Conservatoire National des Arts et Métiers

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Conservatoire National des Arts et Métiers
Conservatoire National des Arts et Métiers
Chaire de BANQUE
Document de recherche n° 25
Gestion de patrimoine et création de valeur
Professeur Didier MAILLARD
Décembre 2010
Avertissement
La chaire de Banque du Conservatoire National des Arts et Métiers met à la disposition du public, sur son site, des documents présentant le
résultat de recherches menées en son sein, à des fins d’information, de diffusion des connaissances et d’échanges dans les domaines visés.
Bien que le plus grand soin ait été apporté à la collecte des informations et à leur traitement, les documents et éléments graphiques publiés
sur ce site sont fournis en l’état et sont susceptibles de contenir des inexactitudes ou des erreurs. Les auteurs sont susceptibles d’apporter à
tout moment des modifications et améliorations au contenu des documents diffusés. Le CNAM, la chaire de Banque et les auteurs ne
pourront en aucun cas être tenus responsables de tout dommage direct ou indirect résultant de leur utilisation.
Les documents de recherche diffusés sur ce site et portant sur l’analyse de produits financiers ou de produits patrimoniaux ne constituent pas
des incitations à acheter, à ne pas acheter ou à vendre lesdits produits. Les produits sujets d’une analyse ont été choisis sur la considération
de leur intérêt scientifique ou pédagogique.
La copie des documents de recherche, en tout ou en partie, est interdite sans autorisation expresse des auteurs. Les citations sont permises à
condition que soient mentionnés clairement et explicitement les auteurs, la chaire de Banque du CNAM et les coordonnées du site sur lequel
les documents sont disponibles ; et que les citations ne soient faites qu’à des fins informatives et non commerciales.
1 – Introduction
Les patrimoines détenus par les particuliers représentent plusieurs années de leurs revenus. La
gestion de ces patrimoines représente donc un enjeu extrêmement important. Ce n’est pas par
hasard que les patrimoines sont constitués, mais pour la réalisation d’objectifs.
La gestion de patrimoine concourt à la réalisation de ces objectifs. Elle fait intervenir une
industrie de la gestion de patrimoine, qui comprend plusieurs acteurs, et plusieurs domaines
de compétence : le conseil en structuration du patrimoine, le conseil et l’ingénierie juridique
et fiscal, le conseil, l’ingénierie et la gestion financiers, etc.
La gestion de patrimoine relève de professionnels, rémunérés par l’épargnant, mais elle relève
aussi de l’épargnant lui-même, qui y consacre des efforts et des ressources en temps, avec une
frontière variable en fonction des compétences et des disponibilités.
Ce document de recherche examine comment la gestion de patrimoine, dans la plupart de ses
composantes, est susceptible de créer, ou de détruire, de la valeur pour le détenteur. La
question est examinée dans le cadre d’une représentation stylisée et simplifiée, mais
néanmoins réaliste, de la gestion de patrimoine.
Avec des paramètres raisonnables, on trouve que le gisement de création de valeur pour
l’ingénierie fiscale est du même ordre de grandeur, voire plus grand, que celui lié à la gestion
financière.
Ceci n’implique pas que les considérations fiscales doivent jouer un rôle exclusif, et même
dominant, dans la gestion d’un patrimoine. De nombreux exemples illustrent le constat que
1
des choix effectués en fonction de considérations exclusivement fiscales peuvent conduire à
des catastrophes, notamment lorsqu’il s’agit d’exploiter à tout prix des incitations fiscales.
Mais le poids qu’a pris l’imposition du patrimoine et de son rendement dans nombre de pays
exige que les aspects fiscaux ne soient pas négligés.
Ce document complète une recherche menée sur l’incidence de l’impôt sur les placements1.
« Finance et impôt »,
2 – Les objectifs de la gestion de patrimoine : une représentation
Avant de définir les objectifs de la gestion de patrimoine, il convient de rappeler pourquoi les
patrimoines sont constitués. Le patrimoine résulte de l’accumulation de couches d’épargne, et
l’épargne correspond, dans une période donnée, à la partie du revenu de la période non
consommée dans la période.
L’épargne est donc une renonciation à une consommation immédiate, en contrepartie de
l’espoir d’une consommation future (réalisée par l’épargnant ou par ses héritiers). Le
