L`APPEL LIBERTE POUR L`HISTOIRE

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L`APPEL LIBERTE POUR L`HISTOIRE
L’APPEL LIBERTE POUR L’HISTOIRE
L'appel Liberté pour l'histoire!, le 12
décembre, signé par dix-neuf historiens et
sociologues
de
renom
en
faveur
de
l'abrogation de quatre lois instituant des
vérités historiques (loi antirévisionniste
du 13 juillet 1990, dite loi Gayssot; loi du
29 janvier 2001 sur le génocide arménien;
loi du 21 mai 2001 sur la reconnaissance
officielle de la traite et de l'esclavage en
tant que crime contre l'humanité, dite loi
Taubira; loi du 23 février 2005 sur le «rôle
positif de la présence française outremer,
notamment en Afrique du Nord», qui n'évoque
donc
pas
directement
la
colonisation
contrairement à ce qui est écrit partout)
est un véritable séisme dans le monde
intellectuel et politique. Les signataires
sont en effet insoupçonnables, puisque tous
venus de la gauche ou de l'extrême gauche.
Reconnus
comme
des
personnalités
très
influentes du milieu intellectuel, nombre
étaient
jusqu'alors
connus
pour
leur
conformisme: Jean-Pierre Azéma (spécialiste
de la Seconde Guerre mondiale et ami de
François Mitterrand), Elisabeth Badinter
(épouse de l'ancien ministre PS de la
Justice
et
ex-président
du
Conseil
constitutionnel),
JeanJacques
Becker
(spécialiste
de
la
Première
Guerre
mondiale), Françoise Chandernagor, Alain
Decaux
(ancien
secrétaire
d'Etat
mitterrandien), Marc Ferro, Jacques Julliard
(Le Nouvel observateur. A ce sujet, voir son
article Pitié pour l'histoire dans le n° du 8
décembre) Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre
Nora (Le Débat, directeur très influent chez
Gallimard), Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot,
Antoine
Prost
(ancien
directeur
des
programmes
de
l'Education
nationale),
Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul
Veyne (Collège de France), Pierre VidalNaquet
(EHESS)
et
Michel
Winock
(L'Histoire).
Plusieurs d'entre eux, comme Pierre
Vidal-Naquet ou Jacques Julliard, mais aussi
Jacques Toubon (avant de se rétracter),
Simone Veil, madeleine Rebérioux ou PierreAndré Taguieff avaient pris position contre
la
loi
liberticide
Gayssot.
Mais,
aujourd'hui, l'ampleur est tout autre, avec,
en
arrière-plan,
la
levée
d'immunité
parlementaire du député FN Bruno Gollnisch
ou les nouvelles plaintes déposées contre
Jean-Marie
Le
Pen.
Le
texte,
d'une
importance
majeure,
indique
notamment:
«L'histoire
n'est
pas
une
religion.
L'historien
n'accepte
aucun
dogme,
ne
respecte aucun interdit, ne connaît pas de
tabou.
L'historien
n'a
pas
pour
rôle
d'exalter ou de condamner, il explique.
L'histoire n'est pas esclave de l'actualité.
L'historien ne plaque pas sur le passé des
schémas
idéologiques
contemporains
[…]l'histoire
n'est
pas
la
mémoire.
L'historien, dans une démarche scientifique,
recueille les souvenirs des hommes, les
compare
entre
eux,
les
confronte
aux
documents, aux objets, aux traces, et
établit les faits. L'histoire tient compte
de la mémoire, elle ne s'y réduit pas.
L'histoire n'est pas un objet juridique.
Dans un Etat libre, il n'appartient ni au
Parlement ni â l'autorité judiciaire de
définir la vérité historique.» Des propos de
bon sens qui sont très exactement ceux des
historiens révisionnistes.
Juste après, vingt-cinq «intellectuels de
gauche», dont Edgar Morin, Max Gallo et Paul
Thibaud (revue Esprit), leur apportaient
leur soutien au nom de la «liberté de
débattre»: «Le pouvoir ne saurait régler
[…]les
perpétuels
réaménagements
de
la
conscience collective [...] le dialogue avec
le passé qui est indissociable de l'exercice
des libertés publiques.»
Peu l'ont remarqué, mais cet appel a fait
suite à la déclaration de Jacques Chirac du
9 décembre à propos de la loi sur le « rôle
positif de la présence française»: «Il n'y a
pas d'histoire officielle [...]l'écriture de
l'histoire, c'est l'affaire des historiens.
» Ainsi que celles de Dominique de Villepin
le 8 décembre: «Il n'y a pas une mémoire
française, mais des mémoires françaises
[...] Ce n'est pas au Parlement d'écrire
l'histoire, ce n'est pas son rôle.» A
remarquer également le silence complet des
historiens et intellectuels «de droite», qui
ont tous refusé de s'associer à une telle
demande, craignant sans doute pour leur
carrière.
L'ancien ministre et sénateur socialiste
Michel Charasse, lors d'une causerie à Vichy
le
17
décembre,
s'est
prononcé
pour
l'abrogation des quatre lois qui entravent
la liberté des historiens. De même, le
président communiste de la région Réunion
Paul Vergès (Témoignages, 15 décembre)
indiquait: «L'Histoire est l'affaire des
historiens.
Asservir
l'Histoire
à
la
politique procède d'une vision totalitaire.»
Ces prises de position, ainsi que d'autres,
ont entraîné la gêne du milieu politique.
François Hollande déclarait: « Je comprends
les historiens, qui sont dans leur rôle,
mais le Parlement est aussi dans le sien. I1
doit revenir sur sa propre histoire car cela
entraîne des conséquences juridiques
concrètes. »
Comme il fallait s'y attendre,
les partis de gauche ne devraient demander
l'abrogation que d'une seule loi, celle sur
la «présence française».
La réplique était aussitôt donnée par
Meïr
Waintrater,
directeur
de
L'Arche
(sous-titré
Le
Mensuel
du
judaïsme
français) dans Libération (16 décembre) avec
une tribune intitulée Loi Gayssot, un droit
à l'histoire. La première phrase donne le
«la» : les dix-sept pétitionnaires initiaux
ne sont plus des «historiens» mais des
«personnalités
ayant
un
rapport
professionnel à l'Histoire qui se sont
fourvoyées ».
Emmanuel Ratier
Revue FAITS & DOCUMENTS/Politique
15 décembre 2005 au 15 janvier 2006
UNE PETITION POUR L'ABROGATION DES ARTICLES DE LOI CONTRAIGNANT LA RECHERCHE ET
L'ENSEIGNEMENT DE CETTE DISCIPLINE
12 décembre 2005
Émus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l'appréciation des
événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs,
nous tenons à rappeler les principes suivants :
L'histoire n'est pas une religion. L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit,
ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.
L'histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il
explique.
L'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas
idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité
d'aujourd'hui.
L'histoire n'est pas la mémoire. L'historien, dans une démarche scientifique, recueille les
souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux
traces, et établit les faits. L'histoire tient compte de la mémoire, elle ne s'y réduit pas.
L'histoire n'est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il n'appartient ni au Parlement ni à
l'autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l'Etat, même animée des
meilleures intentions, n'est pas la politique de l'histoire.
C'est en violation de ces principes que des articles de lois successives notamment lois du 13
juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 ont restreint la liberté de l'historien,
lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu'il doit chercher et ce qu'il doit trouver, lui ont prescrit
des méthodes et posé des limites.
Nous demandons l'abrogation de ces dispositions législatives indignes d'un régime
démocratique.
Les signataires :
Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain
Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf,
Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul
Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock

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