LES METHODES DE CONTROLE DE LA CUISSON DES SOJAS

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LES METHODES DE CONTROLE DE LA CUISSON DES SOJAS
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LES METHODES DE CONTROLE DE LA CUISSON
DES SOJAS
Les facteurs anti-nutritionnels du soja
La graine de soja constitue une matière première de choix pour l’alimentation animale mais également pour
l’alimentation humaine. Elle présente un certain nombre d’avantages (teneur élevée en protéines, en lysine)
mais aussi des inconvénients : taux élevé en potassium, présence de facteurs anti-nutritionnels principaux :
αgalactosides, allergènes, hémagglutinines ou lectines, facteurs anti-trypsiques ou AT). A l’état cru, le soja est
très mal toléré. La cuisson permet d’inactiver en grande partie les lectines et les AT et de le rendre mieux
utilisable. Sous l’effet de la température, les lectines sont touchées avant les AT. On s’est intéressé à ces
derniers car ils sont les plus facilement quantifiables. Leur dosage permet d’évaluer l’effet du traitement
technologique sur la qualité du produit, notamment en relation avec sa digestibilité et les performances
zootechniques.
Les facteurs antitrypsiques
Définition :
On les trouve dans les graines de Légumineuses : soja, pois, féverole. Ce sont des composés protéiques qui ont
une activité anti-enzyme ciblée sur le pancréas exocrine : trypsine et chymotrypsine. Ils se lient à un résidu AA
de l’enzyme et bloque le site Actif, ce qui perturbe la formation du complexe enzyme-substrat et ainsi la
digestion des protéines. Leur présence est liée à la protection de la graine vis à vis des insectes ravageurs.
Caractérisation :
Ils ont été étudiés il y a de nombreuses années par Kunitz (1947) qui a mis en évidence une partie d’entre eux.
Plus récemment, Birk a caractérisé une autre fraction (1985). On distingue l’inhibiteur de Kunitz (KTI) et
l’inhibiteur de Bowman-Birk (BBI) .
Le KTI inhibe la trypsine et à un degré moindre la chymotrypsine (1.4 et 0.1 mole /mole). Le BBI inhibe les 2
enzymes à raison de 2 moles/mole (étude de WEDER et KIND,1998), avec des enzymes humaines et bovines.
Dans le soja cru, on trouve le KTI et en moins grande quantité le BBI (revue de BLUM et SALICHON, 1994). Le
BBI serait inactivé plus rapidement que le KTI lors du traitement technologique (MELCION et VAN DER POEL,
1993).
Effet des facteurs anti-trypsiques :
Ils posent davantage de problèmes que les lectines, d’autant plus que celles-ci seraient en quasi totalité
détruites par la chaleur. DOUGLAS et al. (1999) obtiennent de meilleures performances de croissance avec un
soja cru Kunitz free comparé à un soja cru lectin free.
Le mode d’action des AT et leurs effets nutritionnels ont été abondamment étudiés. Citons par exemple les
articles de synthèse de l’ouvrage publié par l’Université de WAGENINGEN 1993.
Les principaux effets sont les suivants :
Hypertrophie et hyperplasie du pancréas : on observe une hypersecrétion d’hormone cholecystokininepancréozymine destinée à induire une production accrue de trypsine et chymotrypsine. L’augmentation de la
production globale d’enzyme se traduit par un accroissement de la taille du pancréas. Ce phénomène a été
montré dans plusieurs espèces : rat, porc, poulet.
Augmentation des pertes endogènes, notamment azotées elle est liée à l’augmentation des sécrétions
enzymatiques , celles–ci étant riches en AA soufrés ;
diminution de la digestibilité des protéines et des AA. ;
baisse du GMQ et accroissement de l’IC.
Les AT seraient responsables de 40 % de la chute de croissance causée par le soja cru (KAKADE et al, 1973
cité par LEESON et ATTEH ,1996).
Sur le plan pratique, on dose les AT totaux à partir d’une réaction de l’échantillon avec une solution de
trypsine : méthode de KAKADE (1974). Elle a été publiée et enregistrée sous la référence A.O.C.S. Ba 12-75 et
est utilisée par LAREAL. La méthode KAKADE a été modifiée par VALDEBOUZE et al., 1980 et VAN OORT et al.,
1993 (méthode simplifiée et ‘miniaturisée’ , et développée par le TNO).
