«JE NE L`OUBLIERAI JAMAIS»
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«JE NE L`OUBLIERAI JAMAIS»
6 SUISSE LUNDI 4.04.2011 LE MATIN SUISSE LE MATIN LUNDI 4.04.2011 7 «JE NE L’OUBLIERAI JAMAIS» VAUD: LA GAUCHE RENFORCÉE TRAGÉDIE Son bébé est mort à la suite d’une erreur médicale. Elle lui rend hommage dans un vidéoclip rap. ÉLECTIONS La gauche a fait carton plein à Vevey, Morges, Nyon et Yverdon. La gauche sort renforcée des élections municipales vaudoises. Au terme du 2e tour hier, elle reste majoritaire dans les villes de Morges, Nyon, Vevey et Yverdon-les-Bains. Exception, Montreux sera gouvernée par un exécutif à majorité de droite. Dans la ville de la Riviera, les résultats du premier tour donnant un avantage à la droite ont été confirmés hier: quatre PLR ont obtenu un siège à l’exécutif, aux côtés d’un écologiste et de deux socialistes. A Vevey, la majorité de gauche s’est renforcée. Trois candidats PS ont fini en tête devant une nouvelle venue écologiste et un PLR. Le sortant Jérôme Christen (Vevey Libre) n’a pas été réélu. Après un premier tour favorable, la droite n’a pas réussi à renverser la majorité à Yverdon-les-Bains. Les Verts sont parvenus à maintenir leur siège, mais le sortant Cédric Pillonel a été évincé au profit de sa colistière Marianne Savary. Trois socialistes et deux PLR sortants ont été élus, de même qu’une PLR. A Nyon et à Morges, seuls les sièges non encore attribués au premier tour devaient être repourvus. Dans la première, les trois fauteuils sont revenus à des sortants, les indépendants Elisabeth Ruey-Ray et Claude Uldry et le popiste Claude Dupertuis. Le PLR se retrouve sans représentant Le tableau est le même à Morges. Emmenés par la syndique Nuria Gorrite, cinq municipaux de gauche ont été élus triomphalement au premier tour. Ils ont été rejoints par un PLR et un candidat hors parti, s’affichant comme centriste. £ ats Olivier Allenspach A Yverdon, la Verte Marianne Savary a évincé son colistier Cédric Pillonel. Photos Michel Perret, DR VICTOIRE Le socialiste Mario Fehr (à g.) et le Vert Martin Graf siègeront au Conseil d’Etat zurichois. Walter Bieri/Keystone FUKUSHIMA FAIT TRIOMPHER LES ÉCOLOS ÉLECTIONS A Zurich, les Vert’libéraux et les Verts l’ont emporté hier au détriment du PLR et du PDC. La tendance gagnera-t-elle la Suisse? L’effet Fukushima était attendu. Il n’a pas manqué son rendez-vous, hier, à Zurich lors des élections cantonales. Grands gagnants de ce scrutin donné comme test miniature des élections fédérales d’octobre prochain, les Vert’libéraux et les Verts. Les premiers au législatif, où ils doublent leur nombre pour atteindre 19 élus et se retrouvent désormais à égalité avec les Verts. Les seconds à l’exécutif, où ils font leur retour au Conseil d’Etat grâce à l’élection de Martin Graf devant le PDC Hans Hollenstein, qui n’est pas réélu. CUISANTE DÉFAITE Les grands perdants sont le PLR (–6 sièges) et le PDC (–4 sièges), qui étaient, jusqu’aux événements japonais, favorables au nucléaire. Donné en légère progression à Zurich avant la catastrophe, le PLR essuie donc une cuisante défaite. Une tendance qui pourrait bien se poursuivre cet automne au niveau national, le débat sur l’atome étant loin d’être clos. Fulvio Pelli en a conscience. «Le parti était pourtant bien positionné dans ces élections, mais ces trois dernières semaines, on n’a parlé que de Fukushima», regrette le président. Et de reconnaître que le signal donné hier par les électeurs n’est pas des plus encourageants. «Mais nous allons