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Des "changements démocratiques" ont eu lieu au cours de cette année dans un certain nombre
d'Etats de l'Europe du Sud-Est. Les partis qui avaient dirigé la politique de ces pays au cours de
la dernière décennie se sont retrouvés dans l'opposition et les anciens partis de l'opposition au
pouvoir. L'un des premiers problèmes auxquels les nouvelles autorités se sont vus confrontées a
été celui des médias qui étaient jusqu'alors soit au service des partis dirigeants, soit exposés à
diverses formes de répression. Nombreux sont ceux qui estiment que ce sont les médias,
précisément, qui montreront à quel point ces nouveaux pouvoirs "démocratiques" sont
"véritablement" démocratiques. 'Media On Line" compte donc publier ces jours-ci différents
textes sur les rapports entre les médias et les nouveaux pouvoirs dans ces pays, pour procéder
ensuite à une analyse comparative des médias et des nouveaux pouvoirs dans les pays où ces
changements politiques ont eu lieu.
IL EST PLUS FACILE DE CONTRÔLER DANS LA CONFUSION
- Croatie L’une des principales promesses qu’avait faite, avant la tenue des élections parlementaires au
mois de janvier dernier, la coalition des partis alors dans l’opposition et actuellement au pouvoir,
était la garantie de la liberté de la presse et d’un développement démocratique des médias. Cela
portait, avant tout, sur l’abolition de toute forme de répression des médias, leur manipulation pour
servir des objectifs politiques ou les intérêts des partis. Cette coalition avait alors signé avec la
Société des journalistes croates une « Charte sur une télévision publique », destinée à prouver
clairement qu’elle était décidée à procéder à de profonds changements au sein des médias croates
les plus influents, lesquels, depuis presque une décennie, constituaient l’arme médiatique la plus
puissante du régime de Tudjman et de son parti.
Neuf mois plus tard, toutes les analyses et études sérieuses auxquelles il a été procédé
parviennent à la conclusion que les nouveaux pouvoirs n’ont rempli que quelques-unes de leurs
promesses pré-électorales. Nombreux seront ceux qui en chercheront la justification, ou du moins
une circonstance atténuante, dans le difficile héritage, social et économique surtout, laissé par le
gouvernement précédent. Mais l’opinion générale, de plus en plus répandue, est que rien n’a
véritablement été fait pour améliorer la situation dans les médias, ce qui exigerait avant tout autre
chose, une prise de position précise et résolue; et l’on a tendance à se demander si les pouvoirs ont
véritablement l’intention, dans ce domaine du moins, de procéder à d’importants changements
démocratiques.
Presque personne, en Croatie, ne se déclare satisfait des médias ou de la situation médiatique.
Le gouvernement, qui contrôle encore pas mal de choses dans le monde des médias, les jugent
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souvent de manière très négative, leur lançant de graves accusations, avec des relents « à la
Tudjman », et sa rhétorique. L’opposition, qui semble avoir encore de l’influence, fait de même.
Certains représentants de l’église et de l’armée affirment que la situation n’a jamais été aussi
mauvaise (même sous le communisme). Les représentants de la corporation des journalistes
expriment eux-mêmes leur mécontentement, haut et fort. Il est évident que ces opinions, points de
vue, et objectifs sont souvent contradictoires, parfois tout à fait infondés, mais de toutes façons très
indicatifs - rien d’important n’a encore été fait.
Ce serait pourtant manquer totalement d’objectivité que d’affirmer que rien n’a changé. La
meilleure illustration du changement d’atmosphère est sans aucun doute l’abolition par la Cour
constitutionnelle de l’article de la Loi pénale permettant de poursuivre les journalistes pour atteinte
à la personnalité des hommes d’Etat, ou encore le fait que depuis l’arrivée des nouveaux pouvoirs
aucun procès politique n’a été intenté contre un journaliste, alors qu’au cours du règne de Tudjman,
il y en avait par centaines.
Il est évident que le nouveau gouvernement a renoncé à toute répression sérieuse des
journalistes, systématiquement planifiée par le pouvoir précédent, comme l’ont démontré jusqu’à
présent les documents désormais accessibles au public; et ceci au plus haut niveau (par exemple
dans le Bureau même du président de l’Etat), et à l’aide de tous les moyens disponibles: police,
inspection des finances, justice. Le nouveau gouvernement, bien que loin d’adopter un tel
comportement, ne semble pourtant pas, à mon avis, avoir renoncé à s’assurer certaines formes
d’influence et de contrôle sur les médias.