L’unité de mesure est le plus souvent le mg de trypsine inhibée par g d’échantillon. VALDEBOUZE et al., ainsi
que LAREAL, expriment les AT en unité de trypsine par mg d’échantillon. Le passage de l’un à l’autre se fait de
la façon suivante :
mg trypsine / g = UI trypsine / mg * 1.2
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Les traitements technologiques du soja
On distingue 2 principaux types de traitement du soja : cuisson simple ou toastage (tourteau pression et
graine) et extrusion (graine) :
Toastage :
Traitement thermique (110-130°C) par chauffage direct et injection de vapeur d’eau pendant un temps assez
long (jusqu’à 30 mn).
Extrusion :
Traitement mécanique (compression et cisaillement) et thermique (130 à 150°C) pendant un temps très court
(< 30 sec.) obtenu par entraînement de la matière première par une (ou plusieurs vis) vers une filière. La
chaleur peut être obtenue par friction et par chauffage du fourreau (‘canon’ de l’extrudeur). De l’eau peut être
ajoutée au produit à extruder. Ce traitement ,s’il est bien conduit, est supérieur au toastage : meilleure
digestibilité, notamment de l’huile (LESSIRE et al, 1988).
Les principaux paramètres technologiques influençant la qualité du produit sont : la température, le taux
d’humidité, la durée et la taille des particules (MELCION et VAN DER POEL, 1993).
Effets du traitement technologique
Le traitement par les effets conjugués de la température, de l’humidité et de la contrainte mécanique, doit
conduire à une optimisation de la valeur nutritionnelle du soja (CUD lipides, EM, CUD AA) ayant pour effet
d’améliorer les performances (LESSIRE et al, 1988).
Celle-ci est liée à la baisse importante des FAN (antitrypsiques), voire leur disparition (cas des lectines), mais
aussi à une meilleure accessibilité aux nutriments (huile notamment) et une transformation de certaines
protéines (destruction de la structure tertiaire par la température et la présence d’eau, insolubilisation).
Le traitement peut se révéler insuffisant (niveau de FAN trop élevé : AT mais aussi lectines) ou au contraire
excessif s’il conduit à la formation de complexes avec certains acides aminés (dont la lysine : réaction de
Maillard).
Tests indicateurs de la cuisson
Il est nécessaire de disposer de tests permettant de juger de la qualité de la cuisson : optimale, sur-cuisson ou
sous-cuisson.
Le test a priori le plus simple consiste à doser les AT dans le produit fini.
Durant le traitement se produit une baisse du taux des AT mais aussi d’autres enzymes comme l’uréase qui a
été utilisé comme un autre indicateur de l’intensité de la cuisson.
D’autres tests sont basés sur la modification de la structure des protéines : solubilité dans la potasse, solubilité
dans l’eau (PDI : protein dispersible index), protéines agglomérées (aggregate protein).
Tous ces tests sont plus ou moins corrélés entre eux mais peuvent être reliés également à la digestibilité (in
vivo et in vitro) et aux performances zootechniques.
Niveau d’antitrypsiques :
A l’état cru, le soja contient 20 à 25 mg d’AT/g (ARABA et DALE, 1990 a et b; MARSMAN et al., 1993 ; QIN
et al., 1996). Des valeurs supérieures sont quelquefois mentionnées : 50 à 60 (LESSIRE et al., 1988 ;
LEESON et ATTEH, 1996). Quelquefois , les AT sont exprimés en microg/mg de protéine (55 soit environ 25
mg/g MS : MAC NAUGHTON et REECE, 1980) ou en unités de trypsine/g (39000 : KRATZER et al., 1990).
La génétique a permis de produire des sojas à bas niveau de FAN (alpha–galactosides, lectines, AT).
Comparé à un soja conventionnel, le soja Kunitz free contient 2 fois moins d’AT (ANDERSON-HAFERMANN et
al., 1992 ; HERKELMAN et al., 1993).
Selon le type de traitement (couple température-durée ), le niveau d’AT baisse plus ou moins. A
température constante, la baisse est de type curvilinéaire :
A 102°C AT = 16.91 – 4.15* Ln durée
r =0.93 (QIN et al., 1996)
Le soja toasté contient environ 15 % de l’activité antitrypsique du soja cru. Selon HUISMAN (1991) cité par
BLUM et SALICHON (1994), il faut rechercher un niveau de l’ordre de 5 mg/g de protéine soit 2 à 2.5 mg /g
MS.
Les niveaux optimum en terme de gain de poids, obtenus par MAC NAUGHTON et REECE (1980 : 2.5),
ARABA et DALE (1990 a et b : 2 à 3), MARSMAN et al. (1993 : 2 à 4), HERKELMAN et al. (1993 : 2 ), sont
du même ordre de grandeur.