patrimoine est ainsi fondamentalement constitué pour reporter de la consommation dans le
temps.
Le premier stade de la gestion de patrimoine est de conseiller les personnes sur le niveau
d’épargne qu’elles doivent choisir en fonction de leurs besoins : précaution, retraite,
transmission. Nous supposerons que ces choix ont été correctement effectués et aboutissent à
un patrimoine donné.
Le report de consommation dans le temps concerne des horizons différents. Nous
découperons, au moins par la pensée, le patrimoine existant en tranches correspondant
chacune à un horizon T, le moment de la prise de décision sur la gestion étant
conventionnellement l’instant 0.
Partant d’une valeur W0, la tranche de patrimoine atteindra à l’horizon T la valeur :
WT = W0 e rT
où r est le taux de rendement obtenu sur les placements dans lequel le patrimoine est investi,
en définition continue. C’est plus précisément un taux de rendement réel, car ce qui compte
pour l’épargnant est le pouvoir d’achat du patrimoine futur, et non pas sa valeur nominale.
Une bonne gestion de patrimoine est une gestion qui transférera le mieux possible le pouvoir
d’achat dans le futur, c’est-à-dire qui permettra d’obtenir un patrimoine terminal élevé en
pouvoir d’achat, ou encore de manière équivalente un rendement réel élevé.
Mais, dans la réalité, des rendements élevés sont accompagnés de risque, et c’est donc plutôt
un bon arbitrage entre rendement et risque qu’une gestion de qualité doit produire. Pour
1
Voir « Finance et impôt », Document de recherche n°24 de la Chaire de Banque du Cnam, disponible sur
www.cnam.fr/deg/banque rubrique Recherche.
2
comparer des gestions correspondant à des dispersions des futurs possibles différentes, la
technologie standard est celle de von Neumann-Morgenstern.
Elle consiste à affecter chaque état possible pour le patrimoine final d’une utilité U, et de
comparer des ensembles de futurs possibles en prenant l’espérance mathématique E de
l’utilité, c’est-à-dire la moyenne, pondérée par les probabilités des futurs possibles, des
utilités. La forme de la fonction d’utilité assure la prise en compte de l’aversion pour le risque
du détenteur.
Une gestion A sera ainsi meilleure qu’une gestion B si :
E (U (WTA ) > E (U (WTB )
E (U (W0 e rAT ) > E (U (W0 e rBT )
La technologie permet aussi de quantifier de combien la gestion A est meilleure que la gestion
B, non pas en comparant des utilités qui n’ont pas de signification évidente, mais en termes
monétaires en répondant à la question suivante : avec quelle économie de patrimoine initial
arrive-t-on avec la gestion A au même résultat en termes d’utilité qu’avec la totalité du
patrimoine géré selon B ?
Le résultat est donné par :
E (U (W0 e rAT )) = E (U (W0 e rBT ))
G = W0 − W0
Le gain relatif peut être aussi exprimé sous forme d’équivalent de supplément de rendement
certain (en définition continue) par :
W0 = W0 e sT
s=
1 W0
ln
T W0
Dans les développements qui suivent, nous supposerons que les préférences de l’épargnant
peuvent être représentées par une fonction d’utilité CRRA, où l’aversion relative au risque γ
est constante. Nous situerons pour les illustrations numériques le coefficient d’aversion
relative au risque dans une gamme de valeurs allant de 2 à 10.
3 – Appréciation de la valeur de la gestion financière
3.1 – Optimisation de l’allocation d’actifs
Le premier degré de la gestion financière consiste à opérer un partage dans les placements du
patrimoine entre ce qui est risqué et ce qui ne l’est pas. On supposera qu’il existe un actif sans
risque de rendement rf à l’horizon T, et un portefeuille risqué, représentant par exemple « le
marché » dans une gestion passive. Attention, pour l’actif sans risque, c’est le rendement réel
(après défalcation de l’inflation) qui est supposé connu avec certitude. On investit une fraction
α du patrimoine dans le portefeuille risqué, le solde étant placé dans l’actif sans risque.
3
Le portefeuille risqué présente une espérance de rendement µ et un risque mesuré par la
volatilité annualisée σ. On supposera que la distribution des rendements est gaussienne2.
On retient enfin une gestion de type dynamique, c’est-à-dire dans ce cas que la proportion
entre actifs risqués et actif sans risque reste constante dans le temps, ce qui conduit à des
ajustements en réponse aux fluctuations de prix des actifs risqués3.
Dans ces conditions (voir annexe), le patrimoine futur s’obtient, à partir du patrimoine initial,
comme :
WT = W0 e
1 2 2

