Données massives – la cohorte VIH - Aids

Transcription

Données massives – la cohorte VIH - Aids
MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT
Swiss Aids News
4 | DéceMBR E 2015
Données massives –
la cohorte VIH
ÉDITORIAL
IMPRESSUM
Edité par
Aide Suisse contre le Sida (ASS)
Office fédéral de la santé publique (OFSP)
Rédaction
Brigitta Javurek (jak), journaliste RP,
rédactrice en chef
Dr jur. LL. M. Caroline Suter (cs)
BLaw Cliff Egli (ce), MLaw Julia Hug (jh)
Dr Andrea Six, journaliste scientifique (six)
Bettina Maeschli (bm)
lic. phil. Stéphane Praz (sp)
Noëmi Baumann (nb)
Nathan Schocher, chef programme personnes
vivant avec le VIH (nsch)
Rédaction photo
Mary Manser
Version française
Line Rollier, Bussigny-près-Lausanne
Conception graphique et mise en pages
Ritz & Häfliger, Visuelle Kommunikation, Bâle
SAN no 4, décembre 2015
Tirage: 2700, parution trois fois par an
© Aide Suisse contre le Sida, Zurich
Les SAN bénéficient du soutien
de l’Office fédéral de la santé publique
de Boehringer Ingelheim (Schweiz) SA
de Bristol-Myers Squibb SA
Les partenaires industriels des Swiss Aids News
n’exercent aucune influence sur son contenu.
Pour vos communications
Rédaction Swiss Aids News
Aide Suisse contre le Sida
CP 1118, 8031 Zurich
Tél. 044 447 11 11
Fax 044 447 11 12
[email protected], www.aids.ch
Chère lectrice,
Cher lecteur,
A chaque automne, elles envahissent le ciel, dessinant de splendides chorégraphies en
prenant leur envol vers leurs quartiers d’hiver. Elles, ce sont les nuées d’étourneaux.
Bien sûr, ce n’est pas à des oiseaux, mais à une cohorte, plus précisément la cohorte
suisse VIH qu’est consacré le dernier numéro de Swiss Aids News de cette année. Il
y a pourtant une similitude entre les deux: le terme de cohorte est dérivé du latin
«cohors», qui signifie troupe ou cortège. Les sciences sociales parlent de cohorte
lorsqu’un groupe de personnes ont toutes au moins un point commun. Dans la grande
collecte de données de la cohorte suisse VIH, tous les participants et participantes ont
d’entrée la même maladie: ils sont séropositifs. Mais ils sont néanmoins tous différents.
Ce qu’ils ont en commun, ce qui les distingue et comment évolue l’infection à VIH
au fil des ans, voilà quelques-unes des questions auxquelles les chercheurs tentent
de répondre. Le présent numéro de Swiss Aids News donne la parole à des experts
et jette un regard dans les coulisses de la cohorte.
Nous publions également les déclarations des cas de discrimination 2015 qui restent
malheureusement nombreux, trop nombreux. Pour l’Aide Suisse contre le Sida, c’est
à la fois une motivation et un devoir de continuer à s’investir pleinement en faveur
de toutes les personnes séropositives, l’an prochain également
Nous vous souhaitons, à vous et à vos proches, un bel envol vers la nouvelle année!
Daniel Seiler
Directeur de l’Aide Suisse contre le Sida
Sommaire
MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT
Swiss Aids News
Données massives –
la cohorte VIH
© KEYSTONE/SCIENCE PHOTO LIBRARY
4 | D é c e M B R e 2015
Des étourneaux (sturnus vulgaris)
en quête d’un lieu de repos à Rome
Recherche
3 «La Suisse a l’une des meilleures cohortes VIH au monde»
5 Les études de cohorte, une mine d’or pour la recherche
8 Des chiffres et des hommes
11 «Il ne faut pas sous-estimer la motivation à protéger
le partenaire»
La fleur de l’âge
12 «Vieillir avec le VIH: à quoi faut-il faire attention?»
Pêle-mêle
13 Exposition, album, livre
Opinions
15 Droit de réponse: l’hépatite C, la maladie sous-estimée
Droit
17 Déclaration des cas de discrimination
19 Nous répondons à vos questions
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Swiss Aids News 4 | décembre 2015
R EC H E R C H E
«La Suisse a l’une des meilleures
cohortes VIH au monde»
Madame Schöni-Affolter, sur quoi portent actuellement vos recherches?
Nous étudions par exemple dans quelle
mesure les personnes séropositives
sont plus sujettes que les individus non
infectés à d’autres maladies, notamment
certains types de cancer ou la démence.
Comme on a déjà détecté certaines
tendances chez les personnes séropositives, nous nous demandons s’il s’agit
là d’une conséquence de la prise des
médicaments inhibiteurs du virus ou
s’il y a un lien avec des comportements
ou maladies antérieurs. Un autre projet
de recherche a montré que le virus de
l’hépatite C peut se transmettre par les
rapports sexuels chez les HSH.
«La participation à cette étude
est bien sûr facultative et
requiert le consentement écrit
de la personne.»
Examinez-vous aussi des aspects
socio-économiques?
Oui. Nous avons pu démontrer par
exemple que les personnes séropositives
ayant un revenu bas accèdent au traitement plus tardivement que celles dont
le revenu est plus élevé. Ces dernières
se font en effet dépister plus tôt et, par
conséquent, leur charge virale peut être
réduite avec succès. Nous avons aussi
pu démontrer récemment que chez les
femmes, la charge virale durant les
premières années du traitement antirétroviral combiné n’est pas contenue
avec autant de succès que chez les
hommes. Cette différence entre hommes
et femmes est aussi due à divers facteurs
sociodémographiques. Nous acquérons
ces connaissances grâce aux données
recueillies semestriellement auprès des
patientes et patients qui participent à
l’étude suisse de cohorte VIH.
Qui fait partie de la cohorte VIH?
L’étude suisse de cohorte VIH (SHCS)
existe depuis 1988. A ce jour, elle a
recensé plus de 18 000 patientes et patients, soit 66% des cas déclarés à l’Office
fédéral de la santé publique. La participation à cette étude est bien sûr facultative
et requiert le consentement écrit de la
personne. Les HSH sont particulièrement
nombreux à être disposés à collaborer,
les femmes se montrant malheureusement plus réticentes; il n’empêche que,
même dans cette catégorie, la SHCS s’en
sort mieux que d’autres cohortes européennes. Depuis 1988, on collecte des
données épidémiologiques, cliniques et
de laboratoire, toujours sur papier pour
le moment. L’un de mes principaux projets actuellement est de passer peu à peu
à une saisie électronique des données.
Quels sont les avantages qu’apportera
cette nouveauté?
Certes, le changement ne fera pas gagner
beaucoup de temps aux médecins
chargés de l’examen. Mais la qualité des
données à des fins de recherche peut
être nettement améliorée pour un investissement à peu près identique. Comme
la plupart des patients ont aujourd’hui
une espérance de vie élevée grâce aux
traitements sans cesse améliorés, il faut
saisir toujours plus de données par personne. Plus l’âge augmente, plus on a de
troubles et de médicaments pour soigner
d’autres maladies. Toutes ces variables
doivent pouvoir être consignées et
© Aids-Hilfe-Schweiz / Marilyn Manser
L’étude suisse de cohorte VIH a vu le jour en 1988. Depuis ses débuts, elle a répertorié
plus de 18 000 patientes et patients. La Suisse dispose ainsi d’une base de données
exceptionnelle sur les personnes séropositives. Franziska Schöni-Affolter, médecin
et épidémiologiste, dirige le centre de données. Entretien avec la gardienne de la
cohorte VIH.
