Fiche 9 - Cours du Professeur Julie KLEIN

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Fiche 9 - Cours du Professeur Julie KLEIN
UNIVERSITE DE ROUEN
Année Universitaire 2012-2013
Travaux dirigés – 1ère année Licence Droit
INTRODUCTION AU DROIT - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN
NEUVIEME
SEANCE
LA PREUVE (I) : LA CHARGE DE LA PREUVE
I.- IDEES GENERALES
La présente séance est consacrée à l’étude de la charge de la preuve. On entend par là
évoquer la question de savoir à qui revient l’obligation de prouver les éléments nécessaires
à la solution du litige.
L’article 1315 du Code civil énonce que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une
obligation d’en rapporter la preuve (alinéa 1er). La charge de la preuve pèse sur le
demandeur. C’est parce que c’est lui qui vient mettre en cause ce qui préexistait et réclame
un changement dans une situation établie qu’il lui appartient de prouver ce qu’il sollicite.
Le demandeur, qui se prétend créancier, devra dès lors prouver l’acte juridique (ex. : un
contrat) ou le fait juridique (ex. : un délit) qu’il estime être à l’origine de sa créance.
S’il échoue, il perdra son procès et sera débouté : le risque de la preuve pèse sur lui. On
doit d’ailleurs souligner qu’en droit, ne pas être prouvé équivaut à ne pas être. Ce dont il
faut déduire qu’en droit, on ne cherche pas LA vérité, on recherche, plus humblement, la
vérité judiciaire.
Un dialogue se noue alors avec le défendeur : pour se soustraire aux conséquences des
preuves apportées par le demandeur, le défendeur peut également faire valoir tel ou tel
fait. Il lui appartient d’en rapporter la preuve : « Réciproquement, celui qui se prétend
libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » (art.
1315, al. 2).
Le défendeur, en proposant ses moyens de défense, devient en réalité demandeur. La
charge de la preuve se déplace ainsi, suivant les alternances de la discussion judiciaire.
Chaque partie a la charge de la preuve des faits et actes juridiques qu’elle allègue. La règle
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est d’ailleurs énoncée à l’article 9 du Code de procédure civile : « il incombe à chaque
partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Dès lors que le fait de ne pas pouvoir rapporter la preuve de son obligation conduit le
demandeur à être débouté – la charge de la preuve est un risque – on comprend que des
considérations de politique juridique puissent ici influer ; on le constatera à l’étude de
l’obligation d’information dont est tenu le médecin : qui doit prouver que l’obligation a
bien – ou non – été remplie ?
II.- PREMIER THEME : LA REPARTITION DE LA CHARGE DE LA PREUVE
A. Le principe
La répartition de la charge de la preuve n’est pas statique. Elle pèse sur celui qui allègue.
Mais, dans un procès, demandeur et défendeur vont alléguer à tour de rôle : le premier, de
l’existence d’une obligation, le second, de sa libération. Les articles 1315 alinéa 1er et 2
vont alors être appliqués l’un après l’autre.
 Sur l’article 1315, al. 1er :
Document 1 : Civ. 1ère, 21 mars 2006, Bull. civ. I, n° 166 ; D. 2006, IR, 948.
Document 2 : Civ. 3ème, 3 juillet 1996, Bull. civ. III, n°168.
Document 3 : Civ. 1ère, 25 février 1997, Bull. civ. I, n°75 ; Les grands arrêts de la jurisprudence
civile, tome 1, n°16 ; Gaz. Pal. 1997.1.274, rapp. P. Sargos ; JCP 1997. I . 4025, obs. G.
Viney ; Contrats, concurrence, consommation, 1997, chr. 5, L. Leveneur ; RTD civ. 1997. 434,
obs. P. Jourdain et 924, obs. J. Mestre ; Defrénois 1997. 751, obs. J.-L. Aubert.
Document 4 : Civ. 1ère, 1er février 2011, pourvoi n° 10-11603.
 Sur l’article 1315, al. 2 :
Document 5 : Civ. 1ère, 30 mars 1999, Bull. civ. I, n°113.
Document 6 : Civ. 1ère, 28 janvier 2003, Bull. civ. I, n°26.
Document 7 : Civ. 1ère, 28 octobre 2010, Contr., conc., conso, 2011, comm. 1, note L.
Leveneur.
Document 8 : Com., 25 octobre 2011, Bull. civ. IV, n° 170.
