Revue belge de numismatique et de sigillographie

Transcription

Revue belge de numismatique et de sigillographie
.
REVUE BELGE
DE
NUMISMATIQUE
sons LES AUSPICES DE LA SOGlBTl ROYALE DE NUMISMATIOUE
MM.
LB V'« B. DE
JONGHE, le C'« Th. di LIMBURG-STIRUM bt A. db WITTE
1.90Î3
CINQUANTE-HUITIÈME ANNÉE
BRUXELLES,
J.
GOEMAERE, IMPRIMEUR DU
^ue de ta Limite,
igo2
21
ROI,
REVUE BELGE
DE
NUMISMATIQUE
QUELQUES MOTS
A PROPOS d'un
TBÉSOB DE MONNAIES BÛMAINES
DÉTERUÉ A
GIVES (BEN-AHIN) (PROVINCE DE LIÈGE)
Le
auquel sont consa-
petit trésor monétaire,
crées les quel-ques pages qui vont suivre, n'a ni
l'attrait
en
de l'actualité,
— sa découverte
à un certain
nombre d'années
effet,
remonte,
déjà,
—
numismatique
ni le mérite d'enrichir la science
d'une série de types nouveaux.
Mais
jour
est resté
il
(i) et
complètement
inédit jusqu'à ce
présente, au point de vue de l'étude des
invasions franques dans la province de Liège, un
intérêt suffisamment spécial
quelques mots
pour
qu'il
en soit
dit
ici.
*
*
C'est en plein bois de Gives (territoire de la
(i)
Nous avons
signalé cette trouvaille dans
archéologique
liégeois,
annoncé
note
au
(p. 12,
dit Bulletin.
1)
t.
la
XXIX, pp.
le
Bulletin de l'Institut
11-12, et
y
avons
même
présente notice, que nous destinions alors
commune
de Ben-Ahin) et à 3oo mètres environ
d'un groupe de
mains
tumulus belgo- ro-
qu'en juin i883 fut découvert, parmi
(i),
d'une urne en bronze de o'^.iS de hau-
les débris
teur, le
trois petits
dépôt en question.
Celui-ci a été enfoui à la faible profondeur de
composait de 264 pièces.
Grâce à l'intervention de M. Oscar de Soër de
Solières, à cette époque bourgmestre de Ben-Ahin,
o".25
et se
23g de ces monnaies purent être réunies; celles-ci
finirent par entrer, en 1837, après de longues négociations, dans le médailler de VInstitut archéologique liégeois, qui en possède actuellement encore
160, les pièces
été
en double, au nombre de 79, ayant
vendues depuis.
Le
reste de la trouvaille fut dispersé
(2).
*
*
*
Sur 247 monnaies connues (23g + 8), le trésor
de Gives en comprenait 162, de types différents,
appartenant aux règnes suivants
:
Septime Sévère
(193-211 deJ.-C.)
14 monnaies, dont 12 correspondent respective(1)
Ces tumulus ont été
juillet
189g.
Voyez sur
fouillés,
sous notre direction,
en juin-
cette exploration notre rapport inséré
dans
le
Bulletin précité, pp. 1-20.
(2)
Les
nombreuses investigations que
retrouver
la trace
suivant
12
:
nous avons
faites
pour
de ces ib pièces manquantes ont abouti au résultat
de ces monnaies furent achetées par M. Jules Raquet,
7
ment aux
177, 33o, 357, 4^9» 429, 471,
n°^ 5, 48,
4g3, 586, 5g2 et 694 de l'ouvrage de
Cohen
(i).
Les deux autres pièces présentent quelques
particularités
:
a. L
SEPT SEV AVG IMP XI PART
MAX. Sa tête laurée à droite.
Rev. COS
II
P P. Victoire marchant à
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
gauche, tenant une couronne
une palme.
et
Poids 28r.g2
monnaie ne
Cette
aucune de
rapporte exactement à
se
celles qu'a décrites
Cohen. La légende
de la face correspond, en tous points, à celle du
n° 100 de Cohen; dont le revers, par contre, rensei-
gne
troisième consulat.
le
Comme revers (COS
mais l'inscription de
rente
II
•
•
P
•
P.), c'est le n°
la face est
légèrement
96
;
diffé-
:
SEV
MAX.
•
PERT
•
AVG IMP
•
industriel à Ahin-lez-Huy, qui s'en dessaisit
3 autres furent
•
XI
•
PART
•
quelque temps après;
vendues à Liège par un ouvrier de Gives, aujourd'hui
décédé, 2 autres furent recueillies par un habitant de
la
localité et
remises ensuite par lui au juge d'instruction de Huy, au cours de
descente judiciaire
après la trouvaille
faite
;
les
la
sur les lieux par ce magistrat, quelques jours
8 dernières pièces, enfin (dont 5 doubles),
furent acquises par une autre personne de Gives, dont la famille
possède encore aujourd'hui les trois variétés.