Franziska Schöni-Affolter travaille
dans la recherche sur le VIH/sida en
tant que médecin et épidémiologiste
à l’Université de Lausanne (CHUV) et
de Berne. Elle a fait une formation
postgrade en statistique avant de
passer en 2008 à l’étude suisse de
cohorte dont elle a repris la direction en 2015 (plus d’informations sur
www.shcs.ch). L’épidémiologiste est
mère de quatre enfants adultes et
habite à Bremgarten près de Berne.
Elle siège au Grand Conseil bernois
pour les Vert’libéraux depuis 2010.
Elle fait partie du comité de l’Aide
Suisse contre le Sida depuis 2013 et
occupe le poste de vice-présidente
de l’Aide Suisse contre le Sida depuis
2015.
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isolées le cas échéant pour en faire
des déductions. En outre, une banque
de données électronique bien conçue,
avec des informations supplémentaires
notamment concernant l’ensemble des
médicaments pris, simplifie la concordance anonyme avec d’autres registres,
par exemple celui des tumeurs.
Y a-t-il aussi des coopérations
avec l’étranger?
«Plus l’âge augmente, plus on a de
troubles et de médicaments pour
soigner d’autres maladies.»
Oui, les institutions de recherche européennes échangent régulièrement leurs
données. C’est particulièrement crucial si
un pays dispose d’un trop petit nombre
de cas pour une étude spécifique. Précisons que tous les pays ne disposent pas
de leur propre cohorte nationale, tant
s’en faut. Ainsi, l’Allemagne n’en a pas,
alors que la Hollande prend grand soin
de ses données. Il existe par ailleurs une
plate-forme de recherche européenne,
baptisée Collaboration of Observational
HIV Epidemiological Research Europe
(COHERE), qui a été fondée en 2005.
Quelle est la situation de la Suisse
par rapport à l’étranger en termes
de données?
La Suisse dispose de l’une des meilleures
cohortes au monde, notamment parce
que nous consignons un relativement
grand nombre de variables. Nous ne
collectons par ailleurs que des données
d’excellente qualité. Toutefois, ce rôle
précurseur n’est plus assuré étant donné
que la Confédération (le Fonds national
suisse) a réduit son soutien financier l’an
dernier. Or il nous faudrait plus d’argent
pour exploiter les volumes de données
sans cesse croissants et pouvoir en tirer
le meilleur profit grâce à la modernisation.
D’après le conseiller fédéral Didier
Burkhalter, le VIH sera éliminé en
2030. Par conséquent, il ne juge peutêtre plus nécessaire de traiter ces
données?
Ce serait beau si cela arrivait. Mais le
fait est que l’on n’a trouvé à ce jour
aucun vaccin efficace. On ne dispose
pas non plus de traitement qui détruise
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Swiss Aids News 4 | décembre 2015
définitivement les nids de virus dans
l’organisme ou prévienne le développement de résistances de manière fiable.
Par chance, la recherche progresse en
permanence. Ainsi, pour les personnes
séropositives, les traitements combinés
représentent une avancée significative.
Aujourd’hui, il suffit de prendre un seul
médicament par jour pour inhiber la
prolifération des virus. Nous travaillons
d’arrache-pied dans la recherche sur le
VIH/sida afin d’optimiser les traitements
en permanence et de trouver un jour le
remède vers la guérison. Mais d’ici là, la
prévention et les actions de sensibilisation et d’information restent essentielles.
Quelle forme doit prendre la
­prévention à votre avis?
Il est important d’appeler un chat un
chat. Pour bon nombre de personnes, il
ne sert à rien de prêcher une vie avec un
seul partenaire sexuel car la réalité est
différente. Il vaudrait mieux préparer
les jeunes à un comportement sexuel
raisonnable. Il est fondamental de communiquer ouvertement à ce sujet. Une
campagne provocatrice telle que «Love
Life» remplit son objectif. Elle montre
que le VIH et le sida sont toujours présents. Malgré les traitements sans cesse
améliorés, le problème n’est pas encore
résolu. nb
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Les études de cohorte, une mine d’or
pour la recherche
Complexes, chères, sans résultats probants quant au lien de cause à effet: les études de
cohorte ne semblent pas très prometteuses de prime abord. Pourtant, leur contribution à
la recherche est inestimable.
Qui dit progrès médical pense généralement
à des études expérimentales, à de nouvelles
substances et à des processus biochimiques
inconnus jusqu’ici. Cependant, à la base d’un
grand nombre de découvertes, il y a un type
d’étude scientifique qui semble peu attrayante
au premier coup d’œil: l’étude de cohorte. Dans
une telle étude, les chercheurs observent sur
une longue durée, plusieurs mois, voire plusieurs années ou décennies, un groupe de personnes (cohorte) qui ont toutes quelque chose
en commun: l’année de naissance, la profession
ou le domicile. Les scientifiques examinent ensuite combien de ces participants développent
avec le temps une certaine maladie et tentent
«Les études de cohorte peuvent souvent examiner simultanément plusieurs
facteurs de risque et maladies, grâce
au nombre élevé de participants et à la
durée sur laquelle elles s’étendent.»
d’identifier ce qui les différencie de ceux qui
restent en bonne santé. Les études de cohorte
peuvent ainsi révéler les causes de l’apparition
d’une maladie. L’attention se porte souvent sur
des aspects liés au mode de vie, par exemple
au tabagisme ou à l’alimentation.
Avantage de la cohorte
Pour de nombreuses études de cohorte, les participants ont en commun qu’ils ont d’entrée
la même maladie. Dans ce cas, l’étude entend
expliquer comment et pourquoi la maladie
évolue différemment suivant les individus.
C’est le cas de l’étude suisse de cohorte VIH.
Elle englobe depuis 1988 une grande partie de
tous les patients séropositifs en Suisse (plus de
18 500 personnes en tout à ce jour) et elle livre
régulièrement des enseignements importants
concernant l’infection à VIH et son traitement.
Elle montre par exemple que des femmes séropositives sous traitement efficace peuvent
accoucher de façon naturelle sans transmettre
le virus au nouveau-né, ou que le traitement
antirétroviral n’a guère d’influence sur le développement de maladies cardiaques, contrairement au tabagisme dont l’impact est assez fort.
Pratiquement pas de
financement privé
L’exemple met en lumière un atout essentiel
des études de cohorte: elles peuvent souvent
examiner simultanément plusieurs facteurs de
risque et maladies, grâce au nombre élevé de
participants et à la durée sur laquelle elles
s’étendent. Néanmoins, elles ont aussi des
inconvénients. Pour commencer, elles sont
chères et ne livrent pas des produits directement utilisables. C’est la raison pour laquelle
elles ne sont pratiquement pas financées par
des fonds privés, mais essentiellement publics:
en Suisse, c’est surtout le Fonds national suisse
(FNS) qui met de l’argent à disposition pour les
études de cohorte. En outre, si ces études dévoilent de nombreuses interactions possibles,
elles ne donnent pas des preuves indéniables
du lien de cause à effet. Cela n’empêche pas
les médias de livrer régulièrement des indices
fournis par les études de cohorte comme des
liens avérés, sans les remettre en question –
qu’il s’agisse des avantages de l’huile de poisson ou du lait ou encore des dangers des acides
gras trans ou des champs électromagnétiques.
