syndromes myelodysplasiques syndromes myeloproliferatifs

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syndromes myelodysplasiques syndromes myeloproliferatifs
Université de Lausanne - Faculté de biologie et de médecine
3e année
COURS INTEGRE D’HEMATOLOGIE
HEMOPATHIES MALIGNES
(OMS 2001)
SYNDROMES
MYELODYSPLASIQUES
SYNDROMES
MYELOPROLIFERATIFS
CHRONIQUES
Mars 2006
Dr Audrey Baur Chaubert, MER
Dr Pierre-Michel Schmidt, CC
CLASSIFICATION DES HEMOPATHIES
MALIGNES
HEMOPATHIES MYELOIDES
x SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS CHRONIQUES
x SYNDROMES MYELODYSPLASIQUES
x SYNDROMES MYELODYSPLASIQUES / MYELOPROLIFERATIFS
x LEUCEMIES AIGUES MYELOIDES
HEMOPATHIES LYMPHOIDES
x LYMPHOMES MALINS, LEUCEMIES AIGUES LYMPHOBLASTIQUES
PROLIFERATION ET DIFFERENCIATION AU COURS DES
HEMOPATHIES MYELOIDES
CELLULE SOUCHE
Mutation génétique
Facteurs humoraux
Interactions cellulaires
Prolifération
Syndromes myéloprolifératifs
chroniques (SMP)
Différenciation
+
+
Syndromes myélodysplasiques
(SMD)
r
r
SMD / SMP
r
r
Leucémies aiguës myéloïdes
(LAM)
+
_
1
SYNDROMES MYELODYSPLASIQUES (SMD)
Groupe hétérogène d'affections hématologiques, correspondant à une maladie clonale
de la cellule souche hématopoïétique, caractérisée par une prolifération et une
différenciation anormales d'une ou plusieurs lignées myéloïdes avec apoptose de
nombreux précurseurs médullaires (hématopoïèse inefficace).
Incidence
x 3/100.000
x maladies des gens âgés : 20/100.000 chez les plus de 70 ans
x 10 - 20 % des patients seulement ont moins de 60 ans
x rares chez l'enfant.
Epidémiologie
x Le plus souvent inconnue. Instabilité génomique due à l'âge avancé ?
x Exposition au benzène
x Autres solvants ?
x Chimiothérapie (agents alkylants)
x Radiothérapie.
Contexte clinique
x Le plus souvent, maladies idiopathiques du patient âgé
x Syndromes myélodysplasiques primaires
x Après chimio- et / ou radiothérapie: SMD secondaires (“therapy-related”); groupe de
patients généralement plus jeunes.
Manifestations habituelles
x Sang périphérique: cytopénie(s) intéressant une ou plusieurs lignées
x Contraste frappant avec une moelle hématopoïétique généralement hypercellulaire
("cytopénie(s) à moelle riche"). Plus rarement, la moelle est hypoplasique
x Evolution possible en leucémie aiguë (20 à 30 % de tous les patients)
x Décès
survenant
le
plus
souvent
par
infection
ou
hémorragie
(insuffisance médullaire)
x Mauvaises réponse et tolérance à la chimiothérapie.
Anomalies chromosomiques
x 50 à 90 % des cas. Plus fréquentes dans les SMD secondaires
x Souvent à proximité d’oncogènes ou de facteurs hématopoïétiques de croissance
Par exemple :
x 5q - et gènes pour GM-CSF (Granulocyte-Macrophage Colony-Stimulating
Factor)
x monosomie 7 et érythropoïétine
x Les anomalies chromosomiques complexes sont de mauvais pronostic.
2
Rôle de l'apoptose extensive ou mort cellulaire prématurée intramédullaire et du
contrôle moléculaire dans la pathogenèse des SMD
Voir tableaux 1 et 2
Apoptose : Mort programmée ou suicide des cellules.
x Morphologiquement, condensation chromatinienne, désintégration nucléaire et
rétraction des cellules
x Les cellules apoptotiques n’induisent pas de réponse inflammatoire, mais sont la
cible de macrophages
x L'apoptose joue un rôle dans un grand nombre de processus physiologiques, tels
que développement embryonnaire, maintenance des tissus, sélection clonale dans le
système immun
x Différents gènes ou produits de gènes sont impliqués dans le contrôle ou la
participation à l’apoptose :
x p53: peut induire l’apoptose des cellules myéloïdes
x c-Myc: peut induire à la fois des signaux de prolifération et de mort
cellulaire (suivant la présence ou l'absence d'autres facteurs)
x Bcl-2 family: plusieurs gènes en relation avec la protéine Bcl-2 ont été
identifiés; certains agissent dans le sens d'une suppression de
l'apoptose.
