Jurisprudence sur le jeu
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Jurisprudence sur le jeu
M A R C H É S CHRONIQUE DES MARCHÉS ISABELLE CROIZARD Désinformation à l’anglo-saxonne 1,287 A N A LY S E S UN PRINCIPE DIRECTEUR DES OPA PRÉCISÉ Jurisprudence sur le jeu des surenchères L’euro en dollar, heure par heure La prise de contrôle de la Compagnie Européenne de Casinos par le Groupe Partouche a été tout d’abord contestée par l’AMF. ■ Le régulateur l’a cependant validée en autorisant la technique de « l’application » en période d’offres. ■ 1,283 1,279 14 novembre 2006 Source : Bloomberg ILLUSTRATION : CORBIS L’analyse du jour | 15 novembre La Tribune Les Anglo-Saxons cherchent-ils à faire payer à Dominique de Villepin son amour immodéré pour Napoléon ? Toujours est-il que l’on s’étrangle encore de voir à la une du grand quotidien des affaires de Londres, le « Financial Times », un titre qui lui fait porter le chapeau d’un décrochage de l’euro mardi en fin de journée. En déplacement à Toulouse, où le Premier ministre était venu prendre le pouls d’Airbus, il a déclaré que les difficultés de l’avionneur étaient aussi « L’EURO A « la conséquence d’un euro fort, qui DÉGRINGOLÉ pénalise notre inFACE AU DOLLAR dustrie face à la APRÈS LE PLAIDOYER c o n c u r r e n c e européenne ». À DE VILLEPIN », l’heure de son intervention, la SELON LE FT. monnaie unique venait d’engranger les dividendes de statistiques américaines décevantes. Contrairement à la désinformation que nous livre le quotidien britannique, très antieuropéen à ses heures, selon laquelle « l’euro a dégringolé face au dollar après le plaidoyer de Villepin en faveur d’une plus grande collaboration entre les autorités monétaires de la zone euro sur la gestion du taux de change de l’euro », le dit euro n’a pas frémi sur ces propos. Il s’est contenté de conserver les gains acquis quelques DEPUIS DÉBUT MAI, heures plus tôt. En LE COUPLE atteste le graphiq u e h e u r e p a r EURO-DOLLAR heure publié ci- FAIT PREUVE dessus. Graphique qui ne dit pas, D’UNE STABILITÉ puisqu’il s’agit À TOUTE ÉPREUVE. d’une très courte période, que depuis début mai, le couple euro-dollar fait preuve d’une stabilité à toute épreuve, la parité étant circonscrite dans une bande étroite qui va de 1,25 à 1,29. Ce dont personne ne se plaignait avant l’incursion dans l’arène économique de nos ténors présidentiables. Mais nos responsables politiques, de gauche comme de droite, qui ont invité l’euro et la Banque centrale européenne dans la campagne électorale depuis une semaine, feraient bien de se méfier. La « perfide Albion », qui s’est délibérément mise en marge de la zone euro, ne leur fera pas de cadeaux. 28 La Tribune L e 26 octobre, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a rendu une décision de principe à l’égard notamment du Groupe Partouche. Cette décision apporte des précisions essentielles sur la définition d’un principe directeur des offres publiques d’acquisition (OPA) : le libre jeu des offres et des surenchères. La Commission, en décidant en particulier de mettre hors de cause le Groupe Partouche, valide ainsi l’acquisition des titres de la Compagnie européenne de casinos (CEC) réalisée le 26 février 2002 sur le marché. Certains actionnaires de CEC avaient décidé, en période d’offres publique, de céder un bloc de titres, ce qui avait permis au Groupe Partouche, en acquérant le même jour un certain nombre d’obligations convertibles, de prendre le contrôle de la société et de clore la bataille boursière à son avantage contre son adversaire Accor Casinos. La direction des enquêtes de l’AMF avait mis en doute la régularité des modalités de cette acquisition puisque celle-ci avait été réalisée grâce à la technique de marché dite de « l’application », laquelle permet à un intermédiaire de marché d’exécuter simultanément au même cours deux ordres clients de sens opposés pour une même quantité de titres. Or, selon l’AMF, l’usage de l’application laissait supposer l’existence d’un accord entre le Groupe Partouche et les actionnaires cédants de CEC, qui n’aurait pas été communiqué au marché en violation de la réglementation. De plus, le recours à une telle technique aurait porté atteinte au libre jeu des offres et des surenchères en empêchant Accor Casinos de s’interposer