 r f +α ( µ − r f ) − 2 α σ  T +ασ T ε


où ε est un aléa gaussien d’espérance nulle et de variance unitaire.
L’espérance de l’utilité vaut :
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
e
(1−γ )( r f +α ( µ − r f ) −γα 2σ 2 / 2 )T
Elle est maximale pour :
α=
µ − rf
t
=
2
γσ
γσ
t=
µ − rf
σ
t désigne le ratio de Sharpe du portefeuille d’actifs risqués, dans le cadre d’une gestion
passive.
Avec cette proportion optimale investie dans le portefeuille risqué :
r f + α ( µ − r ) − γα 2σ 2 / 2 = r f +
1 (µ − r ) 2
1 t2
r
=
+
f
2 γσ 2
2γ
Il apparaît que, par rapport à un patrimoine placé exclusivement en actif sans risque, le choix
d’une allocation d’actifs optimale pour l’épargnant a un impact sur son utilité équivalent à un
supplément de rendement sans risque égal à la moitié du carré du ratio de Sharpe divisé par
l’aversion relative au risque.
s=
1 t2
2γ
2
Ceci nous conduira à laisser de côté un volet possible de la gestion financière consistant à protéger le détenteur
contre une distribution asymétrique et à « queues épaisses » des rendements.
3
On a montré que les résultats d’une gestion dynamique sans coûts de transaction, ce qu’on suppose ici, ne
différaient bien souvent pas beaucoup de ceux d’une gestion statique, où la proportion est déterminée au départ,
ceci tant que l’aversion au risque est suffisamment forte pour ne pas conduire à détenir les actifs risqués avec un
levier. Voir « Dynamic Asset Allocation : From Theory (halfway) to Practice », Document de recherche n°13,
disponible sur www.cnam.fr/deg/banque rubrique Recherche. L’avantage de la représentation dynamique est de
permettre d’obtenir dans certaines conditions des résultats analytiques, sans passer par des simulations.
4
Pour un calage numérique, on retiendra les valeurs courantes d’une prime de risque de marché
de 4 % pour une volatilité annualisée du portefeuille de marché de 20 %, soit un ratio de
Sharpe de 0,2.
Le gain résultant d’une bonne allocation d’actifs par rapport au sans risque sera ainsi de
l’ordre de 2 % de rendement annuel divisé par l’aversion relative au risque, soit 1 % pour des
détenteurs relativement peu averses au risque (γ = 2) et 0,2 % pour des détenteurs très averses
au risque (γ = 10).
3.2 – Qualité de la gestion d’actifs
La gestion d’actifs ne se limite pas à un partage du patrimoine entre actif sans risque et actifs
risqués, mais à une gestion active du portefeuille d’actifs risqués. Son objectif peut être
représenté, pour l’épargnant, par l’obtention d’un supplément de rendement le plus élevé
possible pour un degré de risque donné4.
Ce supplément de rendement sera obtenu par une allocation judicieuse des différentes classes
d’actifs risqués et, au sein de ces classes, par un choix judicieux des titres (stock-picking).
La qualité de la gestion active pourra ainsi être mesurée par le rapport entre la prime obtenue
des actifs risqués ainsi gérés et le risque pris, mesuré ici par l’écart-type. C’est une
généralisation du ratio de Sharpe.
1 t a2
sa =
2γ
ta =
µa − rf
σa
Si par exemple la gestion active permet d’obtenir 1 % d’espérance de rendement en plus sur
les actifs risqués en gardant le même niveau de risque (volatilité de 20 %), le ratio t est plus
élevé de 1,25 que dans la gestion passive, et son carré plus élevé de 1,5625. La gestion active
ajoute ainsi, par rapport à la gestion passive, l’équivalent de 0,56 % de rendement certain dans
le cas d’une faible aversion au risque et 0,14 % dans le cas d’une forte aversion.