(i)
Description
historique
des monnaies 'frappées sous V empire
romain, communément appelées monnaies impériales, par feu Henry
Cohen, continuée par Feuardent
;
2^6 édition, Paris, Rollin et Feuar-
dent, éditeurs, rue de Louvois, 4, 8 vol., 1880-1892.
8
L'exemplaire de Gives constitue donc une variété
nouvelle des
L
b.
VIII.
SEP
•
Sa tête
Rev.
loo
n°'
SEV
•
•
PERT
AVG
•
IMP
•
laurée à droite.
MONET AVG.
woci/ws,'
ou 96 de Cohen.
•
La Monnaie,
du
coiffée
debout à gauche, tenant une balance
et
une corne d'abondance.
Poids
:
26'',20.
monnaie est assez curieuse, car si elle peut
rapprochée du n° 332 de Cohen par renoncia-
Cette
être
tion de la huitième salutation impériale, elle en
diffère et
par l'inscription de la face et par
qui montre la Fortune coiffée du modius
Parmi
les
que décrit
la
légende de
SEPT);
(1).
nombreuses monnaies d'or et d'argent
Cohen, cet auteur n'en donne que
quelques-unes qui montrent, au
de
le revers,
la face, l'abréviation
cette abréviation est,
quente dans
le
commencement
même
corps
Julie
SEP
(pour
au contraire,
fré-
des légendes.
Domna)
(Julia
(femme de Septime Sévère).
Deux monnaies,
n"^
27 et I23 de Cohen.
Caracalla
(211-217 de J -C).
Neuf monnaies, parmi
(1)
Pour
les nos 333 et 334,
sur ces monnaies
la
Fortune
Cohen
'
lesquelles les n°^ 3i6,
fait
est coiffée
expressément remarquer que
du modius.
9
358,
347, ^49.
deux suivantes
IMP
a.
TR
•
C
•
paludament
M AVR
•
ANTON
•
les
•
AVG
;
P
jeune, lauré à droite, avec
•
le
et la cuirasse.
MONETA AVGG.
Rev.
et
:
•
Son buste
P.
Cohen
4^1 et 562 de
424»
La Monnaie debout
gauche, tenant une balance
à
une corne d'abon-
et
dance.
Poids
Monnaie
même
pour légende
(face)
IMP
:
•
•
TR
•
C'est,
P), c'est le n" ii3;
•
M
•
AVR
•
•
P.
•
•
•
CAE
•
Cohen ne donne qu'une
C M
notre légende (IMP
P
le
168 de cet auteur, qui a
le n"
ANT AVG P TR
'
3gr.25.
inconnue à Cohen, ayant
(variété)
revers que
:
monnaie avec
seule
AVR ANT AVG
•
•
•
au revers
:
IVSTITIA.
au surplus, laseule légendesemblable qu'on
retrouve dans son recueil, car les autres légendes
commençant par IMP
sont
•
:
IMP CAE M AVR ANT AVG P TR
•
•
P
•
IMP CAE
(n'''
•
•
•
•
i63, 600).
II (n"' 62, 162,
•
P
•
M AVR ANT AVG
•
TR
•
ANTONINVS PONT
•
•
•
•
P
•
82, i58, i59, 160, 599);
IMP
C
•
AVG (nIMP
•
M
•
94, 568);
CAE
•
AVR
•
AVR
•
•
ANTON -AVG
PIVS
•
(nMi4);
IMP
•
CAES
IMP
CAES
•
AVR
•
ANTON
•
AVG
406, 571, 6i5);
(n*'"63, ii5, 161,
•
M
•
•
M AVR ANTONINVS AVG
(n'"'4o5, 559, etc.).
•
•
.
10
Le
revers de la
monnaie de Gives
trahit
une
fabrique syrienne.
b..
M
•
AVR
ANTONINVS CAES.
•
de Caracalla jeune, à droite, avec
le
Buste nu
paludament
et la cuirasse.
Rev.
SECVRITAS PERPETVA.
Pallas cas-
quée debout à gauche, appuyée sur son bouclier,
tenant de la main gauche une haste renversée.
Variété du n" 562 de
Cohen qui
décrit Pallas,
tenant un sceptre.
Geta
(mort en 212 de J.-C).
3 monnaies, n*" i38, 167 et 188 de Cohen.
Elagabale
(218-222 de J.-C).
14
monnaies,
143, 189,
n°'
23, 38, 39, 46, 61, 70, 98, 9g,
2i3, 258, 293 et 299 de
Cohen.
JULIA PaULA
(femme d'Elagabale)
2
monnaies,
n°^
6 et 16 de Cohen.
Julia Aquilia Severa
(femme d'Elagabale).