Selon des travaux récents sur les SMD, une cytopénie sanguine périphérique combinée
à une moelle normo - ou hypercellulaire peut s’expliquer par une apoptose exagérée.
Les études de cinétique cellulaire et d’apoptose dans les SMD ont montré un taux
augmenté de prolifération coïncidant avec un taux très élevé d'apoptose.
L'apoptose extensive annulerait le haut taux de croissance et de prolifération, entraînant
une hématopoïèse inefficace.
SMD et progression leucémique : La progression leucémique pourrait résulter de
clones néoplasiques ayant échappé au contrôle apoptotique.
Les mécanismes moléculaires permettant le déclenchement de l’apoptose exagérée ou
la progression leucémique n'ont pas été élucidés.
Classification des SMD : basée prioritairement sur la morphologie (anomalies de
maturation = signes de myélodysplasie, pourcentage de blastes sanguins et
médullaires, présence ou non de sidéroblastes en couronne), monocytose périphérique
(< 1G/l).
Voir tableau 3
3
Le diagnostic de SMD repose sur une combinaison de données :
x Status clinique
x Evaluation morphologique du frottis sanguin périphérique et de la ponction-biopsie
de moelle osseuse (cytologie et histologie médullaires)
x Analyse cytogénétique.
Le pronostic de SMD s'établit sur divers critères :
x Sévérité de la ou des cytopénie(s)
x Age
x Sous-groupes OMS
x Cytogénétique.
Voir tableau 4
Diagnostic différentiel des SMD
Le plus souvent un diagnostic par exclusion, après avoir éliminé d’autres causes de
cytopénie (s). A exclure :
x Désordres nutritionnels: carences (effets réversibles) :
Des modifications myélodysplasiques sévères non néoplasiques peuvent résulter
d’un déficit en vitamine B12 ou en acide folique. Modifications dysplasiques
particulièrement marquées de la lignée érythroïde. Examens de laboratoire ou essai
thérapeutique de substitution nécessaires
x Effets toxiques réversibles de médicaments (chimiothérapie), abus d’alcool
x Maladies infectieuses (HIV, TBC, Parvovirus).
Voir tableau 5
Un diagnostic de SMD doit être posé avec prudence: revue soignée de
l’anamnèse, de la présentation clinique et des données hématologiques.
Traitement symptomatique : transfusions de globules rouges / de plaquettes.
Antibiotiques. Facteurs de croissance: Erythropoïétine, G-CSF (Granulocyte ColonyStimulating Factor). (Poly-) chimiothérapie. Greffe de moelle allogénique (sujet jeune).
Immunosuppression (SAL = Sérum Anti-Lymphocytaire) dans les SMD hypoplasiques.
4
SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS CHRONIQUES (SMP)
x
x
x
x
x
Affections de l’adulte. Rares chez l’enfant
Groupe de maladies hématologiques proches parentes, avec des caractéristiques
communes. Possibilité de chevauchement entre les entités: intérêt d’un terme
général
Maladie clonale d’une cellule souche hématopoïétique, se traduisant par une
prolifération exagérée, chronique et irréversible d’une ou plusieurs lignées
myéloïde(s) (érythroïde, granulocytaire, mégacaryocytaire) avec différenciation
(maturation)
Des anomalies fonctionnelles peuvent être observées (par ex. anomalies de la
fonction plaquettaire)
En cours d’évolution, une transformation en leucémie aiguë est possible :
prolifération de cellules progénitrices blastiques et arrêt de différenciation.
Les 5 types principaux de SMP sont :
x
x
x
x
x
La leucémie myéloïde chronique
La myélofibrose chronique idiopathique (avec hématopoïèse extramédullaire)
La polycythaemia vera (Maladie de Vaquez)
La thrombocytémie essentielle
Le syndrome hyperéosinophile ou leucémie chronique à éosinophiles.
Caractères communs des SMP
x
x
x
x
x
x
x
x
Hyperplasie myéloïde et fibrose de la moelle osseuse
Reprise de l'hématopoïèse dans les os longs (par ex. fémur)
Hématopoïèse extra-médullaire ou "métaplasie myéloïde" dans la rate, le foie et
parfois d'autres organes
Hépatosplénomégalie
Erythroblastomyélémie
Intrication de phénomènes thrombotiques et hémorragiques
Complications infectieuses
Transformation en leucémie aiguë.
Cultures cellulaires: croissance spontanée de l'hématopoïèse, en l'absence de facteurs
de croissance.
Seule la leucémie myéloïde chronique est caractérisée par une anomalie
chromosomique précise :Chromosome Philadelphie (Ph): t (9 ;22) (q34 ; q11). Cette
translocation entraîne une fusion de séquences du gène BCR du chromosome 22 avec
des régions du gène ABL du chromosome 9.