Il n’est pas inintéressant de noter, pour le moral des gérants actifs, que le gain étant
proportionnel au carré de t, le supplément marginal de rendement espéré sans risque
additionnel, le plus difficile à obtenir dans la gestion active, est celui qui apporte le plus de
gain à l’épargnant.
4 – Valeur de l’ingénierie fiscale
4.1 – Cas de l’investissement en actif sans risque
Le rendement du placement est en général taxé, et c’est en général le rendement nominal qui
fait l’objet d’une imposition, au taux θ. Par ailleurs le patrimoine lui-même peut faire l’objet
4
L’approche diffère de celle de l’univers de la gestion institutionnelle, où la gestion active consiste à obtenir le
supplément de rendement le plus élevé possible (en espérance) sous condition d’un risque actif, mesuré par la
volatilité de l’écart de rendement par rapport à une référence ou benchmark, encore appelé tracking error. La
qualité de la gestion active se mesure alors par le ratio d’information, égal au rapport du supplément de
rendement obtenu au tracking error. Mais les moyens mis en œuvre pour obtenir ce supplément de rendement
sont les mêmes dans les deux cas.
5
d’une taxation annuelle, comme par l’impôt sur la fortune français, et/ou d’une taxation
ponctuelle, par exemple lors d’une transmission.
Le rendement sans risque peut s’écrire :
r f ' = r f (1 − θ ) − θp − ϕ
p désigne le taux d’inflation annualisé (en définition continue), et φ l’impact annualisé sur le
rendement d’un impôt sur le patrimoine ou d’un impôt sur les successions. Au premier ordre,
ce sera la somme du taux applicable d’un impôt annuel sur le patrimoine et, éventuellement,
du taux de l’imposition des successions divisé par le nombre d’années de détention.
Par rapport à une situation sans imposition, la perte d’utilité est équivalente à une perte de
rendement annuel égale à (ceci vaut pour toutes les formes de fonction d’utilité, voir
Annexe) :
s = −θr f − θp − ϕ
La perte d’utilité est aussi le gain potentiel, en termes de supplément de rendement, que
l’ingénierie fiscale peut apporter5. L’analyse des méthodes et techniques de l’ingénierie
fiscale n’est pas l’objet de ce document de recherche.
Un régime standard d’imposition du rendement sera typiquement de l’ordre de 30 %. Avec un
taux réel sans risque de 2 % et un taux d’inflation de long terme de 2 %, ce sont ainsi 1,2 %
d’équivalent rendement annuel qui sont effacés, et plus encore si des impôts frappant le
patrimoine ou les successions doivent être pris en compte.
En France par exemple, le taux de l’impôt annuel sur la fortune peut atteindre 1,8 %. Des
droits de succession de 20 % à un horizon de 10 ans correspondent à une soustraction de
rendement annuel de 2,23 % (en définition continue). La perte de rendement annuel lié à la
fiscalité peut ainsi atteindre plusieurs points de pourcentage.
4.2 – Cas d’une allocation d’actifs diversifiée
Il arrive que les impôts frappent différemment les différents actifs, qu’il s’agisse d’impôts sur
le rendement ou d’impôts annuels sur le patrimoine.
Des taux d’imposition différents vont conduire à déformer l’allocation optimale d’actifs vers
les actifs les moins taxés (voir une illustration en Annexe).
Dans le cas central où la fiscalité est neutre, on aboutit aux résultats suivants :
- l’allocation d’actifs recourt davantage au portefeuille risqué, parce que le ratio de
Sharpe après impôt est le même qu’avant impôt et parce que le risque après impôt est
plus faible que le risque avant impôt.6
5
