses »1.
Sur un tout autre plan, il évoque également l’aspect patrimonial des mutuelles, qu’il
considère comme un frein important à la concentration : les dirigeants de sociétés anonymes
sont très souvent actionnaires de leur entreprise. S’ils doivent la quitter, ils peuvent vendre
tout ou partie de leurs actions, et réaliser (le plus souvent) un gain substantiel. Le dirigeant
mutualiste ne se voit rien offrir de comparable : il perd son « gagne-pain », avec pour seule
compensation une indemnité de départ souvent peu élevée. « Cet aspect patrimonial,
totalement tabou, explique une bonne part des réticences à se lancer dans des
regroupements ».
Le frein politique : les points de vue de l’ADPM et de la ROAM
Toutefois, le refus de la concentration est aussi un phénomène revendiqué par des
associations et des fédérations mutualistes. L’ADPM, Association Diversité Proximité
Mutualiste en est un exemple. Créée en 2006, elle défend les spécificités des « PMM » : les
petites et moyennes mutuelles 45, de moins de 100 000 adhérents. Revendiquant la place de
deuxième mouvement mutualiste (derrière la Mutualité française), l’ADPM regroupe une
centaine de mutuelles, et près de 2 millions de personnes protégées. Réunis à Marseille en
avril 2010, 300 mutualistes, dont 80 présidents, ont interpellé les pouvoirs publics, en
dénonçant une « pensée unique » selon laquelle toutes les PMM seraient contraintes, à terme,
de rejoindre les grands groupes. L’ADPM, qui souhaite aider ses membres « à défendre et
promouvoir leur particularisme », dénonce par exemple l’augmentation des montants
1
Le véritable visage des mutuelles Roam, Argus, 1er février 2002.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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minimaux de fonds de garantie1, qui fragilise les petites mutuelles. Elle invite également ses
membres à saisir le Premier ministre et les parlementaires sur le thème des récentes taxes
imposées aux mutuelles santé, au moyen notamment d’une carte pré-imprimée, diffusée sur
son site internet (carte reproduite en annexe 1).
La ROAM est également engagée dans la défense des petites et moyennes mutuelles
d’assurances. Michel Dupuydauby, s’exprimant lors du 4ème « rendez-vous de l’assurance
mutuelle » encourageait les adhérents en ces termes : « Notre modèle doit être défendu comme
une espèce protégée, il faut lutter contre ceux qui menacent notre écosystème 2 ». Le modèle
défendu est celui d’entités à taille humaine, au plus proche des besoins de leurs adhérents,
capables de s’inscrire dans le long terme et reposant sur des valeurs d’engagement et de
responsabilité. Bertrand Voyer, Président du groupe centenaire Prévoir3, souligne la valeur
ajoutée apportée par les entités de taille moyenne : « Je constate que la taille n’est plus
considérée comme un élément décisif ou un gage de pérennité4. Notre taille est un atout. Car
les économies dégagées par les grandes entreprises ne compensent pas, et de loin, leur
complexité de fonctionnement ». Comme les responsables de l’ADPM , il plaide pour le
développement d’un tissu structuré de petites entités, qui, à l’instar des PME, peut contribuer
à la dynamique des territoires et à la création d’emplois. Il rappelle ainsi que les entreprises
de taille intermédiaire (ou ETI) restent méconnues des pouvoirs publics : « La France est
en retard sur ses partenaires : elle compte 4 500 ETI contre 7 000 en Grande-Bretagne et 11
000 en Allemagne. Plusieurs études avancent que cette forte proportion d’entreprises de taille
intermédiaire est l’une des explications à la compétitivité de l’Allemagne et à la force de son
économie »5.
Au-delà de ces considérations, la ROAM s’est avant tout illustrée dans le combat mené pour
le retrait de Solvabilité II. Elle a notamment mis en place le blog « Stop Solvabilité 2 » un site
1
Pour les opérations Non vie, cette augmentation est de 200.000 euros en 2010.
2
Les « rendez-vous de l’assurance mutuelle » sont organisés par la ROAM. La 4ème édition s’est tenue le 22
novembre 2010.
3
Le groupe Prévoir est un groupe d’assurances indépendant relativement atypique. Bien que n’étant pas à forme
mutuelle, il fait partie de la Roam, au titre de « membre partenaire ». La Roam a en effet ouvert l’adhésion à des
entités non mutualistes partageant ses valeurs.
4
Notre taille est un atout, l’Argus, 18 juin 2010
5
Ibid.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
41
d’alerte sur les dangers de la directive1, disponible en quatre langues, et proposant aux
visiteurs de signer une pétition électronique. Avec la mise en place des mesures d’exécution,
la ROAM demande que soit appliqué le principe de proportionnalité prévu par la directive2.
« Nous sommes pour un contrôle et des règles fortes pour sécuriser nos adhérents, mais
fondés sur des normes prudentielles adaptées à notre profil3 » rappelle ainsi le Président de
Smacl santé. Quinze des quarante-cinq adhérents de la Roam et un tiers de ceux de
l’ADPM réalisent un chiffre d’affaires de moins de 5 M€. Pour Olivier Désert4, il paraît
insensé que les mêmes règles s’appliquent aux petites mutuelles et à un groupe comme AXA.
Les facteurs de « non complexité » des petites structures doivent au contraire être pris en
compte. S’agissant de la gouvernance, il s’agit par exemple de reconnaitre que dans les petites
mutuelles, les décisions sont centralisées, et qu’une même personne peut occuper à la fois une
fonction clé et une fonction opérationnelle.
La ROAM appelle aussi de ses vœux une période de transition, pendant laquelle les
mutuelles pourraient expérimenter les nouvelles règles de solvabilité sans être pénalisées.
Pour Michel Dupuydauby, « La période minimale serait de trois ans, et le délai idéal de six
ans. Il est indispensable de pouvoir tester les conséquences des mesures qui seront, in fine,
inscrites dans les textes de transposition et d’application de la directive. Seul l’usage pourra
permettre de se rendre compte de la pertinence et de l’utilité des mesures envisagées. Si cela
aboutit à des non-sens ou à des catastrophes, il faut pouvoir maintenir en parallèle un
système qui permette de continuer à fonctionner 5 ». Cette revendication portée auprès de
l’ACP et du Ministère des finances, et au niveau européen via l’AMICE6, semble avoir porté
ses fruits. Le projet de directive « Omnibus II7 » envisage en effet plusieurs mesures de
transitions possibles avant le passage définitif à Solvabilité II :
1
www.stopsolvabilite2.com, voir Annexe 2.
2
Le principe de proportionnalité est prévu dans les considérants de la directive, ainsi qu’à l’article 41, qui traite
de la gouvernance. En l’état, il semble en grande partie laissé à l’interprétation des pays membres.
3
Robert Chiche cité par Jean-Christophe Barla, Les petites et moyennes mutuelles font de la résistance, l’Argus,
30 avril 2010.
4
Propos recueillis lors de la 4ème édition des « rendez-vous de l’assurance mutuelle », voir supra
5
Cité par Catherine Dufrêne (Si les mutuelles ne survivent pas, la Roam disparaîtra aussi, Argus 12 novembre
2010
6
Association of Mutual Insurers and Insurance Cooperatives in Europe.
7
Publié le 19 janvier 2011. La directive dans sa forme finale doit être adoptée par le Parlement et le Conseil
européens fin 2011.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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-
trois ans maximum pour satisfaire aux nouvelles exigences de gouvernance et
établir le nouveau rapport de solvabilité ;
-
cinq ans pour établir un reporting réglementaire conforme ;
-
dix ans pour se mettre aux normes par rapport au calcul du SCR.
L’ACP vient également d’annoncer la mise en place d’un groupe travaillant à une « formule
standard simplifiée » pour le calcul du SCR des petites entités.
Reste que l’esprit d’indépendance qui anime ces mutuelles se heurte de plus en plus aux
réalités économiques. Face à la complexité croissante de l’environnement juridique,
technologique et commercial, la plupart sont contraintes d’adopter des systèmes d’information
et de contrôle sophistiqués, et de professionnaliser leurs pratiques.
Pour une mutuelle de Poitiers, soucieuse de croissance interne, concentrée sur le service rendu
au sociétaire et affichant une marge de solvabilité confortable, combien de mutuelles petites
ou moyennes confrontées à de réels problèmes de modèle et de rentabilité ? La plupart des
acteurs interrogés se montrent dubitatifs quant à la viabilité de ces petites entités. Hans
Willert, chez Alturia, se montre circonspect quant aux mouvements de défense des petites
mutuelles : « En fait je ne crois pas trop à la survie envers et contre tout des toutes petites
mutuelles : elles ont un vrai problème de taille critique, avec par exemple des frais de
chargement très élevés, de 25 à 30%. Je m’interroge sur leur stratégie : essayer de peser
uniquement sur la réglementation, pour moi, c’est une perte de plusieurs années (…)
Pourquoi ne pas plutôt se battre sur l’indépendance de la marque et de la gouvernance, avec
la mise en place d’un back-office optimisé ? ». Yanick Philippon, chez Générali note
qu’aujourd’hui « pour faire de l’assurance, les valeurs ne suffisent pas. Même dans le nonlucratif, la notion de solvabilité est centrale. Il y a une rentabilité à générer et sur ce plan,
tous les organismes assureurs sont logés à la même enseigne ». Pour Dominique Chaignon
deux conditions sont nécessaires pour qu’une petite mutuelle puisse survivre à Solvabilité II :
1°) qu’elle ait des fonds propres particulièrement importants ;
2°) que son Conseil d’Administration soit suffisamment aguerri concernant le pilier II.
« La mise en conformité de la gouvernance est indispensable, et les administrateurs doivent
quasiment être des professionnels de l’assurance. Ce n’est pas toujours le cas dans des
Conseils de trente personnes, dont la grande majorité exerce leurs fonctions à titre bénévole,
en y consacrant un temps limité ».
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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Pascale Le Lann1, chez Alenium Consultants, identifie quant à elle trois facteurs clés pouvant
garantir l’indépendance des mutuelles :
-
une gestion prudente, de « père de famille », servant l’intérêt des adhérents ;
-
des partenariats de distribution assez nombreux pour ne pas créer de dépendance à
l’égard d’un seul partenaire ;
-
la mise en place, avec d’autres mutuelles, de moyens partagés garantissant une
bonne technicité et la conformité vis-à-vis des nouvelles règles prudentielles.
Pour elle, « La proximité avec les adhérents n’a d’avenir que si les mutuelles parviennent à la
conjuguer avec des investissements industriels importants ». Pour ce faire, les mutuelles ont à
leur disposition de nombreuses possibilités juridiques, qui vont du GIE à la fusion.
2.2
PARTENARIATS ET UNIONS TECHNIQUES
La première option s’offrant aux mutuelles pour se diversifier et se doter de techniques
nouvelles, est celle du partenariat. Les partenariats commerciaux leur permettent de compléter
leur offre sans compromettre leur autonomie, tandis que des unions techniques permettent
d’acquérir, en commun, les moyens nécessaires à une meilleure compétitivité.
2.2.1 Partenariats commerciaux
Avec l’échéance de Solvabilité II, la diversification s’intensifie. Hans Willert souligne que la
recherche de partenariats est une part importante de son activité de conseil : « Nous essayons
de souligner les opportunités qu’offre la nouvelle réglementation, et pas seulement ses
contraintes. Il faut trouver des intérêts, autres que purement réglementaires, à Solvabilité II :
trouver un vrai aspect business, des complémentarités (…) La diversification peut être vue
comme un potentiel de développement, et pas seulement comme un allégement du besoin en
fonds propres. Plusieurs ouvertures sont possibles : le courtage, la prévoyance (je pense à
des produits comme la GAV ou la dépendance qui peuvent être intéressants pour toutes les
mutuelles santé qui ne sont pas encore diversifiées), le collectif, et, plus loin, l’épargne
retraite ». De fait, depuis quelques années, les partenariats entre mutuelles se sont
1
Interviewée en 2011
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
44
intensifiés de telle sorte qu’on a pu parler à ce sujet de « co-opétition1 ». Mélange des deux
mots « coopération » et « compétition », ce néologisme décrit la collaboration opportuniste
entre différents acteurs économiques qui, par ailleurs, sont des compétiteurs. Elle crée de
l’émulation, l’émergence de pratiques communes et (dans le concept) favorise une
concurrence transparente. Si les mutuelles se tournent plus volontiers, dans un premier temps,
vers des opérateurs de la même famille, de plus en plus de partenariats commerciaux
apparaissent entre mutuelles 45 et mutuelles d’assurance, ou entre mutuelles et compagnies.
Hans Willert note à ce sujet que la propension à nouer des partenariats dépend aussi de
l’équilibre des forces au sein du conseil d’administration : « Schématiquement, il me
semble que les mutuelles professionnelles restent plus fermées sur elles-mêmes. Dans les
mutuelles inter-pro, il y a moins de réticences à envisager des partenariats, il n’y a pas ce
poids "traditionnaliste" de la gouvernance particulière2».
La distribution : vente croisée et courtage
Les partenariats portant sur la distribution sont souvent qualifiés de « défensifs », avec une
logique de fidélisation plus que de conquête de parts de marchés. Assez peu « impliquants »
(le seul risque étant l’image de marque), ces partenariats consistent simplement à étendre
une offre trop étroite tout en maintenant l’assuré dans le champ d’influence de la mutuelle.
- mutuelles 45 et courtage
Traditionnellement, alors que les compagnies et certaines mutuelles d’assurance s’appuient
sur des réseaux de distribution diversifiés, les mutuelles 45 emploient une force de vente
interne. Cette stratégie de distribution est en train de changer, avec une ouverture plus large
vers les intermédiaires, en particulier les courtiers. Certes, la majorité des mutuelles 45 reste
réticente, car le recours au courtage implique souvent de déléguer la gestion de la santé, leur
cœur de métier. Les plus grandes néanmoins s’y sont mises, notamment la MG (Mutuelle
Générale), qui s’est équipée dès 2007 d’une gamme standard dédiée aux courtiers pour le
marché des PME/PMI. Assez modulable pour couvrir différents niveaux en santé et en
1
La paternité de cette notion revient à deux auteurs américains : Barry Nalebuff et Adam Brandenburger, La Coopétition, une révolution dans la manière de jouer concurrence et coopération, Village Mondial, 1996.
2
i.e : d’ingérance très forte du président sur son conseil d’administration. ndr.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
45
prévoyance, cette offre est accessible grâce à un site web à partir duquel les courtiers peuvent
tarifer en temps réel une proposition, mais aussi éditer un contrat et l’ensemble des documents
contractuels. Des mutuelles comme Sphéria ou Eovi sont également désormais présentes lors
de manifestations comme « Les journées du courtage ». Yanick Philippon1, Directeur des
Assurances Collectives chez Générali, observe que « le courtage gagne certaines mutuelles
régionales de taille moyenne, conscientes que leur capacité de développement a tendance à
s’étioler ». Il souligne également un aspect politique : « il peut s’agir par exemple de
mutuelles dans la mouvance de la FMF2, à qui les grands groupements comme Harmonie
servent de repoussoir ».
-Vente croisée
La vente croisée, considérée par certains comme une « solution d’attente »3, apparaît comme
un champ privilégié de la coopération entre mutuelles d’assurances et mutuelles 45. La
MATMUT est depuis longtemps partenaire de la FNMF, dont elle est proche4 : les
mutuelles santé de la FNMF partagent environ 200 bureaux avec la MATMUT, ce qui permet
une préconisation réciproque (auto, habitation et protection juridique d’une part, santé de
l’autre), via des présentoirs. De plus, 70 mutuelles santé sont équipées de « points
téléphoniques » permettant à l’adhérent d’entrer en contact avec la MATMUT grâce à un
numéro vert, et qui génèrent environ 700 devis par mois.
La GMF et les mutuelles issues de la fonction publique, qui partagent une même clientèle
« historique », ont également des accords de vente croisées, et mènent des opérations de coassurance :
- Depuis 2002, les commerciaux de 14 sections de la MG sont formés par la GMF à
l’assurance IARD, et vendent les contrats auto, habitation et protection juridique de cette
dernière. En contrepartie, le contrat Santélia de la MG est distribué par la GMF auprès de sa
clientèle de non-fonctionnaires (conjoints et enfants des sociétaires).
1
Interviewé en février 2011. Auparavant, Yanick Philippon a également dirigé le département assurance de
personnes du cabinet de courtage Siaci, puis l’activité santé et prévoyance chez Mercer.
2
La Fédération des Mutuelles de France regroupe une centaine de mutuelles. Traditionnellement plus marquée
politiquement que la FNMF, elle a néanmoins rejoint la Fédération en 2002.
3
Cyrille Chartier-Kastler, du cabinet Solving (Gros plan sur les partenariats les plus récents, Argus, 12
décembre 2003)
4
Daniel Havis, président de la MATMUT, siège au bureau de la FNMF, au titre de la Smac (Société mutuelle
des accidents corporels). Il est également Vice-Président Délégué de la mutuelle 45 Prévadiès.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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- Avec la MGP (Mutuelle Générale de la Police) et la MNT (Mutuelle Nationale des
Territoriaux), le partenariat est renforcé par la création de produits santé co-assurés, ou de
produits prévoyance spécifiques, comme celui couvrant l’arrêt de travail des policiers, dont
15 000 exemplaires ont été vendus en un an.
Marché des collectives : des partenariats offensifs
Les partenariats conclus pour s’implanter sur le marché collectif des assurances de personnes
sont à bien des égards beaucoup plus offensifs. Il s’agit pour les mutuelles de pénétrer un
marché où elles ont, comparativement aux compagnies et aux IP, des positions relativement
faibles. Pour Yanick Philippon « Les mutuelles 45 sont peu aguerries à la gestion du collectif.
Néanmoins, elles sont contraintes d’y venir : en santé par exemple, de plus en plus
d’adhérents délaissent leur contrat individuel parce que leur conjoint est couvert par un
contrat de groupe. La santé collective est donc leur première source de diversification ». Pour
les grandes mutuelles d’assurance, prévoyance et santé collective sont également un enjeu
majeur, pour lequel elles cherchent à consolider leurs relations avec les partenaires sociaux
des entreprises.
La MACIF et AG2R-La Mondiale viennent ainsi de conclure un partenariat pour
développer en commun santé et prévoyance collective, dans une structure d’accueil
spécifique1. La MACIF, essentiellement tournée vers l’individuel en assurances de personnes,
apporte ses entrées dans les comités d’entreprises, et d’importantes opportunités de
développement dans l’économie sociale. L’AG2R-La Mondiale, de son côté, est un « acteur
reconnu » dans ce marché des collectives « difficile à pénétrer 2». Le partenariat devrait
permettre de mutualiser les coûts, notamment pour la création d’une plateforme de services
aux professionnels de santé et d’un outil commun de tiers payant. Pour Cyrille ChartierKastler3, « Cette opération permettra à l’assureur mutualiste de gagner plusieurs étapes, la
constitution de volumes d’activité prenant du temps ».
1
Cette structure pourrait être l’ICIRS prévoyance (institution de prévoyance de la SGAM MACIF), sous une
nouvelle désignation.
2
Catherine Touvrey, Directrice des assurances de personne de la MACIF, citée par Virginie Neuville, La
MACIF choisit AG2R La Mondiale pour étudier un partenariat dans l’assurance collective, Agefi, le 23 mars
2010.
3
Président de Facts & Figures, Idem
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
47
Pour les mutuelles 45, seules des unions de type UNPMF étaient jusqu’ici en mesure de
coordonner différentes entités géographiques, et de gérer de façon uniforme, partout en
France, tous les établissements d’une grande enseigne (ou toutes les entreprises relevant d’une
convention collective). A la faveur des regroupements, ce leadership semble aujourd’hui
contesté par certaines mutuelles (la SMI par exemple), qui disposent à la fois d’une assise
géographique et des fonds propres suffisants pour répondre aux appels d’offre nationaux. Le
marché est d’importance : on estime à 140 le nombre de branches de plus de 5.000 salariés
n’ayant pas encore de dispositions conventionnelles en santé, et les branches professionnelles
sont de plus en plus appelées à négocier des régimes collectifs d’épargne retraite ou de
dépendance. Rappelons que par le jeu d’une désignation, les partenaires sociaux peuvent
confier à un organisme assureur la prévoyance ou la santé de toutes les entreprises de leur
branche professionnelle. Le processus est acté le plus souvent par avenant à la convention
collective, pour une durée de cinq ans renouvelable, et pour des effectifs parfois
considérables. Longtemps absentes de ce marché, les mutuelles d’assurance commencent à
s’y intéresser de près.
La MACIF, après des débuts mitigés, fait désormais partie des
compétiteurs, AG2R-La Mondiale comptant à son actif 59 accords de branche pour 200 000
entreprises couvertes.