5
Myélofibrose chronique idiopathique
(avec hématopoïèse extramédullaire)
‰
‰
‰
‰
‰
‰
Biologie
x maladie clonale de la cellule souche
x réaction fibreuse liée à la libération de PDGF = Platelet-Derived Growth Factor
par les mégacaryocytes et plaquettes anormaux; multiplication des fibroblastes
médullaires et augmentation de la synthèse du collagène.
Présentation clinique
x "De novo" ou peut compliquer un autre SMP (surtout la polycythaemia vera)
x sang périphérique suggestif (anisocytose, poïkilocytose, érythrocytes "en
larmes" ou dacryocytes, érythroblastes, myélémie, (érythroblastomyélémie),
anisocytose plaquettaire.
Examen physique (selon diverses séries) :
x splénomégalie
90 -100 %
x hépatomégalie
50 - 90 %
x adénopathies
5 - 20 %
x douleurs osseuses
1 - 10 %
Survie très variable (6 mois à 9 ans, médiane 3-5 ans) selon une étude portant sur
51 patients
Causes de mort: infections, thromboses, hémorragies, insuffisance cardiaque,
transformation en leucémie aiguë.
Histologie de la moelle osseuse (biopsie): 3 stades évolutifs :
x moelle
hyperplasique;
quantité
anormalement
élevée
de
mégacaryocytes, souvent en amas; fibrose réticulinique
x raréfaction de l'hématopoïèse; fibrose collagène
x atrophie de la moelle: subsistent quelques mégacaryocytes
dystrophiques. En plus de la fibrose, remaniement osseux sclérosant,
mutilant.
Polycythaemia vera (Maladie de Vaquez)
Caractéristiques
x
x
x
x
x
Syndrome myéloprolifératif chronique caractérisé par une augmentation de la
production érythrocytaire
Production érythrocytaire indépendante des mécanismes qui règlent
habituellement l’érythropoïèse
Croissance spontanée des cultures érythroïdes in vitro
Augmentation de la masse des globules rouges (hématocrite) et de l’Hb
Atteinte sang et moelle prédominante
Atteinte du foie et de la rate (hématopoïèse extramédullaire) tardivement
x
A exclure: érythrocytose secondaire
x
- hypoxie
- sécrétion inappropriée d’érythropoïétine par certaines tumeurs (reins,
foie, cervelet)
6
Clinique
x
x
Age médian 60 ans
Symptômes liés à l ’augmentation de la masse sanguine (hypertension, thrombose,
maux de tête, troubles visuels…)
Deux phases dans l’évolution clinique :
1. Phase polycythémique, associée à l’augmentation de la masse des globules
rouges
2. Phase « post-polycythémie » avec cytopénie, hématopoïèse inefficace, fibrose de
la moelle et augmentation de la taille de la rate
Examen de la moelle osseuse
1. Phase polycythémique : moelle hypercellulaire, hyperplasie de la lignée
érythroïde et parfois des autres lignées (le plus souvent mégacaryocytaire)
2. Phase « post-polycythémie » : moelle fibreuse semblable à l’image observée
dans la myélofibrose chronique idiopathique
Pronostic
Avec les traitements actuels, survie médiane de 10 ans.
Décès généralement liés aux phénomènes thrombo-emboliques ou hémorragiques.
2 -3 % des patients développent un syndrome myélodysplasique ou une leucémie aiguë.
En résumé, le diagnostic de SMP repose sur une combinaison de données :
x Status clinique
x Evaluation morphologique du frottis sanguin périphérique, de la ponction biopsie de
moelle osseuse (cytologie et histologie médullaires)
x Analyse cytogénétique (leucémie myéloïde chronique et chromosome Ph)
x Cultures érythroïdes spontanées en absence d'érythropoïétine (polycythaemia vera).
Diagnostic différentiel
x Hyperplasie médullaire réactionnelle sur pertes sanguines aiguës, destruction et / ou
séquestration périphérique (anémies hémolytiques, auto-immunité, hypersplénisme)
x Rupture de la "barrière médullo-sanguine" et érythroblastomyélémie lors d'infiltration
de la moelle osseuse par une tumeur maligne non hématologique (métastases).
Un diagnostic de SMP doit être posé avec prudence: revue soignée de
l’anamnèse, de la présentation clinique et des données hématologiques.
Référence bibliographique: Jaffe E.S., Harris N.L., Stein H., Vardiman J.W.: Pathology &
Genetics. Tumors of Haematopoietic and Lymphoid Tissues, IARCPress, Lyon, 2001.