En revanche, les chercheurs dans le domaine
de la santé prennent les résultats des études de
cohorte comme point de départ pour développer de nouvelles réflexions et faire progresser
la médecine. Pour eux, les études de cohorte
sont de véritables mines d’or.
sp
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Cinq grandes études de cohorte
e Tabac et cancer des poumons
Les cas de cancer des poumons se multipliaient dans de nombreux pays dans les années 1920.
On suspectait alors surtout la pollution de l’air et un climat humide d’en être responsables.
Certains scientifiques soupçonnaient déjà le tabac, mais ils étaient au moins aussi nombreux
à le considérer non seulement comme inoffensif, mais même extrêmement bon pour la santé.
Cela a changé en 1954. L’Anglais Richard Doll et son équipe avaient interrogé plus de
40 000 médecins dans le cadre de l’étude désormais célèbre «British Doctors’ Cohort Study»,
prouvant que le cancer des poumons était bien plus fréquent parmi les médecins fumeurs
que les autres.
r Cholestérol et maladies cardiaques
Pour évaluer le risque individuel de maladies cardiovasculaires, les médecins utilisent des
tableaux dont le plus célèbre est le score de Framingham, d’après le nom d’une petite ville
américaine. Celui-ci tient compte du sexe, de l’âge, du statut de fumeur, de la tension sanguine
et du taux de cholestérol. Plus de 5000 habitants ont été interrogés à Framingham et ont
subi des examens cliniques réguliers à partir de 1948 afin de trouver les raisons du nombre
croissant de décès liés à des maladies cardiovasculaires aux Etats-Unis. Les scientifiques
ont été surpris avant tout par l’influence majeure du taux de cholestérol: avant ladite «Framingham Heart Study», ce lien n’était pas connu du tout. L’étude se poursuit de nos jours
avec les nouvelles générations d’habitants et tente d’élucider les origines du cancer, de la
démence, de l’arthrite et d’autres maladies.
t Rayonnement ionisant et séquelles à long terme
La principale base scientifique des actuelles valeurs limites en radioprotection a une triste
origine: une étude de cohorte qui observe depuis 1950 les survivants des bombes atomiques
larguées sur Hiroshima et Nagasaki, exposés à des radiations d’intensité variable. Sur les
quelque 120'000 participants au départ, 40% sont encore en vie aujourd’hui. Ceux-ci sont
régulièrement examinés afin d’étudier les effets à long terme de l’irradiation. L’étude «Life
Span Study» a fourni notamment des renseignements importants sur le risque de leucémie
accru après une irradiation. A ce jour, elle n’a toutefois pas confirmé, comme on l’a souvent
supposé, que l’irradiation entraînait des modifications du matériel génétique.
u «Cinq par jour» et cancer
«Cinq par jour», autrement dit cinq portions de fruits et légumes par jour, voilà une règle
de nutrition courante. Elle a été formulée en 1991 par l’Institut national américain du cancer comme une mesure importante pour prévenir le cancer. Depuis, elle a fait le tour du
monde. Pourtant, dans les milieux spécialisés, le rôle préventif des fruits et légumes dans
le développement d’un cancer était controversé et le reste toujours. L’étude EPIC (European
Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) en particulier a émis de sérieux doutes
à ce sujet. De dimension véritablement épique, cette étude de cohorte a englobé pas moins
de 500 000 personnes dans dix pays européens. A partir de 1992, les participants ont été
interrogés régulièrement durant de nombreuses années. En 2010, les résultats de l’analyse
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des données ont fait l’effet d’une douche froide: «Cinq par jour» ne diminue guère le risque
de cancer. Ce n’est toutefois pas une raison de ne pas s’en tenir à la règle. En effet, son effet
préventif contre les maladies cardiovasculaires est moins controversé.
i Traitement hormonal et infarctus
© KEYSTONE/SCIENCE PHOTO LIBRARY
Une étude américaine intitulée «Women's Health Initiative» a regroupé dans les années 1990
quelque 160 000 femmes ayant entre 50 et 79 ans. Son objectif était de trouver les raisons des
principales causes de décès chez la femme après la ménopause. L’un des résultats de l’étude
a fait les grands titres dans le monde entier: les traitements hormonaux post-­ménopause
peuvent augmenter le risque d’infarctus. Jusque-là, on était persuadé du contraire et on
prônait l’effet préventif de ces traitements. Les résultats de l’étude ont incité à utiliser les
préparations hormonales de façon plus prudente et mieux ciblée. sp
Semblable, et pourtant unique
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
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Des chiffres et des hommes
Les statistiques médicales masquent des êtres humains dont certains ont par exemple prévu
un déménagement ou un voyage et qui ont leurs secrets. Des données qu’aucun mathématicien ne peut calculer et qui font que plus d’un patient reste en marge des statistiques. Coup
d’œil sur les dernières révélations de l’étude de cohorte VIH.
«Au lieu de se limiter à
la méthode classique
consistant à additionner les
nouveaux diagnostics puis
à soustraire le nombre de
décès, la nouvelle étude a
eu recours à d’autres données susceptibles de fournir
des renseignements sur la
propagation du VIH.»
La nouvelle fait l’effet d’une douche froide: de
toutes les personnes séropositives en Suisse,
seules 68 pour cent reçoivent un traitement
efficace. Est-ce possible? D’après une nouvelle
étude réalisée en Suisse sur la base des données
de l’étude suisse de cohorte VIH (Swiss HIV
Cohort Study ou SHCS), ça en a tout l’air. Certes,
les chiffres ne mentent pas, mais ils décrivent
une réalité plus complexe qu’il n’y paraît au
premier coup d’œil. Derrière chacun d’eux, il
y a en effet un être humain, un destin, une vie.
La bonne nouvelle pour commencer: il y a en
Suisse moins de séropositifs que l’on imaginait. En 2012, on supposait qu’ils étaient entre
22 000 et 29 000. Cette estimation inclut aussi
les personnes qui ne savent rien encore de leur
infection et qui ne sont pas diagnostiquées. La
nouvelle étude* révèle que la propagation du
virus touche quelques milliers de personnes
de moins que prévu.
La statistique corrigée
* The HIV care cascade in Switzerland: reaching the UNAIDS/WHO targets for patients
diagnosed with HIV. Kohler, P., ­Schmidt,
A., Cavassini, M., Furrer, H., Calmy, A.,
Battegay, M., Bernasconi, E. Ledergerber,
B., Vernazza, P. and the Swiss HIV Cohort
Study. AIDS, 2015, vol. 29, pp. 2509-2515.
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L’équipe de chercheurs a calculé qu’en 2012, il
y avait 15 200 personnes infectées par le VIH.
Pourquoi une telle différence? Axel Jeremias
Schmidt, coauteur de l’étude et épidémiologiste
à l’Hôpital cantonal de St-Gall et à la London
School of Hygiene and Tropical Medicine, explique: «Nous avons affiné les estimations et
enrichi les données de l’étude de cohorte avec
d’autres informations.» Au lieu de se limiter à
la méthode classique consistant à additionner
les nouveaux diagnostics puis à soustraire le
nombre de décès, la nouvelle étude a eu recours
à d’autres données susceptibles de fournir des
renseignements sur la propagation du VIH. En
effet, soustraire simplement le nombre de patients décédés du sida du total des personnes
séropositives en vie ne donne qu’une idée très
approximative de la situation. «Aujourd’hui, les
personnes séropositives meurent toujours plus
rarement du sida parce que le traitement est
plus performant», déclare Axel J. Schmidt. Si la
cause du décès est l’infarctus ou un accident, le
certificat de décès ne signalera pas forcément
que la personne était porteuse du virus, ce qui
fausse déjà la statistique.
