La Suisse est championne du monde de la formation hôtelière

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La Suisse est championne du monde de la formation hôtelière
22Genève
Tribune de Genève | Jeudi 12 janvier 2012
Enquête Tourisme
Ecoles cinq-étoiles
La Suisse est championne du monde de la formation hôtelière. Genève ne fait pas exception
Dejan Nikolic
C
’est en Suisse que se
forme la crème de la
crème hôtelière. Voilà
ce que révèle le dernier
sondage GfK, réalisé au
courant de l’été dernier. A en croire l’institut d’études de marché leader du pays,
des dix établissements de gestion hôtelière les plus réputés de la planète, neuf
sont helvétiques. L’Ecole hôtelière de
Genève (EHG) occupe d’ailleurs la
7e place du classement (lire encadré cidessous).
Comment se fait-il que la fine fleur des
grands directeurs et autres sommeliers de
palaces soit un produit de notre terroir?
«Il y a chez nous une antériorité des écoles, une tradition reconnue de formation», relève Alain Brunier, directeur de
l’EHG et président de l’Association suisse
des écoles hôtelières (ASEH).
D’autres évoquent les conditions-cadres d’une Suisse neutre et cosmopolite,
difficilement reproductible ailleurs:
«C’est comme les montres et le chocolat,
la production d’hôteliers doit rester un
apanage helvétique», a dernièrement
souligné Franck Becker, patron d’Invision
– un fonds zougois spécialiste des investissements dans les entreprises en expansion et propriétaire de SEG.
Pas que des usines à cadres
Un professionnel de l’accueil est appelé à
beaucoup voyager. Les aspirants hôteliers, eux, migrent en masse dans l’arc
lémanique pour devenir experts en hospitalité. D’après le classement de l’institut
GfK, cette région se taille même la part du
lion dans le domaine de la formation hôtelière (y demeurent plus de la moitié des
établissements du top 10, pour un bassin
de 9000 à 10 000 étudiants). Ce n’est
d’ailleurs pas un hasard si SEG y est aussi
présent.
Qui fréquente ces écoles? Le portraitN° 1 mondial
robot de l’élève dépend de la physionoSoit, mais ce label «pur suisse» histori- mie de l’établissement. Par exemple à
que n’explique pas tout. Si la croix blan- l’EHG – un fief GastroSuisse –, entre 70 et
che sur fond rouge est surreprésentée 80% des 150 étudiants sont des natiodans l’hôtellerie internanaux. «Il y a une traçabilité
tionale, c’est aussi pour
possible, plaisante Christodes raisons «sentimentaphe Penot. Nous avons
les». «Les anciens gardent
beaucoup de fils ou filles
cette culture, ces automad’hôteliers romands dans
tismes, et préfèrent sou- Il s’agit du nombre moyen
nos murs.»
vent engager ceux issus d’étudiants étrangers –
A l’EHL, sur 1600 candid’écoles qu’ils connaissent soit environ 95% des
dats, la proportion de napour les avoir eux-mêmes effectifs – issus chaque
tionaux chute à 47% enviannée des quatre
fréquentées.»
ron; l’établissement abrite
Troisième ingrédient établissements appartetoujours plus d’étudiants
pour fabriquer de l’élite nant à Swiss Education
étrangers – Asie en tête,
hôtelière mondiale: une Group, le plus important
mais aussi Amérique ou
sélection rigoureuse, que acteur privé de la branche Moyen-Orient. Dans les
ce soit par le portefeuille en Suisse.
autres écoles, l’immense
ou par les compétences.
majorité des étudiants
D’ailleurs, pour briller dans le système vient d’ailleurs. Comme dans la constellades étoiles, les seules qualités techni- tion SEG, où la proportion de non-Suisses
ques ne suffisent plus. Les «soft skills», atteint les 95%.
soit les qualités humaines et relationnelCombien d’instituts de formation hôles, sont prépondérantes. «Il faut de telière compte-t-on en Suisse? L’offre est
l’engagement», résume Christophe Pe- foisonnante, puisqu’aucun d’entre eux
not, professeur à l’EHG. Une formation n’est soumis à des contrôles obligatoires.
dans l’hôtellerie, c’est quelque chose «Toutefois, nous recensons environ 38
d’intense. «Cela exige régulièrement des écoles, parmi lesquelles 14 sont sérieuses
élèves une implication du matin au ou référencées, nuance Alain Brunier.
soir.»
Parmi elles, on peut distinguer quatre
établissements importants: Lausanne et
Thoune (hotelleriesuisse) ainsi que GeLes marques d’enseignement
nève et Zurich (GastroSuisse).»
Etudes prenantes, souvent chères (voir
ci-contre), menant à des métiers astrei- Futurs dirigeants au firmament
gnants: beaucoup de diplômés finissent
par rendre leur tablier. «Seuls 40 à 50% Ici, chacun y va de sa recette pour inculrestent au bout de dix ans dans l’exploita- quer le b. a.-ba du métier. A l’EHG, on
tion», indique Alain Brunier. Pire, aux dispose par exemple déjà d’un «restaufrais d’écolage souvent dissuasifs, on rant d’application» ouvert au public. Et
ajoute implacablement un contrat d’hu- l’on vient d’ouvrir une résidence de 87
milité. «Les étudiants doivent accepter de chambres aux Accacias, tenue par des hôcommencer en bas de l’échelle», assène teliers en herbe. Rien de tel que le concret,
Benoît Samson, un pur produit de l’Ecole en effet, pour se préparer au monde réel.