Quelques inconvénients des partenariats
Le partenariat présente deux risques principaux : la captation de marché et de savoir-faire,
et le degré de dépendance qu’il entraine vis-à-vis du partenaire. La question à se poser est
donc de savoir si le partenariat est équilibré. A cet égard, l’apport d’un réseau de distribution
a souvent plus de valeur que la compétence technique. De plus, si le partenariat commercial
ne nécessite pas d’investissements importants en termes de capitaux, sa mise en place en
revanche nécessite beaucoup de temps. « Il nous a fallu près de deux ans pour concrétiser
nos collaborations avec les mutuelles santé » explique par exemple Bruno Seydoux, Directeur
des partenariats de la GMF1. Pour Pascale Le Lann, d’Alenium Consultants, plusieurs
étapes sont nécessaires : « détecter les partenaires éventuels et les évaluer, puis élaborer un
plan et le mettre en œuvre. Lors de la mise en œuvre, il est indispensable que le Conseil
d’Administration et les dirigeants impliquent toutes les directions concernées, afin d’éviter
1
Gros plan sur les partenariats les plus récents, op.cit.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
48
l’effet tunnel, et de pouvoir corriger le tir si le projet part dans une mauvaise direction. Il faut
également prévoir la réévaluation régulière du partenariat ».
2.2.2 Unions techniques et GIE : une indépendance préservée ?
Plus contraignantes que les partenariats commerciaux, l’union de mutuelles et le GIE portent
en général sur les aspects techniques et industriels. Ils permettent à de nombreuses mutuelles,
de mettre en commun un des moyens et des compétences, tout en conservant leur
indépendance.
Union de mutuelles 45
Les unions de mutuelles 45 sont prévues au « livre I » du Code de la mutualité1. La décision
d’adhérer à une union est prise par les assemblées générales des mutuelles concernées. Une
fois l’union constituée, sa propre assemblée générale (AG) est constituée des délégués des
mutuelles adhérentes, qui se réunissent au moins une fois par an. L’AG de l’union a les
attributions classiques des AG mutualistes. Entre autres, elle vote le rapport de gestion, décide
des modifications de statuts et statue sur les rapprochements avec d’autres entités. L’union
peut pratiquer la réassurance, mais ne conduit pas à une intégration financière des ses
membres : l’apport de la mutuelle à l’union ne peut excéder le montant de son patrimoine
libre, et les transferts financiers au profit de l’union ne modifient pas ses propres exigences de
solvabilité. A ce titre, les commissaires aux comptes de l’union et des mutuelles qui la
composent doivent être distincts.
L’union permet de regrouper les moyens opérationnels et de doter ses membres d’une
structure technique commune. Les opérations ainsi mises en commun portent dans la majorité
des cas sur :
-
le développement d’offres communes ;
-
l’optimisation du risque (la connaissance du comportement et de la consommation
des adhérents est mise en commun) ;
1
Articles L 111-2 à L 111-4
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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-
la veille juridique et concurrentielle, et la mise en œuvre des évolutions
réglementaires ;
-
la gestion de la réassurance ;
-
la communication et le marketing…
Dans certaines unions, cette mise en commun peut atteindre un stade très poussé. L’UGIM,
(union de sept mutuelles « fonction publique ») dispose ainsi d’un système de contrôle interne
pour harmoniser les procédures de gestion des mutuelles membres, et d’une plate-forme
décisionnelle permettant la maintenance technique des offres. L’ensemble des états
comptables est également automatisé, pour que les mutuelles puissent remplir plus aisément
leurs obligations vis-à-vis de l’ACP.
Quel que soit le degré d’intégration, les unions techniques sont toutes à la recherche de
nouveaux membres, afin de mutualiser à maxima les investissements les plus coûteux.
Certaines unions, pour s’attirer les candidatures, ont créé deux niveaux d’adhésion. C’est le
cas de l’union Sphéria : les mutuelles candidates peuvent rejoindre l’union sous forme de
« membre » (elles souscrivent alors à l’ensemble des services de l’union) ou de « partenaire »,
choisissant « à la carte » les prestations dont elles veulent disposer.
- Avantages
Les mutuelles d’une union peuvent bénéficier des économies de taille, induisant des
avantages concurrentiels substantiels. En 2006, la Directrice Générale de l’union UGIM notait
ainsi que ses mutuelles membres avaient pu maintenir leurs tarifs, tandis que la majorité des
acteurs santé les avaient augmenté de 10%1.
D’autre part, chaque membre reste tout à fait libre de quitter l’union en cas de divergence.
A Bordeaux, la mutuelle Myriade, en désaccord sur le projet informatique mené par l’union
Sphéria, la quitte finalement pour rejoindre celle d’Eovi.
- Inconvénients
Certains inconvénients sont de type statutaire : l’union de mutuelles 45 ne permet pas
l’intégration fiscale, et n’accepte pas d’organisme ayant une autre forme juridique.
Ensuite, pour que les mutuelles en tirent un bénéfice réel, la création de structures communes
ne suffit pas. L’union doit également se donner les moyens de suivre et d’anticiper
1
Anne-Marie Cozien, Directeur Général du Groupe. Groupe Initiatives Mutuelles (UGIM) : Une démarche
spécifique et innovante SAS décisio info, 28 avril 2006
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l’utilisation des ressources mises à disposition de ses membres. Or cette démarche, fondée sur
l’analyse des coûts de gestion par activité, n’est pas toujours mise en place dans les petites
unions. Enfin, le nombre de membres peut également jouer sur l’efficacité de l’union :
-
Lorsque les membres sont très peu nombreux (deux ou trois), qu’ils présentent de
grandes similitudes (même marché, même région) et que les outils sont fortement intégrés,
on peut s’interroger sur les avantages de l’union par rapport à une fusion pure et simple,
financièrement intégrée. Dans ce cas, la survivance de l’union peut être le symptôme d’un
refus préoccupant des réalités de la part des administrateurs et des dirigeants.
-
Lorsqu’au contraire les membres sont nombreux, et que l’union a été conçue de
manière relativement souple (avec des prestations « à la carte »), il apparaît un moment où
l’union doit se doter, pour continuer de fonctionner, d’outils supplémentaires. Les
mutuelles UMC1 (regroupant 23 mutuelles et 2 unions) se sont ainsi dotées d’une charte
commune, engageant l’ensemble des mutuelles, leurs administrateurs et leurs
collaborateurs. Ce document fédérateur rappelle les valeurs de l’union, mais fixe aussi les
six axes d’un plan stratégique sur trois ans (2009 à 2011), prévoyant le doublement du
chiffre d’affaires, l’optimisation de la gestion des ressources, et le renforcement de la
diversification. Cette modification du degré d’intégration demandé peut être mal
supportée par certains membres, initialement attirés par la souplesse du dispositif.
GIE
Régi par le Code du commerce, le GIE (groupement d’intérêt économique) permet également
à ses membres de mettre en commun certaines de leurs activités afin de faciliter leur
développement, ou d’améliorer leurs résultats. Les buts poursuivis sont donc de même
nature que ceux de l’union technique, à la différence près que l’objet du GIE peut être
défini de façon plus étroite, et ne porter que sur un seul domaine. Dans les cas des
regroupements de mutuelles, il s’agit souvent de GIE informatiques. Le GIE permet de
mutualiser des investissements extrêmement lourds pour acquérir des outils de gestion ou de
reporting. Citons par exemple Gigam2, un GIE à vocation informatique créé en 2007, ouvert
aussi bien aux mutuelles d’assurance qu’aux mutuelles 45. Il réunit cinq mutuelles du grand
1
Union des Mutuelles co-gérées
2
Gestion Informatique Groupe Assurances Mutuelles
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51
Est, et probablement bientôt sept. Les outils informatiques de Gigam ont la particularité de
couvrir toute la chaîne de gestion : souscription, sinistres, Ged (gestion électronique des
documents), et jusqu’à la connexion au réseau de distribution de 350 intermédiaires de la
région, agents généraux et courtiers. Depuis 2010, Gigam développe également un applicatif
internet commun, intégrant toutes ces fonctions, et que chaque mutuelle peut habiller à ses
couleurs. Michel Collombet, d’Eurogroup, pointe toutefois un des inconvénients du GIE, qui
« cache souvent des dissonances entre un mode de gouvernance très souple et des attentes
fortes sur le plan stratégique1 ».
Points communs
GIE et unions techniques de mutuelles obéissent à des règles législatives et économiques bien
différentes. Néanmoins, les deux outils s’interpénètrent, quand ils ne se confondent pas : les
unions techniques ont très souvent pour but premier la mise en commun des investissements
informatiques. C’est le cas pour Eovi2 : l’une des premières tâches dévolues à l’union fut de
choisir un fournisseur informatique (Aneto), l’effet de taille permettant de négocier les prix
d’acquisition de l’outil, mais aussi le coût de son déploiement dans l’ensemble des mutuelles.
A l’inverse, le GIE Santévie (neuf mutuelles) prévoyait, avant même la création de l’union,
une mise en commun assez large de fonctions actuarielles, commerciales et de
communication. Les deux formes de groupement sont d’ailleurs souvent combinées : l’union
ouvre alors l’accès à un GIE dans lequel les mutuelles adhérentes sont libres de venir puiser
selon leurs besoins. Autre point commun, la constitution de GIE et d’unions de mutuelles 45
préfigure assez souvent les fusions ou regroupements futurs, bien que leurs membres s’en
défendent souvent. Les exemples sont nombreux : citons simplement le cas du GIE Altéis, qui
rassemblait 4 mutuelles champenoises qui fusionneront très peu de temps après sa création, ou
l’union UGIM, très intégrée, préfiguration de l’UMG Intériale.
L’UGM, une union technique élargie … et politique ?
1
Mariées pour le meilleur et pour éviter le pire, Argus, 31 août 2007
2
Union de dix mutuelles santé, principalement présentes autour du Massif central et de la vallée du Rhône.
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L’UGM, ou Union de Groupe Mutualiste (à ne pas confondre avec l’UMG, comparable à la
SGAM) est une personne morale de droit privé, relevant du Code de la mutualité1. L’UGM est
apparue en 2008. Elle s’apparente en fait à une union de mutuelles 45 dans le sens où elle est
avant tout un groupement de moyen, destiné à faciliter et coordonner l’activité de ses
membres. Comme dans l’union, chaque membre reste directement responsable des ses
engagements. La grande différence tient à ce que l’UGM est ouverte aux autres acteurs du
non-lucratif, qu’ils soient à forme mutuelle ou coopérative ou à gestion paritaire. En
revanche, l’UGM ne peut pas accueillir de société anonyme. Elle reste un outil dédié avant
tout aux mutuelles 45, dans la mesure où ces dernières doivent disposer d’au moins la moitié
des sièges à l’assemblée générale et au conseil d’administration.
Comme dans l’union de mutuelles 45, le degré de coordination est variable. Compte tenu
de la nouveauté de ce statut, seules quelques UGM ont pour l’instant vu le jour. Leurs
déclarations d’intention laissent à penser que les outils mis en commun sont en général de
même nature que ceux des unions. L’UGM « Couleurs Mutuelles » 2, créée dans le giron de la
MACIF en 2009, vise ainsi à « identifier des axes de collaboration techniques et
opérationnels ».
Exception faite de l’ouverture aux autres acteurs du non-lucratif, qui constitue une réelle
nouveauté, les avantages et les inconvénients de l’UGM sont comparables à ceux de l’union.
Au titre des avantages propres, notons que ses membres peuvent également exploiter la
marque de l’UGM (y compris dans leurs documents contractuels), ce qui permet de gagner en
visibilité. L’inconvénient majeur reste l’absence d’intégration fiscale. En fait, l’intérêt de
l’UGM semble avant tout politique : elle est un instrument de défense des intérêts
communs et de négociation avec les pouvoirs publics ou les professionnels de santé. L’UGM
« Couleurs Mutuelles » entend ainsi défendre une position commune sur les grands enjeux de
la santé et de la protection sociale En ce sens, l’UGM a sans doute plus de poids que l’union,
dans la mesure où elle réunit plusieurs familles de la mutualité, et peut donc actionner de
concert plusieurs fédérations.
L’UGM crée une structure dans laquelle les mutuelles peuvent confronter leurs positions
respectives sur les points stratégiques. On pourrait donc penser que, comme l’union, elle peut
éventuellement servir de « ballon d’essai » à une fusion. Au contraire, la communication des
1
Article L. 111-4-1
2
MACIF - Rapport financier 2009. Cette UGM regroupe MACIF mutualité, la MNFCT (fonctionnaires des
collectivités territoriales) et la Smip (Mutuelle de Rhône Alpes)
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
53
UGM récemment créées met très largement l’accent sur leur indépendance.. L’UGMaster1 ,
qui réunit sept mutuelles « fonction publique », insiste quant à elle sur l’ancrage territorial et
la proximité avec les adhérents. Proche du discours de l’ADPM, elle dénonce, sur son site
internet, « l’accélération du processus de fusion-concentration des mutuelles de santé
entraînant la disparition progressive des mutuelles de proximité ». Cette dominante politique
est-elle le fait des seules mutuelles liées à la fonction publique, menacées par le processus de
référencement, et qui ont été les premières à s’emparer de l’outil UGM ? Pas seulement,
semble-t-il. L’UGM « Entis », qui rassemble 66 petites mutuelles extrêmement variées
(mutuelles d’entreprise, professionnelles, régionales … pour un poids total de 210 M€), tient
exactement le même discours : « Contrairement à cette tendance répandue du recours
systématique aux fusions/absorptions, nous n’envisageons l’avenir qu’en valorisant les
mutuelles de proximité, qu’en préservant leur autonomie et qu’en pérennisant leur
fonctionnement démocratique».
De façon paradoxale, et peut-être temporaire, l’UGM apparaît donc aujourd’hui comme un
des moyens d’expression des tenants du « small is beautiful ».
Rôle de la réassurance
La réassurance est également un des outils utilisés pour les mutuelles qui souhaitent conserver
leur autonomie. Certaines mutuelles constituent dans ce but des « unions de réassurance
mutuelles ». En Alsace, le GAMEST2, créé en 1996 pour apporter une caution solidaire à trois
mutuelles d’assurance de l’Est de la France, a été rejointe en 2010 par deux nouveaux
membres, et se prépare à en accueillir de nouveaux3. Ce groupement de réassurance, doublé
d’un GIE, permet à ses membres de résister aux mouvements de concentration. Autre
exemple, l’UR2S4, ouverte aux mutuelles d’assurance et aux mutuelles 45, est destinée selon
son Président à « aider les petites et moyennes mutuelles à maintenir leur présence locale (…)
1
Créée en 2009, elle regroupe sept mutuelles dédiées à la protection sociale des agents de la fonction publique,
territoriale ou hospitalière.
2
Groupement des Assurances Mutuelles non-vie de l’Est de la France, créé par la Mavic (Mutuelle Assurance
Ville De Colmar), la Mutuelle de l’Est-Bresse Assurances et la MAL (Mutuelle d’Alsace-Lorraine).
3
Marie Luginsland, La Recette de l’indépendance, l’Argus, 9 avril 2010
4
Union de Réassurance et de Substitution Sociale, créée en 2005 par l’Union de Réassurance d’Annecy.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
54
et à préserver le capital militant en dépit des nouvelles contraintes de solvabilité1 ». L’UR2S
fournit même son soutien à une petite caisse de retraite, créée à l’origine pour les employés de
Creusot-Schneider : « Nous leur apportons une garantie financière, sans laquelle le très haut
montant des réserves financières exigé pour gérer un fond de retraite empêcherait la caisse
de continuer son activité ». Le produit, Muta-Retraite, est également proposé aux adhérents
des mutuelles de l’UGM Entis.
Au-delà de ces unions, parfois contraignantes (la caution solidaire peut être assortie d’une
réassurance à 100%) les mutuelles sollicitent également les grands réassureurs, dans une
optique de réduction des fonds propres, mais aussi afin de se développer sur des risques
nouveaux. S’agissant du soutien en fonds propres, Yves Hérault, chez AXA, note que : « Pour
l’instant, la perspective de Solvabilité II n’a pas encore entraîné un recours accru à la
réassurance. Les choses vont sans doute changer avec le QIS 5, qui peut marquer une vraie
prise de conscience ». Sur des risques nouveaux, comme la dépendance, ou lorsqu’il s’agit de
conquérir de nouveaux marchés, le réassureur est en revanche souvent sollicité : il peut alors
mettre à la disposition de la cédante son actuariat, ses services juridiques, et ses outils de
provisionnement. Il peut également effectuer le suivi des produits qu’il réassure, ou intervenir
sur des contrats spécifiques. Son expertise est également mise à profit lors d’une surcharge
temporaire d’activité, notamment lorsqu’il s’agit d’établir des comptes consolidés dans des
délais très courts. Pour Yanick Philippon, « Le premier temps d’une négociation de
partenariat avec une mutuelle porte toujours sur la réassurance. Les réassureurs donnent aux
mutuelles le moyen d’exister sur des risques qu’elles connaissent mal, par exemple le moyen
collectif ». Yves Hérault souligne également le rôle important joué par la réassurance dans le
lancement de nouveaux produits, et les relations qui se nouent à cette occasion : « Dans les
mutuelles, la diversification existe déjà, mais la réflexion est menée dans un cadre
commercial. Solvabilité II va accélérer ce mouvement, avec une réflexion sur l’impact
financier de cette diversification, et ses effets sur le calcul du SCR. Le soutien technique du
réassureur est alors très utile, que ce soit en terme de tarification ou en terme de
souscription. La relation assureur / réassureur doit être un véritable partenariat, et permettre
de confronter les visions. Cette relation peut être l’occasion d’aider les mutuelles à mieux
appréhender les risques longs, qu’elles n’ont pas forcément l’habitude de gérer».
1
Jean Jacques Verchay, Président de l’UR2S (Une solution mutualiste contre les concentrations, l’Argus,
4 novembre 2005)
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
55
2.3
L’INTÉGRATION FINANCIÈRE
Lorsque l’intégration commerciale et technique ne s’avère pas suffisante pour gagner en
compétitivité, l’intégration financière doit être envisagée. Cette dernière peut s’opérer par
fusion, mais également au sein de SGAM et d’UMG, groupes dans lesquels plusieurs types
d’opérateurs peuvent s’associer.
2.3.1 Fusions
L’option la plus définitive s’offrant aux mutuelles à la recherche d’un effet de taille est la
fusion. Cette dernière unifie de façon irréversible l’organisation politique et les structures de
production. Menée jusqu’à son terme, elle simplifie aussi la prise de décision, et permet
d’abandonner progressivement « une image parcellisée par mutuelle1 ».
Obstacles politiques
Le premier obstacle à la fusion de deux mutuelles est d’ordre politique. Michel Collombet,
d’Eurogroup évoque ainsi des mutuelles souvent « engluées » dans leurs problèmes de
gouvernance2, la crainte de perdre son poste de directeur ou de président expliquant de
nombreux échecs parmi les tentatives de rapprochement. Hans Willert évoque également cet
obstacle : « Dans tout ce qui touche à Solvabilité II, il y a une ingérence très forte du
dirigeant sur son Conseil d’Administration. C’est donc une affaire d’homme avant tout. Le
poids de l’humain est très fort. Il y a des cas où le dirigeant pousse vers la conformité, alors
que le président fait tout pour verrouiller la situation (or c’est bien ce dernier qui l’emporte
in fine). Parfois, c’est quasiment comme si le vécu et l’expérience ne comptaient pas. La
fierté est une grande tentation mutualiste ! Il y a plus d’éléments de soutien de l’ego dans
une mutuelle que dans une S.A. C’est lié à la gouvernance, au fait que les administrateurs ne
1
Selon l’expression de Bruno Dehouck Secrétaire Général d’Harmonie mutualité, Veillées d’armes dans
l’attente des fusions, l’Argus, 4 juillet 2008.
2
Mariées pour le meilleur et pour éviter le pire, l’Argus, 31 août 2007.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
56
représentent pas les ressources financières. Pour limiter ce phénomène, et la "casse" due aux
fusions, il est possible de mettre en place des pactes : pacte social, mais aussi pacte sur la
fierté "rationnelle" des dirigeants ».
Ecueils opérationnels
Passé ce cap politique, la fusion entraine des difficultés qu’il est possible de regrouper selon
quatre grandes catégories :
1°) Les difficultés juridiques
La fusion est une opération complexe : elle suppose d’établir une parité entre les droits
des sociétaires des deux structures, et de réaliser des opérations d’apport partiel ou de
scission d’actifs.
2°) Les difficultés réglementaires
Le processus de demande d’agrément pour une fusion, tel que rappelé par l’ACP1,
demande du temps. Un dossier doit tout d’abord être déposé à la DARR2. Ce dossier doit
inclure un certain nombre de documents, notamment des états financiers prévisionnels,
souvent longs et délicats à réaliser. Le temps nécessaire à leur réalisation ne doit donc pas
être sous-estimé. Le dossier est ensuite instruit par la brigade ad hoc, qui examine les
aspects prudentiels, avant de le soumettre au collège sectoriel assurance de l’ACP. Suivent
alors la publication de l’avis au Journal Officiel, à partir de laquelle les créanciers ont
deux mois pour se manifester, et enfin la publication de l’arrêté.
