Le devoir de fidélité

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Le devoir de fidélité
Christèle CLEMENT
Fiche de niveau 4. Droit de la famille / Le mariage / Les effets personnels du mariage /
Avril 2007
Le devoir de fidélité
L'article 212 du Code civil français met à la charge des époux un devoir réciproque de
fidélité. L'exigence est traditionnelle. Certes, l'évolution des mœurs en a tempéré la
rigueur en certaines circonstances, mais elle n'en laisse pressentir actuellement aucune
remise en cause.
I. Objet
Objet d'une conception extensive adoptée par la jurisprudence faute de définition légale,
le devoir de fidélité s'entend tant d'un devoir de fidélité charnelle que d'un devoir de
fidélité morale ou affective. Il contraint tout d'abord les époux à n'entretenir de
commerce charnel qu'entre eux. Il interdit ainsi à chacun de partager une intimité
sexuelle avec tout autre que son conjoint, peu important que la relation extraconjugale
soit hétéro ou homosexuelle. L'adultère recouvre donc la forme la plus évidente du
manquement dont ce devoir matrimonial peut être l'objet. Au-delà, le devoir de fidélité
oblige chacun des époux à se garder de toute attitude provocante ou légère. Il leur
défend même d'entretenir une relation amoureuse avec un étranger, fut-elle non
consommée et purement platonique. Le fait de partager une intimité d'ordre affectif avec
un autre que le conjoint vaut en effet violation du devoir de fidélité tout autant que
l'adultère.
D'ordre public, le devoir de fidélité s'impose aux époux sans que ces derniers puissent
s'en dispenser. Toute convention contraire est donc en principe frappée de nullité et ne
peut donner lieu à une exécution autre que spontanée. Toutefois, elle n'est pas
totalement dépourvue d'incidence lorsqu'il s'agit pour les juges de déterminer
l'opportunité de sanctionner le manquement au devoir de fidélité eu égard à sa gravité.
Une décision isolée en a même admis la validité dans le cadre d'un divorce par
consentement mutuel en homologuant la convention temporaire décidant de pareille
dispense pour le temps de l'instance (ordonnance du JAF du TGI de Lille, 26 novembre
1999, in D.2000.254).
II. Sanctions
Depuis 1975, l'adultère n'est plus sanctionné pénalement. Comme toute autre forme de
manquement au devoir de fidélité, il ne constitue plus qu'une faute civile. L'infidélité peut
à ce titre donner lieu à deux sanctions. Elle peut tout d'abord justifier le prononcé d'un
divorce pour faute. Elle reste même à l'heure actuelle la cause la plus fréquente de ce
type de divorce en France. Elle n'emporte toutefois la dissolution du mariage qu'à la
condition de constituer une faute cause de divorce au sens de l'article 242 du Code civil.
Tel est le cas lorsqu'elle prend les traits d'une violation grave ou renouvelée du devoir de
fidélité, imputable à l'un des époux et rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Les juges du fond disposent en la matière d'un pouvoir souverain d'appréciation. En
pratique, plusieurs circonstances peuvent ôter à l'infidélité constatée son caractère fautif.
Le comportement lui-même répréhensible de l'époux victime peut tout d'abord l'excuser.
La jurisprudence française admet ensuite que, même s'il ne met pas fin au devoir de
fidélité, le relâchement du lien conjugal dû au prononcé d'une séparation de corps ou à
l'introduction d'une procédure de divorce en rend néanmoins l'exigence moins
contraignante (Civ. 2ème, 30 mars 2004, in RJPF 2004-7-8/21). Enfin, quoique nul, le
pacte par lequel les époux se délient du devoir de fidélité peut influer sur l'appréciation
judiciaire de l'existence ou de la gravité de la faute commise (Civ. 2ème, 4 juillet 1973, in
Bull. n°214).
Le manquement au devoir de fidélité peut encore justifier la mise en jeu de la
responsabilité civile de son auteur. Il ouvre ainsi la possibilité de condamner ce dernier à
indemniser son conjoint à raison du préjudice né de la dissolution du mariage (article 266
du Code civil) ou du dommage particulier causé par le fait même de l'infidélité (article
1382 du Code civil).
En tout état de cause, les deux sanctions supposent prouvé le manquement au devoir de
fidélité. La preuve est libre comme visant un fait juridique. Mais la recevabilité de
certains moyens est limitée au nom de certains principes fondamentaux : ainsi, le
constat d'huissier n'est admis que sous réserve de ne nécessiter aucune atteinte illicite à
la vie privée ou violation de domicile ; de même, les lettres et le journal intime de
l'époux coupable ne sont retenus s'ils ont été obtenus sans fraude ni violence ; enfin, le
témoignage des descendants des conjoints est exclu.
Bibliographie
- G. CORNU, Droit civil – La famille, éd. Montchrestien Précis Domat Droit privé 9ème éd.
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- F. GRANET et P. HILT, Droit de la famille, PUG Coll. Le Droit en plus, 2ème éd. 2006,
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- V. LARRIBAU-TERNEYRE, Mariage – Organisation de la communauté conjugale et
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- P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit civil – La famille, Defrenois 2ème éd. 2006, n°1473
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- F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil – Les personnes, la famille, les incapacités,
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