hôtelière de Lausanne (EHL). Pour le diEn Suisse, le tourisme est réputé être
recteur exécutif du développement com- le quatrième poumon économique du
mercial de Swiss Education Group (SEG), pays en termes d’emplois, après les activicomptant quatre établissements scolaires tés sociales, le commerce de détail et le
dans le top 10, l’objectif est simple: «Four- bâtiment. Rien qu’à Genève, ce secteur
nir des professionnels opérationnels dès génère à lui seul 18 000 postes de travail,
leur premier jour d’engagement, avec dont plus de 10 000 rien que dans l’hôteldes compétences collant parfaitement lerie, et produit un chiffre d’affaires de
aux besoins de la branche. C’est pour cela quelque 2,5 milliards de francs par année
que nous déclinons nos enseignes selon – dont 290 millions correspondent à des
différentes saveurs.» Exemple: la «mar- retombées fiscales.
que» César Ritz est plus connotée art culiPlus globalement, l’industrie de l’hosnaire.
pitalité, qui embrasse une réalité professionnelle très vaste, pèse près de
4000 milliards de francs. A en croire
De la graine à tout faire
l’ASEH, ce secteur ne serait autre que le
Pourquoi ne pourrait-on pas concocter plus gros employeur de la planète, engal’élite hôtelière mondiale ailleurs qu’en geant un travailleur sur neuf à travers le
Suisse? «Chez nous, on forme surtout des monde. Le Conseil mondial du voyage et
généralistes, souligne Alain Burnier. Alors du tourisme est formel: la branche hôtequ’en France par exemple, on instruit des lière se prépare à créer, ces cinq prochaispécialistes, comme des maîtres d’hôtels nes années, plus de 250 millions d’emou des réceptionnistes.»
plois à travers le monde.
4200
Contrôle qualité
Ecole hôtelière de Genève
L’établissement genevois,
avec notamment son «restaurant
d’application», figure à la septième
place du classement GfK.
OLIVIER VOGELSANG
Palmarès selon GfK
1. Ecole hôtelière de Lausanne. 2. Swiss
Hotel Management School (Caux et
Leysin) - SEG. 3. Les Roches International
School of Hotel Management - groupe
américain Laureate Education. 4/5. (ex
aequo) César Ritz Colleges Switzerland
(Bouveret, Lucerne, Brig) - SEG, et Glion
Institute of Higher Education - Laureate
Education. 6. Hotel Institute Montreux SEG. 7. Ecole hôtelière de Genève.
8. HTTI School of Hotel Management à
Neuchâtel - SEG. 9. Hotelschool Int. Univ.
of Hospitality Management de La Haye.
10. Belvoirpark Zürich.
Ce classement a été établi, il est vrai, sur
mandat de SEG. Quelle est donc sa
crédibilité? Selon la société d’études de
marché, la garantie de fiabilité est de 95%.
L’institut a sondé 80 recruteurs hôteliers
provenant de 25 pays. «Des responsables
RH (40% des personnes interrogées), des
directeurs (29% de l’échantillon) ou des
cadres moyens (16% du test) travaillant
pour des 4 à 5 étoiles», précise GfK. Le
questionnaire comportait 24 points. Petit
bémol: environ la moitié des établissements interrogés étaient nationaux. «Une
étude précédente montrait déjà que 50%
des écoles les plus renommées étaient
suisses», conclut Alain Brunier. DJ.N.
Frais d’écolage élevés
U Aux étudiants intéressés à l’idée
d’intégrer l’une des enseignes du
top 10, il y en a pour tous les goûts –
petite ou grande structure – et pour
toutes les bourses. Ou presque: les frais
de formation dans les dix écoles
hôtelières internationales préférées de
l’industrie mondiale de l’hospitalité
oscillent, selon le parcours choisi – d’un
semestre à quatre années –, entre
40 000 et 170 000 fr. A noter toutefois
que le calcul ne comprend pas ici les
possibilités de «rabais» HES-SO ou de
bourses. Ce qui revient à dire que selon
les instituts faisant partie du top 10,
l’écolage peut coûter plus de
35 000 francs par semestre.
L’Ecole hôtelière de Lausanne,
placée en tête du classement GfK, est
réputée comme l’établissement
«locomotive» de Suisse. Ce n’est
toutefois pas le plus cher du top 10. Les
frais d’un programme de bachelor
peuvent cependant y dépasser les
115 000 fr. (année préparatoire incluse,
mais sans les frais de campus).
Les Swiss Hotel Management
School, les Roches International School
of Hotel Management, le César Ritz
College Switzerland, le Glion Institute
of Higher Education et l’Hotel Institute
Montreux, respectivement 2e, 3e, 4e,
et 5e du palmarès, et dont certaines
disposent de studios de luxe et de
centres sportifs haut de gamme,
totalisent ensemble près de
600 000 fr. de revenus liés aux frais
d’études.
L’Ecole hôtelière de Genève, 7e du
classement et seul établissement
estampillé GastroSuisse, dispense un
enseignement en français. L’institution
abrite près de 80% d’étudiants
nationaux. Un cursus y coûte entre
40 000 et 49 000 fr. en frais d’écolage.
Etudier dans le 8e établissement le
mieux coté internationalement, soit
l’IHTTI School of Hotel Management de
Neuchâtel, revient autour des
90 000 fr. Dans la seule école étrangère du palmarès, l’Hotelschool de La
Haye (Pays-Bas), les étudiants non
européens doivent débourser plus de
50 000 fr. pour obtenir un diplôme.
Une formation au Belvoirpark de
Zürich (à la 10e place du classement)
revient quant à elle à environ
36 000 fr. DJ.N.

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