sur le marché et d’acquérir les titres cédés, ce qui aurait fait perdre au marché, selon l’AMF, la chance d’une surenchère. Entrave. La Commission des sanctions a rejeté cette argumentation. Elle constate en premier lieu que la preuve d’un « accord entre les parties liant celles-ci de façon formelle » n’est pas établie. En toutes hypothèses, la Commission souligne qu’un tel accord – à supposer qu’il ait existé – n’aurait pas permis la prise du contrôle du capital de CEC que seule l’acquisition subséquente auprès des porteurs des obligations convertibles a rendu possible. Mais cette décision est importante en ce qu’elle précise les modalités d’application du principe de libre jeu des offres et des surenchères au sein d’une jurisprudence limitée sur ce sujet. Les rares précédents ont montré que ce principe se subdivise en deux principes sous-jacents : l’égalité entre les compétiteurs et la loyauté dans la compétition. L’égalité entre les compétiteurs a été définie par la jurisprudence comme un dispositif conférant à l’un des initiateurs un avantage déterminant par avance le succès de son offre publique empêchant a priori toute possibilité d’égalité dans la compétition. En l’espèce, il aurait donc été nécessaire de prouver en premier lieu l’existence d’un accord ayant faussé préalablement les règles de compétition, avant de pouvoir ensuite établir une éventuelle atteinte au principe d’égalité entre les compétiteurs. Or, faute d’apporter la preuve d’un tel accord préalable, la violation du principe d’égalité ne pouvait être retenue puisque le principal élément constitutif de ce principe faisait défaut. www.latribune.fr LA TECHNIQUE DITE DE « L’APPLICATION » PERMET À UN INTERMÉDIAIRE DE MARCHÉ D’EXÉCUTER SIMULTANÉMENT AU MÊME COURS DEUX ORDRES CLIENTS DE SENS OPPOSÉS POUR UNE MÊME QUANTITÉ DE TITRES. Quant au principe de loyauté dans la compétition, il s’entend comme une entrave au libre jeu des offres et des surenchères, par le recours à des manœuvres ou moyens détournés mis en œuvre dans des conditions illicites, occultes ou frauduleuses. Les trois critères de cette définition n’étaient pas non plus réunis en l’espèce. Non seulement l’acquisition des titres CEC par le Groupe Partouche était licite, puisqu’elle avait été réalisée sur le marché, conformément à la réglementation, mais le recours à une application en période d’offre était également autorisé par les textes. De même, aucun caractère occulte de l’acquisition n’était avéré puisque celle-ci avait été communiquée à l’autorité de marché de l’époque, qui avait publié un avis au marché. Enfin, aucune preuve d’une volonté frauduleuse n’était établie puisque les protagonistes s’étaient contentés d’appliquer une réglementation qui prévoit expressément l’hypothèse d’une acquisition en cours d’offre, ce qui s’est traduit par le déclenchement d’une surenchère automatique que le Groupe Partouche a dû proposer par rapport à son offre initiale. Constatant que les critères posés par la jurisprudence n’étaient pas remplis, la Commission a ainsi mis hors de cause le Groupe Partouche et indiqué que le libre jeu des offres et des surenchères « doit s’apprécier dans le cadre de la réglementation ». Cette formule signifie qu’il n’est pas permis de se contenter d’une analyse économique en constatant simplement que le marché a été privé de toute surenchère. Interprétation stricte des textes. Cette analyse fondée sur le seul esprit de la réglementation n’aurait été possible qu’au stade de la seule recevabilité, stade auquel le principe de libre jeu a d’ailleurs été principalement utilisé dans les précédents jurisprudentiels. Or, puisque ce principe était en l’espèce invoqué au stade d’une procédure de sanction, celle-ci était assimilable à une matière pénale et la Commission a dû adopter une interprétation stricte des textes. En tout état de cause, la Commission relève le caractère insignifiant du préjudice pour le marché. En conclusion, la décision Partouche, faisant droit à une interprétation stricte des textes, constate à juste titre qu’aucun élément constitutif d’une atteinte au libre jeu des offres et des surenchères n’était établi et reconnaît ainsi la licéité de la technique de l’application en période d’offre. Patrick Jaïs, avocat associé Fried Frank JEUDI 16 NOVEMBRE 2006