I
monnaie,
no 2 de
Cohen (monnaie peu com-
mune).
Julia So^emias
(mère d'Elagabale).
I
monnaie, n<^i4 de Cohen.
.
II
Alexandre Sévère
(222 à 235 de J. C.|.
14 monnaies, n"^ 32, 70, 22g, 234, 24g, 255, 28g,
3o5, 3i2,
35i, 366,
564 de Cohen.
427, 543 et
L'avant-dernière de ces pièces est à fleur de coin.
Mamée
(Julia
Mamaea)
(mère d'Alexandre Sévère).
3
monnaies,
n°^ 35,
72 et 81 de Cohen.
Maximin
I
(235-238 de J.-C).
2
monnaies,
n""
7 et gg de Cohen
;
la
première de
ces deux pièces est à fleur de coin.
Gordien
Pieux)
III (le
(238-244 de J.-C
32 monnaies,
n"
)
25, 3g, 52, 58, 6g, 71, 86, g7,
g8, io5, 108, ii3, 120, i55, 160, i8g, 210, 237, 246,
25o, 253, 266, 276, 2g6, 2g7, 314, 3ig, 347, 348,
357, 383,
404 de Cohen.
Philippe
I
(244-249 de J.-C).
16 monnaies,
n"^ 8, 25,
5o, 58, 87, io3, i36, i65,
240 de Cohen
177, 188, 2o5, 2i5, 226, 23i, 239,
Otacilie (Otacilia Severa)
(femme de Philippe
3
monnaies,
n»" 4, 3g,
I).
63 de Cohen.
12
Philippe
II
(mort en 249 de J.-C).
6 monnaies,
n°' i3, 17, 32, 48, 61,
88 de Cohen.
Trajan Dèce
(249-25
3 monnaies, n<"
1
4, 81,
de J.-C).
86 de Cohen
Etruscilla
(femme de Trajan Dèce).
2 monnaies,
n***
17,
19 de Cohen.
Herennius Etruscus
(mort en 25i de J.-C.)
I
monnaie, n» 33 de Cohen.
HOSTILIEN
(mort en 25 1 de J.-C.)
I
monnaie, n" i5 de Cohen.
Trébonien Galle
(251-254 de J.-C.j.
3
monnaies, n°^4i, 68, 85 de Cohen.
VOLUSIEN
(25 1-254
•
de J.-C).
3 monnaies, n»» 8, 25, 70 de Cohen.
Emilien
(253-254 de J.-C).
I
monnaie,
n" 53 de
Cohen.
.
i3
Valérien
I
(254-263 de J.-C).
6 monnaies dont 5 correspondent aux nos 55^
71, 142, 196 et 221 de Cohen; la sixième est la
suivante
:
IMP VALERIANVS P F AVG. Son
•
•
•
buste
radié à droite, avec le paludament et la cuirasse.
Rev.
LIBERALITAS AVGG. La
Libéralité
debout de face, tenant une tessère et une corne
d'abondance.
Poids
:
Sg"^
o1
Variété nouvelle du n° 106 de Cohen, dont la
légende ne contient pas l'épithète de
Fi^elix),
après
P(ius).
Monnaie de frappe barbare.
Gallien
(260 268 de J.-C).
4 monnaies, n*" 3o8, 3io, 1048 et iSog de
Cohen
Salonine
(femme de
3 monnaies,
n*»*
Gallien).
78, ii5 et i3o de
Restitutions attribuées
2
monnaies
a.
Cohen.
à Gallien.
:
Trajan.
DIVO TRAIANO.
Tête radiée de Trajan à
droite.
Rev.
CONSECRATIO.
Autel allumé.
Poids
:
4e'.o5.
'4
Exemplaire à
n" 664 de
fleur de coin. Variété nouvelle
Cohen
(à
la suite
des monnaies de
Trajan), sur lequel la tête est laurée et
b,
Antonin
non
N" 1188 de Cohen
Pie.
du
radiée.
(à la suite
des monnaies d'Antonin Pie).
Salonin
[Publius Cornélius Licinius
Valerianus Saloninus)
(mort en aSg de J.-C).
2 monnaies, n*' 26 et 81 de
Cohen.
Valérien
II
(mort en 268 de J.-C).
2 monnaies, n"* 5 et 6 de Cohen.
POSTUME
(258-267 Je J.-C).
7 monnaies, n'"39, gi, loi, 19g, 243, 33i et 428
de Cohen ou 36, 76, 10 1, i63, 201, 268 et 340 de
de VVitte (i).
Les pièces du trésor de Gives
— l'inventaire
— ne pré-
qui précède le démontre suffisamment
sentent aucun intérêt bien spécial en elles-mêmes
quelques-unes
[deniers
Caracalla, Valérien
I
de
:
Septime Sévère, de
etGallien (restitution)] méri-
tent seules d'être signalées, parce qu'elles consti-
(1) J.
les
DE WiTTE, Recherches sur
Gaules au me
Louis Perrin.
siècle
in-4»,
de
les
empereurs qui ont régné dans
l'ère chrétienne.