3°) L’excès de « fusionnisme »
La volonté de fusionner, exprimée trop tôt ou sans consultation de ses partenaires, peut
produire des effets inverses à ceux escomptés. Dans les mutuelles 45, de nombreux
rapprochements ont échoué du fait d’un volontarisme excessif de la part d’une des
entités, ressenti par l’autre comme une manifestation hégémonique. Mutuelle Bleue et
1
Conférence du contrôle - Mutuelles : actualités du contrôle et évolution du secteur, ACP, 8 juillet 2010
2
Direction des Agréments, des Autorisations et de la Réglementation
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
57
Harmonie, Santévie et Via santé1 sont des exemples souvent cités. A l’origine de ces
revers, on trouve souvent, dès le départ, une incompréhension ou une erreur de lecture
de la part d’un des protagonistes. Le rapprochement annoncé entre Novalis et Audiens
(deux IP) et la mutuelle SMI procède sans doute d’une telle incompréhension, Novalis
souhaitant une intégration à maxima (le groupe devait par la même occasion fusionner ses
propres IP, encore juridiquement indépendantes), tandis qu’Audiens et la SMI tablaient
sur une collaboration
renforcée au
sein
d’un
groupe,
mais
n’envisageaient
vraisemblablement pas de fusionner2.
4°) Au contraire, le manque d’intégration
« Quand on fusionne, l’écueil serait de penser que l’on peut faire l’économie d’un système
d’information commun » rapporte le Directeur Général de la MGEFI3 . L’investissement
est considérable, mais continuer de faire vivre des systèmes parallèles se révèle souvent
ingérable : leur maintien induit des coûts importants et répétés, pour permettre aux
différents systèmes de communiquer entre eux, mais aussi pour dupliquer sur différents
systèmes une même évolution. Le manque d’intégration, crucial en informatique, peut
également se retrouver au niveau politique. Pour Pierre-Yves Ledoeuf, l’entité
absorbante, lorsqu’il y en a une, doit aussi « assumer son rôle de leader, en acceptant
par exemple de confier à l’autre une partie de sa compétence, et de porter une part plus
grande que sa part «proportionnelle», pour favoriser la croissance ». Pour Dominique
Chaignon, « bien souvent, dans un premier temps, la fusion augmente la charge au lieu de
la diminuer, par une sorte d’empilement de couches successives. Il faut parfois trois ans,
voir plus, pour réaliser de véritables économies d’échelle. Souvent, il n’y a pas vraiment
d’objectif de marché, la logique industrielle intervient à postériori, et il faut dépasser ce
stade pour que de véritables changements informatiques, par exemple, interviennent. A
certains égards, les gains techniques sont donc plus immédiats dans les GIE et les
unions ».
1
Petites et moyennes mutuelles, les alternatives à la concentration, l’Argus 21 mai 2010
2
Audiens devrait finalement rejoindre une autre IP, Réunica, et la SMI les mutuelles Adréa.
3
Antoine Catinchi, DG de la MGEFI : Mutuelle Générale de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,
L’informatique commune, un passage obligé, l’Argus, 2 avril 2010
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
58
Facilitateurs et facteurs clés
A l’inverse, plusieurs facteurs clés peuvent être identifiés comme favorisant la réussite du
projet :
1 – Choix des partenaires
L’un des buts principaux étant la recherche d’un effet de taille, la fusion est facilitée lorsque
les deux mutuelles sont de même nature, ont les mêmes activités, voire sont concurrentes.
Pour Jean-Claude Seys1, dans le cas d’Azur et de MMA, la fusion constituait la meilleure
solution en raison du fait que les deux entités étaient très comparables : AZUR représentait
globalement 50% de MMA, avec les mêmes activités (assurance IARD de masse et
d’entreprises, et assurance-vie), des produits et des réseaux de distribution semblables,
induisant des besoins identiques, en informatique par exemple.
S’agissant de la phase d’approche, beaucoup insistent sur la nécessité pour les deux mutuelles
d’avoir des « regards croisés », par exemple au moyen d’une data room permettant à chacune
de s’informer sur l’autre en toute transparence. Pour identifier les partenaires potentiels,
Pascale Le Lann, chez Alenium Consultants, propose de mettre en place une grille d’analyse
prenant en compte différents critères : les avantages et les inconvénients de la fusion pour
chacun des protagonistes, mais aussi la proximité « philosophique », le degré de maturité des
réflexions partenariales et le niveau d’implication de chaque partenaire.
2 - Préparation
Une fois le partenaire choisi, le volet informatique est sans doute celui qui doit intervenir
le plus tôt, « au minimum un an avant la fusion effective » d’après un directeur des systèmes
d’information2 . Chez Unéo, la refonte des systèmes d’information (SI) est entamée dès 2005,
pour une fusion à fin 20083. Dans l’idéal, cette phase doit permettre d’examiner la façon dont
les SI peuvent répondre à la nouvelle stratégie, en prenant en compte la disponibilité des
équipes pour les futurs travaux de paramétrage, de migration et de recettage.
1
Intervention de Jean-Claude Seys, Congrès AISAM/ACME, Bruges, 20 octobre 2006
2
Bernard Papazian, Directeur des services fonctionnels et des systèmes d’information de la mutuelle de FranceSud, L’informatique commune, un passage obligé, op.cit.
3
Unéo boucle sa mutation, l’Argus, 17 septembre 2010.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
59
S’agissant de la préparation politique et stratégique, Pascale Le Lann signale l’intérêt d’outils
de type Balanced Score Card (tableau de bord prospectif), qui permet d’assurer le
déploiement concret d’une stratégie. Développée au début des années 19901, cette méthode
permet d’établir un lien entre budget et stratégie opérationnelle. Elle se compose de quatre
axes :
-
les bénéfices financiers attendus ;
-
la demande (ce qu’attendent les clients) ;
-
les processus clés, capables d’apporter de la valeur ;
-
l’apprentissage et le développement (retour d’expérience et implication des
équipes).
Chaque axe est ensuite décliné en 5 rubriques : objectif visé, élément de mesure (ratio, indice
de croissance…), cible quantifiée (augmentation de x%..), et actions à mettre en place pour
l’atteindre (un exemple de mise en application est détaillé en annexe 3).
4– Culture commune
Enfin, les difficultés d’ordre psychologiques ne doivent pas être sous-estimées. Jean-Claude
Seys souligne à ce titre la nécessité d’une « action pédagogique démontrant la vulnérabilité à
moyen terme des deux organisations si elles restaient indépendantes 2 ». Dernière étape d’une
fusion, souvent négligée, la mise en place d’une culture commune doit renforcer
l’appropriation des nouveaux produits et des nouveaux outils, par une véritable politique de
conduite du changement.
Avantage stratégique des structures mixtes
Enfin, un avantage certain semble être donné aux groupes ayant privilégié une structure
mixte, juxtaposant un ensemble intégré de mutuelles fusionnées et une série de mutuelles
partenaires, évoluant dans le cadre d’une union ou d’un GIE. Dans cette configuration, la
mutuelle « leader » offre à ses partenaires une alternative rassurante, et leur permet de décider
en toute connaissance de cause de l’opportunité d’une fusion, et du moment approprié. C’est
cette logique concentrique qui semble être à l’œuvre chez Harmonie, dont le Directeur
1
Par Robert Kaplan et David Norton.
2
Intervention lors du congrès AISAM/ACME, op.cit.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
60
Général déclarait en 2002 : « la fusion fige le périmètre, ce que ne souhaite pas Harmonie
Mutualité, qui veut conserver sa capacité à nouer de nouveaux partenariats 1 ». Dix ans plus
tard, le groupe Harmonie Mutualité est le résultat de la fusion de huit mutuelles, tandis que
l’Union (« Harmonie Mutuelles ») en fédère trois autres, dont Prévadiès, elle-même résultante
de la fusion de six mutuelles. Le groupe Harmonie Mutualité, de plus en plus intégré, dispose
d’un système d’information et d’une offre santé uniques. A horizon 2012 ou 2013, Prévadiès
et la mutuelle Existence, membres de l’union, doivent rejoindre Harmonie Mutualité. En
revanche, l’union doit perdurer, pour accueillir de nouveaux membres, et héberger les
deux mutuelles de la fonction publique (MNAM et SMAR2), qui ne souhaitent pas pour
l’instant fusionner. A périmètre concurrentiel inchangé, avec plus de 2 Md€ de chiffre
d’affaires, Harmonie serait l’année prochaine ou la suivante leader sur le marché de la santé
complémentaire, devant AXA, Groupama ou Malkoff-Médéric.
2.3.2 SGAM ET UMG
La SGAM
La Société de Groupe d’Assurance Mutuelle est introduite dans le Code des assurances sous
l’impulsion du GEMA, par une ordonnance de 20013. Elle se constitue selon les principes
mutualistes, c’est-à-dire sans capital mais avec un fonds social. La SGAM permet aux
mutuelles d’assurance de se rapprocher de sociétés d’inspiration similaire, à savoir : les
mutuelles 45 (ou leurs unions), les institutions de prévoyance (IP) et leurs équivalents
européens. Deux organismes suffisent pour constituer une SGAM, et l’un d’entre eux au
moins doit être une mutuelle d’assurance. La création de la structure est enregistrée par un
acte notarié, et une « convention d’affiliation » définit les relations entre la SGAM et les
membres qui la constituent, définies par le Code des assurances comme des « entreprises
affiliées ». Enfin, la conclusion ou la résiliation d’une convention d’affiliation à une SGAM
1
François Venturini, Les regroupements s’accélèrent, l’Argus, 29 novembre 2002.
2
Mutuelles de l’Aviation Marine (MNAM) et du ministère de l’agriculture (SMAR).
3
Ordonnance n°2001-766 du 29 août 2001, créant l’article L. 322-1-3 du Code des assurances. Les règles de
fonctionnement de la SGAM son fixées aux articles R. 322-160 à R. 322-166 du Code des assurances
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
61
fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’ACP, qui peut s’y opposer si la décision lui
semble contraire aux intérêts des assurés.
Statutairement, la SGAM établit entre les mutuelles qui y adhérent des liens de solidarité
financière « importants et durables », qui donnent lieu à l’établissement de comptes
combinés.
La SGAM est donc un véritable groupe économique, reconnu comme tel dans la directive
Solvabilité II. Elle peut à ce titre disposer de son propre modèle interne. Les textes de loi n’en
disent pas plus et laissent aux parties le soin de déterminer exactement les conditions
d’adhésion à la SGAM, les modalités d’exercice de la solidarité financière, le mode de
gouvernance, les champs de coopération, etc.
Cette souplesse semble expliquer le succès de la SGAM, adoptée pour les principaux
regroupements de mutuelles d’assurance ces dix dernières années :
-
Covéa (entre MMA et la Maaf, en 2003, rejointes par la GMF en 2005) ;
-
MACSF en 2005 ;
-
AG2R-La Mondiale en 2008 ;
-
Sferen (entre les « 3M » : MAIF, MACIF et MATMUT) en 2009 ;
-
et enfin la Smacl en 2010, illustrant l’adoption de la SGAM par des acteurs de plus
petite taille.
L’UMG
L’Union Mutualiste de Groupe, plus récente, est créée dans le cadre de la loi de modernisation
de l’économie, par la loi du 4 août 20081, et sous l’impulsion de groupements mutualistes qui
souhaitaient obtenir un statut comparable à la SGAM. Comme cette dernière, elle permet de
nouer des liens de solidarité financière avec des organismes dépourvus de capital social.
L’UMG doit compter au moins deux organismes affiliés, dont l’un au moins est une
mutuelle 45, ou une union du Code de la mutualité. La loi prévoit également que les unions
techniques existantes peuvent lui transférer leurs actifs après leur dissolution2. Le statut
1
Elle est codifiée sous l’article L.111-4-2 du Code de la mutualité
2
Amendement n° 887, 26 mai 2008
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
62
d’UMG apparaît donc comme tout à fait comparable à celui de la SGAM. Il faut toutefois
relever deux différences majeures :
1°)
les mutuelles 45 doivent avoir au moins la moitié des sièges à l’Assemblée
Générale et au Conseil d’Administration1. Il s’agit là d’une contrainte très forte, tant
au plan politique que stratégique.
2°) Contrairement à la SGAM, l’UMG peut prendre des participations dans des
entreprises d’assurances ou de réassurance.
Compte tenu de la relative nouveauté de ce statut, une seule UMG a pour l’instant vu le jour.
Une deuxième est en cours de constitution. Toutes deux relèvent de la sphère de la mutualité
« fonction publique » :
-
Intériale, créée en juin 2010, regroupe les mutuelles du Ministère de l’Intérieur et
du Ministère des Affaires publiques2
-
Le groupe Unités devrait voir le jour en 2011. Il regroupe la MGEN
(enseignement), la MAE (affaires étrangères), la MNH (hospitaliers), la MNT et la
MGET (territoriaux et équipement)
Fonctionnement et objectif
A l’exception des deux grandes différences citées plus haut, les règles de fonctionnement de
la SGAM et de l’UMG sont identiques.
Les statuts de la SGAM et de l’UMG doivent obligatoirement fixer :
-
les conditions d’admission, de retrait ou d’exclusion des entreprises affiliées ;
-
le montant du fonds d’établissement ;
-
le nombre de voix dont dispose chacune des affiliées, qui peut être proportionnel
au montant des encaissements ou au nombre de sociétaires3 ;
-
le mode de rémunération de la direction et, le cas échéant, des administrateurs.
1
Code de la mutualité, articles L.111-4-2, al. 2 et 3
2
Intériale Mutuelle, Intériale Filia et la Mutuelle Générale des Affaires Sociales (MGAS).
3
Chez Sferen par exemple, chaque mutuelle fondatrice dispose de 15 % des droits de vote, soit 45 % au total.
Les 55 % restants sont pondérés en fonction du nombre de sociétaires IARD en France
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
63
La seule obligation concerne l’assemblée générale (AG), qui doit être composée de toutes les
entreprises affiliées, représentées par ses dirigeants ou par des administrateurs mandatés.
Les statuts peuvent également prévoir :
-
un pouvoir de contrôle de la SGAM ou de l’UMG sur les affiliées. Les statuts
peuvent par exemple énumérer un certain nombre d’opérations (cession d’actifs ou
de participations, octroi de cautions …) subordonnées à l’autorisation préalable du
conseil d’administration ;
-
des mesures de sanction1 à l’égard des affiliées ;
-
la modification préalable des statuts d’une mutuelle « entrante », notamment pour
que la SGAM ou l’UMG puisse convoquer l’AG de cette nouvelle affiliée.
Le mode de gouvernance peut être monal (un conseil d’administration et un directeur général)
ou dual (un conseil de surveillance et un directoire, ce dernier assurant collégialement la
direction de la société). La vie institutionnelle est semblable à celle d’une mutuelle : l’AG
annuelle délibère sur les questions qui figurent à l’ordre du jour (fixé sur proposition du
Conseil ou d’une mutuelle affiliée), et le Conseil a également la possibilité de convoquer à
tout moment une AG extraordinaire.
Notons toutefois que l’AG délibère sous une double majorité : le quorum est atteint avec au
moins la moitié des sociétés affiliées et la moitié des voix. En l’absence de quorum, une
nouvelle assemblée est convoquée, qui délibère valablement quel que soit le nombre de
membres présents ou représentés. D’autre part, certaines décisions sont soumises à la majorité
des deux tiers, en nombre d’affiliées et en voix :
-
modifier les statuts ;
-
autoriser la fusion avec une autre SGAM ou une autre UMG
-
la dissoudre (ou non), lorsque l’actif net est inférieur à la moitié du fonds
d’établissement.
-
contracter un emprunt (après approbation de l’ACP).
Hormis ces règles, les mutuelles affiliées définissent ensemble le champ et l’étendue de la
coopération commune, et peuvent ainsi conserver leur marque, leurs réseaux commerciaux
propres, leurs relations avec les sociétaires, et leur DRH.
1
article R. 322-161 du Code des assurances
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
64
L’objectif principal de la SGAM ou de l’UGM est la solidarité financière : s’il n’y a pas,
dans le cadre juridique, de liens capitalistiques directs entre les mutuelles, ces structures
visent bien à garantir la solvabilité de l’un des partenaires en cas de problème. La
question de la solvabilité est donc centrale. A ce titre, Roger Belot reconnaît que « la crise a
joué un effet accélérateur »1 dans la constitution de Sferen, intervenue dans un climat postcrise bancaire, alors que la MATMUT venait de perdre sur les marchés 20 M€2. La solidarité
financière mise en place chez Sferen porte ainsi sur un soutien en fonds propres, organisé
selon deux niveaux : à un premier niveau, chacune des mutuelles, sur présentation d’un
dossier au conseil d’administration, peut obtenir un soutien « automatique « de 50 M€ (25 M€
par partenaire). Un second niveau, déclenché après analyse d’un plan de redressement, permet
de recevoir 150 M€, soit 75 M€ par partenaire. Dans le cadre de cet accord, l’une des
mutuelles peut donc recevoir de la part des deux autres jusqu’à 200 M€ de fonds propres.
A l’autre extrémité du spectre, la création de la petite SGAM Smacl (289 M€ de chiffre
d’affaires) illustre également le rôle d’intégration financière dévolu à ce statut. En 2005, la
Smacl Assurances3, dédiée aux collectivités locales, se lance dans une politique ambitieuse de
développement : une nouvelle union est créée, avec plusieurs filiales chargées d’études
prospectives diverses (Smacl Synergies, Smacl Développement…) ainsi que Smacl Santé,
nouvelle entité, régie par le Code de la mutualité. En 2009, alerté par de mauvais résultats, le
comité d’entreprise de Smacl Assurances déclenche une procédure d’alerte. Les syndicats
dénoncent alors une « politique d’expansion irraisonné » via des « filiales creuses4 »,
renflouées à plusieurs reprises. L’Union connaît en avril une crise sociale sans précédent,
avec une grève de l’ensemble des mandataires sociaux et des deux tiers des salariés. La
création en 2010 de la SGAM (articulée autour des deux seules mutuelles Smacl Assurances
et Smacl Santé) peut soulever l’interrogation suivante : les administrateurs se sont-ils
simplement emparés in extremis d’une solution en vogue pour rétablir la confiance, ou la
SGAM est-elle réellement de nature à rétablir la situation financière de la Smacl ? Sans aucun
doute, la SGAM apportera une clarification des comptes et l’abandon d’une solidarité
1
Sferen à l’assaut de la culture mutualiste, l’Argus, 5 avril 2010.
2
La perte était due à la dépréciation d’ADI, spécialiste de la gestion alternative et victime de la chute de Lehman
Brothers, dont la MATMUT était actionnaire.
3
Société d’Assurance mutuelle des Collectivités locales.
4
Dominique Chassaing, délégué syndical, « Smacl : la gouvernance sur la sellette », l’Argus, 22 mai 2009
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
65
financière jusqu’ici exercée sous forme de « subventions d’équilibre » ou d’abandons de
créance. Elle fournira également un cadre plus cohérent à la gouvernance, jugée opaque par
les salariés et les syndicats. Reste que l’outil existait dès 2001, et que son adoption semble
tardive au regard des difficultés traversées par la mutuelle.
La question de l’intégration opérationnelle
Hormis les liens de solidarité financière, les SGAM existantes sont en fait de nature assez
différente. Covéa par exemple, apparaît comme beaucoup plus intégrée que Sferen, qui a
défini des champs de collaboration beaucoup plus restrictifs.
De façon symptomatique,
Thierry Derez est à la fois PDG de la SGAM Covéa et président des entités qui la composent,
tandis que Sferen opte pour une présidence tournante sur deux ans. A première vue, l’étendue
de la collaboration opérationnelle est donc différente. Chez Covéa, plusieurs domaines ont été
réorganisés pour une intégration maximale : l’assurance vie, la réassurance (Covéa Ré
organise les cessions de toutes les mutuelles du groupe), et surtout la gestion des sinistres, qui
représente à elle seule 70 % du compte d’exploitation. Ainsi, c’est Covéa AIS1 (4 300
salariés) qui met en œuvre la politique commune en termes de règlement, de réseaux de
prestataires et d’outils informatiques. Sferen de son côté identifie sept « champs prioritaires
de rapprochement » mais l’indépendance des ses trois entités semble davantage mise en
avant, notamment pour garantir la qualité de service pour laquelle les « 3M » sont reconnues.
Pourtant, de l’aveu même de Roger Belot, « Sferen ne peux pas se limiter à la simple mise en
commun de réparateurs2 ». Les différences entre les deux SGAM seraient alors le fait de
leurs états d’avancement respectifs, et non d’une différence significative de modèle. Dès
lors, se pose la question de l’intégration totale. Les stratégies commerciales d’une entité
pèsent en effet sur les résultats de l’ensemble de la SGAM. Comme l’exprime Pierre-Yves
Ledoeuf, « qui dit solidarité financière, dit nécessairement abandon de souveraineté ». En
2009, MMA choisit par exemple de préserver son portefeuille en maintenant une
rémunération élevée en épargne, ce qui la conduit à puiser sur ses fonds propres à hauteur de
30 M€. Ce type de choix stratégique n’est acceptable par les autres parties que s’il correspond
à une stratégie générale, et ne compromet pas les résultats attendus. A ce titre, Thierry Derez
1
2
Assistance Indemnisations Services
Interview de Roger Belot, PDG de la MAIF, l’Argus, 9 décembre 2010
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
66
décrit la SGAM comme « un équilibre dynamique entre liberté et pragmatisme. Liberté : il
n’est pas question de ménager des clauses de non-concurrence (…)
pragmatisme : la
recherche constante d’efficacité1 ». Compte tenu des contraintes concurrentielles, et une fois
levées les barrières de tous ordres (barrières juridiques, psychologiques, syndicales…), il
semble pourtant que le pragmatisme doive souvent l’emporter, dans le sens d’une intégration
de plus en plus poussée.
