C`est à l`invitation de la FONDATION DES MEMORIAUX de

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C`est à l`invitation de la FONDATION DES MEMORIAUX de
C'est à l'invitation de la FONDATION DES MEMORIAUX de BUCHENWALD et de MITTELBAU-DORA, financée par
moitié par l'Etat libre de THURINGE et l'Etat Fédéral que Christian DESSEAUX, ancien déporté de ce camp du 10
février 1944 à Avril 1945, matricule N° 41906, et Claude MORIN ont été reçus du 10 au 15 avril 2015 à
NORDHAUSEN afin de participer aux commémorations du 70e anniversaire de la libération du KL de DORA, de son
camp annexe de ELLRICH et son Kommando de WOFFLEBEN.
L'objectif de cette fondation est de préserver les Mémoriaux comme lieux de deuil et de mémoire des crimes qui
y ont été commis, de les aménager sur des bases scientifiques et de les rendre accessibles au public, ainsi que
d'encourager l'étude et la transmission des événements historiques qui y sont liés.
Nous étions à BUCHENWALD et à DORA en 2005 pour le 60e anniversaire aussi nous avons pu mesurer
l'importance du temps qui passe inexorablement : de plusieurs centaines de survivants en 2005, ils n'étaient plus
que 14 en 2015 à être présents dont 4 français.
Parmi ceux-ci, 3 hommes remarquables seront mes guides durant ce séjour :
- Monsieur Lucien BERTHEL né le 1er février 1927, en Haute Saône, déporté à BUCHENWALD puis à DORA et son
camp annexe de ELLRICH, matricule 74515 du 6/10/1944, libéré à BERGEN-BELSEN le 15/4/45
- Monsieur Roland BOISSON né le 20/5/1923 en Gironde, déporté à BUCHENWALD puis DORA le 18/9/1943
matricule 21085, libéré à PARCHIM le 3/5/1945
- Monsieur Christian DESSEAUX né le 4/3/1926 dans l'Oise, déporté à BUCHENWALD le 17/1/1944 puis à DORA,
matricule 41096, libéré le 5/5/45.
Ce séjour a été ponctué par des commémorations poignantes, des rencontres marquantes, des prises de position
officielles importantes pour l'avenir de la défense de nos valeurs communes, de visites de lieux où sont gravés à
jamais les traces de l'horreur, des sites où l'on mesure en vraie grandeur la barbarie nazie envers d'autres
hommes tels que le tunnel de DORA ou le marais d'ELLRICH.
La commémoration officielle de la libération de DORA a donné lieu à une cérémonie empreinte de gravité et de
respect pour les déportés présents et d'un appel à résister pour les jeunes allemands. Gravité pour les survivants
qui pensaient que c'était là certainement leur dernière visite sur les lieux où ils ont tant souffert. Destinés aux
travaux forcés jusqu'à ce que mort s'en suive, ils ne pouvaient oublier leurs compagnons de souffrance tués par
cette machine infernale à déshumaniser et à détruire l'être humain.
Au cours de ces journées, un souffle nouveau est apparu : une nouvelle génération d'allemands, de jeunes cadres
de la Fondation, de jeunes élus, Maires et Autres, ont amené, aussi bien dans les discours officiels que dans les
conversations et échanges privés, de nouvelles formes d'expression et d'analyse. La retenue et "le polissage" de
2005 ont disparu vis à vis du passé nazi au profit d'une nette volonté d'affronter ce passé, sans retenue et sans
tabous ; ainsi, le Directeur du Mémorial, dans son allocution officielle a dit :
"Nous portons le deuil de tous ceux qui sont morts assassinés ici et dans tous les KL nazis. Tous ces morts sont
inoubliables et renforcent notre responsabilité. Nous ferons tout pour que cela ne se reproduise jamais."
et à propos de VON BRAUN et de l'AEROSPATIALE de Guerre :
"La recherche ne peut être aveugle et ne doit pas mener au pire."