continuer à nous battre.» L’effet Fukushima est aussi cité parmi les responsables du recul du PDC par son président, Christophe Darbellay. Car, même s’il estime que le mauvais résultat de son parti ne préfigure pas celui des fédérales, Zurich n’étant pas un fief démocrate-chrétien, «il est clair que nous devrons analyser ces résultats et en tirer les conséquences». «IL EST CLAIR QUE NOUS DEVRONS ANALYSER CES RÉSULTATS ET EN TIRER LES CONSÉQUENCES» Christophe Darbellay, président du PDC Toutefois, si le PLR et le PDC risquent de faire les frais des prochaines élections fédérales, ce n’est pas seulement à cause de leur position sur le nucléaire, estime le politologue bernois Georg Lutz. «Pour la plupart des électeurs, le PLR est le parti des banquiers et du lobby du nucléaire. Et, ajoute-t-il, le problème avec ces deux partis, c’est que les gens ne savent pas ce qu’ils veulent.» Conséquence, l’électorat du centredroite se tourne vers les Vert’libéraux, seule alternative de droite pour les ennemis de l’atome. Conjuguée avec l’entrée du Parti bourgeois-démocratique (PBD) dans certains Parlements cantonaux (6 sièges à Zurich), la forte progression des écologistes de droite réduit encore un peu plus la part du gâteau électoral du centre-droite. «EN VOIE DE DISPARITION» «S’ils ne changent pas, le PLR et le PDC seront en voie de disparition!» prédit, quant à elle, la Vaudoise Isabelle Chevalley, fondatrice des Vert’libéraux dans le canton. Pour cette dernière, l’excellent score de son parti est le signe que les gens «commencent à réfléchir différemment» en matière d’énergie et d’environnement. Au final, seuls les socialistes, les Verts et l’UDC se maintiennent. Trois formations, dont le discours sur le nucléaire est resté identique avant et après Fukushima. Preuve, selon le vice-président de l’UDC Yvan Perrin, que les électeurs «n’aiment pas les girouettes.» Confiant, il estime que son parti atteindra les 30% visés avant la catastrophe et ce malgré la position en retrait de l’UDC sur une sortie rapide du nucléaire. Quant aux Verts et aux socialistes, dont on annonçait une stagnation, voire un recul pour les seconds, ils misent sur la crédibilité acquise par leur combat historique contre l’atome et leur force de proposition pour en sortir. £ Viviane Menétrey Réagissez sur: www.lematin.ch/elections Son bébé est mort dans ses bras à cause d’une erreur médicale. Il avait 5 semaines et s’appelait Diego. «C’était le 22 juin 2007», il y a bientôt quatre ans, mais quand Morgane Meire-Brand le raconte de sa voix douce, c’est au présent. «Ce matin-là, je suis morte une première fois», explique la Morgienne de 27 ans, qui vient de sortir «Dernier souffle». Ce vidéoclip en hommage à son fils réalisé avec le rappeur Rizou sera présenté officiellement le 13 avril. «Je le fais sans haine ni colère. Juste avec l’envie de mettre en garde les parents et de rendre attentifs les médecins.» Et aussi de tenter de faire enfin son deuil? Evidemment, même si elle ne croit pas que faire vraiment celui d’un enfant soit possible. L’IMPOSSIBLE DEUIL Dans son appartement cosy de Morges (VD), Morgane a aménagé une vitrine dédiée à son «petit ange». «Il a passé neuf mois dans mon ventre et cinq semaines sur cette Terre. C’est injuste! Je ne le verrai jamais jouer, jamais rire, jamais marcher. Alors à quoi ça sert de lui avoir donné la vie?» interroge la jeune femme, les yeux embués. Elle n’en veut pourtant plus aux médecins de l’avoir obligée à se poser cette question. Ils ont reconnu