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B. Le renversement de la charge de la preuve par le législateur
La loi participe également à ce débat, en admettant dans certaines hypothèses de renverser
la charge de la preuve au profit de celui qu’elle entend protéger. Le mécanisme du droit
commun – article 1315 alinéa 1 et alinéa 2 – se trouve alors désactivé.
Document 9 : Article L. 3122-2 du Code de la santé publique.
Document 10 : Civ. 1ère, 30 septembre 2008, pourvoi n° 07-20607.
III.- SECOND THEME : LE JEU DES PRESOMPTIONS
Des règles spécifiques viennent cependant ici interférer, de façon essentielle. C’est le cas
des présomptions, conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait
inconnu. Les présomptions opèrent un déplacement de l’objet de la preuve : le fait
inconnu ne sera pas prouvé, mais présumé à partir de la preuve du fait connu. Le
mécanisme des présomptions influe toutefois à l’occasion sur la charge de la preuve.
Ainsi, l’article 2268 du Code civil présume la bonne foi : c’est donc toujours à celui qui
allègue la mauvaise foi de la prouver.
On distingue les présomptions simples des présomptions irréfragables. Seules les
premières sont susceptibles d’une preuve contraire.
III.- EXERCICE
Commentaire de l’arrêt rendu par la première chambre civile le 25 février 1997
(Document 3).
En appliquant la méthode que vous a exposée votre chargé de travaux dirigés lors de la
séance précédente, vous allez commenter l’arrêt. Cette fois, il ne s’agit plus simplement
d’un plan détaillé mais d’un véritable commentaire.
En plus du travail qui vous était demandé la semaine dernière, il va cette fois encore falloir
développer votre analyse. Dans ce contexte, il faut éviter deux écueils opposés. D’une
part, le commentaire d’arrêt n’est pas une dissertation : il faut toujours rattacher vos
développements théoriques aux éléments de l’arrêt en prenant soin de débuter vos sousparties en partant de l’arrêt. D’autre part, le commentaire d’arrêt n’est pas une paraphrase
de l’arrêt : il faut raisonner, exploiter vos connaissances, mais aussi et surtout laisser libre
cours à votre esprit d’analyse et à votre esprit critique…
L’’intégralité de votre devoir doit être rédigée, en attachant un soin particulier aux chapô
(phrases d’annonces) et aux phrases de transitions.
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Document 1 : Civ. 1ère, 21 mars 2006, Bull. civ. I, n° 166 ; D. 2006, IR, 948.
Vu l’article 1315 du Code civil ;
Attendu que, se prétendant créancière à l’égard de Mme X... de la somme de 4 698,41 euros,
solde du prix de travaux de construction d’un caveau, que celle-ci lui avait commandés, la
société Roger Bonzom lui a demandé paiement de cette somme ;
Attendu que pour accueillir cette demande, à laquelle Mme X... s’opposait en prétendant que,
relativement à sa contenance, le caveau construit par la société Roger Bonzom, n’était pas
conforme à celui qui lui avait été commandé, la cour d’appel, après avoir constaté que les
travaux litigieux n’avaient donné lieu à établissement ni d’un bon de commande, ni d’un
devis, énonce que c’est à Mme X..., qui invoque une non-conformité de la chose livrée, qu’il
appartient d’établir la consistance exacte de ce qu’elle avait commandé et qu’elle n’apporte
pas cette preuve ;
Qu’en se déterminant par de tels motifs, alors qu’il incombait à la société Roger Bonzom de
prouver que Mme X... avait commandé, ou accepté, les travaux litigieux tels que ceux-ci
avaient été exécutés, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation du texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, (…)
Document 2 : Civ. 3ème, 3 juillet 1996, Bull. civ. III, n°168.
Vu l’article 1315 du Code civil ;
Attendu que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; réciproquement,
celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son
obligation ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 octobre 1993), que la société Casanova,
maître de l’ouvrage, a chargé M. X..., entrepreneur, de divers travaux ; qu’après que des
malfaçons eurent été constatées, le solde des travaux n’ayant pas été réglé, l’entrepreneur a
assigné en paiement le maître de l’ouvrage ;
Attendu que pour condamner la société Casanova au paiement de ce solde, l’arrêt retient que
celle-ci, alléguant les malfaçons, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du coût des
travaux de reprise nécessaires et ne démontre pas non plus, comme elle l’affirme, que M. X...
n’est en aucune manière intervenu pour l’exécution de ces reprises ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que M. X... avait reconnu être responsable de
diverses malfaçons et devoir les reprendre, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la
preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE (…)
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Document 3 : Civ. 1ère, 25 février 1997, Bull. civ. I, n° 75 ; Les grands arrêts de la
jurisprudence civile, tome 1, n°16 ; Gaz. Pal. 1997.1.274, rapp. P. Sargos ; JCP 1997.