7
Tableau 1
PHYSIOPATHOLOGIE DES
MYELODYSPLASIES
Défaut de maturation
Apoptose
Myélopoïèse inefficace
Unilignée
Anémie ou neutropénie ou
thrombopénie
Multilignée
Bi- ou pancytopénie
Anémie
Neutropénie
Infections
Thrombopénie
Hémorragies
8
Tableau 2
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
DES PANCYTOPENIES
CENTRALES
Moelle
PERIPHERIQUES
Hypersplénisme
osseuse
Auto-immunité
Aplasies
Infiltrations
Leucémies aiguës
Hémopathies malignes
lymphoïdes
Métastases des cancers
Dysplasies
Fibroses
9
Tableau 3
CLASSIFICATION DES SYNDROMES
MYELODYSPLASIQUES (OMS, 2001)1
Critères diagnostiques
Présence de signes de dysplasie
unilignée
multilignée
Pourcentage de blastes sanguins et médullaires
Présence ou non de sidéroblastes pathologiques.
Classification
Anémie réfractaire (AR)
Anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne (ARS)
Cytopénie réfractaire avec dysplasie multilignée (CRDM)
Cytopénie réfractaire avec dysplasie multilignée et
sidéroblastes en couronne (CRDM-RS)
Anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB)
AREB-1 (blastes médullaires: 5-9 %)
AREB-2 (blastes médullaires: 10-19 %)
Syndromes myélodysplasiques non classables
Syndrome myélodysplasique avec anomalie isolée 5q(syndrome 5 q-).
1
Jaffe E.S., Harris N.L., Stein H., Vardiman J.W.: Pathology & Genetics. Tumours of
Haematopoietic and Lymphoid Tissues, IARCPress, Lyon, 2001.
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Tableau 4
FACTEURS PRONOSTIQUES DES SYNDROMES
MYELODYSPLASIQUES
Age (! 60 ans)
Scores pronostiques (cytopénies - % de blastes
médullaires - cytogénétique)
Pourcentage élevé de précurseurs médullaires
exprimant CD34 en histologie.
COMPLICATIONS – EVOLUTION – SURVIE
Complications
Infections récurrentes
Manifestations hémorragiques
Troubles immunitaires.
Evolution - Survie
Leucémie aiguë
AR
ARS
CRMD
AREB-1
AREB-2
6%
1-2 %
11 %
25 %
33 %
Médiane de survie
66 mois
72 mois
33 mois
18 mois
10 mois.
11
Tableau 5
MYELODYSPLASIES
NON CLONALES
CLONALES
Carence en vitamine B12
Carence en folates
Chimiothérapie, G-CSF
Arsenic
Parvovirus B19
HIV
Syndromes
myélodysplasiques
Hémoglobinurie
paroxystique
nocturne
Primaires ou
de novo
Secondaires
(chimiothérapie,
radiothérapie)
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Tableau 6
Attention !
MYELO MYELOGRAMME
Examen de la moelle
osseuse
MYELOCYTE
Précurseur immature des
lignées granuleuses
MYELOME
PLASMOCYTAIRE
Variété d'hémopathie
maligne lymphoïde
MYELOÏDE
CST =
cellule-souche
totipotente
CSM = CS MYELOÏDE
ERYTHROCYTES
EOSINOPHILES
CSL = CS LYMPHOÏDE
PLAQUETTES
BASOPHILES
NEUTROPHILES
MONOCYTES
MYELOPOÏESE
Hématopoïèse des lignées érythroïde, granuleuse,
monocytaire et mégacaryocytaire
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Tableau 7
INDICATIONS A L'EXAMEN COMBINE DE LA
MOELLE OSSEUSE
(aspiration et biopsie)
x Diagnostic, bilan, suivi de :
Syndromes myéloprolifératifs, myélodysplasiques,
myélodysplasiques / myéloprolifératifs
Leucémies aiguës
Hémopathies malignes lymphoïdes
x Recherche de :
Processus infectieux (granulomes, microorganismes)
Métastases ostéo-médullaires
x Investigation de cytopénie(s)
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Tableau 8
HEMOPATHIES MALIGNES – LES OUTILS
DIAGNOSTIQUES
x CLINIQUE
x MORPHOLOGIE
CYTOLOGIE
HISTOLOGIE
CYTOCHIMIE
x MARQUEURS IMMUNOLOGIQUES
x GENETIQUE
CYTOGENETIQUE
Ex.: LMC1 : t(9;22)
BIOLOGIE MOLECULAIRE
Ex.: LMC1 : BCR /ABL
x CULTURES CELLULAIRES.
1
LMC = Leucémie myéloïde chronique.
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