Le gisement peut être encore plus étendu lorsqu’il existe des dispositifs d’incitation fiscale à certains
investissements, conduisant à une taxation négative.
6
Ceci suppose que la fiscalité est neutre vis-à-vis du risque, c’est-à-dire que les pertes ou moins-values donnent
rapidement lieu à une imputation ou un remboursement d’impôt. Ce n’est pas toujours le cas. Voir « Finance et
impôt », Document de recherche n°24.
6
-
s=
l’impact de la fiscalité sur le rendement et celui de l’allocation d’actifs sur l’équivalent
de rendement certain sont « séparables » : la perte due à la fiscalité est la même que
celle qui pèse sur un placement sans risque, le gain due à l’allocation d’actifs optimale
(et celui qui serait dû à une gestion active performante) est le même qu’en l’absence
d’impôts. Globalement,
t2
− θr f − θp − ϕ
2γ
5 – Tarification des services
En contrepartie des services qu’elle rend, l’industrie de la gestion de patrimoine prélève des
commissions. Ces commissions ont un impact sur le rendement identique à celui qu’ont les
impôts.
~
Elles peuvent être calculées sur le rendement, il s’agit alors de performance fees, au taux θ .
La commission est alors généralement déductible de l’assiette de l’imposition du rendement,
ce qui fait que le prélèvement total sur le rendement, par le fisc et par le gestionnaire de
~
patrimoine, s’établit à Θ = θ + θ (1 − θ ) .
En réalité, les commissions assises sur le rendement sont souvent plus complexes, avec un
seuil (la commission n’est calculée que sur l’écart entre performance et un certain niveau), et
une asymétrie : le gérant ne reverse rien à l’épargnant si la performance est négative ou
inférieure au seuil. Ceci donne un caractère optionnel aux commissions de performance, ce
qui peut entraîner un biais vers le choix de niveaux de risque plus élevés.
Les commissions peuvent être prélevées sur l’encours, au taux ϕ~ . Elles sont selon les cas
déductibles de l’impôt sur le rendement (1) ou non déductibles (2).
Le prélèvement global qui impactera le rendement s’écrira alors :
Φ = ϕ + ϕ~1 (1 − θ ) + ϕ~2
Les commissions de gestion sur les fonds ou les marges sur les produits viennent en général
en déduction du rendement et entrent dans la première catégorie. Les commissions sur
encours des banques privées ne viennent en général pas en déduction des impôts sur le
rendement. Ces dernières sont a priori neutres à l’égard des conseils donnés par le
gestionnaire de patrimoine, alors que les commissions sur les fonds ou les produits peuvent
varier d’un fonds ou d’un produit à un autre et être une source de biais dans le conseil.
L’aspect fiscal (non négligeable si par exemple le rendement est taxé à 30 %) doit être mis en
regard de la neutralité.
Les commissions érodent au total les avantages pour l’épargnant d’une gestion financière de
qualité et d’une ingénierie fiscale performante. L’avantage net est ainsi, et c’est normal, réduit
par rapport à l’avantage brut.
7
Annexe
Si une part du patrimoine α est investie dans le portefeuille risqué, avec un rendement attendu
µ et une volatilité de ce rendement σ, et qu’une part 1-α est investie dans l’actif sans risque
dont le rendement est r, la variation relative du patrimoine dans le temps suit l’équation
suivante :
[
]
dW
= (1 − α )r f dt + α ( µdt + σdz ) = r f + α ( µ − r f ) dt + ασdz
W
où dz est un Brownien standard.
Le lemme d’Ito indique que si :
dx = adt + bdz
G = g ( x, t )
alors :
 ∂G ∂G 1 ∂ 2 G 2 
∂G
dG = a
+
b  dt + b
dz
+
2
∂x
 ∂x ∂t 2 ∂x