I . 4025, obs. G. Viney ; Contrats, concurrence, consommation, 1997, chr. 5, L.
Leveneur ; RTD civ. 1997. 434, obs. P. Jourdain et 924, obs. J. Mestre ; Defrénois
1997. 751, obs. J.-L. Aubert.
Vu l’article 1315 du Code civil ;
Attendu que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière
d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ;
Attendu qu’à l’occasion d’une coloscopie avec ablation d’un polype réalisée par le docteur
X..., M. Y... a subi une perforation intestinale ; qu’au soutien de son action contre ce médecin,
M. Y... a fait valoir qu’il ne l’avait pas informé du risque de perforation au cours d’une telle
intervention ; que la cour d’appel a écarté ce moyen et débouté M. Y... de son action au motif
qu’il lui appartenait de rapporter la preuve de ce que le praticien ne l’avait pas averti de ce
risque, ce qu’il ne faisait pas dès lors qu’il ne produisait aux débats aucun élément accréditant
sa thèse ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le médecin est tenu d’une obligation particulière
d’information vis-à-vis de son patient et qu’il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette
obligation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, (…).
Document 4 : Civ. 1ère, 1er février 2011, pourvoi n° 10-11603.
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 11 mars 2009), que Mme X... épouse Y..., preneuse à
bail d’un appartement, propriété de M. Z..., qui en avait confié la gestion à la société
Fleurimmo, qui s’était maintenue dans les lieux après l’expiration du bail, le 9 août 2005, a,
par acte du 19 janvier 2008, assigné ces derniers devant le juge des référés en vue d’obtenir la
remise de quittances, de décomptes de charges et de justificatifs de règlements par elle opérés
; qu’en cause d’appel, elle a, en outre, demandé la restitution d’une somme versée à titre de
dépôt de garantie et le remboursement d’une facture de remplacement de serrure qu’elle avait
acquittée ; que, reconventionnellement, M. Z... et la société Fleurimmo ont demandé sa
condamnation à leur verser des dommages-intérêts pour appel abusif ; (…)
Vu l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l’article 1315 du code civil ;
Attendu que le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter
de la restitution des clés par le locataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant
dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire,
sous réserve qu’elles soient dûment justifiées ;
Attendu que pour débouter Mme X... épouse Y... de sa demande en restitution de la somme
versée à titre de dépôt de garantie, l’arrêt retient qu’elle ne justifie pas d’un constat d’état des
lieux de sortie lui permettant de réclamer un tel remboursement, cette somme étant affectée à
la réparation des éventuelles dégradations commises par l’occupant et qu’elle ne démontre pas
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avoir amiablement sollicité ce remboursement, ce qui laisse présumer, qu’à supposer qu’elle
ait formulé une demande provisionnelle, celle-ci se heurte, en l’état, à une contestation
sérieuse ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait au bailleur de justifier des sommes qu’il entendait
retenir sur le dépôt de garantie, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les
textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, (…).
Document 5 : Civ. 1ère, 30 mars 1999, Bull. civ. I, n°113.
Vu l’article 1315, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu que la Compagnie générale des eaux a assigné M. X... en paiement de la somme de
11 415,88 francs représentant le montant d’une facture impayée ; que M. X... a payé la somme
de 5 000 francs soutenant qu’il n’avait jamais eu de factures pour un montant aussi élevé et
qu’aucune fuite n’avait été décelée dans son installation ;
Attendu que le Tribunal a énoncé que la Compagnie générale des eaux doit apporter la
preuve, pour justifier le montant élevé de sa facture, que des modifications substantielles sont
intervenues dans la consommation d’eau de M. X... ou qu’une fuite d’eau après compteur
existait sur les installations ;
Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il incombait à M. X... d’établir le fait ayant produit
l’extinction de son obligation, le Tribunal a inversé la charge de la preuve et violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, (…)
Document 6 : Civ. 1ère, 28 janvier 2003, Bull. civ. I, n° 26.