Avantages et inconvénients
Tous les acteurs mutualistes louent la souplesse de ces outils. En premier lieu, Les statuts de
la SGAM et de l’UMG sont à même de répondre à des objectifs très différents (et, comme
le formule Roger Belot, aux « défis multiples de l’innovation, de la solvabilité, et de la
concurrence » 2). Outre la consolidation financière, il peut s’agir d’accroître la compétitivité
en réalisant des économies de taille. C’est le cas de Sferen et Covéa. Il peut également s’agir
de complémentarité, et donc de diversification. C’est le critère qui a prévalu pour la SGAM
AG2R-La Mondiale, une entité (AG2R) apportant son portefeuille en assurance collective de
personnes, l’autre (La Mondiale) son expérience sur les marchés de la retraite et de l’épargne
et individuelle.
En second lieu, SGAM et UGM permettent de façon relativement simple et rapide
l’intégration de nouvelles entités. Les cinq mutuelles fondatrices de l’UMG Unités posent
d’emblée le principe que le périmètre pourrait être élargi à d’autres mutuelles, issues ou non
de la fonction publique. Pour Gérard Andreck, l’existence de ces outils induit, dans un « étage
suivant 3 », les rapprochements futurs : entre des mutuelles d’assurance IARD et vie et des
mutuelles 45 qui apporteront leur portefeuille santé.
Etant donné l’enthousiasme suscité par ces nouveaux statuts, leurs inconvénients ne sont pas
souvent décrits. On peut toutefois en citer deux, qui sont d’ordre différents. Tout d’abord, la
sortie de la SGAM ou de l’UMG ne peut pas être envisagée comme une simple éventualité.
L’ACP doit donner son accord, et, bien que le cas ne se soit pas encore produit, tout porte à
1
2
3
Thierry Derez, Risques, décembre 2009
Roger Belot, Sferen, à l’assaut de la culture mutualiste, op.cit.
Revue Risques n°79, septembre 2009
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
67
croire qu’il s’agirait là d’un véritable constat d’échec. D’autre part, ces statuts peuvent
rapidement conduire à un empilement d’entités, certes intégrées financièrement, mais dans
lesquelles le sociétaire aura du mal à se retrouver. Malgré les efforts déployés par les services
marketing pour rendre cohérents les schémas d’organisation (voir annexe 4), cet
empilement ne favorise guère l’exercice des principes mutualistes d’origine.
Les IP, partenaires naturels des mutuelles ?
D’un point de vue stratégique, l’alliance entre un groupe paritaire, bien positionné sur le
marché des entreprises, et une mutuelle, spécialisée en IARD, en vie ou en santé, est
séduisante. Pour certains, les principes de gouvernance et les concepts de ces deux types
d’acteurs du non-lucratif sont également assez proches. André Renaudin, principal artisan de
la première SGAM, celle d’AG2R-La Mondiale reconnaît que le modèle a suscité en son
temps de nombreuses interrogations « J’ai tout mis en œuvre pour dépasser l’écart de
cultures car je pensais qu’il s’agissait d’un beau projet et j’étais convaincu qu’il existait un
socle de valeurs communes aux deux groupes, hérité des pères fondateurs (…) Sur le plan de
la logique industrielle, je n’ai rien à retrancher. Chaque groupe était et reste l’avenir de
l’autre. Et sur le plan opérationnel, les choses sont allées plus vite que je l’avais imaginé1 ».
Aujourd’hui, avec 8 millions d’assurés et plus de 13 Md€ d’encaissement (en 2009), la
réussite du groupe est indéniable, et ce malgré la juxtaposition d’entités juridiques encore
disparates.
Pour Pierre-Yves Ledoeuf, du groupe Humanis, les IP n’ont pas de mal aujourd’hui à
séduire les mutuelles : « Il y a quelques années c’est nous qui allions vers les mutuelles.
L’enjeu, à terme, était de couvrir l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, ce sont plutôt elles
qui viennent vers Humanis : d’abord parce nous n’avons pas connu d’échec en matière
d’intégration de mutuelles, et ensuite parce que le rapprochement Vauban-Aprionis-Novalis2
fait de nous un des "très grand", mais aussi un groupe à construire. Les mutuelles sentent
qu’elles peuvent participer à cette construction, qu’elles n’arriveront pas dans une structure
figée ». Les questions de solvabilité ne semblent pas être leur motivation première : « Les
mutuelles qui s’adressent à nous sont saines. Ce qu’elles cherchent, c’est plutôt participer à
un projet d’envergure ».
1
Interviewé dans l’Agefi, 27 mai 2010.
2
Les groupes Vauban Humanis et Aprionis ont fusionné le 27 janvier 2011 pour donner naissance à Humanis. Ils
devraient être rejoints en 2012 par le groupe Novalis
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
68
Au sein des groupes paritaires, les mutuelles peuvent être intégrées de différentes façons :
certaines sont « paritarisées », c'est-à-dire que leurs élus ont accepté d’être désignés par les
partenaires sociaux. C’est le cas chez Aprionis des mutuelles de l’union Radiance, qui ont
conservé leurs salariés. Les mutuelles portent le risque santé, mais c’est l’union Radiance qui
conçoit le produit, (un produit unique), pilote le déploiement de l’offre et assure
l’accompagnement commercial. Radiance est également assureur du risque prévoyance.
Chez Vauban Humanis, les deux mutuelles « cœur de groupe1 » sont porteuses du risque, mais
n’ont plus de personnel en propre. Les salariés sont employés par le GIE, et le groupe fournit
toutes les fonctions supports nécessaires. Elles ne sont pas « paritarisées », et ne sont donc pas
représentées dans l’association sommitale. Au conseil, elles ne disposent que d’une voix
consultative. Néanmoins, note Pierre-Yves Ledoeuf « dans les faits, lorsque les mutuelles
s’expriment, elles sont entendues du Conseil ». En plus de ces deux mutuelles « cœur de
groupe », une union de mutuelles, Servalys, regroupe cinq autres mutuelles membres, qui
bénéficient de certains services supports, le marketing et l’actuariat notamment. « Servalys
nous semble être la bonne échelle pour nos mutuelles partenaires : même avec un périmètre
parfois restreint (cela va de 2 000 à 50 000 personnes protégées), elles ne sont pas noyées
dans le groupe ». Quelle que soit la forme d’intégration dans le groupe, pour Pierre-Yves
Ledoeuf, les élus « conservent une identité mutualiste forte, et continuent de s’investir dans
la vie des fédérations, via les Unions régionales par exemple. Les cultures sont différentes,
mais en réalité il y a très peu de frottements. Les élus naviguent souvent d’une structure à
l’autre, et il y a peu de critiques de part et d’autre. Il n’y a pas eu de critiques particulières,
par exemple, de la part des mutualistes quand il s’est agi des grands rapprochements, avec
Aprionis ou avec Novalis. La vie démocratique mutualiste continue, toujours aussi riche. Nos
élus ont tous "un pied mutualiste et un pied paritaire" ».
Le modèle semble séduire, et d’autres rapprochements entre mutuelles et IP sont annoncés
ou sont en cours :
-
La mutuelle verte vient d’intégrer le groupe Agrica, après trois ans de partenariat. Elle
devrait contribuer à l’objectif de croissance annuelle de 9 à 10% que s’est fixé le groupe
en prévoyance ;
-
1
La MG pourrait se rapprocher du groupe paritaire Mornay ;
La mutuelle familiale Vauban Humanis et la GSMC (Groupe Smiso Mutuelle des Cadres)
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
69
-
Covéa cherche également à s’attacher une IP. Après Quatrem, créée par MMA et
Médéric-Malakoff, finalement abandonnée, l’Apgis (présente notamment dans la grande
distribution, la pharmacie et l’agroalimentaire) est maintenant pressentie comme pouvant
constituer ce pôle assurances collectives.
Les mutuelles peuvent-elles vraiment défendre leur modèle au sein des IP ? Selon le cabinet
Aedian1, la moitié des mutuelles perçoit cette forme d’alliance comme une renonciation
partielle aux principes mutualistes. Hans Willert, quant à lui, considère que « les
institutions de prévoyance, bien que paritaires, ressemblent de plus en plus à un oligopole ».
De plus, le poids relatif des mutuelles dans le groupe peut jouer : dans le groupe Humanis tel
qu’il est constitué à ce jour, elles représentent environ un tiers du chiffre d’affaires en
assurance de personne, ce qui leur permet d’occuper une place légitime. Lorsque ce poids est
moindre ou qu’il diminue, (par exemple lorsque de nouvelles structures, non mutualistes,
rejoignent le groupe), leur modèle risque de se dissoudre. Il apparaît ainsi, que pour
continuer à exister en tant que telles au sein d’un groupe non mutualiste, les mutuelles
doivent se doter d’outils pouvant fixer, à priori, non seulement les conditions de leur
entrée, mais aussi les conditions de leur maintien dans ce groupe. Pour Dominique
Chaignon, « Jusqu’à aujourd’hui, les mutuelles qui sont rentrées dans des groupes paritaires
se sont retrouvées inféodées. Une des façons pour elles de maintenir leur indépendance serait
de conserver à la fois leur capital et leur personne, ce qui est antinomique avec la volonté de
synergies et donc d'économies. La question est celle de la gouvernance : quels garde-fous
peut-on mettre en place pour sortir du groupe si les choses tournent mal ? Quant à la SGAM,
elle est comparable à un contrat de mariage : en sortir fait potentiellement éclater toute la
structure ». D’autant que, de l’avis général, l’association sommitale n’apparaît pas comme
l’outil adéquat pour diriger ces structures : cette dernière joue en effet le rôle d’une structure
de décision… avec un statut d’association « loi de 1901 ».
L’intégration des mutuelles au sein de grands groupes est l’une des solutions possibles pour
alléger rapidement le coût de mise en œuvre des chantiers liés à Solvabilité II. Ces groupes
ouvrent également de nouvelles perspectives aux mutuelles, en les faisant bénéficier de
synergies importantes, et en leur donnant accès à une diversification rapide. Toutefois, la
fusion avec des entités non mutualistes, tout comme l’intégration de sociétés anonymes, pose
1
Mariées pour le meilleur et pour éviter le pire, op. cit.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
70
des problèmes de gouvernance et, surtout, remet en cause un certain nombre de valeurs
fondatrices du mutualisme.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
71
3
– LES VALEURS MUTUALISTES
Présent dès la fin du XVIIIe siècle, et transmis tout au long des XIXe et XXe siècles, le
concept de mutualité répond à la conception d’hommes « libres et éclairés » qui organisent
ensemble leur sécurité collective. Face à la concentration, comment la logique industrielle
s’accommode-t-elle des valeurs mutualistes ? Quelle est la place de ces dernières, non
seulement dans la vie institutionnelle, mais encore dans l’organisation et le fonctionnement
des mutuelles ? Il convient tout d’abord de rappeler, le plus brièvement possible, ces valeurs
fondatrices. Leur nombre varie parfois selon les auteurs ou les organisations professionnelles.
Néanmoins, cinq valeurs fondamentales peuvent être retenues comme étant communes à
toutes les mutuelles :
1. La solidarité
L’intérêt de chacun est réputé subordonné à l’intérêt de tous. De ce principe découle l’égalité
de traitement entre tous les sociétaires de la mutuelle. En pratique, les mutuelles appliquent
depuis très longtemps des tarifs différenciés : en fonction de l’âge en santé, ou en fonction du
lieu de résidence dans l’assurance dommage. Compte-tenu de la segmentation nécessaire à
l’activité même d’assurance, cette différenciation des tarifs n’apparaît plus aujourd’hui
comme une déviance par rapport au principe de solidarité. Ce dernier reste entendu comme un
principe général de refus des discriminations et d’une sélection des risques qui reposerait sur
des critères sur lesquels le sociétaire n’a que peu de prises, son état de santé par exemple.
2. La liberté
Le principe de liberté sous-tend l’idée d’une indépendance institutionnelle à l’égard de tout
pouvoir, qu’il soit « politique, financier, syndical ou philosophique1 ». Ici encore, force est de
constater que le fonctionnement des mutuelles est fortement conditionné par les orientations
prises par les pouvoirs publics : la réglementation, nationale ou européenne, a en effet des
répercussions directes sur la stratégie et l’offre des mutuelles. Par liberté, il faut toutefois
1
Site internet de la FNMF, www.FNMF.fr
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
72
retenir l’idée que la gouvernance des mutuelles relève de la seule compétence de ses
sociétaires, et qu’elle n’admet pas d’ingérence extérieure, sauf celles résultant de dispositions
légales obligatoires.
3. La responsabilité et l’intérêt collectif
Le principe de responsabilité peut s’entendre de deux manières. Associé à la transparence et à
la rigueur, il renvoie à une gestion saine et prudente de la mutuelle. Mais il est aussi associé à
l’intérêt collectif, dans le sens d’une responsabilité plus large, concernant la société dans son
ensemble, et non plus seulement les sociétaires de la mutuelle. La responsabilité « sociétale »
de la mutuelle est plus ou moins mise en avant. On la retrouve plus particulièrement dans les
mutuelles santé, où elle est alors associée à l’idée d’économie sociale, mais également dans
les mutuelles d’assurance, avec un accent mis sur la prévention, et sur l’accès de tous à une
protection de qualité pour un coût le plus faible possible.
4. La gouvernance démocratique
C’est l’une des valeurs centrales de la mutualité, qui repose sur une participation égalitaire au
contrôle de la mutuelle, selon le principe « un homme = une voix » (devenu depuis quelques
années « une personne = une voix », par égard à la non discrimination des genres). C’est, pour
chaque sociétaire, le droit à participer aux décisions d’orientation et de contrôle de la
mutuelle. Ce principe s’oppose à celui des sociétés de capitaux, où ce droit est lié au nombre
d’actions détenues.
5. La gestion solidaire de la performance économique1
La participation égalitaire de tous les membres de la mutuelle, à la fois en termes de « droit de
propriété » et en terme de contrôle, aboutit à l’autre principe central de la mutualité : la nonlucrativité individuelle et l’indivisibilité des fonds propres. En France, les mutuelles obéissent
à cette règle, selon laquelle il est impossible de redistribuer les résultats positifs (les excédents
de gestion) sous forme de dividendes individualisés.
1
Selon les termes empruntés à Denis Malherbe, dans L'éthique dans le Management des entreprises
mutualistes : questions de gouvernance et de légitimité, 2007
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
73
Face aux impératifs de croissance et de compétitivité, les trois premiers principes, bien qu’ils
aient parfois nécessité des adaptations importantes, ne semblent pas pour l’instant susciter de
débats particuliers. En revanche, les principes de gouvernance et de non-lucrativité
peuvent être remis en cause, directement ou indirectement, par le mouvement de
concentration des mutuelles et le périmètre de la législation européenne. La mise aux normes
européennes entraîne ainsi l’obligation de constituer des réserves toujours plus importantes.
Pour certaines mutuelles, l’excédent réalisé est tel qu’il est susceptible des les éloigner du
modèle original. D’autre part, depuis les années 1990, plusieurs mutuelles ont pris le contrôle
d’entités à statut commercial, en les intégrant dans des structures plus larges, comportant à la
fois des mutuelles et des S.A. D’autres mutuelles ont également transformé le statut juridique
de leur structure centrale pour en faire une S.A., parfois cotée sur les marchés financiers. Ces
intégrations renvoient à plusieurs interrogations, concernant la démutualisation, la
gouvernance, mais aussi la banalisation des activités des sociétés mutualistes.
3.1
S.A. : UNE ENTORSE AUX VALEURS ?
3.1.1 Le financement des fonds propres
Par définition, le modèle mutualiste incite à la prudence : les mutuelles, qui n’ont pas de
capital social, sont dans l’impossibilité de recourir à une augmentation de capital. Leurs
besoins doivent donc être financés par leurs seuls excédents. Pour Alain Tempelaere1
l’absence de capital social est l’un des avantages majeurs de la forme mutuelle : sans
actionnaires, et donc sans impératif de rentabilité immédiate, la mutuelle peut se construire
sur le long terme. Cette particularité constitue un avantage décisif, dès lors que la mutuelle
bénéficie d’une vision stratégique claire. Le revers de cette indépendance, souligne-t-il
cependant, est une difficulté chronique à financer ses fonds propres.
1
Les mutuelles d’assurance en France et dans le monde, 2001
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
74
Les moyens traditionnels
Si l’augmentation de capital est, à priori, hors de portée des mutuelles, ces dernières disposent
pour financer leurs fonds propres d’autres outils. Citons tout d’abord, pour mémoire, trois
outils destinés aux mutuelles d’assurance, désormais peu utilisés :
- Le rappel de cotisation (réservé aux mutuelles Non-vie à cotisations variables, et qui n’est
utilisable qu’en cas d’extrême nécessité, pour reconstituer la marge de solvabilité)
- Le droit d’adhésion, comparable à un droit d’entrée (l’idée étant que tout nouveau sociétaire
bénéficie des développements créés pour ses prédécesseurs)
- Le fonds social complémentaire, emprunt de type très particulier, auprès du sociétaire. Il est
également réservé aux mutuelles d’assurances Non-vie, et très strictement encadré1. La
tutelle ne l’autorise en réalité qu’en dernier recours.
Dans les faits, sauf exception, une mutuelle finance ses fonds propres soit grâce à
l’excédent annuel qu’elle réalise, soit par le biais d’emprunts.
1. L’excédent de gestion
L’excédent de gestion peut être affecté aux réserves, règlementaires ou libres, pour contribuer
à la pérennité de la société. Il peut également être consacré à des opérations de croissance.
Cependant, les excédents issus de la réalisation des plus values obligataires doivent être
cantonnés dans la réserve de capitalisation, et les autres plus-values sont soumises à l’impôt
sur les sociétés. En réalité, l’excédent annuel ne permet donc qu’une alimentation
relativement limitée des fonds propres.
2. Les emprunts
Juridiquement, ils peuvent répondre à deux nécessités : le financement d’activités d’assurance
(donc à une stratégie de croissance, une position offensive) ou le renforcement de la marge de
solvabilité (position défensive, de nature à satisfaire aux obligations réglementaires). Un
emprunt qui servirait à accroître le patrimoine immobilier de la mutuelle ou à réaliser de
nouveaux placements est donc exclu.
1
Cet emprunt doit être autorisé par les statuts de la mutuelle. Il est soumis à l’autorisation préalable de la tutelle.
L’Assemblée Générale décide des sociétaires sur lesquels l’obligation pèsera (souvent : tous les sociétaires dont
le contrat est en cours). L’emprunt ne peut pas être supérieur à 10% de la cotisation annuelle. En général, l’AG
plafonne cette somme à un montant précis. Les intérêts sont des intérêts simples, et l’émission de l’emprunt peut
être étalée sur plusieurs années. Il est remboursé par priorité sur les résultats dès lors que la marge de la
solvabilité est atteinte.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
75
Les émissions de titre doivent être autorisées par l’Assemblée Générale, qui fixe les
caractères
essentiels
de
l’emprunt (montant
maximum,
durée,
modalités
de
remboursement…). Une autorisation préalable de l’ACP est nécessaire, et un dossier très
complet doit être constitué, qui détaille les conséquences de l’emprunt sur la situation
financière de la mutuelle. Deux types d’emprunts peuvent être souscrits :
-
Les titres participatifs.
Par construction, leur rémunération est assise sur une partie fixe et une partie variable,
fonction des résultats de l’entreprise.
-
Les titres subordonnés
L’émission des titres subordonnés doit être réalisée dans les quinze mois qui suivent
l’adoption de la résolution par l’AG. Ce délai permet au Conseil d’Administration de choisir
les modalités d’émission en fonction des marchés financiers (Pour les S.A., ce délai est de
cinq ans). Une mutuelle ayant un plan d’émission sur plusieurs années doit donc refaire
chaque année une demande préalable auprès de l’ACP et faire voter à l’AG une nouvelle
résolution. Pour les emprunts à durée indéterminée, la prise en compte des fonds récoltés n’est
admise, dans Solvabilité I, qu’à hauteur de 50% de la marge de solvabilité. Pour les emprunts
à durée déterminée, elle est admise à hauteur de 25%, puis régulièrement et progressivement
ramenée à zéro au cours des 5 dernières années.
En France, l’une des premières mutuelles d’assurance à émettre des titres participatifs est La
Mondiale. L’outil est utilisé ensuite plus fréquemment, mais le plus souvent à l’intérieur
d’un même groupe, l’entité Non-vie souscrivant des titres de l’entité Vie ou inversement,
afin d’assoir la marge de solvabilité lors du lancement d’une nouvelle activité.