leur tort, dit-elle, avaient cru avoir affaire à un mauvais rhume alors que c’est d’une rarissime méningite foudroyante qu’il s’agissait. «Pour eux, c’est une négligence. Pour moi, c’est toute une vie sans HOMMAGE Presque quatre ans après sa tragique disparition, Diego, qui repose au cimetière de Morges, reste omniprésent dans la vie de sa mère. Elle a décidé de raconter la mort de son bébé dans un clip (images ci-dessus). grande sœur et il est parti. L’électroencéphalogramme a fait bip. Juste après, j’ai eu l’impression qu’il était là. J’ai ressenti une force incroyable.» Puis la douleur annonciatrice de l’impossible deuil. Un blog tenu sur le drame a un temps atténué la souffrance, mais si peu. «Elle était trop Morgane Meire-Brand, mère de Diego forte.» Son malui», résume la jeune maman, qui n’a pas riage n’y a pas résisté. Morgane a perdu demandé de compensation financière à pas mal de kilos et un tatouage «Diego» part le remboursement de l’enterrement orne désormais sa cheville droite. et des frais d’avocat. «Si ce morceau change un peu les choses, cela donnera GRANDE SŒUR TRAUMATISÉE un sens à la vie de mon fils.» Inès, sa fille aînée âgée de 5 ans et demi, Quelques heures avant sa mort, sa le trouve joli. Elle parle très souvent de mère lui a donné le sein. «Son regard était son «petit frère qui est au ciel». «Cette vide, se rappelle-t-elle. C’était le dernier. petite chipie m’a sauvé la vie, explique Il me disait «au revoir maman», mais je Morgane. J’ai tenu le coup pour elle et ne me le suis pas avoué.» Puis ce fut aussi pour que Diego, là-haut, soit fier l’arrêt cardiaque et les réanimations. «A de moi.» Noemi, 3 ans, est arrivée après. la fin, j’ai pu le tenir dans mes bras, je lui Mais nul doute que le grand absent ai dit de se laisser aller avec les petits marque aussi son esprit. Rizou, celui qui anges et de veiller depuis là-haut sur sa a rappé la douleur de Morgane, est «SON REGARD ME DISAIT «AU REVOIR MAMAN», MAIS JE NE ME LE SUIS PAS AVOUÉ» devenu son compagnon en cours de route. Les tourtereaux ont investi une partie de leurs économies dans leur projet qui, précisent-ils, ne leur rapportera pas un centime. A ceux qui ne comprendraient pas sa démarche, Morgane répond: «Ne jugez pas ma douleur. Ce clip, j’ai tout revécu en le tournant. Mes larmes, comme tout le reste, y sont authentiques.» £ Laurent Grabet Voir la vidéo sur: www.lematin.ch/clip L’ART POUR FAIRE SON DEUIL Il est courant que des parents ayant perdu un jeune enfant s’investissent dans la musique, l’écriture ou dans une association. «C’est une manière de faire reconnaître leur souffrance et de faire vivre le jeune disparu», explique Sandrine Limat Nobile. Car d’après cette psychologue d’Agapa (association spécialisée dans l’accompagnement suite au décès d’un bébé ou à une fausse couche), le chagrin des parents concernés n’est souvent pas pris suffisamment au sérieux. «C’est comme si la société considérait qu’ils n’avaient pas eu le temps de s’attacher vraiment au bébé et que, de ce fait, ils avaient moins le droit d’être tristes et devaient aussi l’être moins longtemps.» Dans ces conditions, faire son deuil est plus difficile. «La souffrance ressurgit aux dates anniversaires ou quand on demande à ces personnes combien elles ont d’enfants», précise Sandrine Limat Nobile. Perdre un bébé complique aussi l’arrivée d’un autre. «Les parents peinent à s’attacher à lui par peur de le perdre ou au contraire surinvestissent pour oublier leur chagrin, ce qui n’est pas bon non plus.»