Attendu que la société France Télécom a réclamé à M. X... le paiement de la somme de 3
621,43 francs comprenant le montant de factures téléphoniques impayées, outre une taxe
pour non restitution de postes téléphoniques ; que M. X... a formé opposition à une
ordonnance lui ayant fait injonction de payer cette somme ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (Reims, 2 septembre 1999) d’avoir fait droit à la
demande de la société France Télécom, alors, selon le moyen :
1 / que celui qui se prétend créancier d’une obligation doit la prouver ; qu’en se fondant dès
lors sur les seules réclamations de France Télécom d’un montant de 3 621,43 francs en dépit
de la contestation de M. X... qui ne se reconnaissait débiteur que d’une somme de 395,21
francs réglée à l’audience devant le premier juge, pour condamner M. X... au paiement de la
somme réclamée par France Télécom, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil ;
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2 / que tenu de motiver sa décision, le juge doit viser et analyser les documents sur lesquels il
se fonde ; qu’en faisant droit aux prétentions de France Télécom, sans viser et analyser les
pièces sur lesquelles serait fondée sa prétendue créance, la cour d’appel a violé l’article 455 du
nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que si la société France Télécom devait prouver l’existence et le montant de sa
créance, en application de l’article 1315, alinéa 1er, du Code civil, elle bénéficiait, à ce titre,
d’une présomption résultant du relevé des communications téléphoniques ; que, par motifs
adoptés non critiqués par le pourvoi, la cour d’appel a visé et analysé les pièces versées aux
débats justifiant du montant de la créance de la société France Télécom ; qu’ayant relevé que
M. X... n’invoquait aucun élément objectif permettant de mettre en doute cette présomption
et qu’il ne rapportait pas la preuve du paiement, en leur temps, des factures, la cour d’appel a
légalement justifié sa décision ;
D’où il suit qu’en aucune de ses branches, le moyen n’est fondé ;
PAR CES MOTIFS, REJETTE le pourvoi.
Document 7 : Civ. 1ère, 28 octobre 2010, Contr., conc., conso, 2011, comm. 1, note L.
Leveneur.
Vu les articles 1147 et 1315 du code civil ;
Attendu que M. et Mme X... ont acheté à la société Ateliers de la terre cuite (la société ATC)
divers lots de carrelage ; qu’ayant constaté la désagrégation des carreaux qui avaient été posés
autour de leur piscine, ils en ont informé la société ATC qui a procédé à un remplacement
partiel du carrelage ; que le phénomène persistant, les époux X... ont obtenu la désignation
d’un expert dont le rapport a fait apparaître que les désordres étaient liés à l’incompatibilité
entre la terre cuite et le traitement de l’eau de la piscine effectué selon le procédé de
l’électrolyse au sel, puis, afin d’être indemnisés, ils ont assigné le vendeur qui a attrait en la
cause son assureur, la société Generali assurances ;
Attendu que pour rejeter la demande fondée sur l’article 1147 du code civil, la cour d’appel a
énoncé que s’il appartient au vendeur professionnel de fournir à son client toutes les
informations utiles et de le conseiller sur le choix approprié en fonction de l’usage auquel le
produit est destiné, en s’informant si nécessaire des besoins de son client, il appartient
également à ce dernier d’informer son vendeur de l’emploi qui sera fait de la marchandise
commandée puis a retenu qu’il n’était pas établi que le vendeur eût été informé par les époux
X... de l’utilisation spécifique, s’agissant du pourtour d’une piscine, qu’ils voulaient faire du
carrelage acquis en 2003, de même type que celui dont ils avaient fait précédemment
l’acquisition ;
Qu’en statuant ainsi alors qu’il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est
acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur
afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation
qui en est prévue, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE (…)
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Document 8 : Com., 25 octobre 2011, Bull. civ. IV, n° 170.
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 20 décembre 1989, M. X... et Mme Y... ont acquis en
indivision un terrain, sur lequel ils ont édifié un immeuble ; que, par jugements du 2 octobre
1996, M. X... et Mme Y..., décédée le 22 septembre 1997, ont respectivement été mis en
liquidation judiciaire, M. Z..., désigné liquidateur, étant ultérieurement remplacé par la Selarl
Gauthier A... (le liquidateur) ; que, par ordonnance du 24 janvier 2006, confirmée par
jugement du 12 juillet 2007, le juge-commissaire a autorisé la cession de cet immeuble, tandis
que le liquidateur a saisi le juge des référés d’une demande en expulsion de M. X... ; […]
Vu l’article 1315 du code civil, ensemble l’article L. 622-15 du code de commerce, dans sa
rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu qu’aux termes du second de ces textes, si le liquidateur est destinataire du courrier
adressé au débiteur, il doit restituer à ce dernier les courriers qui ont un caractère personnel ;
Attendu que pour rejeter l’exception de nullité de l’assignation et ordonner son expulsion,
l’arrêt retient que rien ne permet de dire que le liquidateur aurait détourné la lettre de
l’huissier de justice adressée à M. X... avisant qu’une copie de l’acte signifié le 27 décembre
2007 avait été déposée en son étude ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartenait au liquidateur d’établir qu’il avait
effectivement remis au débiteur la lettre de l’huissier de justice qui avait un caractère
personnel, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, […], CASSE ET ANNULE, […]
Document 9 : Article L. 3122-2 du Code de la santé publique.