La lenteur et l’indécision dans la réalisation des objectifs fondamentaux de la transformation
des médias et les conditions dans lesquelles ils opèrent, semblent en quelque sorte étayer cette
thèse.
La radiotélévision, le plus puissant média en Croatie, est encore loin d’être une véritable
institution publique. Un projet de loi a été déposé ces jours-ci dans ce but, mais il aurait donner lieu,
paraît-il, à un certain nombre d’objections. Le Conseil de l’Europe a souligné qu’il existait toujours
certains mécanismes permettant un contrôle politique sur ce puissant média, en premier lieu les
mécanismes de gestion, toujours essentiellement soumis à la majorité politique parlementaire c’est-à-dire au pouvoir - ce qui ne devrait pas être admis dans le cas d’une télévision publique. Ce
n’est par ailleurs un secret pour personne qu’à la radiotélévision croate, dans le domaine des cadres,
les véritables décisions dépendent toujours , en partie du moins, des principaux dirigeants. Sans
doute le gouvernement n’a-t-il pas l’ambition de décider ou dicter ce qui devrait être diffusé à la
TV, mais il aimerait peut-être pouvoir parvenir à un consensus pour éviter, du moins, que la TV ne
provoque le pouvoir de manière systématique. Les exigences sur le respect des normes
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professionnelles semblent parfois être un masque, cachant le manque d’intérêt et l’inertie vis-à-vis
des thèmes et dilemmes politiques les plus brûlants.
Des phénomènes semblables existent dans le domaine de la presse. L’Etat, le gouvernement
actuel donc, possède en fait trois des quotidiens du pays, c’est-à-dire qu’il peut influer sur leur futur
destin: « Slobodna Dalmacija », « Vjesnik » et, d’une certaine manière, « Vecernji list » car, suite à
des malversations dans le processus de sa privatisation, le pouvoir continue à jouer un rôle
prédominant.
« Slobodna Dalmacija » est un quotidien qui attaque systématiquement le nouveau pouvoir
(défiant parfois toutes les normes professionnelles), d’ailleurs cette entreprise est menacée de
faillite et le Gouvernement n’a encore rien fait pour y remettre de l’ordre. Les personnes bien
informées affirment que ce n’est pas une question de principe - la non-ingèrence dans une politique
rédactionnelle qui ne lui est pas favorable - mais avant tout en raison de graves frictions entre les
membres de la coalition - pour être plus concret, les SDP et HSL - concernant la nomination des
nouveaux dirigeants de ce journal. Le gouvernement n’a pas non plus réagi à une proposition
concernant le rachat de « Vjesnik », dont le tirage atteint à peine quelque milliers d’exemplaires,
offre d’une maison d’édition d’un hebdomadaire particulièrement influent, « National », à la veille
de la parution duquel, affirment quelques sources anonymes proches du pouvoir, « tous les
membres du gouvernement se mettent à trembler ». Il semblerait aussi que la vente du quotidien au
plus large tirage, « Vecernji list », à la corporation autrichienne »Styria », ait été suspendue; ceci
serait dû en grande partie, outre à certaines raisons financières assez mystérieuses, à la réalisation
du fait qu’un tel changement marquerait la fin de toute influence politique sur ce journal.
La situation des médias électronique privés, des médias de l’alternative, reste confuse, car la
Loi sur les télécommunications n’a toujours pas été adoptée et elle doit définir les conditions de
l’allocation des fréquences et du fonctionnement de ces médias; par ailleurs le principe de la
transparence n’a toujours pas été garanti dans ce domaine, ce qui est pourtant très important pour le
développement de médias libres.
Finalement, il ne serait pas correct de ne pas mentionner le fait qu’il existe des médias qui se
voient attribuer une certaine « exclusivité » par les structures au pouvoir et autres sources
politiques, qui leur remettent des documents confidentiels, à objectifs précis, ce qui prouve qu’il
existe encore certaines formes de manipulation.
Cette énumération de certains seulement des principaux segments de l’actuelle situation
médiatique confirme en fait le sentiment selon lequel les conditions devant assurer le libre
développement et la libre initiative des médias sont encore loin d’avoir été créées. S’agit-il
réellement de l’incapacité du pouvoir a créer ces conditions, ou s’efforce-t-il, en faisant traîner les
choses, de prolonger cette situation qui lui permet de contrôler et de manipuler plus facilement
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certains des médias. Il est évident que c’est le gouvernement qui devra répondre prochainement à
cette question, dans le cas contraire, la réponse s’imposera-t-elle d’elle-même. (Ivica Juric/STINASAFAX)
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