CARTON ROUGE Fabrice RAKOTONARIVO

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CARTON ROUGE Fabrice RAKOTONARIVO
CARTON ROUGE
Fabrice RAKOTONARIVO - Lycée Raymond Savignac - Villefranche de Rouergue (12) - 2009
Mesdames et messieurs
Je suis ici pour dénoncer devant vous une dure réalité. Dans le monde, chaque année, 22000 enfants,
de 5 à 16 ans, meurent d’un accident du travail. 22000 vies, confisquées pour un travail qu’ils
n’auraient pas du faire. Ces travaux, quels sont-ils ? Ils naissent de l’esclavage, des conflits armés et
toujours de la misère, ils prennent la forme de l’exploitation sexuelle, ou du travail dans les mines,
dans les carrières, dans les usines ; toujours dans le monde de l’illégalité, de la souffrance, de
l’innommable. On les trouve essentiellement dans les pays en voie de développement, jetant leurs
petits corps et leurs jeunes âmes dans ces besognes titanesques, menaçant leur santé, et leur avenir
d’un même coup. Le problème, mesdames et messieurs, c’est qu’ils ne sont pas seulement quelques
milliers. Ce sont des millions de gamins, 218 millions, soit un enfant sur six au monde, qui doivent
survivre à cette misère. Ils sont des millions en Afrique, on les estime à 13.4 millions dans les Etats
arabes, et en Asie et dans le Pacifique, bien que leur nombre ait diminué de 10 millions depuis 2002,
on les compte encore à plus de 122 millions. Enfin, pour ce qui est de l’Amérique latine et des
Caraïbes, ils sont encore 5,7 millions, filles et garçons, à vivre un enfer. Certes il y a bien du progrès,
grâce à toutes sortes d’associations, mais si nous n’ouvrons pas les yeux devant ce fléau, bien des
vies seront encore gâchées.
Dans certains pays, vivre est un dur combat, certaines personnes conçoivent des enfants dans le seul
but de survivre. En effet, dès l’âge de 5 ans, certains bambins sont « soutiens de famille ». Ces
enfants sont emportés pour travailler 15 heures par jour, et pour gagner, s’ils ont de la chance,
quelques dollars par semaine. Ils sont emportés dans une vie déplorable. Ils se laissent emporter par
des géants souvent de la taille de multinationales, ils se laissent emporter pour des actes illicites, ils
se laissent emporter pour satisfaire les besoins pervers et dégoutants d’autres, se laissant exploiter
jusqu’à en rendre l’âme.
Je dis bien qu’ils se « laissent », mesdames et messieurs, car on trouve difficilement une main
d’œuvre plus docile qu’eux. On voit si peu souvent une fille ou un jeune garçon dénoncer les actes
dont il ou elle a été victime. Ces bébés face au monde ont si peur ! Et puis, pour eux, la vie, c’est ça !
Être venu au monde pour faire vivre leurs proches, à moins qu’ils ne soient abandonnés, leurs
parents ne pouvant s’occuper d’eux ; travailler, se faire exploiter, grandir aux mains d’un autre, c’est
leur vie, tout cela, mesdames et messieurs, c’est leur vie ! Alors que moi, du haut de mes 16 ans,
j’occupe mes journées à me désespérer du lycée, eux travaillent d’arrache pied pour vivre. Au fond,
je ne connais pas grand-chose à leur histoire. Mon ordinateur m’a montré des statistiques, mon
imprimante des photos, et mon écran quelques noms d’organisation qui tentent de les aider. Mais ce
n’est pas si facile. Sortir des millions d’êtres humains d’une telle situation demande plus que
s’intéresser à ces misères.
Souvenez-vous, mesdames et messieurs, de vos 5 ans. Si vous ne pouvez pas vous en souvenir, alors
souvenez-vous de vos enfants à 5 ans. Je me souviens. Je commençais à apprendre à écrire et à lire,
et on me contait des histoires d’autres continents, qui me paraissaient bien lointaines. J’avais aussi
un père, une mère, une famille, et déjà des amis. J’ai appris à m’amuser, à grandir, et même à faire
du vélo. Maintenant, veuillez avoir une pensée pour eux. Eux, ils rêvent de stylos, de papier, et ils
tentent de s’imaginer comment nous si lointains, d’un autre monde, nous vivons. Eux aussi ont une
famille, mais eux doivent la faire vivre. Eux aussi grandissent, mais dans l’ombre. Eux ne s’amusent
pas, et n’osent pas penser à un vélo. Ils travaillent, et travaillent. Ils ne font que ça, piochant,
cousant, et ils vont même jusqu’à vendre leurs corps d’eux-mêmes, quand ils ne sont pas vendus de
force. Pouvez-vous vous imaginer, ou imaginer vos enfants, dans de telles situations ? Je vous le
demande : pouvez vous comprendre à quel point cette vie est un enfer ? Si oui, alors écoutez moi
bien, je vous en pris : on m’a demandé de choisir un sujet pour un exercice de plaidoirie. J’ai décidé
de choisir ce sujet, et on a bien voulu me laisser venir faire connaître mes pensées. J’ai joué le jeu
comme chacun de ceux qui ont été sélectionnés, et j’ai mené à bien cet exercice. Mais je n’ai pas
choisi ce sujet seulement parce que c’était un bon sujet d’entrainement. Les enfants qui travaillent
15 heures par jour pour vivre, mesdames et messieurs, ces 218 millions d’enfants qui ne peuvent que
rêver à l’éducation et à songer à un foyer, c’est une réalité. Ces 22000 enfants qui meurent chaque
année aussi, c’est une réalité. Tout cela est une réalité dure, une réalité inacceptable. Et maintenant,
je vous le dis, le sixième de la future génération, la génération de vos enfants, ma génération, vit un
enfer. Alors pour leur permettre de vivre, il faut, comme on dit si souvent, « faire quelque chose ».
Oh, bien sur, comme je vous l’ai dit, il existe bien des organisations, telles que l’IPEC (Programme
International de Campagnes pour l’Education), qui tentent de résoudre cet énorme problème, cet
immense trou noir obstacle au respect des droits de l’homme, mais la misère est si vaste, que l’aide
semble parfois invisible. Et pourtant elle y est ! Grâce à l’aide d’Amnesty international, de l’IPEC, de
l’OIT (Organisation Internationale du Travail), ainsi que d’autres organisations, plusieurs millions
d’enfants ont été sauvés de ce calvaire, mais pensez donc aux autres qui restent, mesdames et
messieurs, pensez donc aux 200 millions qui restent, car sans l’aide de chaque personne, ceux-là ne
s’en sortiront pas.
« L'enfant », je cite, « doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté et
d'exploitation, il ne doit pas être soumis à la traite, sous quelque forme que ce soit.
L'enfant ne doit pas être admis à l'emploi avant d'avoir atteint un âge minimum approprié; il ne doit
en aucun cas être astreint ou autorisé à prendre une occupation ou un emploi qui nuise à sa santé ou
à son éducation, ou qui entrave son développement physique, mental ou moral », ceci est le principe
9 des droits de l’enfant.
Alors tous, mesdames et messieurs, avec l’IPEC et l’OIT, dressons un « carton rouge » pour interdire
l’ignominie et préserver l’innocence et la fragilité de l’enfance.