La recherche de capitaux
Pour beaucoup, le recours à l’emprunt tel qu’il est prévu pour les mutuelles n’est pas
suffisant. Jean-Claude Seys note par exemple : « Ces instruments restent archaïques. Le titre
participatif est trop complexe et le titre subordonné de remboursement n’est pas satisfaisant.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
76
Une solution reste donc encore à trouver pour alimenter les fonds propres1 ». De fait,
l’alimentation des fonds propres est vécue comme un véritable handicap, à la fois par les
mutualistes eux-mêmes et par les acteurs extérieurs, notamment les réassureurs. Thomas
Hess, chez Swiss Re indique ainsi : « Nous estimons que le statut juridique de la mutuelle
sera à l’avenir un désavantage. Les mutuelles ciblent un marché national et souffrent d’un
accès limité au capital et n’ont dès lors pas la possibilité d’acquérir des parts de marché
substantielles2 ». En fait, le problème du financement des fonds propres se pose aux
mutuelles pour de nombreuses opérations de croissance externe. Certains dirigeants se
sentent bridés par le statut de mutuelle, notamment lorsqu’ils sont confrontés à des
restructurations ou lorsqu’ils doivent financer de nouvelles activités. Dès lors, la tentation de
s’ouvrir au marché, par le biais de S.A., apparaît clairement. Michel Dupuydauby souligne
cette tendance : « on voit bien que pour les plus grandes mutuelles, l’intégration, sous une
forme ou une autre, de structures anonymes est une voie de développement tentante. Qui peut
dire qu’à plus ou moins long terme, compte tenu des divers avantages de cette dernière, elle
ne finira pas par dominer ?3 ». Il note également le rôle joué par la réglementation
européenne : « Solvabilité II, qui repose sur l'idée que la sécurité passe par le capital, va (…)
faire vaciller nombre de mutuelles. Une solution serait de permettre aux mutuelles d'avoir
recours à de nouvelles formes de financement 4». Pour l’heure, seul le recours à la création
d’une S.A. semble possible. Pour nombre de mutualistes, ce recours constitue une déviance
sérieuse par rapport au modèle d’origine. Le champ lexical des mutualistes est à ce titre assez
significatif. De même qu’on entend parfois l’expression « entrer en mutualité » (comme on
entre en religion), pour Alain tempelaere, une mutuelle est « réduite » à l’état de S.A., tout
comme un prêtre est réduit à l’état laïc. Néanmoins, de nombreux groupes mutualistes ont
désormais recours aux structures capitalistiques, pour différentes raisons.
1
Capitalisme et mutualisme : y a-t-il un modèle idéal ?, l’Argus, 17 octobre 2003
2
La confrontation sociétés d’assurance mutuelles et sociétés anonymes au XXIème siècle du point de vue des
réassureurs – Actes du colloque de l’AISAM, 1999.
3
Correspondance n° 12, Roam
4
« Si les mutuelles ne survivent pas, la Roam disparaîtra aussi », Interview de Michel Dupuydauby, l’Argus,
12 novembre 2010
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
77
3.1.2 Le développement de structures capitalistiques
La création d’une S.A. par une mutuelle peut prendre différentes formes, qui sont liées à des
objectifs parfois différents. Si financer la croissance est l’objectif principal, la forme de la
S.A. peut également répondre à des impératifs de fonctionnement et de gouvernance.
Créer des filiales communes
Le recours à la forme S.A peut tout d’abord être lié à des logiques de filialisation. Il s’agit
par exemple de lancer une nouvelle offre de produits ou de services, ou d’ouvrir la mutuelle à
de nouveaux segments de clientèle. Dans le cas de la MGEN et de la MAIF, les filiales S.A.
(MGEN-Filia et Filia-MAIF) permettent à la fois de renforcer le partenariat et de gagner des
adhérents hors d’une clientèle historique. La filiale est alors totalement substituée, et son
capital social est contrôlé par la mutuelle. Pour les dirigeants concernés, il s’agit de filiales
opérationnelles, dans lesquelles l’esprit du mutualisme est toujours présent. Pourtant, il s’agit
bien là d’une réserve importante au principe « un homme = une voix ». De fait, une
réforme de 1989 a introduit la possibilité, pour les mutuelles d’assurances, de différencier
l’assuré simple du sociétaire. Sur le site internet de Filia-MAIF, on peut lire par exemple que
cette dernière « est ouverte à ceux qui partagent les valeurs de la MAIF et dont la profession
ne leur permet pas d'adhérer à la Mutuelle. Ils peuvent ainsi bénéficier des mêmes contrats et
services, à des tarifs proches de ceux de la MAIF ». Les assurés de Filia-MAIF ne sont donc
pas, stricto sensu, des sociétaires. Si ces filiales sont bien contrôlées, in fine, par des instances
mutualistes, la façon dont leurs assurés peuvent participer à la vie démocratique
n’apparaît pas clairement.
Lorsque la filiale est détenue à parité entre une mutuelle et un opérateur appartenant à une
autre famille de l’assurance, l’entorse au principe de gouvernance démocratique est
manifeste. Or, compte tenu de la diversification recherchée, ce type d’alliance se multiplie.
Les filiales sous forme de S.A. matérialisent alors un partenariat parfois très structurant, par
exemple celui de la Banque Postale et la MG, sous forme de joint venture. Dans ce cas, non
seulement l’assuré ne peut pas prétendre au titre de sociétaire à part entière, mais encore les
sociétaires de la mutuelle ne peuvent prétendre au contrôle de la filiale qu’à hauteur de leur
participation dans la S.A. Sur ce dernier point, les traités de bonne gouvernance des
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
78
organisations professionnelles semblent muets. Il appartient donc aux mutuelles de définir
clairement les règles d’une nouvelle gouvernance prenant en compte la constitution de
sociétés anonymes, en énonçant par exemple les possibilités par lesquelles les assurés
sont susceptibles de participer à la vie démocratique de la mutuelle.
Financer la croissance
La cause la plus fréquente de recours à la S.A. reste le financement de la croissance. Le cas
de l’UNPMF, pôle prévoyance des mutuelles santé de la FNMF, illustre bien cette
thématique. L’UNPMF envisage en effet de transférer son activité dans une S.A, créée avec la
participation de six grandes mutuelles interprofessionnelles1. En santé, ces mutuelles
continueraient de porter le risque. En revanche, les activités de prévoyance, d’épargne et de
retraite seraient abritées dans la S.A. l’UNPMF, qui apporterait son portefeuille, recevrait des
titres de la S.A. correspondant à un tiers de son capital, et les six mutuelles partenaires,
actionnaires de référence, apporteraient deux tiers des fonds, ainsi que leurs portefeuilles
prévoyance restés en dehors de l’UNPMF. Le capital de la S.A. serait ainsi détenu
exclusivement par des entités mutualistes, et verrouillé au moyen d’un pacte d’actionnaires.
Pour l’UNPMF et les mutuelles concernées, la S.A. permet tout d’abord de continuer à
financer un développement rapide : de 2008 à 2009, le chiffre d’affaires de l’UNPMF a
connu une augmentation de 30%. En 2010, il atteint quasiment 950 M€, soit le double du
chiffre d’affaires enregistré en 2002. Pour Dominique Chaignon, la création d’une S.A.
répond à deux considérations principales : « Tout d’abord, l’UNPMF poursuit sa volonté de
développement et de plus grande proximité avec ses principaux distributeurs. Or,
actuellement, nous avons utilisé au maximum notre capacité à obtenir des fonds propres via
l’émission de titres subordonnés, qui ne sont comptabilisés dans Solvabilité I qu’à hauteur de
50% de la marge. Solvabilité II modifie également la structuration des fonds propres, qui sont
désormais qualifiés en fonction de leur « solidité ». Les titres participatifs, par exemple, ne
font pas partie du tier one. Ils ne sont donc sont pas considérés comme des fonds propres
« en dur ». La marge de solvabilité de l’UNPMF, qui est aujourd’hui couverte à hauteur de
220%, doit donc être confortée en vue du passage à Solvabilité II ». Il évoque également les
difficultés posées par l’émission de titres subordonnés : « Dans la configuration actuelle,
avoir recours aux titres subordonnés nécessite de solliciter les 160 mutuelles adhérentes à
1
Adréa, Apréva, Eovi, Harmonie Mutualité, Ociane et Prévadiès.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
79
l’union. Cela implique, une décision des Conseils et des Assemblées Générales de chacune
des mutuelles ayant décidé de souscrire. C’est donc un processus long et compliqué, même si
la mobilisation a toujours été rendez-vous. Avec la S.A., on passe à six actionnaires de
référence, qui peuvent apporter des capitaux de manière plus simple et plus efficace ».
Jean-Pierre Davant, Président de la FNMF1, à qui l’on demande si les mutualistes peuvent
défendre leurs spécificités si leur activité est logée dans une S.A., considère cette dernière
comme « l’outil le plus performant, tant que les mutuelles en gardent le contrôle2 »
Resserrer la gouvernance
Parmi les avantages souvent cités dans la constitution de S.A., figure également une
gouvernance resserrée, et un fonctionnement plus efficace. Hans Willert met ainsi la S.A. en
perspective avec les rapprochements qui peuvent exister entre deux structures mutualistes :
« Dans un rapprochement, chaque dirigeant se garde un vrai territoire. Cela n’existe pas
dans la S.A., où les deux parties prenantes sont actionnaires du même périmètre ». Même
sentiment chez Pierre-Yves Ledoeuf « Pour moi, la S.A. est un outil intéressant, car il permet
aux acteurs de se fréquenter, de collaborer sur un projet commun très concret. En étant
actionnaires, les différentes parties prenantes sont obligées de se poser des questions
centrales, sur des thèmes contraignants : comment se fait l’apport d’affaires ? Ou encore :
quel est le bon moyen de partager la richesse ? ». De fait, de nombreux projets de fusions ou
de rapprochement ont pu achopper sur ces questions, qui n’ont pas été envisagées en amont.
La S.A. est ainsi un outil efficace pour traiter des questions de concurrence interne. C’est
également un outil souvent privilégié lors de fusions que l’on veut rapides. C’est par
exemple le cas de l’intégration d’Azur dans le groupe MMA, les deux entités étant regroupées
dans MMA S.A. : face à la concurrence très agressive des bancassureurs sur le marché de
l’assurance dommages, les dirigeants souhaitaient que la structure commune soit
opérationnelle en moins d’un an3.
1
Avant qu’Etienne Caniard ne lui succède, en décembre 2010.
2
Protection Sociale Informations n°764, 8 décembre 2010
3
Mireille Weinberg, MMA et Azur Assurances vont fusionner dans MMA SA, Les Echos, 8 Septembre 2005
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
80
3.1.3 L’accès aux marchés
Les mutuelles qui acquièrent ainsi des S.A., ou transfèrent leurs portefeuilles vers ce type de
structure, peuvent dès lors ouvrir leur capital à des financements extérieurs, voire
s’introduire en Bourse.
Une mutuelle holding ?
En France, le recours aux marchés des capitaux suscite le débat. Les Etats-Unis et certains
pays européens (Allemagne, Pays-Bas, et Autriche notamment) ont à leur disposition une
forme originale de mutuelle qui est celle de la mutuelle holding. Cette dernière permet à la
mutuelle de placer 49% de son capital en Bourse, tandis que les 51% restant sont détenus par
les sociétaires, qui continuent d’en assurer le contrôle. Ces MHC (Mutual Holding
Companies) apparaissent donc comme des structures intermédiaires, à mi chemin entre
sociétariat et actionnariat. Alain Tempelaere1 note à ce sujet qu’il est « surprenant
d’accoler le terme holding (qui est caractéristique d’une structure financière capitalistique)
au terme mutuelle » mais que l’association « recouvre bien la réalité d’une démutualisation
partielle, telle que celle opérée par certaines sociétés ». Le fonctionnement d’une MHC peut
être résumé dans le schéma suivant :
Mutuelle vie
Mutuelle non vie
Holding (financement extérieur possible)
S.A. Vie
S.A. non Vie
S.A. autres activités
Dans ce modèle, qui est par exemple celui de la mutuelle allemande Alte Leipziger, une
holding est intercalée entre la mutuelle et une ou plusieurs S.A. La holding peut émettre des
actions, en nombre assez limité toutefois pour que la mutuelle de tête puisse en garder le
contrôle. Tout ou partie des activités d’assurance est transféré dans la S.A.
1
Les mutuelles d’assurance en France et dans le monde, op.cit.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
81
Aux pays bas, une mutuelle peut avoir deux types de sociétaires : des sociétaires assurés, et
des sociétaires actionnaires. Tous participent à l’Assemblée Générale. La question de la
gouvernance est résolue par une formule dans laquelle le total des voix d’une des deux
catégories doit être multiplié par un facteur permettant d’obtenir le rapport indiqué dans les
statuts (51/49 par exemple). Les statuts précisent également la façon dont s’opère la
répartition des « bénéfices » : sous forme de ristourne pour les sociétaires assurés, et sous
forme de dividende pour les sociétaires actionnaires.
En 2007, Jean-Claude Seys, président du Groupe MMA, se déclarait hostile à ce type de
mutuelle « mixte », dont une partie du capital peut être cotée en Bourse : « Doit-on
nécessairement entrer en Bourse pour atteindre la taille critique ? Ma réponse est non. En
France, il est tout à fait possible de croître en menant des rapprochements ou des opérations
de fusion avec d’autres mutuelles. Faire cohabiter des actionnaires et des sociétaires est une
aberration. La mutuelle doit travailler exclusivement pour ses sociétaires1 ». La forme de la
mutuelle holding et l’ouverture du capital trouvent au contraire un ardent défenseur dans la
personne de Jean Azéma, dont le groupe a engagé une stratégie de croissance à l’international.
Le cas Groupama
L’évolution de Groupama illustre l’ambition affichée de s’ouvrir aux marchés. A partir de
1998, la filialisation des anciens réseaux du GAN transforme radicalement les contours de ce
groupe mutualiste. La structure est alors totalement revue. La caisse centrale, qui réassurait
quelques 5700 caisses locales2 est supprimée, et sa richesse est renvoyée vers les mutuelles
locales. Au deuxième niveau, les caisses régionales, qui réassurent les caisses locales, sont
réorganisées pour être plus homogènes en taille et en capacité de développement (leur nombre
est ainsi divisé par deux, passant de 18 à 9). A la place de la caisse centrale, Groupama S.A.,
détenue (via une holding intermédiaire) à près de 100% par les caisses régionales, définit
la stratégie du Groupe. Pour ses dirigeants, la mise en place d’une société faîtière au statut de
S.A. n’altère pas le fonctionnement mutualiste : le système électif est préservé, avec une
1
Marc Michaux, Le mutualisme se perd dans la course aux profits, l’Expansion, 1er novembre 2007
2
Parmi ces dernières, on trouve par exemple les assurances du Crédit Mutuel ou des filiales du Crédit Agricole
comme Prédica, 2ème assureur vie français.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
82
Assemblée Générale pour chaque caisse, et 300 000 sociétaires se réunissant chaque année1.
Chaque président de caisse régionale est statutairement administrateur de Groupama S.A.
Plus de 30% du chiffre d’affaires de Groupama est aujourd’hui réalisé à l’étranger. Le groupe
prévoit de poursuivre sa croissance, notamment par des acquisitions en Italie et en Europe
centrale. Dès 2006, les instances politiques du groupe avaient donné leur feu vert pour la
cotation en Bourse de Groupama S.A2. « Le recours au marché est une voie de financement
incontournable pour répondre à nos ambitions. S’en priver, c’est comme jouer à la belote
sans le valet. C’est la raison pour laquelle nous envisageons d’ouvrir notre capital et de nous
introduire en Bourse3 » indique ainsi Jean Azéma. Interrogé sur les dangers potentiels de
l’introduction en bourse, ce dernier souligne le caractère non spéculatif de l’opération : le
seuil de 51% du capital ne peut être franchi. Les caisses régionales gardent donc le
contrôle. Pour Jean Azéma, les logiques de l’actionnariat et du sociétariat sont non seulement
conciliables, mais complémentaires : « Le sociétaire comme l’actionnaire nous jugent sur nos
performances économiques. La satisfaction de l’un étant indispensable à la satisfaction de
l’autre4 ».
En faisant de leur structure centrale une S.A. cotée en Bourse, certaines mutuelles agrègent
donc deux logiques différentes de redistribution des résultats, l’une mutualiste, et l’autre
capitaliste. L’ouverture du capital d’une mutuelle suscite une certaine appréhension, liée à la
maitrise d’un modèle nouveau. Les impératifs de croissance, mais aussi les exemples de
démutualisation observés en Europe et le statut de Mutuelle Européenne obligent néanmoins
les mutuelles française à reconsidérer leur modèle traditionnel.
1
Jean Azéma, lors des rendez-vous de l’assurance mutuelle organisés par la ROAM, novembre 2010.
2
Prévue initialement en 2011, cette introduction ne devrait finalement pas se faire avant 2012.
3
Le mutualisme se perd dans la course aux profits Marc Michaux, op.cit.
Capitalisme ou mutualisme, y a-t-il un modèle idéal ?, l’Argus, 17 octobre 2003
4
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
83
3.2
LES ENSEIGNEMENT EUROPÉENS
3.2.1 Le spectre de la démutualisation
Démutualisations anglo-saxonnes
Le phénomène de démutualisation a marqué les esprits de manière durable. Il débute aux
Etats-Unis, où, entre 1996 et 2000, une trentaine de mutuelles Vie se transforment en sociétés
par actions1. A l’origine, on trouve de grandes mutuelles d’assurance-vie ayant accumulé
des fonds propres très largement supérieurs à leurs besoins de solvabilité, suscitant ainsi
« des appétits, soit du côté des sociétaires conseillés, soit de celui des managers 2 ». La
démutualisation ouvre en effet les perspectives d’une manne financière qui profite à la fois
aux dirigeants et aux sociétaires :
- Les dirigeants, très souvent à l’origine du projet, y voient un triple bénéfice : lors de la
liquidation des actifs de la mutuelle, ils touchent d’abord une part des excédents. Au
moment de la création de la société par actions, il est ensuite fréquent que leurs salaires
augmentent de nouveau, et qu’ils reçoivent des stock-options. Enfin, si la S.A., devenue
« opéable », est rachetée peu de temps après la démutualisation (ce qui arrive le plus
souvent), de confortables indemnités de départ leur sont versées.
- Pour les sociétaires, informés en amont (voir le bulletin d’information de Standard Life, en
annexe 5), c’est l’occasion inespérée de toucher plusieurs milliers d’euros (environ 5 000 £
chez Standard Life et 1 700 $ en moyenne chez Prudential) en renvoyant un simple bulletin
de vote.
A la fin des années 1990 et au début des années 2000, le mouvement s’étend, faisant
quasiment disparaître du tissu économique les mutuelles d’assurance en Australie, en Afrique
du Sud et au Canada. En Europe, la Finlande, la Suède, l’Italie et surtout le Royaume Uni
sont également touchés. Outre Mapfre en Espagne, citons pour mémoire deux
démutualisations spectaculaires :
1
Dont le géant américain Prudential (11 millions de sociétaires), en 2001. Les mutuelles américaines, qui
détenaient 37 % des actifs de la branche en 1998, n’en détiennent plus que 16 % en 2002.
2
Patrick Peugeot (Attention au gâchis de la démutualisation, l’Argus, 1er mars 2002).
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
84
En Suède, la mutuelle Trygg-Hansa, fleuron de l’assurance suédoise, créée en 1899, est
démutualisée en 1990, dans un contexte de hausse continue de la Bourse de Stockholm. Cinq
ans plus tard, après de fortes variations de l’action, la S.A. cède ses activités de réassurance et
créé un établissement bancaire. En 1997, une banque suédoise (Seb) finit par reprendre ses
activités Vie, réduisant Trygg-Hansa à l’état de simple division d’un groupe bancaire, chargée
de la commercialisation de produits Vie. Le démantèlement final intervient peu après, Zurich
récupérant une partie du portefeuille commercial, et un assureur suédois (Codan) les activités
Non-vie.
Au Royaume Uni, la démutualisation finit également par triompher de Standard Life, une
des plus vieilles mutuelles Vie d’Europe, et l’un des plus importants groupes financiers
anglais, avec 171 Md€ de fonds sous gestion et sept millions de clients dans le monde. Une
première tentative de démutualisation a lieu au début des années 2000. Elle est orchestrée de
l’extérieur, par un carpetbagger1, en quelque sorte un « professionnel », dont la spécialité
est d’adhérer à une mutuelle dans le but de la noyauter pour en tirer profit2. La direction
multiplie alors les campagnes d’information, et réussit à convaincre les sociétaires qu’ils
perdraient relativement vite le bénéfice de l’opération. Seule la moitié des 2,3 millions de
sociétaires se prononce en faveur de la démutualisation, alors que 75% des suffrages sont
nécessaires. La situation bascule quelques années plus tard, sous l’impulsion cette fois de la
direction. Le Président plaide alors pour la démutualisation et l’entrée en Bourse, présentés
comme les meilleurs moyens de poursuivre les activités de la société. En 2006, les sociétaires
se prononcent à 98 % pour la démutualisation.
Dans tous les cas de démutualisation observés, la raison invoquée par les dirigeants est
l’accès au marché des capitaux, qui permet de se développer ou procéder à des
acquisitions. Dans la pratique, sur dix-sept mutuelles européennes ayant décidé de devenir
des sociétés par actions entre 1991 et 2001, deux seulement ont atteint cet objectif de
développement3. Plus des trois quart n’ont pas survécu à la démutualisation, et ont été
rapidement absorbées par des compagnies plus importantes.