202 pages, 49 planches.
Lyon, 1868, imprimerie
i5
des
tuent
nouvelles,
variétés
ou
plus
moins
curieuses, de types connus.
La
plus ancienne pièce du dépôt étant de Sep-
time Sévère (frappée en 194 de J.-C.) et la plus
Postume (mort en 264 de J.-C), ces
monnaies comprennent donc une période d'envirécente de
ron soixante-quinze années.
Cette série n'est toutefois pas complète et pré-
sente d'assez nombreuses lacunes,
aucune pièce de Plautille (femme de
contient
Caracalla),
ménien
(fils
Macrin (217-219 de J.-C), Diadude Macrin), Annia Faustina (femme
d'Elagabale),
Mœsa
Julia
d'Elagabale),
(aïeule
(femme d'Alexandre Sévère), Pauline
Orbiana
(femme de Maximin?), Maxime
Gordien
car elle ne
I
(fils
(238 de J.-C), Gordien
de
Maximin\
II (238
de
C),
J.
Balbin (238 de J.-C), Pupien (238 de J.-C), Tranquilline (femme de Gordien III), Jotapien (249 de
J.-C), Pacatien (249 de J.-C), Cornelia Supera
(femme d'Emilien), Mariniana (femme de Valérien
I),
Macrien
II,
Quietus
(frère
du précédent),
Régalien (261-263 de J.-C), Druantilla (femme de
Régalien\ ni des Tetricus (i).
La
(1)
date de l'enfouissement de ce trésor peut
Dans
cette
énumération
ne
figurent pas
Uranius
empereur usurpateur sous Alexandre Sévère), dont
deux ou
Philippe
trois
I)
monnaies romaines en
or,
Marin
il
Antonin
n'existe
que
(autre usurpateur sous
dont on ne connaît aucune médaille de coin romain et
Spensien (tyran inconnu dans
l'histoire),
demi-douzaine de monnaies en
qui n'est révélé que par une
or, d'une authenticité douteuse.
passons également sous silence les
Nous
noms de Cyriades (mort en aSg de
i6
exactement déterminée par
être assez
naies de
C'est
Postume
pendant
Gallien
et,
les dernières
le
années du règne de
plus positivement, avant l'année 267,
puisqu'il ne contient
que
mon-
les
qui sont les plus récentes.
aucune pièce des Tetricus,
dépôt de Gives a été confié à la
terre.
Quant aux événements qui ont amené
le
seur de ces monnaies à cacher celles-ci,
suffisamment connus
:
possesils
sont
coïncident avec les
ils
grandes invasions germaniques en Gaule
et cor-
respondent, dans ce cas particulier, avec cette
série de troubles qui ont caractérisé
troisième quart du
iii«
fut,
en
effet,
réellement
L'apathie honteuse
néfaste pour nos contrées.
fit
le
siècle.
Le règne de Gallien
dont ce prince
chez nous
preuve dans
les
moments
les
plus critiques, suscita, dans les provinces, une
révolte générale, qui se traduisit d'abord par des
soulèvements en masse, ensuite par l'apparition
de plusieurs usurpateurs qui, régnant simultané-
ment
et se
combattant
J.-C), Ingenuus {260 de J.-C
Valens (260 de J.-C
),
),
Saturnin (263 ou 264 de J.-C),
[ilus
fausses.
Cohen qui
etc..
).
les autres, portè-
et les
Macrien
Balisie (260 de
TrébcUien (264 de J.-C
Domitien,
ment
uns
comble l'anarchie
rent au
sont de la
les
J
I,
désordres qui
Pison (260 de J.-C),
-C), Emilien (263 de J.-C),
Celse (264 ou
dont
les
265 de J.-C),
médailles citées, ou bien
grande rareté, ou, plus souvent encore, sont absolu-
Nous renvoyons, pour
le surplus,
au savant ouvrage de
a su faire justice de ces prétendues « raretés » de certains
cabinets numismatiques, du genre du fameux cabinet Munter qui avait
la spécialité
de ce qui
n'existait
pas ailleurs
!
'7
ensanglantèrent à cette époque l'empire romain.
*
*
*
L'étude
raisonnée
et analytique
des
trésors
monétaires a permis, on
le sait,
maintes circonstances,
les
lacunes de l'histoire et
de suppléer à
des textes anciens.
la disette
de combler, en
Sous ce rapport, la coordination des cachettes
de monnaies romaines a donné lieu, pour nos
contrées, à des constatations du plus haut intérêt
et a contribué à
déterminer assez exactement la
nature et l'importance de ces innombrables invasions barbares qui se sont produites dans les
Gaules, pendant presque toute la durée de l'empire romain.