Dans leur demande d’indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient
de l’atteinte par le virus d’immunodéficience humaine et des transfusions de
produits sanguins ou des injections de produits dérivés du sang.
La demande fait l’objet d’un accusé de réception.
Les victimes ou leurs ayants droit font connaître à l’office tous les éléments
d’information dont elles disposent.
Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande, qui peut
être prolongé à la demande de la victime ou de ses ayants droit, l’office examine
si les conditions d’indemnisation sont réunies ; il recherche les circonstances de
la contamination et procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé
le secret professionnel.
Lorsque les justifications mentionnées à l’alinéa premier du présent article ont
été admises par l’office, celui-ci est tenu de verser dans un délai d’un mois une
ou plusieurs provisions si la demande lui en a été faite.
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Document 10 : Civ. 1ère, 30 septembre 2008, pourvoi n° 07-20607.
Attendu que Mme X... a été transfusée en 1972 et 1975 et sa séropositivité découverte le 28
juin 1989 ; que l’enquête menée auprès de l’Etablissement français du sang Lorraine
Champagne n’a pas permis d’identifier le ou les donneurs ; que le Fonds d’indemnisation des
transfusés et hémophiles (FITH) a rejeté la demande d’indemnisation au motif que
l’ancienneté des transfusions excluait qu’elles soient à l’origine de la contamination ; qu’une
expertise a été ordonnée à l’effet de déterminer l’origine de la contamination de Mme X... ;
que, dans son rapport, l’expert a dénié l’origine transfusionnelle de la contamination, motif
pris du comportement sexuel à risques de Mme X... ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt (Paris, 20 septembre 2007) d’avoir infirmé la décision du
FITH et condamné l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (l’ONIAM) à
verser à Mme X... les sommes de 200 000 euros au titre de son préjudice de contamination,
alors selon le moyen :
1°/ que dans le cas de transfusions très anciennes, soit effectuées dans la première moitié des
années 1970 pour lesquelles aucune enquête transfusionnelle n’est possible, l’admission du
lien de causalité fondée sur la considération que, si les premiers malades du SIDA ont été
diagnostiqués sur le territoire français en 1981, la période d’incubation de dix ans de la
maladie ne permet pas d’exclure la possibilité d’une contamination, a pour conséquence de
transformer cette présomption simple en présomption irréfragable et en se déterminant dans
ces termes la cour d’appel a violé l’article L. 3122-2 du code de la santé publique ;
2°/ que la présomption de causalité qui peut être retenue entre des transfusions réalisées sur
le territoire français en 1972 et 1975 et une contamination par le VIH détectée en 1989 est
suffisamment contredite par la circonstance du comportement sexuel à risque de la patiente
et en retenant néanmoins le contraire la cour d’appel a violé l’article L. 3122-2 du code de la
santé publique ;
3°/ qu’en ne s’expliquant pas sur le certificat médical émis par M. Y... le 17 octobre 2001
dans lequel ce praticien estimait que sa formule sanguine paraissait médicalement peu
concevable au regard d’une contamination aussi ancienne, la cour d’appel a privé sa décision
de base légale au regard de l’article L. 3122-2 du code de la santé publique ;
Mais attendu que la cour d’appel a exactement rappelé que la présomption légale posée par
l’article L. 3122-2 du code de la santé publique bénéficiait, en l’absence de toute distinction
opérée par la loi, à la victime démontrant avoir reçu des transfusions à une époque où la
contamination était possible ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain
d’appréciation des éléments de fait énoncés par l’expert imputant la contamination à un
comportement à risques déduit de simples suppositions que la cour d’appel devant laquelle
n’était pas produit le certificat litigieux visé par la troisième branche du moyen a écarté
l’existence de présomptions précises, graves et concordantes susceptibles de combattre la
présomption légale ;
D’où il suit que le moyen qui n’est fondé en aucune de ses branches ne peut qu’être rejeté ;
PAR CES MOTIFS, REJETTE le pourvoi.
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