Ici :
x =W
G ( x, t ) = ln W
[
]
a = r + α (µ − r f ) W
[
∂G 1
=
∂x W
b = ασW
∂G
=0
∂t
∂ 2G
1
=− 2
2
∂x
W
]
1 1 1 2 2 2
1

d ln W =  r + α ( µ − r f ) W
−
α σ W  dt + ασW dz
2
W 2W
W


1


d ln W = r + α ( µ − r f ) − α 2σ 2  dt + ασdz
2


T
W (T )

∫ d ln W = ln W (T ) − ln W (0) = ln W (0) = r
0
f
1

+ α ( µ − r f ) − α 2σ 2 T + ασ T ε
2

où ε est une variable aléatoire d’espérance nulle et de variance unitaire.
Si l’on fait l’hypothèse que ε est gaussien
W (T ) = W (0)e
1 2 2

 r f +α ( µ − r f ) − 2 α σ  T +ασ T ε


= WT = W0 e
1 2 2

 r f +α ( µ − r f ) − 2 α σ  T +ασ T ε


Et si l’on fait l’hypothèse que la fonction d’utilité est CRRA de paramètre γ,
8
U (W ) = (1 − γ ) −1W 1−γ
U (WT ) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
e
(1−γ )( r f +α ( µ − r ) −α 2σ 2 / 2 )T
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
e (1−γ )ασ
(1−γ )( r f +α ( µ − r ) −α 2σ 2 / 2 )T
e
Tε
e (1−γ )
2
α 2σ 2T / 2
(1−γ )( r f +α ( µ − r f ))T − (1−γ )α 2σ 2 / 2 )T + (1−γ ) 2 α 2σ 2 / 2 )T
e
(1−γ )( r f +α ( µ − r f ) −γα 2σ 2 / 2 )T
e
L’espérance d’utilité est maximale pour :
α=
µ − rf
γσ 2
Avec cette valeur pour la part des actifs risqués :
r f + α ( µ − r f ) − γα σ / 2 = r +
2
2
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
e
sT
s=
=
W0
W0
[
= e
1−γ
]
1
(1−γ )( t 2 / 2 γ )T 1−γ
(µ − r f ) 2
γσ 2
(1−γ )( r f + t 2 / 2 γ )T
e
= e (t
2
−γ
(µ − r f ) 2 σ 2
γ 2σ 4
= (1 − γ ) −1W0
σ2
1−γ
e
1 (µ − rf )
1 t2
= rf +
= rf +
2 γσ 2
2γ
2
(1−γ ) r f T
/ 2γ )
t2
2γ
On a comparé une gestion optimale A à une gestion non optimale B, consistant à ne retenir
que l’actif sans risque.
Impact de la fiscalité
Cas de l’actif sans risque
Sans impôt (gestion A) :
WT = W0 e
rf T
Avec impôt (gestion B)
WT = W0 e
( r f −θr f −θp −ϕ )T
= W0 e
rf T
e
( −θr f −θp −ϕ )T
= W0 e
s = −θr f − θp − ϕ
Optimisation de portefeuille
Avec la fiscalité,
9
rf T
r f → r f (1 − θ f )
µ → µ (1 − θ )
σ → σ (1 − θ )
On a prévu que le taux d’imposition du rendement puisse différer selon les actifs. Il faut noter
que les deux dernières transformations ne sont valables que si l’impôt est neutre vis-à-vis du
risque, c’est-à-dire en pratique si l’imputation des pertes ou moins-values ou le
remboursement du crédit d’impôt sur celles-ci est possible et rapide, ce qui n’est pas toujours
le cas en pratique.
r f + α ( µ − r f ) − γα 2σ 2 / 2 = αµ + (1 − α )r f − γα 2σ 2 / 2
→ αµ (1 − θ ) + (1 − α )r f (1 − θ f ) − γα 2σ 2 (1 − θ ) 2 / 2 − α (θp + ϕ ) − (1 − α )(θ f p + ϕ f )
Cette quantité est maximale quand :
µ (1 − θ ) + r f (1 − θ f ) − γασ 2 (1 − θ ) 2 − (θp + ϕ ) + (θ f p + ϕ f ) = 0
γασ 2 (1 − θ ) 2 = ( µ − r f )(1 − θ ) − (θ − θ f )(r f + p) − (ϕ − ϕ f )
On constate assez naturellement que la part optimale des actifs risqués est plus faible si leur
rendement est davantage imposé que le sans risque ou s’ils supportent une imposition plus
lourde au titre du patrimoine ou des successions.
Si la fiscalité est neutre vis-à-vis des actifs,
γασ 2 (1 − θ ) 2 = ( µ − r f )(1 − θ )
α=
µ − rf
γσ 2 (1 − θ )
La part d’actifs risqués est plus élevée avec fiscalité que sans fiscalité : le ratio de Sharpe est
en effet le même dans les deux cas, et la volatilité du rendement de l’actif risqué après impôt
est plus faible.
r f + α ( µ − r f ) − γα 2σ 2 / 2 → r f (1 − θ ) + α ( µ − r f )(1 − θ ) − γα 2σ 2 (1 − θ ) 2 / 2 − θp − ϕ
= rf +
s=
(µ − r f ) 2
γσ 2
2
γσ 2 ( µ − r f )
t2
θ
θ
ϕ
−
−
r
−
p
−
=
r
+
− θr f − θp − ϕ
f
f
2
2γ
γ 2σ 4
t2
− θr f − θp − ϕ
2γ