Dans la nouvelle étude, le nombre des personnes séropositives qui s’ignorent a par ailleurs été établi de façon plus complexe, mais
plus réaliste. Les données de l’étude de cohorte
ont été couplées avec des résultats d’enquêtes
européennes de manière à pouvoir estimer
combien de personnes sont porteuses du virus
sans le savoir. Ces estimations se fondent notamment sur l’expérience que tous les groupes
de population ne se font pas dépister à la même
fréquence. On estime par exemple que, dans le
groupe des hommes ayant des rapports sexuels
avec des hommes (HSH), 13,5 pour cent des
séropositifs ne sont pas au courant de leur infection. Le même taux s’applique au groupe des
personnes qui s’injectent des drogues (IDU). Ce
taux est inférieur à celui d’autres groupes de
population pour lesquels on estime à 25 pour
cent les cas non diagnostiqués, sachant que les
HSH et les IDU se font dépister plus souvent.
Restés en rade
Si le nombre de séropositifs est moins grand
que prévu, le pourcentage de ceux qui ne reçoivent pas de traitement efficace n’en est pas
moins élevé. En effet, 32 pour cent de toutes
les personnes infectées demeurent avec une
charge virale inchangée. Il convient d’examiner ces chiffres de plus près. Pour commencer,
les médecins ne peuvent pas traiter les séropositifs qui ignorent leur statut. Il faut donc
partir du nombre de cas diagnostiqués. Ensuite,
il faut prendre en compte l’aspect typiquement
humain, le comportement de l’individu et les
erreurs statistiquement inévitables. «Il faut
considérer la cascade du traitement dans son
ensemble et là, les chiffres s’expliquent», déclare Schmidt. En partant du nombre de cas
diagnostiqués, des êtres se détachent à chaque
étape des soins (cf. schéma).
Après un test positif, toutes les personnes
infectées ne se rendent pas dans un centre de
traitement. Pourquoi? «Pour un grand nombre
Les étapes de la cascade du traitement
Voici comment la statistique accompagne les personnes séropositives
jusqu’au traitement efficace. Sur 100 cas diagnostiqués en Suisse en 2012,
84 ont reçu un traitement qui a réduit la charge virale.
Etape e
Etape r
Etape t
Cas de VIH
estimés
Cas de VIH
diagnostiqués
Première consultation
chez un spécialiste du VIH
  
124
100
99
–

–
1

2
Etape u
Etape i
Etape o
Consultations régulières
chez un spécialiste du VIH
Traitement
médicamenteux
Traitement
efficace
  
97
–


9
88
84
–

4
Source: A. J. Schmidt, chiffres de 2012
de personnes, cela dépend du moment du test»,
explique le scientifique. Certaines personnes
ont envie de faire un deuxième test avant
de se rendre dans un centre de traitement.
D’autres sont en train de vivre une séparation,
déménagent dans une autre ville, ont réservé
un grand voyage, veulent d’abord finir leurs
examens ou ne séjournaient en Suisse que
pour une brève durée. Toutes ces situations
font que certaines personnes n’apparaissent
qu’ultérieurement dans un centre, qui n’est
peut-être pas même en Suisse. A cela s’ajoutent
les personnes bloquées par la peur ou par des
problèmes linguistiques ou qui craignent d’être
vues par un voisin lorsqu’elles se rendent chez
le médecin, si bien que le premier contact
avec un spécialiste est reporté de plusieurs
semaines ou mois, voire d’une année. «Mais ce
qui est étonnant dans la cascade suisse, c’est
que ce pourcentage est très faible.»
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
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«Si le nombre de séropositifs est
moins grand que prévu, le pourcentage de ceux qui ne reçoivent pas
de traitement efficace n’en est pas
moins élevé.»
Un pourcentage supplémentaire se détache à
chaque nouvelle étape de la cascade et n’atteindra pas le stade du traitement efficace. Une partie s’arrête avant le stade des visites régulières
chez un spécialiste du VIH, une autre avant le
début du traitement médicamenteux. Enfin, il
faut encore tenir compte des 4 pour cent des
personnes infectées qui commencent un traitement, mais chez qui la charge virale ne baisse
pas. Chacune de ces pertes donne l’impression
qu’un malade ne reçoit pas de médicaments
ou que le traitement n’est pas efficace. Or, il
s’agit avant tout des conséquences inévitables
de l’enquête qui font sortir des individus des
statistiques. «Ainsi, si l’enquête a lieu pour un
patient peu de temps après le début du traitement, il entre dans la catégorie des patients
chez qui les médicaments ne semblent pas avoir
été efficaces, alors qu’ils le seraient pleinement
quatre semaines plus tard», explique Schmidt.
groupe des HSH où ce pourcentage est inférieur
(13,5 pour cent). Une partie des HSH et des
IDU se soumettent régulièrement à des tests,
mais une autre est moins bien intégrée dans un
mode de dépistage adéquat. Si l’on parvenait
ici à changer les comportements, davantage
de séropositifs connaîtraient leur infection, ce
qui leur permettrait d’être traités plus tôt et
de ne pas propager le virus. Les pertes dans
la cascade du traitement ne seraient dès lors
plus que des imperfections statistiques, et non
des lacunes médicales. six
Globalement, le scientifique est persuadé que
la cascade allant du diagnostic au traitement
efficace fonctionne très bien en Suisse. Il n’en
va pas de même hors de l’Europe: aux EtatsUnis, seul un quart de toutes les personnes
diagnostiquées séropositives reçoivent un traitement efficace. C’est dû à l’accès aux médicaments qui est effectivement moins bon. «Si
l’on perd son emploi aux Etats-Unis, on perd
aussi en règle générale son assurance-maladie,
et les médicaments deviennent impayables»,
déclare Schmidt.
La cascade suisse du traitement montre qu’il
n’est guère possible de diminuer les pertes
entre l’étape du diagnostic établi et celle du traitement efficace. Mais le succès de la cascade
est fortement influencé par le pourcentage de
cas qui ne sont pas diagnostiqués. «Avec une
moyenne d’environ 19 pour cent de séropositifs
qui ne connaissent pas leur statut, il ne fait
pas de doute qu’une amélioration s’impose»,
déclare Schmidt. C’est nécessaire même pour le
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Swiss Aids News 4 | décembre 2015
© Fotolia: connel_design
Des améliorations possibles
«Il ne faut pas sous-estimer la
motivation à protéger le partenaire»
Si je regarde les cascades du traitement
dans d’autres pays d’Europe occidentale,
je ne vois à vrai dire aucune différence
notable. Mais la Suisse s’en sort très bien.
C’est le cas en particulier des deux dernières étapes de la cascade, celle du traitement médicamenteux et des patients
dont la charge virale est indétectable. Les
exigences de l’Organisation mondiale de
la Santé sont respectées, voire dépassées.
Mais cela ne s’applique qu’à l’Europe
occidentale?
Oui. Il y a de très nettes disparités EstOuest. Dans les pays de l’ancienne Union
soviétique, l’accès aux médicaments,
surtout les plus récents, n’est pas assuré.
Il en va de même dans les pays d’Europe
orientale rattachés à l’UE et en Turquie.
«Les exigences de l’Organisation
mondiale de la Santé sont respectées, voire dépassées.»
Et pourquoi la Suisse s’en sort-elle
mieux que bon nombre d’autres pays?