Un niveau inférieur à 2, voire 1, peut être considéré comme un signe de surcuisson (baisse de GMQ).
Activité uréasique :
L’activité uréasique diminue en parallèle avec les AT : sous l’effet du traitement, l’uréase diminue jusqu’à
zéro alors qu’il reste encore des AT. Elle constitue depuis longtemps un indicateur de la cuisson des sojas.
Cela consiste à mesurer la quantité de NH3 libéré par l’action de l’uréase résiduelle sur un certaine quantité
d’urée ajoutée : elle s’exprime le plus souvent en variation d’unité PH ou en mg d’N /g/mn (LAREAL).
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Les valeurs mesurées couramment vont de 2 U. PH pour un soja cru à 0.1 et moins pour un soja
suffisamment cuit (MAC NAUGHTON et REECE, 1980 ; ARABA et DALE, 1990 a et b ; KRATZER et al., 1990 ;
ANDERSON-HAFERMANN et al.,1992 ; HERKELMAN et al., 1993 ; MARSMAN et al., 1993 ; ZHANG et
PARSONS, 1993 ; QIN et al., 1996).
Elle constitue un test de cuisson ? mais absolument pas un test de sur-cuisson. Une valeur nulle signifie que
le soja est cuit mais qu’il pourrait être surcuit.
Un autre test complémentaire est nécessaire.
Test de Frölich :
Il mesure le taux d’absorption d’un colorant le rouge de crésol , par le soja (produit délipidé), en particulier
les protéines insolubles (DELORT-LAVAL et KASCHTGES, 1955). Il est exprimé en mg de colorant/g de
tourteau brut. Les valeurs seuil pourraient être les suivantes :
Résultats
Qualité de cuisson
inf. à 5
sous-cuit
5 à 6.5
correctement cuit
sup. à 6.5
surcuit
Compte tenu de la relativement faible plage de variation et de l’intervalle de confiance de
méthode ne semble pas suffisamment précise pour indiquer à coup sûr une sur-cuisson.
0.7, cette
Solubilité dans KOH :
La solubilité dans une solution de potasse à 0.2 % constitue un test permettant d’indiquer une sur-cuisson
du soja (ARABA et DALE, 1990 a et b ; KRATZER et al., 1990 ; ANDERSON-HAFERMANN et al. , 1992 ;
MARSMAN et al., 1993).
Pour ARABA et DALE (1990 a), c’est également un test de sous-cuisson.
Les normes données par ces auteurs sont les suivantes :
Résultats
Qualité de cuisson
90 à 99
soja cru
sup. 85
soja insuffisamment cuit
75 à 85
Soja correctement cuit
inf. à 70
surcuit
KRATZER et al. (1990), MARSMAN et al. (1993) obtiennent les meilleurs résultats avec des solubilités
comprises entre 55 et 65 %, ce qui semble très bas. Ces valeurs sont obtenues avec des sojas déshuilés
(tourteaux) toastés ou extrudés, à la différence des résultats de ANDERSON-HAFERMANN et al. (1992)
obtenus avec des sojas entiers toastés.
Ces derniers observent peu de différences de solubilité avec le temps de cuisson (75 à 85 %). Ce test ne
permet pas selon ces auteurs de révéler une sous-cuisson. La sur-cuisson est à peine décelable : baisse de 9
points.
Selon DALE et ARABA (1990), cité par ANDERSON-HAFERMANN et al.(1992), le taux d’huile n’a pas d’effet
sur la solubilité des protéines dans la potasse.
ENGRAM, SHIRLEY et PARSONS (résultats non publiés), cités dans Feedstuffs (4/01/1999) comparent la
solubilité dans la potasse à une autre solubilité (PDI). Cet autre test serait plus discriminant : lorsque la
durée de cuisson passe de 18 à 36 mn, la solubilité KOH évolue peu alors que le PDI baisse graduellement.
Protein Dispersible Index :
Il mesure la solubilité des protéines en solution aqueuse selon un protocole défini par American
Oil Chemists Society (1979 et 1985), repris par HSU et SATTER (1995 : ruminant) et QIN et al.
(1996 : porcelet).