Les nombreux dépôts de ce genre que l'on
exhuma successivement dans la province de
Namur,
éveillé
y a plus de vingt ans déjà,
l'attention de M. le chanoine Cajot, qui
avaient,
il
publia en 1877, dans
archéologique de
les
Namur, un
ces diverses trouvailles
Annales de la Société
travail
d'ensemble sur
(i).
Groupant chronologiquement tous ces
le
patient
ment
numismate parvint à
l'histoire
rétablir partielle-
des invasions franques dans la
province de Namur, en
même temps
miner approximativement
d'invasion
trésors,
qu'à déter-
les différents
courants
auxquels se rapportait chacune de
ces cachettes monétaires.
(1]
dans
Les trésors de monnaies romaines de
les
Ann, de
la Soc. archéol. de
Namur,
lu
t.
province de
Namur,
XIV, pp. gS-ioS
i8
Tout récemment, un savant français a entrepris, sur la même matière, un travail de beaucoup
plus considérable et qui,
bien
incomplet, restera classique
(i).
que fatalement
Ce que le chanoine Cajot avait fait pour une
seule de nos provinces belotes, M. Adrien Blanchet l'a fait pour la Gaule entière (2) il a publié
un recueil de 880 trouvailles (en comptant les
numéros bis) et condensé, dans l'Introduction de
son ouvrage (liv. I", chap. I"), les données les
:
plus complètes qui aient paru jusqu'à ce jour, sur
les
invasions germaniques en Gaule.
Dans
cet important recueil, fruit de longues et
multiples recherches, la Belgique est représentée
par 79 dépôts, dont 3 ou plutôt 4 se rapportent à
la province de Liège.
*
*
Pour
la
travail de
*
province de Liège, en particulier,
M. Blanchet
est resté
incomplet
et
le
nous
saisissons volontiers l'occasion qui se présente
ici,
il
pour parfaire
cette partie
de l'ouvrage dont
s'agit.
Le nombre de
trésors de
monnaies romaines
connu, pour cette province, est aujourd'hui de
savoir
I"
(i)
9,
:
Le
trésor de Jupille,
composé de près de
Les trésors de monnaies romaines
et les invasions
germaniques
en Gaule. Paris, Ernest Leroux, 1900; in-80, 332 pages.
(2) C'est-à-dire
donc pour
la
France, les Pays-Bas, la Belgique,
Grand-Duché de Luxembourg, l'Allemagne
et la Suisse.
le
19
3,5oo pièces d'argent, dont la plus ancienne est
de Néron et la plus récente de Philippe
363 pièces inventoriées par M.
détaillées par M. Blanchet
et
le
(2),
Néron,
4 Titus,
I
Othon,
i
D' Simonis
Vitellius, 6
i
Domitien, 2 Nerva,
14
Aux
(i)
nous en ajoute-
rons environ 800 autres, ainsi réparties
I
I.
:
Vespasien,
Trajan,2i Adrien,
35 Antonin Pie, 16 Faustine mère, 17 Faustine
jeune, 41
14
Marc Aurèle, 8 Lucius Vérus,
Commode,
2 Crispine,
i
68 Septime Sévère, 34 Julia
8 Moesa, 19 Mainée, iio
5 Lucille,
Pertinax,
i
Albin,
Domna, 28 Geta,
Caracalla,- 5 Flautille,
9 Macrin, 2 Diaduménien, 63 Elagabale, 3 Julia
Paula, 5
1
Julia
Sœmias, 69 Alexandre Sévère,
Orbiana, 28 Maximin
3 Maxime,
10 Pupien, 8
2 Otacilie, etc.
2°
Le
I,
2 Pauline, 56 Gordien,
Balbin,
21
Philippe,
;
trésor de Tilff,
provenant du
ron 3oo pièces de Gordien
III,
lieu dit
formé d'envi-
Cortil (trouvaille de février i8g3) et
Philippe père,
Trajan Dèce, Hostilien, Trébonien Galle, Valé-
Postume (3);
S" Le trésor de Modave, déterré dans le courant
de l'an X (1802) et comprenant approximativement 1,200 monnaies en petit bronze et en billon
rien, Gallien,
Salonin
et
d'Alexandre Sévère à Gallien
(4)
;
m
(i)
Revue belge de Numismatique,
(2)
Op.
(3j
Revue belge de Nmnismatique,
1893, p. 246; 1894, p. 128.
{4)
Revue belge de Numismatique,
1870, p. 411.
cit., p.
1896, pp.
et 128.
271, no 713.