L’une des raisons est qu’un grand
nombre de patients ici veulent commencer un traitement avant que ce ne
soit cliniquement nécessaire d’après les
directives européennes. Par conséquent,
les séropositifs sont contagieux moins
longtemps que dans d’autres pays
puisque le virus est déjà tenu en échec à
un stade précoce.
Pourquoi cette volonté de traiter
précocement?
La Suisse a déclaré très courageusement en 2008 déjà que les personnes
séropositives sous traitement efficace ne
transmettaient plus le virus. De ce fait,
de nombreux patients ont voulu commencer un traitement antirétroviral de
façon précoce. Très souvent, la personne
est motivée par l’envie de protéger le
partenaire de l’infection. Il ne faut pas
sous-estimer cette motivation.
Les différences en comparaison internationale ne touchent-elles que les
patients ou aussi les médecins?
Pour les médecins traitants en Suisse,
l’étude nationale de cohorte constitue
un attrait supplémentaire. Comme la
majorité des patients sont intégrés dans
l’étude, les médecins sont d’autant plus
intéressés à les convoquer régulièrement
et, dans le doute, à veiller à ce qu’ils
reviennent. C’est aussi cela qui fait le
succès de la cascade du traitement. six
Zvg
Monsieur Schmidt, où se situe
la Suisse dans le traitement du ­
VIH/sida?
Le D r Axel J. Schmidt mène des
recherches depuis dix ans en tant
qu’épidémiologiste et professionnel de la santé publique sur le
VIH, l’hépatite et les infections
sexuellement transmissibles (IST),
en particulier chez les hommes
ayant des rapports sexuels avec
des personnes du même sexe. Il a
travaillé en Allemagne à l’Institut
Robert Koch et au Centre berlinois
de recherches en sciences sociales.
Il a été responsable de la direction
scientifique du projet EMIS (European MSM Internet Survey) et il est
chargé de recherche à la London
School of Hygiene and Tropical
Medicine (Sigma Research) ainsi
que collaborateur scientifique de
l’Office fédéral de la santé publique
à Berne. Le D r Schmidt est en
Suisse depuis trois ans. Il a travaillé
notamment durant deux ans comme
médecin au Checkpoint Zurich
et, depuis fin 2014, il est médecin
à la Consultation ambulatoire en
infectiologie de l’Hôpital cantonal
de St-Gall où il se consacre plus
précisément aux IST.
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
11
L A F L E U R D E L’ Â G E
«Vieillir avec le VIH:
à quoi faut-il faire attention?»
Vieillir avec le VIH, voilà un sujet qui retient également l’attention de l’étude suisse
de cohorte VIH (SHCS). Le point sur les recherches avec la Dresse Helen Kovari.
Zvg
Depuis quand a-t-on pris conscience
de cette thématique au sein de l’étude
de cohorte?
A propos de la doctoresse:
la Dresse Helen Kovari est médecincheffe à la Clinique des maladies
infectieuses et d’hygiène hospitalière de l’Hôpital universitaire de
Zurich et coresponsable de l’étude
«Metabolic and Aging» de l’étude
suisse de cohorte VIH.
Au plus tard depuis que l’on sait que les
personnes séropositives sous traitement
antirétroviral ont probablement une
espérance de vie similaire à celle du
reste de la population. La question des
comorbidités acquiert par conséquent
une importance fondamentale. On entend
par là l’apparition de troubles liés à l’âge
qui sont aussi répandus au sein de la
population générale, tels que l’infarctus,
la démence, l’ostéoporose, les atteintes
de la fonction rénale, etc. Une question
cruciale est de savoir si les personnes
séropositives vieillissent prématurément.
Quelles sont les études en cours dans
ce domaine?
Il y a différents projets dans le cadre
de l’étude de cohorte. L’un d’eux est
l’étude «Metabolic and Aging» (M+A).
Elle englobe à l’échelle nationale 1000
personnes séropositives de 45 ans et
plus, dont 350 à Zurich. Nous mesurons
tous les deux ans la densité osseuse et
les capacités cérébrales des patients
et ­procédons à des analyses d’urine. A
Genève et à Zurich, nous examinons
en outre les artères coronaires, à la
recherche d’éventuels dépôts susceptibles de provoquer ultérieurement un
infarctus. Nous comparons les résultats
avec ceux de personnes séronégatives
afin d’établir si ces stades précurseurs de
l’infarctus sont plus fréquents à un âge
moins avancé et si l’évolution est plus
rapide.
Quelles sont les difficultés auxquelles
la recherche est confrontée ici?
Je citerai un aspect positif pour commencer: nos patients séropositifs sont très
intéressés et motivés à participer à cette
12
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
recherche. Ce qui est difficile, c’est la
logistique: les études prennent beaucoup
de temps et sont aussi relativement
chères vu les examens. L’un des défis
consiste par ailleurs à trouver un groupe
de contrôle de personnes séronégatives
qui soient comparables par exemple en
ce qui concerne la consommation de
tabac ou le mode de vie en général.
Quels sont les problèmes qui sont
amplifiés chez les personnes séropositives vieillissantes?
Combiner différents médicaments constitue un défi majeur. Il convient de bien
observer les éventuelles interactions et
l’influence réciproque des traitements.
On ne sait pas non plus si les personnes
plus âgées dont le poids est moindre ou
qui sont atteintes d’insuffisance rénale
ont besoin d’un plus faible dosage de
médicaments contre le VIH. Il reste de
nombreuses questions en suspens.
D’après les premiers résultats, à quoi
les personnes séropositives doiventelles faire attention en relation avec le
vieillissement?
Elles doivent faire attention aux mêmes
choses que le reste de la population:
bouger assez, s’alimenter sainement et ne
pas fumer. Et prendre leurs médicaments
régulièrement.
nsch
La fleur de l’âge
De nombreuses personnes séropositives sont maintenant dans
la fleur de l’âge. Cette rubrique
traite des sujets qui présentent un
intérêt particulier pour elles.
…
PÊLE-MÊLE
EXPOSITION
ALBUM
John Grant: «Grey Tickles,
Black Pressure»
Le Milieu de l’horizon,
de Roland Buti
Après avoir provoqué la dissolution du
groupe rock The Czars par son comportement imprévisible, John Grant avait
été encouragé par le groupe Midlake à
enregistrer un album solo. Sorti en 2010
sous le titre «Queen of Denmark», celuici avait été désigné album de l’année par
le magazine musical Mojo.
Gus a quitté l’enfance un été de canicule.
Alors qu’il aide son père paysan, lit et
relit ses bandes dessinées, se baigne
dans un réservoir souterrain avec Mado,
la fille perdue du village, son univers
familier et rassurant se fissure.
© Swen Marcel
© Editions Zoé
«Superhéros et
SuperQueeroes»
LIVRE
Berlin vaut le déplacement en toute
saison. Une fois arrivé à destination,
il suffit de poser sa valise et de se
laisser entraîner au gré de ses envies,
par exemple au musée gay (Schwules
Museum).