Les influences de la fiscalité et de l’allocation d’actifs sont ainsi séparables. Par rapport à une
situation sans risque et sans impôt, l’utilité est améliorée d’un terme, en équivalent risque
certain, identique à celui obtenu sans impôt et détériorée d’un terme qui correspond à l’impact
de la fiscalité sur le placement sans risque.
10
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résultat de recherches menées en son sein, à des fins d’information, de diffusion des connaissances et d’échanges dans les domaines visés.
Bien que le plus grand soin ait été apporté à la collecte des informations et à leur traitement, les documents et éléments graphiques publiés
sur ce site sont fournis en l’état et sont susceptibles de contenir des inexactitudes ou des erreurs. Les auteurs sont susceptibles d’apporter à
tout moment des modifications et améliorations au contenu des documents diffusés. Le CNAM, la chaire de Banque et les auteurs ne
pourront en aucun cas être tenus responsables de tout dommage direct ou indirect résultant de leur utilisation.
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des incitations à acheter, à ne pas acheter ou à vendre lesdits produits. Les produits sujets d’une analyse ont été choisis sur la considération
de leur intérêt scientifique ou pédagogique.
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condition que soient mentionnés clairement et explicitement les auteurs, la chaire de Banque du CNAM et les coordonnées du site sur lequel
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1 – Introduction
Les patrimoines détenus par les particuliers représentent plusieurs années de leurs revenus. La
gestion de ces patrimoines représente donc un enjeu extrêmement important. Ce n’est pas par
hasard que les patrimoines sont constitués, mais pour la réalisation d’objectifs.
La gestion de patrimoine concourt à la réalisation de ces objectifs. Elle fait intervenir une
industrie de la gestion de patrimoine, qui comprend plusieurs acteurs, et plusieurs domaines
de compétence : le conseil en structuration du patrimoine, le conseil et l’ingénierie juridique
et fiscal, le conseil, l’ingénierie et la gestion financiers, etc.
La gestion de patrimoine relève de professionnels, rémunérés par l’épargnant, mais elle relève
aussi de l’épargnant lui-même, qui y consacre des efforts et des ressources en temps, avec une
frontière variable en fonction des compétences et des disponibilités.
Ce document de recherche examine comment la gestion de patrimoine, dans la plupart de ses
composantes, est susceptible de créer, ou de détruire, de la valeur pour le détenteur. La
question est examinée dans le cadre d’une représentation stylisée et simplifiée, mais
néanmoins réaliste, de la gestion de patrimoine.
Avec des paramètres raisonnables, on trouve que le gisement de création de valeur pour
l’ingénierie fiscale est du même ordre de grandeur, voire plus grand, que celui lié à la gestion
financière.
Ceci n’implique pas que les considérations fiscales doivent jouer un rôle exclusif, et même
dominant, dans la gestion d’un patrimoine. De nombreux exemples illustrent le constat que
1
des choix effectués en fonction de considérations exclusivement fiscales peuvent conduire à
des catastrophes, notamment lorsqu’il s’agit d’exploiter à tout prix des incitations fiscales.
Mais le poids qu’a pris l’imposition du patrimoine et de son rendement dans nombre de pays
exige que les aspects fiscaux ne soient pas négligés.