20
Le trésor d'Avennes (environs), composé de
coloniales (Domitien- Maximien
monnaies
87
Hercule), toutes, à une exception près, frappées à
Alexandrie (Egypte), et de 83 monnaies romaines,
4°
en majeure partie de Claude
Le
5"
II (i);
trésor de Juslenville
bronze de Magnence
et
:
60 monnaies en
de Décence
(2);
Le trésor de Petit-Rechain, constitué par
54 monnaies d'argent de Pupien à Gallien (3)
7° Le trésor de Gives, objet de cette note
6"
;
;
Le minuscule trésor de Wasseiges, composé
seulement de six pièces en bronze, en fort mau8°
vais état de conservation, dont quatre sont des
monnaies italo-grecques
à Marc Aurèle
Le
g-
(4)
trésor
une autre appartient
et
;
de Vervoz (Clavier)
98 pièces,
:
presque toutes en petit bronze, ainsi réparties
Auguste (M.
I
mode
I
B.),
1
(G. B.), 3 Claude
Licinius,
Hadrien (M.
2 Hélène,
II,
3 Constantin
jeune, 3 Constant
lens, 5 Gratien,
i
I,
B
i
),
:
Com-
i
Théodora,
2 Constantin
II
le
Magnence (M. B. 4VaThéodose (M. B. 2 Arcadius,
I,
i
),
',
plus 67 autres pièces (dont une en billon) frustes
(i)
Revue belge de Num.^
(2)
Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique,
5' série,
t.
VI, pp. 186-195.
t.
XXXVIII
(18S2), p. 261; Bulletin de V Institut archéologique liégeois,
pp. 164
(3)
Bulletin de la Société verviétoise
p. 283
(4)
t.
IX.
et 400..
(Chronique de la Société, par
Annales de
d' archéologie et d'histoire,
t.
I,
J. Feller).
la Société archéologique de
Namur,
t.
XIV,
p. 223.
21
OU inclassables, toutes du IV'
Constantins)
siècle
(époque des
(i).
*
*
•
Complétons également, au moyen de quelques
récentes ou restées inconnues à
M. Blanchet, les annotations de cet auteur sur
découvertes
nos autres provinces belges.
Hainaut.
Aux 20
pour
rés
de
la
trésors (24 avec les
Hainaut,
le
il
numéros
bis)
énumé-
convient d'ajouter celui
Barbençon, indûment classé parmi ceux de
province de Namur (2 j.
Brabant.
Rien à signaler.
Flandre occidentale.
En
tion,
plus des 12 dépôts que cite l'auteur en ques-
signalons celui de
comprenant 86
Wercken lez-Dixmude,
Postume I; des
pièces, dont 64 de
22 autres pièces, 8 appartiennent à Trajan (G. B.),
I
à Lucille (G. B.), 8 à
(1)
Médailler de
travaux du
tion.)
(2)
même
l'Institut
Institut
Commode
archéologique liégeois.
est situé
dans
dissement administratif, Thuin
canton, Beaumont.
i
à
— Rapport sur les
pendant l'année 1900. (En cours de publica-
— Renseignements particuliers de M
Barbençon
(G. B.j,
;
le
Hainaut
M. De Puydt.
:
chef-lieu,
Mons; arron-
arrondissement judiciaire, Charleroi
;
22
Crispine (G. B.\
(billon) et i
i
à Gallien (P. B.), 2 à Salonine
à Salonine (P. B.)
Flandre
(i).
orientale.
Les annotations pour
province paraissent
cette
complètes.
Province d'Anvers.
M. Blanchet
Bornhem
On
et
cite les 3
Bornhem
dépôts de
Hingene^, de Hingene
peut y ajouter
la trouvaille
et
(entre
de Nijlen.
Wommelghem,
de
composée de quelques monnaies de Philippe
Gallien
I
à
(2).
Province de Limbourg.
Il
faut éliminer d'une part le no 666 de Blanchet
— pour
le
rattacher aux Pays-Bas
d'autre part les 3 trésors suivants
A Coninxheim
a)
(3)
— et ajouter
:
lez-Tongres, en 1892, dépôt
composé d'environ 3oo
petits
bronzes, aujour-
d'hui dispersés, dont 5y, dans notre
particulière, appartiennent à
collection
Postume, Gallien
et
Tetricus.
(1)
Annales de
la
Société d'archéologie
de Bruxelles,
t.
XIII,
pp. 210-218.
(2)
Heylen, Dissertatio de antiquis
Romanoium monumentis
Austriaco Belgio superstitibus aliisque non
non de
iis
quae apud Tungros
et
(3)
Bruxelles,
t.
IV
Hcerlen est situé dans
pridem
et
in
nec
les
royale des sciences et belles-
(lySS), p. 418.
le
abolitis,
Bavacenses reperta fuerunt dans
Mémoires de l'Académie impériale
lettres de
ita
Limbourg hollandais.