1
Initialement, carpetbaggers désignait, après la guerre de Sécession, une personne du Nord venue s’installer
dans un état du Sud, avec l’intention de profiter de la situation confuse du pays. Ces migrants étaient perçus
comme des profiteurs de guerre. Les caricatures les représentent arrivant dans le Sud avec leurs affaires
emballées dans des sacs (bags) de tapisserie (carpet).
2
Il s’agissait en l’occurrence de Fred Woollard, investisseur Australien résidant à Monte-Carlo.
3
Rapport n°15 de l’ACME (Association des assureurs coopératifs et mutualistes européens), 2001
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
85
Le verrou français
En France, un tel phénomène est juridiquement impossible. La question de savoir à qui
appartient l’actif net d’une mutuelle est en effet tranchée par la loi du 12 juillet 1985, reprise
dans l’article L322-26-5 du Code des assurances, qui constitue le « verrou français » à la
démutualisation. Selon cet article, en cas de dissolution d’une mutuelle d’assurance,
l'excédent de l'actif net est dévolu, soit à d'autres sociétés d'assurance mutuelles, soit à
des associations reconnues d'utilité publique. On trouve son pendant dans le Code de la
mutualité, avec l'article L.126-5, prévoyant que le surplus éventuel de l'actif social est attribué
au Fonds national de solidarité et d'action mutualistes. Impossible donc, pour des sociétaires
français, de se partager l’éventuel excédent net d’une mutuelle. Sur ce point, les
préconisations du « rapport Lambert » de 1999, qui suggérait de « lever le tabou de la
démutualisation » en supprimant ce verrou1, ne furent pas suivies. Pour Patrick Peugeot, la
menace en France, n’est pas réelle : « Les démutualisations, sont un problème uniquement
britannique et limité au secteur Vie. Même si, ailleurs, on a pu assister à des mouvements de
portefeuilles entre mutuelles et sociétés anonymes (…) En France, il faudrait une conjonction
exceptionnelle de circonstances pour qu’il s’en produise une. Par exemple qu’une mutuelle
soit affaiblie sur le marché et présente un manque de fonds propres qui l’obligerait à faire
appel au marché. Mais, jusqu’à présent, celles qui ont été affaiblies n’avaient pas la taille
pour aller en Bourse et ont trouvé les appuis nécessaires, la plupart du temps, auprès
d’autres mutuelles2». Il souligne en outre l’étroite corrélation entre la vague de
démutualisation des années 2000 et la bulle boursière des années 1996-1999, les velléités de
changement de statut s’amplifiant avec des marchés financiers à la hausse. Dans un contexte
de crise, les mutuelles françaises sont donc à l’abri des attaques que pourraient subir des S.A.
cotées en deçà de leur valeur intrinsèque. Cependant, l’exception du verrou français apparaît
aussi comme un des obstacles à la constitution du statut de mutuelle européenne.
1
« il convient en effet de s'interroger sur l'opportunité d'autoriser la transformation des sociétés d'assurance
mutuelle en sociétés de capitaux, ce qui leur permettrait de lever des fonds plus facilement pour financer leur
croissance et faire face à la compétition internationale (…) On pourrait imaginer, pour les mutuelles qui le
souhaitent, de faciliter la possibilité institutionnelle de démutualisation qui est aujourd'hui juridiquement
impossible» Assurons l’avenir de l’assurance, op.cit.
2
Attention au gâchis de la démutualisation, op.cit.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
86
3.2.2 Le statut de Mutuelle Européenne
Un statut longtemps reporté…
Attendu depuis quasiment vingt ans, le statut de Mutuelle Européenne fait cruellement défaut
aux assureurs mutualistes qui souhaitent se diversifier à l’étranger. Jean Azéma note dès 2007
que l’émergence d’un marché européen est désormais une réalité : « On a souvent dit que le
marché européen de l’assurance est une somme de marchés nationaux. Or, on s’aperçoit que,
petit à petit, les directives européennes influent sur la législation nationale et que les choses
sont en train de s’harmoniser ; que, en parallèle, l’harmonisation des niveaux de vie rend les
attentes du consommateur plus homogènes également1 ». Or en l’absence de statut
spécifique, l’Europe ignore les spécificités des mutuelles. Ces dernières ne peuvent donc
pas exercer leurs activités dans le cadre du marché intérieur en tant que mutuelles à part
entière, sauf à créer une société par actions, comme la mutuelle italienne Reale Mutua le fait
par exemple pour se développer en Espagne. Les mutuelles ne disposent donc pas des mêmes
moyens juridiques que les S.A., d’où une distorsion de concurrence que le monde mutualiste
cherche à corriger. Malheureusement, comme le note Cornélia Federkeil - Giroux2, le statut
de Mutuelle Européenne a souvent fait les frais d’impératifs bruxellois extérieurs au monde
mutualiste.
Une première proposition de la Commission européenne est d’abord abandonnée en 19923. En
2003, le sujet est relancé par un document de consultation proposé à l’ensemble des
mutualistes européens4. Mais en 2006, dans un souci de simplification, et dans le contexte de
l’initiative Better regulation (Mieux légiférer), la Commission Baroso retire de son
programme 68 propositions législatives jugées obsolètes ou ayant peu de chances d’aboutir
rapidement. Le projet de directive concernant le statut de la mutuelle européenne, qui fait
partie du lot, est ainsi reporté sine die. Seul effet positif : l’AIM (mutuelles santé) l’AISAM et
1
Revue Risques n° 69, op.cit.
2
Chargée des affaires européennes à la FNMF, interviewée en novembre 2010
3
Proposition modifiée de Règlement CE portant statut de la mutualité européenne, COM (93)252.
4
« Les mutuelles dans une Europe élargie », CE – 3 octobre 2003.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
87
l’ACME1 (mutuelles d’assurance), jusqu’alors divisées, parviennent à élaborer un projet
commun, soumis à la Commission européenne fin 20072. Enfin en octobre 2010, l’initiative
de cinq parlementaires européens, soutenus par le monde mutualiste, permet de remettre le
sujet à l’ordre du jour. Une enquête sur la nécessite de ce statut et l’existence de freins
éventuels sera conduite à partir d’octobre 2011, avant discussion au Parlement européen, fin
2011 ou début 2012.
… et une urgence nouvelle
Si en 1992, date des premières propositions, les mutualistes furent peu nombreux à s’emparer
du sujet, la perspective de Solvabilité II donne une nouvelle urgence à ce statut commun : il
doit permettre aux mutuelles de se diversifier géographiquement, et surtout de tirer les
bénéfices financiers de cette diversification, au niveau du groupe. « Paradoxalement, nous
ne pouvons nous étendre sur d’autres marchés pour diversifier nos risques, notre
gouvernance n’étant encadrée qu’au niveau local et non européen 3» souligne ainsi Luigi
Lana, chez Reale Mutua. Dans Solvabilité II, seuls les groupes structurés sous la forme
société mère / filiale sont reconnus comme tels. Le régime de la surveillance de groupe ne
profite donc pas aux mutuelles. Un statut commun permettrait la construction de groupes
transfrontaliers bénéficiant d’une meilleure intégration financière, avec la possibilité de
prendre en compte dans le calcul du SCR le « soutien de groupe » prévu dans la directive.
Dernier avantage, souligné par le Jean-Luc de Boissieu4 ce statut permettrait de répandre en
Europe le modèle mutualiste, qui n’est pas connu de tous les Etats membres.
Dans le projet de texte proposé en 2007, la société mutuelle européenne est définie comme
« une personne morale qui organise au profit de ses sociétaires des produits et des services
financés sur une base solidaire ». Il s’agit donc d’un statut général, qui n’est pas
1
AIM : Association internationale de la mutualité. AISAM : Association internationale des sociétés d’assurance
mutuelle. ACME : Association européenne des assureurs coopératifs des mutuelles. En 2008, l’ACME et
l’AISAM fusionnent pour devenir l’AMICE (Association des assureurs mutuels et coopératifs en Europe).
2
Proposal for a Regulation on the Statute of the European Mutual Society (EMS), 28 novembre 2007.
3
Cité par Dominique Muret, De l'Europe viennent les maux et les solutions, l’Argus, 11 juin 2010
4
Secrétaire Général du GEMA, dans Le Regroupement des mutuelles, dir. Pierre-Grégoire Marly, Journal
Spécial de Sociétés, Janvier 2011.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
88
uniquement réservé à l’assurance. Elle n’a pas de capital social mais un fond
d’établissement, et obéit aux principes de la gestion démocratique. Elle est constituée au
minimum par deux mutuelles (ou cinq personnes physiques) d’au moins deux Etats membres.
Elle peut également résulter de la conversion d’une mutuelle voulant développer une activité
transfrontalière, d’une fusion entre deux mutuelles, ou de la fusion entre une mutuelle et une
société d’inspiration similaire, à condition que la première absorbe la seconde. Sur ce dernier
aspect, elle s’inspire donc fortement de la SGAM française. Le modèle d’une « Sgam
Europa1 », ou SGAME, défendu par les français, qui pourrait bénéficier de la supervision
applicable aux groupes, est ainsi considéré comme « un premier pas » permettant de créer de
véritables entités mutualistes au niveau européen2.
Toutefois, les obstacles persistent, à la fois sur la forme et sur le fond.
Deux difficultés « mineures »
- le manque d’implication
Il faut tout d’abord mentionner le relatif manque d’intérêt suscité par ce statut en France. A
l’exception des personnes directement impliquées à Bruxelles, les personnes interviewés pour
ce mémoire avouent ne pas être très au fait du projet. La plupart des mutuelles, soit parce
qu’elles sont engagées dans des opérations de regroupement chronophages, soit parce que leur
taille ne permet pas d’envisager un développement européen, n’y voient pas un sujet
majeur. Pierre-Yves Ledoeuf souligne également quelques résistances et, pour les français,
l’éternel problème de la langue : « Le statut de la mutuelle européenne est un débat à ouvrir.
Et c’est vrai que nos effets de taille « à la française » peuvent être balayés subitement par des
décisions européennes. Mais pour l’instant, c’est encore le marché domestique qui intéresse
la plupart des IP et des mutuelles. Le changement culturel ne s’est pas vraiment fait : les élus
actuels font partie d’une génération militante. Certains ne souhaitent pas se voir imputer le
changement de paradigme, et comptent sur leurs successeurs pour s’emparer du sujet. En
France, la barrière de la langue reste une question de génération. C’est en train d’évoluer,
d’une part parce que la préparation des QIS a constitué un choc salutaire – on s’est aperçu
1
Daniel Havis, Revue Risques n°79, op.cit.
2
Notamment par Asmo Kalpala, Président de l’Amice (De l'Europe viennent les maux et les solutions, op.cit.)
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
89
que, même pour manipuler des tableaux Excel, il valait mieux parler anglais ! – et aussi
parce que les fusions sont justement l’occasion d’un renouvellement de génération ».
-
le manque d’unité des fédérations
Le manque de coordination entre les organismes représentatifs des mutuelles, en France plus
particulièrement, mais pas uniquement, a aussi retardé la construction d’un lobbying
efficace pour ce projet. Côté français, trois organismes défendent les intérêts des mutuelles
d’assurance (FFSAM, GEMA et ROAM, avec des membres communs). Pour les mutuelles
45, la FNMF compose avec plusieurs fédérations nationales, qui ne lui sont pas toutes
affiliées. Au niveau international, on trouve également trois groupements, dont deux
englobent également les coopératives.
Le schéma proposé par la ROAM parle de lui-même (encore faut-il souligner qu’il n’inclut
pas les autres structures de représentations nationales : anglaises, italiennes etc.) :
Source : ROAM – « L’assurance Mutuelle », 2009
Dans ce jeu des représentations, le mouvement de valse-hésitation semble avoir encore de
beaux jours devant lui. Les dissensions perdurent, avec notamment la décision de la FFSAM
de quitter l’AMICE lors du congrès de Gênes en mai 2010. Cependant, de nombreux efforts
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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ont été réalisés dans le sens de l’ouverture et du dialogue : fusion de l’AISAM et de
l’ACME en 2008, collaboration entre l’AMI1 anglaise et la ROAM, donnant lieu à la
publication de documents bilingues2, ou encore création du statut de « membre observateur »
(GEMA) ou de « membre partenaire » (ROAM), qui permettent aux organisations d’accueillir
des mutuelles étrangères, ou des organismes d’assurance proches de l’esprit mutualiste. Jean
Azéma se montre relativement optimiste : « Oui, il est souhaitable que la profession de
l’assurance soit la plus unie et la plus homogène possible dans ses positions, et ce, tant vis-àvis de l’Europe que des pouvoirs publics français. Sous quelle forme ? Une seule
organisation ou plusieurs qui se fédèrent ? Je pense que la fédération est possible avec une
discipline en fonction des sujets spécifiques à traiter. Les problèmes de personnes et les
questions de principe n’ont pas facilité les choses... On s’aperçoit cependant au fil du temps
qu’on a de plus en plus de sujets communs. Et même si nous avons des sensibilités différentes,
il est de l’intérêt général de travailler ensemble. Je crois que les mentalités évoluent3... »
Deux obstacles de fond
Reste à déterminer le statut final de la mutuelle européenne, qui soulève deux questions
majeures :
-
Le statut coopératif
La nature même d’une mutuelle d’assurance est très différente d’un pays à l’autre. En
Belgique, en Italie, au Royaume Uni et en Espagne, il existe à la fois des mutuelles et des
coopératives qui pratiquent l’assurance. Or les coopératives sont dotées depuis 2003 d’un
véritable statut européen4. Pour Gérard Andreck, si le statut de la mutualité européenne n’a
pas le succès escompté, « C’est principalement parce qu’on veut exporter notre modèle, qui
n’est pas forcément exportable, pour des raisons d’abord de réglementation des États. On se
bagarre pour un modèle qui est finalement le moins développé (…) celui des mutuelles
1
Association of Mutual Insurers
2
Edition bilingue de « correspondance Amiable », numéro spécial édité par la ROAM, 2008
3
Revue Risques n° 79, op.cit.
4
Règlement (CE) n°1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative
européenne.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
91
françaises. En fait, notre problème est que si nous avions pu avoir une réglementation
coopérative en France, les choses seraient allées beaucoup plus vite. Or c’est interdit. Et,
parmi les formes d’économie sociale, ce sont les coopératives qui avancent le plus vite en
Europe, pas les mutuelles 1». Dans le projet Omnibus II de janvier 2011, la Commission
propose, pour l’assurance et la réassurance, la reconnaissance d’un statut coopératif au
niveau européen. Pour Michel Dupuydauby, la proposition est à double tranchant2 : si elle
reconnait implicitement un vide juridique, elle risque aussi de pousser certaines mutuelles à
adopter le statut de coopérative, sans que le statut de mutuelle européenne puisse voir le jour.
Or la coopérative distingue les clients des sociétaires : ces derniers souscrivent des parts
sociales que la coopérative rémunère. Le modèle est donc différent de celui de la mutuelle,
qui n’a pas de capital social, et dans laquelle tous les sociétaires disposent du même droit de
vote.
-
Dissolution et verrou français
La question du capital social rejoint ainsi celle de l’affectation désintéressée des excédents,
et du droit des sociétaires sur l’actif. Dans la proposition de 2007, l’article 53, consacré à la
dissolution de la mutuelle, reprend la réglementation du « verrou français » : en cas de
dissolution, le sociétaire ne reçoit rien, l’actif allant soit « à des Mutuelles Européennes ou à
des Mutuelles relevant du droit de l’un des états membres » soit à « un ou plusieurs
organismes ayant pour objet le soutien et la promotion des mutualités ». Outre le respect de la
non-lucrativité, cette disposition corrobore le principe français selon lequel l’actif accumulé
par plusieurs générations de sociétaires ne peut être réparti entre les sociétaires du moment.
Pour ses défenseurs, le « verrou français » permet à la mutuelle de se protéger d’éventuels
carpetbaggers. Cependant, les pays qui y sont opposés rétorquent, études à l’appui, que si
l’article 53 devait être adopté en l’état, la plupart des sociétaires et des dirigeants,
craignant de perdre leurs droits, pourraient pousser à la démutualisation pendant qu’il
en est encore temps.
- Les Néerlandais, traditionnellement opposés aux règlementations contraignantes, souhaitent
que chaque mutuelle reste libre dans ce domaine, les modalités de dissolution étant
renvoyées à aux statuts.
1
Risques Ibid.
2
Les mutuelles françaises lancent un appel aux eurodéputés, La Tribune, 4 février 2011.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
92
- Les Britanniques, qui craignent le retour des démutualisations, sont plus enclins à modifier
leur législation nationale, et ne soutiennent pas tous la proposition.
Rappelons aussi que l’Allemagne bloque quasiment toute les initiatives touchant au statut
de mutuelle européenne. D’une part parce qu’elle ne souhaite pas voir s’implanter d’autres
compétiteurs, et d’autre part parce qu’un statut unique conduirait les mutuelles allemandes à
une refonte totale de leur gouvernance, basée sur un système de cooptation.
Enfin l’Italie aspire à une position de compromis, qui constituera peut-être la base des
futures discussions. Elle y fait référence au statut coopératif, notamment au regard du
droit de propriété, clairement reconnu par le droit communautaire, et surtout par la Charte de
Nice sur les Droits Fondamentaux1. Les sociétaires seraient ainsi membres et propriétaires par
quotas de la société. S’agissant de la dissolution, la proposition italienne renvoie aux
réglementations nationales, en faisant référence au principe de subsidiarité, permettant aux
mutuelles qui le souhaitent de mettre en place ou de conserver un verrou « à la française ».
Enfin, elle suggère d’autres mécanismes pour lutter contre la démutualisation, comme la
possibilité d’acquérir le droit de vote seulement quelques années après être devenu sociétaire,
ou l’interdiction pour une S.A. nouvellement créée (et anciennement mutuelle) d’accorder des
stock-options à ses gestionnaires.
3.3
UN MODÈLE Á CLARIFIER … ET Á FAIRE CONNAITRE
La constitution de très grands groupes pose également la question du maintien de certains
principes mutualistes : la vie démocratique de la mutuelle est bouleversée par les effets de
taille, et l’intérêt collectif, confronté aux impératifs de rentabilité, n’apparaît plus tout aussi
clairement. En interne, Solvabilité II contraint les mutuelles à revoir une gouvernance, qui,
vu de Bruxelles, apparaît souvent comme confuse. Pour défendre leur modèle dans un
environnement concurrentiel, les mutualistes cherchent à trouver une nouvelle adéquation
entre leurs valeurs traditionnelles et leur fonctionnement effectif. En externe, la différence
mutualiste, si elle n’est pas soutenue par des initiatives innovantes, risque de disparaitre dans
la banalisation.
1
Charte adoptée en 2000 par l’Union Européenne.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
93
3.3.1 Réformer la gouvernance
La course à la taille et l’industrialisation des activités implique tout d’abord de redéfinir la
place des sociétaires et des dirigeants dans la gouvernance, selon deux axes : faciliter la
participation des sociétaires à la vie de la mutuelle d’une part, et améliorer l’efficacité des
Conseils d’Administration d’autre part. A ce défi, s’ajoute celui de Solvabilité II, qui
modifie profondément l’équilibre des pouvoirs en donnant au concept de « gouvernance »
un tout autre sens, celui plus étroit du contrôle des risques.
Vie démocratique et mobilisation des adhérents
Les phénomènes de concentration ont pour effet d’éloigner toujours davantage
l’administrateur de l’adhérent. Les grandes mutuelles d’assurance qui ont pu préserver la
représentation directe sont rares. Citons la Mutuelle des Motards, dans laquelle environ 10%
des sociétaires (3 000 personnes) se déplacent toujours pour participer aux élections lors de
l’Assemblée Générale. Au-delà d’une certaine taille, la représentation à deux degrés
s’impose : les sociétaires, groupés par profession, par région ou selon la nature de leur
contrat, élisent des délégués, sorte de « grands électeur », qui eux-mêmes élisent des
représentants au Conseil d’Administration. On compte ainsi 60 délégués pour 400 000
sociétaires à la Mutuelle de Poitiers, et près de 760 pour 1,7 million de sociétaires à la MAIF.
Les grandes mutuelles 45, qui disposent aujourd’hui d’un administrateur pour dix mille
adhérents1 sont très probablement appelées à suivre le même chemin.