Cette institution unique en son genre propose l’an prochain une exposition intitulée
«SuperQueeroes – Unsere LGBTIQ*Comic
Held_innen». Elle montre à quel point le
quotidien des personnes LGBTIQ* a pu – et
peut encore – être héroïque dans un monde
où l’hétérosexualité est la norme et qui est
dominé par la censure et par des codes. Le
collectionneur suisse et expert en BD Mario
Russo est le curateur de la partie de l’exposition consacrée au sida. Si, dans les premiers temps, c’étaient les pionniers du sexe
à moindre risque qui étaient en première
ligne, ils sont remplacés désormais par tous
ceux qui combattent la stigmatisation, qui
luttent contre l’exclusion des personnes
séropositives et prônent envers elles une
attitude plus conviviale au quotidien. jak
•
Musée gay*, Berlin
schwulesmuseum.de, à partir du 22 janvier 2016
Aux dires de Grant, le nouvel opus sorti en
2015 est le plus joyeux qu’il ait jamais fait.
Pourtant, la première moitié du titre de
l’album se réfère à l’expression islandaise
pour «crise de la quarantaine», la seconde
signifiant en turc «cauchemar». Grant lutte
donc une fois de plus avec ses démons: la
dépendance à l’alcool et aux drogues et une
adolescence difficile en tant qu’homosexuel
ayant grandi au sein d’une famille religieuse
dans le Michigan et au Colorado, entouré de
camarades d’école qui lui ont fait la vie dure.
Grant a créé la surprise et suscité le respect
en 2012 en annonçant sa séropositivité lors
d’un concert à Londres. Des chansons fortes
sur les fantômes du passé et sur l’aspiration
à un amour qui transcende tout. nsch
•
«Grey Tickels, Black Pressure», 2015
de John Grant, Bella UnionX
La mère de Gus, présence constante, tendre
et complice s’éloigne peu à peu de lui, tandis que son père, pourtant véritable force de
la nature, s’enferme dans sa chambre pour
cuver son chagrin. L’impensable arrive. Gus
doit alors prendre en main l’exploitation,
guider les camions-citernes de l’armée vers
les champs desséchés, traire les vaches
trop pleines d’avoir été oubliées. Quand il
découvre le secret de sa mère, dans une
scène magnifique de pudeur, il vit la fin d’un
monde. Roland Buti nous livre ici un récit
ample, sensuel et puissant. sdp
•
«Le Milieu de l’horizon» de Roland Buti,
Editions Zoé, 2013
Roland Buti habite et travaille à Lausanne. Le
Milieu de l’horizon est son troisième roman.
(Tiré de: quatrième de couverture)
Roland Buti habite et travaille à Lausanne.
Le Milieu de l’horizon est son troisième
roman.
(Tiré de : quatrième de couverture)
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
13
A N N O N CE
la_ceylor_inserat_Y+_210x292_gleitgel_GzD_fr.pdf
1
21.10.15
13:20
Les nouveaux gels lubrifiants.
Sensuel. Exotique. Soyeux.
14
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
OPINIONS
Droit de réponse
L’hépatite C, la maladie sous-estimée
La revue Swiss Aids News a consacré son numéro de septembre
à l’hépatite C. On ne peut que s’en réjouir, l’hépatite C étant pour
la santé publique un sujet d’envergure similaire au VIH. Mais ce
numéro met aussi en lumière un certain potentiel en termes de
sensibilisation et d’information. L’hépatite C est fréquemment sousestimée parce que la maladie évolue insidieusement pendant des
décennies et qu’elle ne présente souvent aucun symptôme, ou du
moins aucun qui soit spécifique. C’est précisément cela qui la rend
si dangereuse. Nous sommes d’avis que notamment l’article publié
en page 3 du dernier numéro de SAN (Il était une fois… le foie)
reflète une vision trop étroite et qu’il ne rend pas vraiment compte
de la maladie qu’est l’hépatite C. Nous précisons volontiers notre
pensée ci-après.
La remarque selon laquelle seule une personne infectée sur trois
tombe malade et que l’on ne doit par conséquent pas traiter tout
le monde n’est pas correcte en l’état. D’après les connaissances
les plus récentes, l’hépatite C provoque rapidement une fibrose
du foie suite à l’infection, menant même à une cirrhose chez une
personne sur cinq en l’espace de dix ans (Butt 2015). Même si des
personnes atteintes ne présentent pas de symptômes spécifiques,
elles ne sont pas en bonne santé. Qui plus est, elles vivent avec
un risque accru de développer des complications hépatiques, en
particulier un cancer du foie.
L’hépatite C est une maladie infectieuse qui s’attaque à tout l’organisme, pas seulement au foie (Negro 2015). Parmi les conséquences
possibles, citons des maladies comme le diabète, l’artériosclérose,
le cancer des ganglions lymphatiques, les maladies chroniques
de la peau, les néphrites, la dépression ou autres. Chez un grand
nombre de personnes, l’hépatite C provoque, à des degrés variables
et indépendamment de l’atteinte du foie, une grande fatigue (dont se
plaignent plus de la moitié des personnes atteintes), un manque de
concentration, des douleurs articulaires et quantité d’autres symptômes qui ont des répercussions négatives sur la qualité de vie et
l’aptitude au travail (Sarkar 2012).
Depuis 2001 en Suisse, le nombre de décès des suites de l’hépatite
C est supérieur à celui des décès liés au VIH (source: Office fédéral
de la statistique). Non seulement les personnes souffrant d’hépatite C meurent de maladies du foie plus souvent que la population
générale, mais elles présentent globalement un risque de mortalité
accru, qui s’explique par les complications susmentionnées telles
que le diabète et l’artériosclérose (Lee 2012).
Un traitement contre l’hépatite C peut non seulement guérir cette
maladie infectieuse, mais aussi prévenir les maladies corollaires
(Van der Meer 2012). Cependant, il ne suffit pas de traiter. Il doit
y avoir une prise de conscience au sein de la population et des
professionnels de la santé: il faut des mesures supplémentaires en
matière de dépistage étant donné que plus de la moitié des personnes
atteintes ne savent pas qu’elles sont infectées. Et il faut également
que le prix des médicaments baisse.
La stratégie nationale de lutte contre l’hépatite aborde ces sujetslà et bien d’autres encore. Quelque 80 personnalités issues du milieu
médical, de la santé publique, des organisations de patients, de
l’économie, des assureurs et des politiciens travaillent depuis près
de deux ans à l’élaboration d’un plan de mesures global. La stratégie
suisse s’est fixé pour objectif d’éliminer l’hépatite virale d’ici 2030.e
La stratégie nationale de lutte contre l’hépatite peut tirer de nombreux enseignements des succès remportés en Suisse dans la lutte
contre le VIH. Inversement, l’hépatite pourrait fournir de nouveaux
éléments importants pour les structures établies dans le domaine
du VIH. Dans ce cas, l’élimination peut devenir réalité.
Plus d’informations sur www.hepatite-suisse.ch.
Philip Bruggmann
Responsable de la stratégie suisse de lutte contre l‘hépatite
Note
e L’OMS œuvre aussi en ce moment à l’élaboration d’une stratégie mondiale qui
prévoit également l’élimination de l’hépatite virale.