23
b)
Dans
même
la
de décombres
^
en 1894, sous un tas
localité,
tessons de vases, de tuiles,
etc.),
cachette de plusieurs centaines de petits bronzes
du IV'
en majeure partie de l'époque des
siècle,
Constantins, mais dont quelques-uns descendent
jusqu'à Arcadius
c)
A
(i \
Eben-Emael, près de
la
route romaine de
Maestricht à Visé, Arlon, etc., trésor de iby pièces
en billon (i3o variétés) appartenant aux règnes
suivants
:
Philippe
Dèce,
Gordien
I,
Gordien
1,
II,
Gordien
Otacilia Severa, Philippe
Etruscilla,
fils,
Postume
et
Trajan
Herennius Etruscus, Trébo-
nien Galle, Volusien, Emilien, Valérien
niana, Valérien
III,
fils,
I,
Mari-
Gallien, Salonine, Salonin
(2).
Province de Luxembourg.
On
doit compléter la série de M. Blanchet par le
trésor du
Tiresberg (près d'Arlon) composé de
3,25o petits bronzes de Valérien à Aurélien et que
cet auteur classe
erronément parmi
Grand-Duché de Luxembourg
les
dépôts du
(3).
Province de Namur.
Des 20 trésors renseignés,
Dans notre collection
(1)
que
particulière.
il
convient de retran-
— Ces
monnaies sont pres-
toutes frustes et d'une frappe grossière.
(2)
Collection Huybrigts à Tongres et Bulletin de la Société scien-
tifique et littéraire
(3)
du Limbourg,
Blanchet, op.
cit., p.
t.
XVII, pp. 98-100.
276, n» 733.
24
cher les n" 7o3 (Modave) et 704 (Barbençon) que
nous avons reclassés (voir supra] respectivement
parmi ceux de
la
province de Liège
par contre, on ajoutera
En
le
suivant
:
monmoyens bronzes
1900, à Marchovelette, dépôt de 868
naies, dont une en argent, 52i
et
du Hainaut;
et
346 petits bronzes, en grande partie saucés,
répartis
comme suit
Valérienpère
,1
:
Volusien
,
(i
P. B), Tacite (27 P. B.), Probus
(5
(93 P. B.
pièce en argent),
P. B. S Claude II
P. B.), Aurélien (25 P. B.},
P.B.\ Gallien
(5 P. B.), Quintillus (i
Severina
(i
Carus
Magnia Urbica
(8
P
B.),
Carinus 12 P.
B
),
Numérien (10 P. B.),
Dioclétien(ii7M. B., 67 P. B.\ Maximien Hercule
(i3i M.B., 75 P. B.), Constance Chlore (i5o M. B.,
7 P. B.}, Galérien Maxime (i23 M. B., 7 P. B.) (i,.
(i
P. B.),
*
*
*
Pour ne pas passer sous
silence
ressant qu'on a mis au jour
ans
et
qui reste inédit,
cette addition
sous
la
un
trésor inté-
y a environ deux
nous nous permettrons
il
rubrique
:
Allemagne (province Rhénane).
Aux environs de
Dùsseldorf, trésor
composé de
monnaies d'or à fleur de coin d'Auguste
(Cohen, n" 39 (i exemplaire) et 42 (6 exem-
7
plaires) (2'.
*
(1)
Annales
de la
*
Société archéologique de
Namur,
t.
XXIV,
pp. 197-199.
(2)
Ces belles monnaies font actuellement partie des remarquables
35
Les renseignements tirés de l'examen des trésors
monétaires recueillis dans la province de Liège
sont particulièrement intéressants.
Le
petit trésor de
Wasseige, trop peu important
pour donner matière à des déductions certaines,
ne peut fournir qu'une simple indication il est
:
possible qu'il se rapporte à l'invasion des Chau-
ques (162-174 de J.-C), auxquels on a attribué, on
le sait, la ruine de toutes les villas de la Hesbaye.
Sous ce rapport,
serait là le seul
il
importe de constater que ce
dépôt connu qui pourrait être mis
auxquels on
en rapport avec ces événements,
paraît,
dès lors,
avoir attaché une importance
trop considérable.
Par contre,
du
total)
5 autres trésors (plus de la moitié
datent de cette période troublée comprise
entre les années 235 et 268 après J.-C
pond
,
qui corres-
à toute une série d'invasions.
Ces invasions, nous l'avons déjà
dit,
des Francs ou des Germains, qui ont
sont celles
commencé
momen-
sous Alexandre Sévère pour ne s'arrêter
tanément que sous Probus. Cette ère d'environ
33 années
est,
pour
la
province de Liège, celle qui
est caractérisée par le plus
grand nombre de dé-
pôts et qui, par conséquent, a été pour nos contrées la plus féconde
collections d'antiquités
en événements malheureux.
belgoromaines
et
franques que M.
et
M"" Al-
phonse Huygen- Devis ont rassemblées en leur propriété de Hoesseit,
près Bilsen.