Dans le soja cru, le PDI se situe autour de 85 %. La cuisson entraîne une baisse du PDI de type
curvilinéaire. La stabilisation se fait autour de 10 –11 :
à 102 °C PDI = 67.53 –12.9* Ln durée r=0.99
En ruminant, le traitement optimum (146°C 30 mn) basé sur des résultats in vivo et in vitro, mais
également de production laitière, conduit à une valeur de 9.5. La sur-cuisson qui entraîne une baisse de la
lysine disponible post-ruminale (méthode de BRODERICK, 1987), survient à une valeur de 8.5 ! Dans la
pratique, les sojas destinés aux ruminants sont tannés afin de réduire la dégradation de la protéine dans le
rumen. Afin d’ajuster le traitement, il est important de bien apprécier la variabilité des sojas commerciaux.
En porcelet, QIN et al. (1996), étudient l’ effet du toastage (température et durée) sur le niveau
d’antitrypsiques et la digestibilité iléale, en parallèle avec l’évolution du PDI. AT et PDI sont fortement
corrélés (voir graphe : r2 = 0.95).
Les 2 traitements les plus «performants», 102°C 40 mn et 134°C 1.5 mn conduisent respectivement à des
valeurs d’AT et de PDI de 1.9 et 20 contre 2.4 et 10. Cela signifie que 2 traitements apparemment
comparables en terme de niveau d’AT peuvent être différents sur le critère de la dénaturation des protéines
(PDI ). Autre exemple :
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AT
1.89
1.83
102° C 40 mn :
134° C 2 mn :
PDI
10.5
20.4
Ces résultats montrent qu’un traitement de soja amenant le PDI à une valeur de 10 peut être adéquat mais
peut aussi se révéler comme excessif.
La gamme de valeurs PDI recommandée par MONARI (1993) , cité par QIN et al. (1996) s’étend de 15 à 28.
Protéines dénaturées :
VISSER et TOLMAN (1998) ont étudié l’effet du traitement du soja sur les FAN et la valeur nutritionnelle
chez le veau.
Les protéines totales ont été séparées en protéines natives, protéines dénaturées, protéines liées aux
glucides et peptides à partir respectivement des solutions suivantes : carbonate de sodium 0.1 M, mélange
carbonate de sodium 0.1 M et 3 % dodecyl-sulfate de sodium, et 2 % de mercaptoéthanol.
La digestibilité des protéines a été modélisée, les variables significatives étant les AT, les lectines et les
protéines dénaturées (aggregated protein : AGGP). Le critère PDI n’apparaît pas comme une variable
explicative.
Lorsque AT et lectines se situent au niveau minimum, la digestibilité optimale est obtenue pour une valeur
de 58 % en AGGP.
Synthèse des tests pratiqués sur les sojas :
critères
Uréase
frölich
catégories
Soja cru
2
Soja insuff. cuit
0.1 à 0.5
Inf. à 5
Soja correct. cuit
0.1 à 0
5 à 6.5
Soja surcuit
0
Sup. à 6.5
antitrypsiques
Sol KOH
PDI
25 à 60
7 à 15
2à7
Inf. à 2
90 à 99
Sup. à 85
75 à 85
Inf. à 70
85
30 à 70
15 à 30
Inf. à 15
Choix d’une méthode
L’analyse d’un soja nous amène souvent à réaliser un certain nombre de tests qui n’apportent pas tous
d’élément décisif dans l’appréciation du produit, souvent du fait de l’intervalle de confiance élevé et de la faible
plage de variation du critère considéré (ex : fröhlich). D’autre part, certains ne donnent qu’une information
partielle, comme l’uréase, qui indique la sous-cuisson.
Le dosage des AT serait une méthode de choix.
Les tests basés sur la solubilité des protéines en solution de potasse ou dans l’eau (PDI) sont intéressants,
notamment le PDI qui est plus discriminant et qui semble assez bien calé avec les AT (R2 = 0.95, QIN et al.
1996).
Plusieurs sojas ont été analysés à LAREAL et permettent une première validation du PDI :
MAT
47.8
45.7
47.7
44.7
46.3
46.9
PDI1
41.6
27.9
24.3
20.7
26.7
37.9
PDI2
40.8
28.3
23.9
21.2
25
37.1
PDImoy
41.2
28.1
24.1
21
25.8
37.5
Sol KOH
88.3
90.2
86.9
84.5
89.2
91.4
uréase
0.02
0
0
0
0.05
0
Ils confirment que la solubilité dans la potasse n’est pas un critère suffisamment discriminant. Pour des valeurs
comparables en sol KOH, on observe un écart de 20 points en PDI.
Conclusion
La panoplie de tests de cuisson du soja est assez large.
Le PDI est probablement un test à officialiser. Cependant, pour des produits très cuits, il est peut-être
insuffisant : à une valeur de 10, un doute subsiste sur la sur-cuisson.
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