Bibliographie
Butt A, Yan P, Lo Re V et al. Liver Fibrosis Progression in Hepatitis C Virus Infec-
Lee M, Yang H, Lu S et al. Chronic Hepatitis C Virus Infection Increases Mortality
tion After Seroconversion. JAMA Intern Med. 2015;175(2):178–185
From Hepatic and Extrahepatic Diseases: A Community-Based Long-Term Prospec-
Negro F, Forton D, Craxi A, et al Extrahepatic Morbidity and Mortality of Chronic
Hepatitis C. Gastroenterology 2015;149:1345–1360
Sarkar S, Jiang Z, Evon D, et al. Fatigue Before, During and After Antiviral Therapy
of Chronic Hepatitis C: Results from the Virahep-C Study. J Hepatol 2012; 57 (5):
tive Study. JID 2012;206:469–77
Van der Meer A, Bart J, Feld J, et al. Association Between Sustained Virological
Response and All-Cause Mortality Among Patients With Chronic Hepatitis C and
Advanced Hepatic Fibrosis. JAMA. 2012;308(24):2584–2593
946–952
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
15
DROIT
Déclaration des cas de discrimination 2015
Du jour au lendemain, Madame B. s’est trouvée assaillie de questions concernant sa séropositivité de la part de ses connaissances, bien qu’elle n’en ait parlé qu’à un très petit nombre
de personnes de son entourage. Après quelque temps, il est apparu que l’ex-amie de son nouveau compagnon avait espionné le téléphone portable de ce dernier et c’est ainsi qu’elle avait
appris sa séropositivité. Voulant se venger de la nouvelle compagne, elle avait envoyé à tous
les contacts de son ex-ami un MMS avec la photo de Madame B. et un message disant qu’elle
était séropositive. Cette divulgation contre son gré a eu de graves conséquences psychiques.
Voilà l’un des 116 cas de discrimination qui
ont été déclarés à l’Aide Suisse contre le Sida
en 2015. Mandatée par l’Office fédéral de la
santé publique, l’Aide Suisse contre le Sida sert
de centre national de déclaration des discriminations et des violations de la protection des
données pour les personnes séropositives. Elle
collecte les cas qui lui sont annoncés et les
transmet deux fois par année, sous une forme
anonymisée, à la Commission fédérale pour la
santé sexuelle. Elle intervient au cas par cas,
d’entente avec les personnes concernées et
pour autant que celles-ci le souhaitent. Si les
déclarations se multiplient dans un domaine
déterminé, elle examine la possibilité d’agir à
un niveau supérieur.
«Près de la moitié des cas déclarés en
2015 concernaient le domaine des assurances, avec 33 déclarations pour
les assurances sociales et 21 pour les
assurances privées.»
Aperçu
Ce sont en tout 116 cas de discrimination qui
ont été annoncés à l’Aide Suisse contre le Sida de fin octobre 2014 à fin octobre 2015. Le
nombre de cas déclarés reste donc élevé, et il
convient de garder à l’esprit qu’il ne s’agit là
que de la partie émergée de l‘iceberg.
Près de la moitié des cas déclarés en 2015
concernaient le domaine des assurances, avec
33 déclarations pour les assurances sociales et
21 pour les assurances privées. On a enregistré
par ailleurs 21 violations de la protection des
données, 14 déclarations portant sur l’activité
lucrative et 10 concernant la santé publique.
Une petite sélection des cas déclarés est
examinée ci-après de plus près, avec un commentaire de la situation juridique. Tous les cas
sont véridiques, mais certains ont été quelque
peu modifiés afin d’assurer l’anonymat des personnes concernées.
Cas de discrimination déclarés au cours des 5 dernières années
protection des données
divers
service militaire
droit pénal
droit d’entrée et de séjour
santé publique
droit des étrangers
assurances privées
assurances sociales
activité lucrative
16
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
Domaine des assurances
Activité lucrative
En matière d’assurances sociales, on a enregistré cette année un nombre de cas particulièrement élevé concernant l’assurance-maladie.
Plusieurs déclarations ont émané par ailleurs
de personnes qui voulaient se mettre à leur
compte, mais qui n’ont pas pu conclure d’assurance d’indemnités journalières.
Les cas déclarés en lien avec l’activité lucrative
ont légèrement diminué cette année. Mais les
discriminations dans ce contexte ont cependant encore la plupart du temps de graves
conséquences.
Un Suisse de l’étranger de retour en
S­ uisse avait informé la caisse-maladie de son
infection par le VIH avant de conclure l’assurance. Celle-ci lui a dit qu’il ne pouvait pas
conclure d’assurance de base tant qu’il n’exerçait pas une activité lucrative.
Situation juridique: il s’agit ici d’une déclaration mensongère, vraisemblablement motivée
par la volonté de ne pas devoir assumer les
frais d’une personne séropositive. Toutes les
personnes domiciliées en Suisse ont le droit
d’être admises dans l’assurance de base, sans
réserve et sans avoir à répondre à un questionnaire de santé. L’activité lucrative n’est pas une
condition préalable nécessaire.
Une femme a voulu prendre un poste de
nounou. L’employeuse l’a priée de conclure
une assurance individuelle d’indemnités journalières et de présenter l’attestation d’assurance. A cause de sa séropositivité, cette femme
a été refusée par l’assurance. L’employeuse lui
a demandé la raison de ce refus et a retiré son
offre d’emploi.
Situation juridique: l’assurance d’indemnités journalières est une assurance privée. De
telles assurances ont le droit de procéder à
une sélection des risques et d’exclure les personnes avec des maladies préexistantes. Les
assurances individuelles d’indemnités journalières refusent régulièrement les personnes
séropositives, même si le traitement qu’elles
suivent est efficace, que leur charge virale est
au-dessous du seuil de détection et qu’elles ne
sont pas plus souvent malades que le reste de
la population, donc qu’elles ne présentent pas
un risque accru. Il s’agit là clairement d’une
inégalité de traitement.
Une collaboratrice d’un service de placement a refusé de placer un cuisinier dans une
cantine à cause de sa séropositivité. Elle avait
peur d’être tenue pour responsable au cas où
il y aurait transmission du VIH au restaurant.
Situation juridique: il n’y a en Suisse aucune
profession interdite aux personnes séropositives, ni dans le milieu médical ni dans celui
de la restauration. Une exclusion à cause de la
séropositivité ne se justifie pas et est clairement
illégale.
«Un employeur n’a pas le
droit de poser des questions
relatives à la santé.»
Un homme a dû être en arrêt maladie pendant un certain temps suite à un changement de
traitement. Son supérieur a voulu en connaître
la raison. L’homme l’ayant alors informé de son
infection par le VIH, il a été notamment menacé de recevoir son congé s’il était à nouveau
malade. Par la suite, l’homme est allé travailler
bien que le médecin lui ait prescrit un arrêt de
travail, de peur de perdre son emploi.
Situation juridique: un employeur n’a pas le
droit de poser des questions relatives à la santé.
En menaçant son collaborateur de licenciement,
l’employeur a gravement enfreint son devoir
d’assistance relevant du droit du travail
Santé publique
On a tendance à croire que les personnes travaillant dans le domaine de la santé connaissent
les voies de transmission du VIH et qu’elles sont
sensibilisées en conséquence. Ce n’est pas toujours le cas: les discriminations en lien avec la
santé publique sont récurrentes.
Après que sa séropositivité a été connue,
un homme a été discriminé par le personnel
soignant qui croyait être exposé à un risque
important de contamination par le VIH.
Situation juridique: une transmission du VIH
peut être exclue dès le moment où l’on respecte
les mesures de protection qui sont prescrites de
toute façon dans le domaine de la santé. Par son
comportement, le personnel soignant a failli à
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
17
DROIT
© kallejipp / photocase.com
son devoir de traiter les personnes avec tout
le soin et la dignité nécessaires.
Service de consultation juridique
Une femme avait informé le personnel
d’un EMS de sa séropositivité. Par la suite, elle
a été harcelée et on a même omis de l’aider
lorsqu’elle s’est écroulée, victime d’un malaise.