Le Ministre de la Culture de l'Etat de THURINGE :
"La population porte sa part de responsabilité et cela ne doit pas être tu, caché, et encore moins oublié dans
notre conscience......... cette folie collective ne peut être ignorée.........les nouvelles tendances xénophobes
apparues ces derniers temps entraînent encore plus de responsabilités pour nous, chaque allemand doit
résister, chaque démocrate doit réagir pour barrer la route aux nazis".
C'est la première fois que la population allemande de l'époque est nommée comme étant restée passive face à la
barbarie nazie qu'elle ne pouvait ignorer. C’est la première fois également que le nazisme est aussi ouvertement
combattu, sans retenue, par des Officiels.
Le lendemain à WOFFLEBEN, puis à ELLRICH, les discours ont été tout aussi fermes et forts de la part du jeune
Maire vis à vis des nazis et de la population qui est restée neutre : « qui n’a pas voulu voir alors que défilaient
tous les jours dans les rues de la commune et des environs des êtres humains brutalisés et décharnés ! ».
Sur le site du KL d’ELLRICH, un hommage solennel a été rendu à tous les déportés qui ont vécu des moments
atroces dans ces lieux, dans ces marais avant de mourir de faim et de froid ou de disparaître, comme une
centaine d’enfants juifs. Un hommage particulier est rendu par le Directeur du Mémorial à Monsieur Lucien
BERTHEL, seul survivant présent, avant de lui donner la parole : au cours d’une allocution bouleversante sur sa
survie à ELLRICH (voir texte en annexe) il parle pour la 1ère fois de cannibalisme. ELLRICH fut un enfer !
Nous avons fait des rencontres positives et pleines d’espoir avec des jeunes de NORDHAUSEN qui ont créé une
Association « Les Jeunes pour DORA ». Ils travaillent sur l’histoire de l’ancien KL de DORA et ses 40 camps et
kommandos extérieurs afin que « l’enfer de DORA » ne soit jamais oublié. Ils ont comme but principal, la
compréhension de l’histoire du national-socialisme, et font un travail de mémoire considérable en allant à la
rencontre de témoins survivants et de leurs familles dans toute l’Europe ainsi qu’en Israël. Ils ont les mêmes
thématiques de nous :
-
« Qui devra transmettre la mémoire et dans quel but ? ».
« Que signifie commémorer lorsqu’il n’y aura plus de survivants ? ».
« De quelle manière préserver le legs des rescapés pour les générations futures ».
 Rencontre des lycéens de Terminale du lycée de SEESEN et de leurs professeurs qui ont interrompu leurs
vacances pour venir écouter le témoignage de Christian DESSEAUX et avec qui nous avons longuement
échangé sur le travail de mémoire et l’après-témoin. A leur demande, je leur ai adressé des photos et le DVD
du témoignage de Christian, nous restons en contact.
 Rencontre avec des familles et des enfants de NORDHAUSEN, très demandeurs de témoignages et d’échanges
sur la façon de travailler et de transmettre la mémoire dans nos deux pays.
Cette immersion dans le complexe de MITTELBAU-DORA au contact permanent de survivants Français, Belges,
Polonais, Slovaines, etc… et de jeunes allemands avides de comprendre et de s’opposer à toutes résurgences de
ce passé si lourd à porter pour eux, a été très enrichissant. D’où un certain optimisme quand je constate le très
important travail de mémoire effectué par des jeunes dans des organisations structurées et responsables, en
THURINGE en particulier. Cette génération d’Allemands ne veut plus de zones d’ombre et de non-dits, pour eux
seuls compte la nécessité de transmettre la mémoire et la vérité historique, et d’être vigilants face aux poussées
xénophobes et racistes qui, ici comme dans toute l’Europe, émergent de plus en plus.
De retour en France, je mesure encore plus l’importance de la tâche qui nous incombe en tant que « passeurs »
de cette Mémoire qui ne doit pas disparaître pour le bien intouchable qu’est le droit des êtres humains à vivre
libres et égaux en droit.
Claude MORIN

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