A ce phénomène « arithmétique », il faut également ajouter une forte diminution de
l’implication militante des sociétaires. A l’origine, comme le note Denis Malherbe,
« militantisme et bénévolat apportaient des ressources humaines non seulement légitimes
mais également peu coûteuses (…) Les buts des organisations mutualistes coïncidaient alors
fortement avec les missions poursuivies2 ». Or l’implication des sociétaires semble parfois
inversement proportionnelle à taille de la mutuelle. Pour Dominique Chaignon, « la situation
varie beaucoup d’une mutuelle à l’autre. Dans les mutuelles santé inter-pro, on est parfois
confronté à une baisse du militantisme. La vie démocratique est sans doute plus facile à
1
Les mutuelles de santé face aux enjeux de Solvabilité II, Club de l’économie sociale 9 juillet 2010
2
L'éthique dans le Management des entreprises mutualistes : questions de gouvernance et de légitimité, 2007
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
94
maintenir dans les mutuelles professionnelles, ou dans certaines régions qui ont une tradition
de vie politique locale importante. Les adhérents sont alors plus enclins à se mobiliser, et le
militantisme perdure. Si tel n’est pas le cas, les opérationnels ont parfois tendance à pallier
ce manque de militantisme. On peut voir par exemple un Directeur Général devenir
ultérieurement Président ». A ce sujet, les représentants de l’ACP se montrent souvent
critiques sur les conditions dans lesquelles s’exerce le pouvoir des sociétaires. Paul
Coulomb note ainsi : « Nous avons parfois constaté que l’Assemblée Générale était peuplée
de membres du Conseil d’Administration. Il n’y avait donc aucune indépendance de l’AG 1».
L’autorité de contrôle se dit également très vigilante dans les cas de fusions : « Il arrive que
les procédures d’élection ne soient pas respectées. Par exemple, dans les fusions, les sièges
au Conseil d’Administration sont parfois répartis a priori entre les deux parties, alors qu’une
élection s’impose. Or les déboires financiers sont souvent provoqués par une mauvaise
gouvernance 2».
Face à ces critiques, les dirigeants mutualistes s’attachent à démontrer que la représentativité
démocratique correspond toujours à une réalité sociale. Michel de la Béllière, consultant chez
Deloitte, conforte cette position : « Certes, le niveau d'implication des sociétaires baisse, c'est
une réalité. Pour autant, le modèle mutualiste n'est pas en danger. Dans le même ordre
d'idée, la baisse de la participation aux élections n'a jamais impliqué l'effondrement de la
démocratie ! 3». A la MAIF (1,7 million de sociétaires), plus d’un sociétaire sur trois participe
aux élections : la participation a atteint plus de 36% lors des élections de 2006, et quasiment
35 %4 en 2007. A la MACIF, les taux se situent autour de 25%5. Toutefois, dirigeants et élus
mutualistes admettent qu’il est nécessaire de renforcer le « sociétariat d’adhésion6 », afin
que les sociétaires aient conscience d’appartenir à une organisation qui ne peut fonctionner
sans leur engagement. Pour Jean-Luc de Boissieu, la question de la représentativité sera, dans
les dix prochaines années, le principal défi à relever. Il note également que « la diversité ne
1
Actes de la conférence plénière sur la gouvernance des mutuelles, Salon Décid’Assur, mars 2009
2
La mutualité est un concept exigeant, l’Argus, 13 novembre 2009
3
Solvabilité 2 donne plus de responsabilités aux conseils d'administration, l’Argus, 20 mars 2009
4
Gouvernance des mutuelles : démocratie réelle ou de façade ?, l’Argus, 20 mars 2009
5
Adrien COURET et Arnaud LACAN, La valeur ajoutée du modèle mutualiste : origines et mise en perspective
à travers les exemples de la MACIF et de la MAIF, XXIIème Colloque de l’ADDES, 10 mars 2009
6
IFA (Institut Français des Administrateurs), Coopératives et mutuelles : un gouvernement d'entreprise original,
Rapport du groupe de travail, janvier 2006.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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remonte pas suffisamment dans les conseils1 ». Avec l’ouverture des mutuelles
professionnelles à de nouveaux publics, et pour que les élus soient réellement représentatifs
du nouveau sociétariat, certains ajustements sont en effet nécessaires. Chez Groupama, la
démarche va jusqu’à la discrimination positive : un quota de représentants « non agricole » a
ainsi été mis en place au sein des Conseils.
De manière générale, le renforcement du lien avec les sociétaires fait l’objet d’une
réflexion nouvelle, et plusieurs pistes sont expérimentées. A la FNMF, Daniel Lenoir prône
par exemple l’utilisation plus systématique des nouvelles technologies, et notamment
d’internet, qui constitue un bon outil pour recueillir l’avis des sociétaires2. La MAIF s'apprête
également à ouvrir un espace de dialogue sous la forme d'un blog. De façon plus classique, les
congrès et conventions restent également un moyen de remobiliser les sociétaires et
d’accroitre leur participation. Le Congrès de la MACIF, en février 2009, qui avait pour but de
fixer collectivement la stratégie du groupe à l'horizon 2015, a ainsi fait l’objet de réunions
préparatoires durant toute l’année 2008.
Equilibre des pouvoirs
« Les mutuelles d’assurance sont, paraît-il, critiquées sur le fait que leurs conseils sont
inconnus, pléthoriques et inamovibles ». Tels sont les termes qu’emploie Gérard Andreck
pour mieux les contester dans son rapport sur la gouvernance des mutuelles3 du GEMA. Pour
clarifier leur modèle et diffuser un certain nombre de bonnes pratiques, les organisations
professionnelles publient régulièrement des travaux sur la gouvernance, rapports ou
recommandations, qui font figure de soft law, et auxquels l’ACP se réfère éventuellement,
même si aucune sanction ne peut être prise sur cette base. Outre le rapport du GEMA, paru en
2004, la FFSAM et la FNMF publient leurs propres recommandations sur la gouvernance, la
première en 2005, avec une réactualisation en 2008, et la seconde en 2006. L’équilibre
mutualiste qui s’opère entre le pouvoir des élus d’une part, et celui des dirigeants d’autre part,
est toutefois remis en cause par Solvabilité II, qui s’attache avant tout à dégager du
1
Conférence plénière sur la gouvernance des mutuelles, ibidem.
2
Idem.
3
ANDRECK Gérard (sous la Direction de), La démocratie, principe de gouvernement des mutuelles du GEMA,
octobre 2004.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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fonctionnement de l’entreprise la notion de contrôle des risques. L’entreprise d’assurance,
quelle qu’elle soit, doit ainsi fixer clairement les limites de sa prise de risque, mais plus
encore instaurer un système de contrôle qui veille au respect de ces limites, à tous les niveaux
de l'entreprise. Pour les mutuelles, cela implique de revoir les attributions et les
compétences respectives du Conseil d’Administration et de l’exécutif. En effet,
Solvabilité II renforce considérablement la responsabilité du Conseil, en lui donnant un rôle
de supervision et de contrôle. Les administrateurs doivent donc être formés aux techniques de
l'assurance, mais également au fonctionnement des outils utilisés dans la gestion des risques.
Concernant le nombre d’administrateurs, qu’un projet de décret1 prévoyait de limiter à 18,
dans les mutuelles d’assurance, le GEMA s’insurge contre une « volonté de banaliser le
secteur mutualiste » et rappelle que ses mutuelles « ont besoin d’administrateurs en nombre
et en qualité suffisants pour faire vivre pleinement leurs instances démocratiques et assurer la
représentativité des diverses composantes de leur corps social2 ». La nomination
d’administrateurs « indépendants » (non sociétaires), à l’instar de ce qui se pratique dans
les sociétés anonymes, suscite également la polémique. Pour la FFSAM, et l’IFA3, c’est un
bon moyen d’acquérir des compétences nouvelles et de professionnaliser les Conseils des
petites mutuelles. Le GEMA au contraire considère que « le fait de faire appel à des
administrateurs indépendants constituerait un abandon de responsabilité de la part des
sociétaires 4», et rappelle que les conseils mutualistes sont, par nature, ouverts à des
sociétaires de toutes origines et tous horizons.
S’agissant du contrôle, une ordonnance5 de 2008 précise les modalités de mise en place d’un
« comité d’audit », composé de membres du Conseil d’Administration. Ce comité d’audit
doit fonctionner en toute indépendance et rendre compte régulièrement au Conseil
d’Administration. Les administrateurs sont donc désormais amenés à exercer un contrôle
technique et financier qui, à bien des égards, était autrefois de la compétence des cadres
dirigeants. Pour certains, le risque est celui d’un Conseil accaparé par les choix
1
Décret 2008-468 du 19 mai 2008, transposant l’article 45 de Solvabilité II (Mise en place d’une fonction
permanente de conformité au sein des entreprises d’assurances et de réassurance)
2
La liberté de faire… comme les concurrents, lettre du GEMA, juin 2010.
3
Gouvernance des coopératives et mutuelles, le rapport de l’IFA, Les Echos, 7 février 2006
4
La démocratie, principe de gouvernement des mutuelles du GEMA, op.cit.
5
Ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008 transposant la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 et relative
aux commissaires aux comptes
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
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stratégiques et le contrôle, et donc moins impliqué dans la gestion quotidienne de la
mutuelle, avec un risque de dérive par rapport à sa vocation première : être l’émanation de
sociétaires organisant eux-mêmes les conditions de leur protection. Pour Daniel Lenoir,
Directeur Général de la FNMF: « il ne faudrait pas qu’en développant les compétences des
administrateurs sur le contrôle interne, on assèche les conseils au point qu’ils ne délibèrent
plus sur des sujets importants que sont, par exemple, la façon dont on couvre les risques de la
vie et les nouvelles garanties à mettre en place1 ».
Cas de la gouvernance duale
Pour certaines mutuelles, la gouvernance duale est un moyen de clarifier la répartition des
rôles entre l’exécutif et le Conseil d’Administration. En lieu et place de la gouvernance
classique (dite monale), qui comprend un Conseil et un Directeur Général, les mutuelles
peuvent désormais adopter le système dual, qui s’articule entre un Conseil de Surveillance
et un Directoire.
- le Conseil de surveillance, élu en Assemblée Générale, reste l’émanation des sociétaires. Il
fixe les orientations stratégiques de la mutuelle, et surtout en contrôle de façon
permanente la gestion ;
- le Directoire est l’organe collectif qui assure la direction exécutive de la mutuelle. Les
membres du Directoire (deux à cinq au plus) sont nommés par le Conseil de Surveillance,
pour un mandat de deux à six ans.
Cette gouvernance duale, inspirée du modèle allemand conçu dans les années 1870, permet
de dissocier très clairement le contrôle de la direction. Les détracteurs de ce système
soulignent son formalisme, jugé excessif : le Directoire est en effet tenu de remettre au
Conseil de Surveillance, une fois par trimestre au moins, un rapport complet sur la bonne
marche de la société. D’autre part, le président du Directoire (équivalent du Directeur
Général), n’intervient pas dans la nomination des autres membres du Directoire. Pour certains,
la cohésion de l’équipe dirigeante peut donc s’avérer moins bonne que celle d’une
structure classique, dans laquelle le dirigeant choisit lui-même ses collaborateurs. Patrick
Sagon, président de la MG (Mutuelle Générale) défend au contraire le modèle dual en notant :
« Tout le monde n'a pas encore pris conscience de la responsabilité des administrateurs de
mutuelles. Solvabilité II la renforce considérablement. Demain, des administrateurs ne
1
Conférence plénière sur la gouvernance des mutuelles, ibidem.
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pourront pas se décharger en invoquant des erreurs de la direction générale. La délégation
de pouvoir n'est pas un bouclier 1». Il souligne qu’à l’heure où les mutuelles se
professionnalisent, ce système permet de revenir sur la dichotomie classique entre
« politiques » d’un côté et « opérationnels » de l’autre. En outre, la gouvernance duale
présente l’avantage d’ouvrir la direction générale à une équipe de cadres dirigeants. Elle est
également réputée faciliter une prise de décision rapide.
Afin de concilier performance, conformité aux normes européennes et fondamentaux
mutualistes, les mutuelles sont donc contraintes, en interne, de repenser leur gouvernance.
Vis-à-vis de l’extérieur, elles sont également confrontées une certaine banalisation. Si les
valeurs démocratiques perdurent, force est de constater qu’elles sont en général peu ou mal
connues du grand public.
3.3.2 Communiquer sur les valeurs mutualistes : quelques pistes
Invité lors d’une commission de l’IPSE (Institut de la Protection Sociale Européenne), JeanLouis Bancel intervenait en ces termes : « Notre identité ne doit pas devenir virtuelle.
Comment faire pour qu’elle reste un critère de choix pour le consommateur ? Les mutuelles
communiquent plus sur les garanties que sur les valeurs. Donner du sens au mot valeur est un
défi critique2 ». De fait, les valeurs éthiques des mutuelles sont régulièrement mises en avant
dans leur communication institutionnelle : rapports d’activités, revues professionnelles et
communications à destination des sociétaires. Pourtant, les sondages menées sur l’image de
marque montrent que, globalement, les mutuelles peinent à faire reconnaitre leur modèle.
1
Patrick Sagon, président de la mutuelle générale: « Nous devons imaginer une nouvelle Mutualité », l’Argus,
11 juin 2010
2
IPSE, folio n° 54 mai 2010. Jean-Louis Bancel est le Président du groupe Crédit Coopératif.
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L’image de marque des mutuelles
En septembre 2010, une étude qualitative portant sur la différence mutualiste, menée par le
CREDOC1, est présentée lors journées de rentrée de la FNMF. Cette étude montre une
confusion généralisée entre les différentes familles de complémentaire santé, même si cette
méconnaissance est moins marquée chez les personnes déjà adhérentes d’une mutuelle.
L’image des mutuelles reste positive, et associée à un sentiment de confiance. Néanmoins,
même parmi les adhérents, « la non-lucrativité est un doux rêve auquel ils ne croient pas
vraiment 2», et une personne sur quatre se dit indifférent au fait d’être couverte par une
mutuelle ou une compagnie. Même constatation outre-manche, où les sondages montraient
que les mutuelles ont une image sympathique et chaleureuse (nice and fluffy) mais pas
assez dynamique. Pour Neil Lovatt, le revers de la médaille est une image un peu « pépère »,
voire paresseuse (bloated and Lazy)3. En France, côté mutuelles 45, les thèmes de la
confiance, de l’intérêt collectif et de la proximité sont parfois mis en avant : citons parmi
d’autres les signatures de Prévadiès (« plus proches, plus humains, plus utiles ») ou de la SMI
(« mutuelle avant tout »). Mais parmi les grandes campagnes de communications, celles
centrées sur les valeurs sont finalement assez rare. A l’exception notable de la MAIF,
« assureur militant », qui valorise son image solidaire et responsable, la plupart des grandes
mutuelles communiquent avant tout sur la notion prix et/ou de services (La MAAF, « efficace
et pas chère », « la MATMUT, elle assure », MMA « zéro tracas » etc.). Or placer le client
au cœur de l’entreprise est aussi l’objectif déclaré des compagnies d’assurance. Plus
encore, IP et compagnies investissent également le champ de la communication éthique et
solidaire, à l’image par exemple de Générali et de sa signature « génération responsable ».
Face à ce risque de banalisation, Il apparaît que les mutuelles ne font pas assez de pédagogie
auprès du public. Leur fonctionnement notamment, ainsi que la nature exacte des mécanismes
de redistribution de leurs excédents sont peu explicités. Dans le plan de formation des
administrateurs de la FNMF, seule une demi-journée est consacrée à la communication. Si,
1
Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de vie.
2
Les mutuelles représentent un vrai modèle économique alternatif , Interview de Léopold Gilles, directeur du
département évaluation des politiques sociales du CREDOC, site de la FNMF, 22 septembre 2010.
3
Neil Lovatt, sales and marketing director at Scottish Friendly : “Research has told us that mutuals are seen as
nice and fluffy, but not dynamic and forward-looking. We have almost been plagued by the positives, making us
look bloated and lazy, so we needed to come up with some more tangible benefits” (Alex Brownsell : Mutual
insurers coordinate their advertising to promote advantages of mutuality , marketing magazine, 11 Août 2009).
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comme le pense Gérard Outters, Secrétaire Général de l’AISAM, « l’éthique peut devenir et
devrait devenir l’arme secrète des mutualistes face aux sociétés anonymes1», Charlotte Weill
et Robert Zarader soulignent en revanche que « l’incantation ne suffit plus. Encore faut-il
démontrer cette responsabilité aux parties prenantes auxquelles elles s’adressent,
consommateurs et collaborateurs au premier rang 2». Concernant la communication, les
exemples sont semble-t-il à chercher du coté des banques coopératives… et des mutuelles
anglaises.
L’exemple anglais de l’AMI
Les opérations mises en œuvre par l’AMI (Association of Mutual Insurers), créée en 2004 par
treize mutuelles anglaises, illustrent la réussite d’une stratégie de communication globale
fondée sur les valeurs mutualistes. Graham Berville, Président de l’AMI souligne ainsi :
« Nous devons positionner le mot « mutuelle » dans l’opinion publique et les médias et
énoncer les raisons évidentes pour lesquelles les clients font appel à elles (…) si nous
ignorons quel sens les clients donnent au terme « mutuelle » et quel est l’attrait qu’il exerce
auprès d’eux, il nous sera impossible de mettre correctement en valeur les atouts uniques qui
sont les nôtres3 ». Fort de ce constat, le Conseil de l’AMI s’est attaché à mettre en place un
plan de communication triennal reposant sur des objectifs clairs et quantifiables. Pour
chacun des groupes cibles visés (non seulement l’opinion publique britannique, mais aussi le
gouvernement, la FSA4 et les médias) l’AMI a cherché déterminer :
-
la compréhension que ce groupe avait du système mutualiste ;
-
l’intérêt qu’il y portait ;
-
et la clarté des informations qui lui étaient diffusées.
But de cette étude : construire une véritable « réputation » aux mutuelles, et susciter chez
le consommateur final la question suivante : « dois-je acheter mon assurance auprès d’une
1
AISAM News n° 53, avril 2002
2
Communications : l’assurance de mes meilleurs sentiments, Revue Risques n° 84, décembre 2010. Les auteurs
sont tous deux associés chez Equancy & Co, agence de conseils en communication et marketing.
3
« We must position ‘ mutuals’ in the minds of our public and media and articulate clear reasons for customers
to deals with us. (…) if we do not know what consumers understand a bout the term mutual or how much appeal
it has, then we cannot leverage effectively our unique strengths » (Correspondance Amiable, op.cit.)
4
Financial Services Authority
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101
mutuelle ou auprès d’une compagnie ?1 ». Plusieurs opérations sont ensuite conduites en ce
sens. La première est l’adoption, par les mutuelles de l’AMI, d’un message de
différenciation, comportant une signature commune. Deux « slogans », sous forme de
question/réponse, sont retenus : « You’re a mutual, what’s in for me » (Vous êtes une
mutuelle, qu’avez-vous à m’offrir ?) et « We’re a mutual, we only work for you » (Nous
sommes une mutuelle, nous ne travaillons que pour vous). La deuxième initiative est la mise
en place d’un site internet expliquant les principes de la mutualité : www.ownedbyyou.org
(littéralement : possédéparvous.org, ou détenuparvous.org). Ce site, qui apparaît en lien sur
tous les sites internet des mutuelles de l’AMI, détaille les principes du fonctionnement des
mutuelles, leur système de gouvernance, les avantages que le consommateur peut en tirer, et
présente des statistiques ainsi que des données financières concernant les résultats des
mutuelles adhérentes. L’idée d’utiliser un même visuel et une même signature, rappelant
en des termes simples le principe de la forme mutuelle, pourrait constituer, en France
également, un moyen efficace de diffuser le modèle mutualiste, et de le différencier
définitivement de celui des compagnies d’assurance.
Au Royaume-Uni, les résultats sont probants : l’AMI passe de 14 à 31 membres en trois ans.
En 2009, l’association compte 36 membres, pour 15 millions de sociétaires et 83 Md£ d’actifs
gérés. Plus encore, le gouvernement anglais, par la voix du chancelier Alistair Darling,
souligne lors d’un discours télévisé l’importance du secteur mutualiste, et le défend dans le
white paper sur la régulation financière remis au parlement en juillet 20092. La presse
spécialisée se fait largement écho du mutualisme et les mutuelles anglaises commencent à
remporter des british insurers awards, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. En 2008, le
chiffre d’affaires des mutuelles de l’AMI augmente de 7% en Vie (alors que le marché accuse
une baisse de 10%) et de 20% en Non-vie, dans un marché constant. A la question « la
mutualité est-elle un élément important dans votre décision d’achat ? » le taux de réponse
positive passe de 16 à 64%. En 2009, lors de la conférence de l’ICMIF3 à Toronto, Shaun
Tarbuck souligne la bonne santé du secteur mutualiste anglais, qui enregistre une
croissance des primes supérieure à celle des compagnies de 26%4. Dans leur très grande
1
« Shall I buy from a mutual or a stock insurer ? » Shaun Tarbuck, CEO de l’AMI, lors de l’Assemblée
Générale de l’AMICE, juin 2009.
2
George PARKER et Jim PICKARD, Darling to give backing to mutual model, Financial Times, 20 mars 2009,
et Sharon FLAHERTY, Darling mulls lifeline for mutuals, FT Adviser, 11 juin 2009.
3
International Cooperative and Mutual Insurance Federation
4
Al Slavin, Riders on the storm, Best’s Review, 1er décembre 2010
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102
majorité (84%), les dirigeants mutualistes interrogés voient désormais un lien direct entre la
communication sur les valeurs mutualistes et leurs performances financières. Aux Etats-Unis
Charles Chamness, Président de la NAMIC1, déclare vouloir s’inspirer du modèle créé par
l’AMI : « Je pense que nous pouvons mieux faire en la matière. J’ai observé ce qui ce passait
au Royaume Uni et j’envisage de reproduire ce schéma pour construire rapidement une
marque ou une identité mutualiste pour notre secteur aux Etats-Unis2 ».