Situation juridique: le refus d’aider remplit
les éléments constitutifs de l’infraction qualifiée d’omission de prêter secours, qui est punie
d’une peine privative de liberté de trois ans au
plus ou d’une peine pécuniaire. La direction
de l’EMS aurait dû immédiatement mettre un
terme aux harcèlements et prendre les mesures
relevant du droit du personnel qui s’imposaient
vis-à-vis des collaborateurs incriminés.
de l’Aide Suisse contre le Sida
Nous répondons à des questions juridiques
en relation directe avec une infection à VIH
dans les domaines suivants:
Droit des assurances sociales
Droit de l’aide sociale
Assurances privées
Droit du travail
Droit en matière de protection
des données
Droit des patients
Violations de la protection
des données
Les violations de la protection des données
surviennent dans tous les domaines: sur le
lieu de travail, dans le cercle des amis ou de
la famille, dans le contexte médical et en lien
avec les autorités. On enregistre une hausse
dans le domaine des médias sociaux où le statut de personnes séropositives est révélé via
Facebook, des sites de rencontres ou par SMS.
Droit sur l’entrée et le séjour
des étrangers
Notre équipe est à votre service:
mardi et jeudi: de 9 h à 12 h et
de 14 h à 16 h.
Tél. 044 447 11 11
[email protected]
Un homme séropositif a été envoyé par
sa généraliste chez une dermatologue. Chez
cette dernière, il a remarqué que «séropositif»
figurait sur le document émanant de la généraliste, surligné. Comme la dermatologue a dû
faire appel à une spécialiste, elle lui a signalé
l’infection à VIH en ces termes: «A propos, le
patient est séropositif, donc il faut que tu fasses
attention». Le patient a eu le sentiment d’être
un pestiféré.
Situation juridique: les médecins et leurs
auxi­liaires sont soumis au secret professionnel.
C’est valable aussi vis-à-vis d’autres membres
du corps médical. Toute communication de données relatives à la santé à d’autres médecins
ou membres du corps médical (physiothérapeutes, pharmaciens, etc.) requiert le consentement exprès du patient. Si l’on n’en dispose pas,
il s’agit d’une violation du secret professionnel.
Cela s’applique aussi aux ecclésiastiques, avocats, contrôleurs et psychologues.
Une femme avait informé une collègue de
travail de sa séropositivité à titre confidentiel,
18
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
mais celle-ci l’a raconté à toutes ses collègues
dans l’entreprise. Par la suite, toute l’équipe a
évité cette personne séropositive et beaucoup
de choses se racontaient constamment dans
son dos.
Situation juridique: la collègue de travail s’est
rendue coupable de violation de la protection
des données, qui peut être sanctionnée par le
droit civil. En outre, compte tenu de son devoir
d’assistance, l’employeur aurait dû intervenir
pour protéger la collaboratrice victime de
mobbing, pour autant qu’il ait été informé des
événements.
Une protection lacunaire en Suisse
contre les discriminations
S’agissant de la protection contre les discriminations, la Suisse n’est guère performante
en comparaison internationale. Il manque en
Suisse une loi anti-discrimination telle qu’en
connaissent la plupart des pays européens. De
nombreuses interventions politiques au Parlement ont échoué. Le Conseil fédéral a été
d’avis jusqu’ici que les réglementations existantes en droit pénal, privé et public offrent
une protection suffisante. Pourtant, il suffit
de jeter un coup d’œil aux déclarations pour
se rendre compte que tel n’est pas le cas. Les
campagnes de sensibilisation et le monitoring
des discriminations n’en sont donc que plus
importants. On peut ainsi tenter d’intervenir
au cas par cas. Mais les déclarations servent
aussi à déceler des tendances sociétales et, le
cas échéant, à agir à un niveau supérieur.
cs/ce/jh
Victime de discrimination? Dites-le-nous!
L’Aide Suisse contre le Sida a besoin de vos
déclarations pour avoir une vision globale de
la situation actuelle en matière de discrimination, pour pouvoir informer et lutter contre ce
phénomène de façon ciblée. Faites-nous part
des cas qui blessent votre sens de la justice.
Vous trouverez un formulaire à cet effet sur
www.aids.ch/fr/vivre-avec-vih/conseil-information/discrimination.php. Les données sont traitées de façon strictement confidentielle. Vous
pouvez aussi choisir de conserver l’anonymat
si vous le souhaitez.
F O R U M D R O I T Nous répondons à vos questions
Mention des absences pour cause de
maladie dans le certificat de travail
J’ai été licenciée après dix-sept ans au sein
d’une entreprise suite à une restructuration.
Je viens de recevoir mon certificat de travail.
C’est un bon certificat, mais il y est mentionné
que j’ai été fréquemment malade. C’est vrai,
j’ai dû changer mon traitement à plusieurs
reprises par le passé et, à chaque fois, j’ai
manqué quelques semaines. Mais depuis
trois ans, mon traitement s’est bien stabilisé
et je peux compter mes jours d’absence pratiquement sur les doigts d’une main. Puis-je
demander à mon employeur de supprimer
l’allusion aux absences pour cause de maladie? Et puis-je lui demander de préciser dans
le certificat de travail que celui-ci n’est pas
codé?
Réponse de Caroline Suter,
Dr en droit
Un empêchement de travailler pour cause de
maladie ne peut être mentionné dans un certificat de travail que si c’est nécessaire pour
apprécier globalement les prestations. Selon
le Tribunal fédéral, c’est le cas si une maladie
influe fortement sur les prestations et/ou sur le
comportement de l’employé-e ou si elle remet
en question l’aptitude à faire un travail. On
tient compte ici de la durée des rapports de
travail et de celle des absences liées à la maladie. Si l’empêchement de travailler pèse très
lourd dans la balance par rapport à la durée
de l’emploi, il peut être mentionné dans le certificat de travail. Vous avez travaillé dix-sept
ans dans l’entreprise en question. Quelques
semaines d’absence n’entrent pas en ligne de
compte et ne peuvent par conséquent pas être
mentionnées. Ce serait différent si vous n’aviez
par exemple travaillé qu’une année dans l’entreprise. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un certificat qui ne mentionnerait pas les
absences dans un tel cas donnerait au nouvel
employeur une image faussée de l’expérience
professionnelle acquise. Mais quoi qu’il en soit,
un diagnostic, notamment celui de l’infection
par le VIH, ne peut être mentionné sous aucun
prétexte dans un certificat de travail.
L’utilisation de codes va à l’encontre du principe de la bonne foi et n’est donc pas autorisée.
Le langage codé est contraire au principe de
transparence. La mention «non codé » dans un
certificat de travail n’est donc pas nécessaire
étant donné que l’on peut partir du principe
«C’est un bon certificat, mais il y est
mentionné que j’ai été fréquemment
malade. Puis-jedemander à mon
employeur de supprimer l’allusion aux
absences pour cause de maladie?»
© Mary Manser
Question de Madame S. H.
Caroline Suter, docteur en droit,
consultation juridique de l’Aide Suisse
contre le Sida
qu’un certificat ne l’est pas. Avec une précision de ce type, l’employeur pourrait laisser
entendre que le certificat non codé ne correspond pas à sa pratique normale.
Prenez contact le plus rapidement possible
avec votre employeur et demandez-lui de supprimer l’allusion aux absences pour cause de
maladie. Vous avez le droit de faire rectifier
votre certificat, droit que vous pouvez faire
valoir, le cas échéant, par une action en justice.
Swiss Aids News 4 | décembre 2015
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t’aide !
Le Dr Gay répond en ligne à toutes les
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Swiss Aids News 4 | décembre 2015

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