26
Les
trois derniers trésors n'ont pas entre
une corrélation bien
d'Avennes, dont
les
Le premier,
directe.
monnaies
eux
celui
les plus récentes
appartiennent à Maximien Hercule, est sans doute
en rapport avec ces mouvements des Barbares
campagne de Maximien sur
le Rhin en Tan 296 de notre ère. Quant aux deux
autres, celui de Juslen ville (monnaies de Magnence
et de Décence) et celui de Vervoz (date extrême
qui occasionnèrent la
:
règne d'Arcadius),
ne rappellent, pour nos
ils
contrées tout au moins, aucun événement précis.
Pour peu que
l'on
examine
la situation
géogra-
phique des différentes localités qui ont révélé ces
trésors monétaires,
on sera surpris de constater
sur quelle vaste étendue se sont produites, dans
la
province de Liège, ces invasions germaniques.
On remarquera que
dans
le
sud de
la
c'est plus particulièrement
province
et,
plus positivement
encore, sur la rive droite de la Meuse [cachettes
de Jupille, de Petit-Rechain, de
(Clavier), de
Modave
et
Tilff,
de Vervoz
de Gives (Ben-Ahin)] que
s'exercèrent les déprédations des Barbares.
Et ces dévastations, loin de dater d'une même
époque, s'échelonnent, au contraire, sur une période de près de deux siècles
:
depuis Philippe
I
jusqu'à Arcadius!
Devant ces hordes, avides de pillage, qui accouquasi périodiquement en masses nombreuses des bords du Rhin, les populations belgoromaines de nos contrées ne pouvaient plus vivre
raient
27
dans
des
calme
le
et l'aisance.
mieux on peut constater com-
iv« et v^ siècles,
bien les
Plus on se rapproche
dépôts deviennent insignifiants
nombre
d'égaler en
et
:
au lieu
en richesse les cachettes de
ou de Gives, les derniers trésors ne se
composent plus que d'une poignée de mauvaises
Jupille
pièces de petit bronze,
mal
frappées...; plus de
dépôts de plusieurs centaines de monnaies, mais
simplement quelques informes rondelles de bronze
ayant servi de numéraire... Ce ne sont plus des
riches colons qui confient à la terre leur fortune,
mais bien de misérables campagnards qui, pour
ne pas le laisser entre les mains des envahisseurs,
enfouissent précipitamment leur maigre pécule....
Cela est surtout caractéristique pour
droz
:
cette partie,
le
Con-
plus que toute autre de la
province de Liège, a eu à souffrir cruellement des
invasions des peuplades germaniques.
Autrefois couverte de spacieuses et confortables
villas, elle
la fin
du
qu'un amas de substructions détruites
V* siècle,
par
ne devait plus présenter, vers
le feu.
A
l'égal des villas, les
tombeaux
et les
sépultures des grandes familles ne purent échapper
au désastre
:
tel le
riche
monument
funéraire de
Vervoz que des mains impies déchiquetèrent
et
détruisirent de fond en comble, dans l'espoir, sans
doute, de
retrouver
dans son caveau
luxueux mobilier sépulcral
quelque
(i).
Telles sont, brièvement exposées, les déductions
(i)
C'est
à quelques mètres de l'emplacement supposé de cet édi-
.
28
qu'autorise l'étude des cachettes monétaires du
pays de Liège.
nous avons hâte de l'ajouter, n'est
encore que superficielle; on ne la complétera
utilement que le jour où l'on pourra mieux se renCette étude,
dre compte des nombreuses découvertes de trésors
de monnaies romaines qu'on signale régulière-
ment dans nos campagnes.
Plus d'une fois, nous avons eu l'occasion
d'être
mis sur les traces de trouvailles de ce genre; trop
souvent, malheureusement, les investigations des
archéologues ont échoué devant l'ignorance des
manque de sollicide certaines administrations communales peu
inventeurs de ces dépôts ou le
tude
désireuses d'apporter leur part de contribution à
l'étude de notre histoire nationale primitive
!
L. Renard.
Liège, 14 mai 1901.
cule
qu'a été déterré ce trésor de
Vervoz, dont
il
a été question
supra
Quant au monument lui-même,
libéralité
de
la famille
Musée archéologique de Liège, où
étude approfondie visant à
M. Franz Cumont
gique
fût
liégeois,
t.
ses intéressants débris, grâce à la
de Tornaco, sont aujourd'hui conservés au
ils
sont en ce
moment
la reconstitution intégrale
a consacré
XXIX, pp.
dans
ôS-yS,
le Bulletin
d'une
de Tlmtitut archéolo-
une savante notice au remarquable
de colonne sculpté (Attis funéraire) provenant du
Vervoz.
l'objet
de l'édicule.
monument de