L’année 2010 marque un tournant, avec la fusion entre l’AMI et l’AFS3, donnant naissance à
une nouvelle structure de 57 membres, l’AFM, Association of Financial Mutuals, désormais
ouverte aux coopératives, et qui a sans doute joué un rôle dans la proposition d’ouvrir le statut
de coopérative aux mutuelles, proposition que l’on retrouve dans le projet Omnibus II. Lancé
en mars, le « The Mutuals Manifesto 2010 » de l’AFM en appelle au développement de toutes
les formes d’entreprises détenues par leurs sociétaires. Rappelant la solidité des entreprises
mutualistes lors de la crise bancaire de 2008, l’AFM demande notamment au
gouvernement la création d’un poste de ministre dédié au secteur, et un engagement à ce
que toute nouvelle mesure législative soit désormais étudiée en tenant compte de ses impacts
sur les entreprises mutualistes.
Enfin, une communication à large spectre portant sur les valeurs mutualistes ne saurait
échapper à une diffusion par les grands médias. La campagne publicitaire de la mutuelle
Liverpool Victoria, lancée en 2003, au plus fort de la vague de démutualisation anglaise,
donne un bon exemple d’une communication efficace sur le mode humoristique. Elle
s’articule autour du slogan « You wouldn’t share everything » (Seriez-vous prêts à tout
partager ?) et invite le public à se demander s’il est prêt à partager son « investissement » avec
des actionnaires. Trois spots télévisés très courts sont diffusé pendant deux mois (voir le
storyboard reconstitué en annexe 6). Dans le premier tableau, le barman d’un pub prélève une
gorgée de la pinte de bière de son client, avant de lui en réclamer le prix. Un deuxième spot
met en scène une caissière de supermarché qui prend une bouchée de chaque aliment avant de
l’enregistrer. Enfin, dans une troisième scène, à un arrêt de bus, une femme est contrainte de
1
National Association of Mutual Insurance Companies. La NAMIC regroupe 1 400 mutuelles membres, 50% du
marché de l’auto et de l’habitation et 37% du marché de l’assurance au global, avec 177,3 Md$ de primes en
2009.
2
“I think we can do more in this area” Chamness said. “I think I am looking at what’s happening in the U.K.
and seeing if perhaps we can replicate their success in a relatively short period of time in building a better
mutual brand or identity for our industry here.” (Riders on the Storm, ibidem)
3
Association of Friendly Societies
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
103
« prêter » son petit ami à une autre, le temps d’un baiser1. Ces petites scènes sont toutes
conclues par une voix off indiquant : « You wouldn’t share everything !...That’s why at
Liverpool Victoria, we have no shareholders. So all the returns on your investment come back
to you » (Seriez vous prêts à tout partager ? C’est pourquoi, chez Liverpool Victoria, nous
n’avons pas d’actionnaires. Tous les bénéfices de votre investissement sont pour vous). Le
spot s’achève sur ces mots : « Liverpool Victoria : we’re all yours », formule courte et
expressive, qui trouverait un équivalent parfait dans la formule de politesse française « bien à
vous ».
1
Les spots sont également visibles sur Youtube :
http://www.youtube.com/watch?v=HoO0OXqrWws&feature=related (Pub)
http://www.youtube.com/watch?v=-A7vA64IicI&feature=related (Supermarché)
http://www.youtube.com/watch?v=YdSEBO5mhUM&feature=mfu_in_order&list=UL (Arrêt de bus)
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
104
CONCLUSION
Mesuré à l’aune de la réglementation européenne, le mouvement de défense des petites et
moyennes mutuelles peut apparaître à bien des égards comme voué à l’échec. En France plus
particulièrement, les exigences de solvabilité risquent de se renforcer à mesure du
désengagement de l’Etat des différents systèmes de protection sociale. Pour assurer des
risques jusqu’ici assumés en partie par les pouvoirs publics, les mutuelles, moins bien armées
que les compagnies pour rassembler des fonds propres, n’échapperont sans doute pas à un
mouvement de concentration de grande ampleur.
Toutefois, les efforts déployés par les petites entités restent constructifs à plusieurs titres :
d’une part, ils contribuent à la diversité du mouvement, et donc à sa vitalité. D’autre part, ils
constituent un rappel important des valeurs fondatrices du mutualisme. Enfin, certaines
organisations représentant des mutuelles de taille moyenne ont pu jouer un rôle non
négligeable dans la défense des spécificités mutualistes à Bruxelles, en collaboration avec des
mouvements mutualistes d’autres pays européens.
A l’opposé, la constitution de grands groupes permet de soutenir le dynamisme de mutuelles
dont le but déclaré est d’être « économiquement forts pour être socialement généreux1 ».
SGAM et UMG ouvrent ainsi la voie d’une collaboration étroite avec des organismes non
mutualistes. Les conditions dans lesquelles les mutuelles peuvent continuer d’assumer les
missions qu’elles se sont assignées, notamment au sein de groupes paritaires, restent toutefois
mal définies. Les impératifs de développement conduisent également les mutuelles à
accueillir ou à créer des entités dotées d’un capital social. Sous cette double impulsion, un
certain nombre de principes mutualistes est remis en cause : la gouvernance démocratique, la
gestion collective des résultats, voire la non-lucrativité individuelle, lorsque ces grandes
structures, en ouvrant une partie de leur capital, combinent les deux logiques du sociétariat et
de l’actionnariat.
Le projet de statut de Mutuelle Européenne, qui pourrait englober des sociétés détentrices
d’un capital social divisible en parts, contraint les acteurs français du monde mutualiste à une
réflexion sur le renouvellement de leur modèle. Ce statut commun, quel que soit la forme
qu’il prendra, peut ainsi être l’occasion de clarifier, et même de faire évoluer, des principes de
1
L’expression est de Jean Azéma, invité des rendez-vous de l’assurance mutuelles organisés par la ROAM.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
105
gouvernance qui, pour l’instant, restent peu bavards sur la façon dont les deux logiques
peuvent cohabiter.
En intensifiant les relations entre les mutuelles de différents pays ou d’obédience diverses,
l’intégration européenne constitue également une opportunité de mieux faire connaitre le
modèle mutualiste, et de le proposer comme un modèle alternatif, face à des banques ou des
compagnies dont l’image s’est dégradée lors de la crise économique.
Présent depuis plus de trois siècles, le mutualisme n’aurait pu survivre sans une étonnante
prédisposition à l’adaptation et au renouvellement. Il se conçoit non seulement comme une
force économique, mais aussi et surtout un mouvement d’idée, capable, pour emprunter le
titre d’un édito de la revue de l’IPSE, de pratiquer « le pessimisme de l’intelligence, et
l’optimisme de la volonté1 ».
1
Institut de la Protection Sociale Européenne, Folio n°55, janvier 2011. La citation est attribuée à Antonio
Gramsci. Elle provient en fait des écrits de Romain Rolland, à qui Gramsci reconnait l’avoir emprunté.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
106
Remerciements :
J’exprime ma profonde gratitude à :
Marie Hélène Kennedy, pour son soutien et son accueil à la ROAM ;
Dominique Chaignon et Chrisine Cornil, qui ont rendu l’aventure possible ;
Maxime Oms et Claudine Curutchet, mes parrains et marraines dans la protection sociale ;
Pascale Le Lann, du Cabinet Alenium Consultants ;
ainsi qu’à toutes les personnes avec lesquelles j’ai pu m’entretenir, qui ont alimenté ma
réflexion et m’ont permis d’avancer dans mes recherches : Hans Willert (Alturia Consulting),
Pierre-Yves Ledoeuf (HUMANIS), Yannick Philippon (Générali), Yves Hérault, (AXA), et
Cornelia Federkeil-Giroux (FNMF).
Ma reconnaissance va également :
A mes condisciples de la promotion 2009-2011 du MBA de l’ENASS, pour leur enthousiasme
et leur soutien, avec une mention spéciale pour Christelle Delfau qui a su en orchestrer l’esprit
de groupe ;
A ma famille, et aux équipages de Ti Ble et de Meander, pour leur patience et leur
compréhension.
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
107
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"Nous devons imaginer une nouvelle Mutualité " – Interview de Patrick Sagon, président de
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Myriade rejoint l’union Eovi mutuelles, 15 juin 2010
Dossier : Top 30 de la santé: se différencier en 2010, 25 juin 2010
Une UMG pour serrer les rangs à l'Intérieur, 25 juin 2010
La MNRA en forte croissance, 29 juin 2010
Les fonctionnaires défendent leur territoire, 2 juillet 2010
La MNH pense à la dépendance, 2 juillet 2010
Le speed dating des paritaires, 22 octobre 2010
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Attention au gâchis de la démutualisation argus, 01 mars 2002
Patrick Peugeot réélu à la présidence de la ROAM, 29 mars 2002
"Seul le partenariat avec la mondiale avait un sens » Interview du président d'Aegon, 13
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Les regroupements s'accélèrent, 29 novembre 2002
Capitalisme et mutualisme : y a-t-il un modèle idéal ?, 17 octobre 2003
Gros plan sur les partenariats les plus récents, 12 décembre 2003
Les mutuelles sont plus performantes que les SA, 13 février 2004
Démutualisation de Standard Life, 17 octobre 2005
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Les assurés Maaf et MMA mieux orientés dans le système hospitalier, 26 novembre 2008
Michel de la Béllière, consultant chez Deloitte « Solvabilité 2 donne plus de responsabilités
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Sferen à l’assaut de la culture mutualiste, 5 avril 2010
UGM-UMG, une similitude en trompe-l’œil, 20 avril 2010
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La FFSAM modifie ses statuts pour attirer des adhérents, 14 décembre 2000
Protection sociale : des groupes en recomposition perpétuelle, 13 octobre 2010
Covéa veut s'étoffer à l'étranger, 14 octobre 2010
“Sferen ne peux pas se limiter à la simple mise en commun de réparateurs” – Interview de
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114
Index
ACME, 39, 59, 60, 84, 87, 90, 113
ACP, 5, 13, 23, 35, 42, 43, 50, 57, 62, 64, 67, 75, 94, 95
ADPM, 37, 40, 41, 42, 54
Aedian, 24, 70
AFM, 102
AG2R-La mondiale, 39, 47, 48, 122
AGPM, 31, 38
Agrica, 69, 109
AIM, 86, 87
AISAM, 39, 59, 60, 76, 86, 87, 90, 100, 113
Alenium Consultants, 14, 44, 48, 59
Altéis, 52
Altuaria Consulting, 14, 106
Alturia, 14, 18, 22, 43, 106
AMI, 90, 100, 101, 102
AMICE, 13, 42, 87, 89, 101, 113
Apgis, 70
Aprionis, 24, 68, 69
Audiens, 58
Axa, 14, 42, 61, 106
AXA, 55
Cesare Pozzo, 33
CGA, 33
CNP, 32
Covéa, 5, 25, 27, 29, 32, 33, 62, 66, 67, 70, 122
CREDOC, 99
Entis, 54, 55
Eovi, 46, 50, 52, 78, 109
Ethias, 33, 38
Eurogroup, 26, 52, 56
Facts & Figures, 26, 31, 47
FFSAM, 11, 89, 95, 96
FMF, 46
FNMF, 9, 13, 14, 20, 36, 37, 46, 71, 78, 86, 89, 95, 97,
99, 106
FNMI, 5
France Domicile, 30
GAMEST, 54
GEMA, 11, 13, 17, 61, 87, 89, 95, 96
Générali, 14, 22, 43, 46, 99, 106, 110
Gigam, 51
GMF, 5, 10, 25, 31, 46, 48, 62
Groupama, 61, 81, 82, 95, 110, 111
Harmonie, 28, 33, 36, 46, 48, 56, 58, 60, 78
HUMANIS, 14, 24, 106
IFA, 94, 96, 112
Intériale, 52, 63
IPSE, 98, 105, 112
Kalivia, 28
Liverpool Victoria, 102, 125
MAAF, 5, 10, 25, 27, 29, 31, 37, 99
MACIF, 5, 10, 25, 26, 30, 31, 47, 48, 53, 62, 94, 95, 112
MACSF, 10, 38, 62
MAIF, 5, 8, 10, 11, 17, 25, 26, 30, 62, 66, 77, 93, 94, 95,
99, 110, 112
Malakoff Médéric, 28
MATMUT, 5, 25, 26, 30, 31, 46, 62, 65, 99
MCD, 36
MFP Prévoyance, 32
MG, 27, 45, 46, 69, 77, 97
MGEFI, 58
MGEN, 10, 28, 30, 38, 63, 77, 109, 113
MGET, 38, 63
MGP, 29, 47
MMA, 5, 25, 27, 29, 31, 33, 37, 59, 62, 66, 70, 79, 81
MNT, 47, 63
Monceau Assurances, 24
Mornay, 69
MRA, 36
Mutuelle bleue, 32
Mutuelle de Poitiers, 11, 39, 93
Mutuelle Existence, 5
Mutuelles UMC, 51, 113
NAMIC, 102
Nexx Assurances, 32
Novalis, 24, 58, 68, 69
Provident Insurance, 33
Prudential, 83
Quatrem, 70
Reale Mutua, 86, 87
ROAM, 1, 11, 13, 21, 40, 41, 42, 89, 90, 106
Santéclair, 28, 37
Santévie, 52, 58
Serena, 30
Servalys, 69
Sferen, 5, 25, 62, 63, 65, 66, 67
SMI, 48, 58, 99
Sphéria, 36, 46, 50, 108
Standard Life, 83, 84, 109, 123
Swiss Life, 34, 37
Swiss Re, 76
Trygg-Hansa, 84
UGIM, 50, 52
UGMaster, 54
UMR, 32
Unéo, 59, 108, 109
Unités, 63, 67
UNPMF, 1, 14, 32, 48, 78
UR2S, 54, 55
Via santé, 58
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Table des matières
Résumé et mots clés ................................................................................................................... 3
Abstract and key words .............................................................................................................. 4
INTRODUCTION...................................................................................................................... 5
1 – FACTEURS DE LA CONCENTRATION....................................................................... 15
1.1 LES CONTRAINTES EUROPÉENNES..................................................................... 15
1.1.1
La législation européenne et ses répercussions en droit français ..................... 15
1.1.2
Mutuelles 45 : la transposition tardive des directives « Assurance ».......................... 15
Pression fiscale............................................................................................................ 16
Réduction des déficits publics..................................................................................... 18
Référencement............................................................................................................. 18
Solvabilité II..................................................................................................... 19
Conséquences directes sur le capital réglementaire des mutuelles.............................. 20
Modèle interne versus formule standard ..................................................................... 21
Mise en œuvre opérationnelle ..................................................................................... 22
1.2 CONCURRENCE ET CONTRAINTES INTERNES ................................................. 24
1.2.1
La taille critique ............................................................................................... 24
Economies d’échelle ................................................................................................... 25
Notoriété...................................................................................................................... 27
1.2.2
Conventionnement et réseaux .......................................................................... 27
Principes du conventionnement................................................................................... 28
Réseaux santé … ......................................................................................................... 28
… et futurs réseaux ..................................................................................................... 29
1.2.3
Les efforts de diversification............................................................................ 30
Mutuelles d’assurance : le marché Vie comme axe stratégique.................................. 31
Mutuelles 45 : la prévoyance … en attendant l’assurance dommages ........................ 32
Vers les marchés européens ?...................................................................................... 33
2 – OUTILS ET STRATÉGIES............................................................................................... 34
2.1 SPÉCIFICITÉS DES MUTUELLES : LA STRATÉGIE DE DIFFÉRENCIATION
EST-ELLE VIABLE ? ......................................................................................................... 34
2.1.1
La segmentation comme constitutive de la mutuelle ....................................... 34
2.1.2
Ancrage géographique et professionnel ........................................................... 35
Ancrage régional ......................................................................................................... 35
Ancrage professionnel................................................................................................. 38
2.1.3
Réticences et alternatives à la concentration.................................................... 39
Quelques freins techniques.......................................................................................... 39
Le frein politique : les points de vue de l’ADPM et de la ROAM.............................. 40
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2.2 PARTENARIATS ET UNIONS TECHNIQUES........................................................ 44
2.2.1
Partenariats commerciaux ................................................................................ 44
La distribution : vente croisée et courtage................................................................... 45
Marché des collectives : des partenariats offensifs ..................................................... 47
Quelques inconvénients des partenariats..................................................................... 48
2.2.2
Unions techniques et GIE : une indépendance préservée ?.............................. 49
Union de mutuelles 45................................................................................................. 49
GIE .............................................................................................................................. 51
Points communs .......................................................................................................... 52
L’UGM, une union technique élargie … et politique ?............................................... 52
Rôle de la réassurance ................................................................................................. 54
2.3 L’INTÉGRATION FINANCIÈRE .............................................................................. 56
2.3.1
Fusions ............................................................................................................. 56
2.3.2
Obstacles politiques..................................................................................................... 56
Ecueils opérationnels................................................................................................... 57
Facilitateurs et facteurs clés ........................................................................................ 59
Avantage stratégique des structures mixtes................................................................. 60
SGAM ET UMG .............................................................................................. 61
La SGAM .................................................................................................................... 61
L’UMG........................................................................................................................ 62
Fonctionnement et objectif.......................................................................................... 63
La question de l’intégration opérationnelle................................................................. 66
Avantages et inconvénients ......................................................................................... 67
Les IP, partenaires naturels des mutuelles ?................................................................ 68
3 – LES VALEURS MUTUALISTES.................................................................................... 72
3.1 S.A. : UNE ENTORSE AUX VALEURS ?................................................................. 74
3.1.1
Le financement des fonds propres.................................................................... 74
Les moyens traditionnels............................................................................................. 75
La recherche de capitaux............................................................................................. 76
3.1.2
Le développement de structures capitalistiques ............................................... 78
Créer des filiales communes ....................................................................................... 78
Financer la croissance ................................................................................................. 79
Resserrer la gouvernance............................................................................................. 80
3.1.3
L’accès aux marchés ........................................................................................ 81
Une mutuelle holding ? ............................................................................................... 81
Le cas Groupama......................................................................................................... 82
3.2 LES ENSEIGNEMENT EUROPÉENS....................................................................... 84
3.2.1
Le spectre de la démutualisation ...................................................................... 84
Démutualisations anglo-saxonnes ............................................................................... 84
Le verrou français........................................................................................................ 86
3.2.2
Le statut de Mutuelle Européenne.................................................................... 87
Un statut longtemps reporté… .................................................................................... 87
… et une urgence nouvelle.......................................................................................... 88
Deux difficultés « mineures » ..................................................................................... 89
Deux obstacles de fond ............................................................................................... 91
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3.3 UN MODÈLE Á CLARIFIER … ET Á FAIRE CONNAITRE ................................ 93
3.3.1
Réformer la gouvernance ................................................................................. 94
Vie démocratique et mobilisation des adhérents ......................................................... 94
Equilibre des pouvoirs................................................................................................. 96
Cas de la gouvernance duale ....................................................................................... 98
3.3.2
Communiquer sur les valeurs mutualistes : quelques pistes ............................ 99
L’image de marque des mutuelles............................................................................. 100
L’exemple anglais de l’AMI ..................................................................................... 101
CONCLUSION ...................................................................................................................... 105
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 108
Index....................................................................................................................................... 115
Table des matières .................................................................................................................. 116
ANNEXES ............................................................................................................................. 119
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ANNEXES
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Annexe 1 – Carte pré-imprimée disponible sur le site de l’ADPM
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Annexe 2 – Blog “Stop Solvabilité II”: www.stopsolvabilite2.com
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Annexe 3 – Balanced scorecard (tableau de bord prospectif) :
Source : Le tableau de bord prospectif, Robert S. Kaplan, David P. Norton
Transformer une vision stratégique en objectifs opérationnels
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122
Annexe 4 – Schémas d’organisation, présentés sur les sites AG2R-La Mondiale et Covéa
Eugénie Lefèvre –MBA Manager d’entreprise – spécialisation Assurances – Février 2011
123
Annexe 5 – Bulletin d’information de Standard Life – Mai 2006 (extraits)
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Annexe 6 – Liverpool Victoria : spots télévisés
# 1 : In a pub
- two thirty five please”
“You wouldn’t share everything !
That’s why at Liverpool Victoria,
we have no shareholders.
So all the returns on your investment
come back to you”
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# 2 : At the Supermarket
(moothfull) - “You want any cashback ?”
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# 3 : At the bus station
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Thèse soutenue en février 2011
pour l’obtention du MBA
Manager d’entreprise
d’assurances
Sous la direction de :
Marie-Hélène KENNEDY
Président du Jury :
François EWALD
Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances.
L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en
direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires :
• les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes
d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles
qu’on peut les observer à l’étranger ;
• les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ;
• « les travaux de l’Enass », que nous lançons aujourd’hui, sont destinés à faire bénéficier la
profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les
niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces
travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur
papier ou même, être édités.
Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables.
François Ewald
Directeur de l’Ecole nationale d’assurances