Ce document complète une recherche menée sur l’incidence de l’impôt sur les placements1.
« Finance et impôt »,
2 – Les objectifs de la gestion de patrimoine : une représentation
Avant de définir les objectifs de la gestion de patrimoine, il convient de rappeler pourquoi les
patrimoines sont constitués. Le patrimoine résulte de l’accumulation de couches d’épargne, et
l’épargne correspond, dans une période donnée, à la partie du revenu de la période non
consommée dans la période.
L’épargne est donc une renonciation à une consommation immédiate, en contrepartie de
l’espoir d’une consommation future (réalisée par l’épargnant ou par ses héritiers). Le
patrimoine est ainsi fondamentalement constitué pour reporter de la consommation dans le
temps.
Le premier stade de la gestion de patrimoine est de conseiller les personnes sur le niveau
d’épargne qu’elles doivent choisir en fonction de leurs besoins : précaution, retraite,
transmission. Nous supposerons que ces choix ont été correctement effectués et aboutissent à
un patrimoine donné.
Le report de consommation dans le temps concerne des horizons différents. Nous
découperons, au moins par la pensée, le patrimoine existant en tranches correspondant
chacune à un horizon T, le moment de la prise de décision sur la gestion étant
conventionnellement l’instant 0.
Partant d’une valeur W0, la tranche de patrimoine atteindra à l’horizon T la valeur :
WT = W0 e rT
où r est le taux de rendement obtenu sur les placements dans lequel le patrimoine est investi,
en définition continue. C’est plus précisément un taux de rendement réel, car ce qui compte
pour l’épargnant est le pouvoir d’achat du patrimoine futur, et non pas sa valeur nominale.
Une bonne gestion de patrimoine est une gestion qui transférera le mieux possible le pouvoir
d’achat dans le futur, c’est-à-dire qui permettra d’obtenir un patrimoine terminal élevé en
pouvoir d’achat, ou encore de manière équivalente un rendement réel élevé.
Mais, dans la réalité, des rendements élevés sont accompagnés de risque, et c’est donc plutôt
un bon arbitrage entre rendement et risque qu’une gestion de qualité doit produire. Pour
1
Voir « Finance et impôt », Document de recherche n°24 de la Chaire de Banque du Cnam, disponible sur
www.cnam.fr/deg/banque rubrique Recherche.
2
comparer des gestions correspondant à des dispersions des futurs possibles différentes, la
technologie standard est celle de von Neumann-Morgenstern.
Elle consiste à affecter chaque état possible pour le patrimoine final d’une utilité U, et de
comparer des ensembles de futurs possibles en prenant l’espérance mathématique E de
l’utilité, c’est-à-dire la moyenne, pondérée par les probabilités des futurs possibles, des
utilités. La forme de la fonction d’utilité assure la prise en compte de l’aversion pour le risque
du détenteur.
Une gestion A sera ainsi meilleure qu’une gestion B si :
E (U (WTA ) > E (U (WTB )
E (U (W0 e rAT ) > E (U (W0 e rBT )
La technologie permet aussi de quantifier de combien la gestion A est meilleure que la gestion
B, non pas en comparant des utilités qui n’ont pas de signification évidente, mais en termes
monétaires en répondant à la question suivante : avec quelle économie de patrimoine initial
arrive-t-on avec la gestion A au même résultat en termes d’utilité qu’avec la totalité du
patrimoine géré selon B ?
Le résultat est donné par :
E (U (W0 e rAT )) = E (U (W0 e rBT ))
G = W0 − W0
Le gain relatif peut être aussi exprimé sous forme d’équivalent de supplément de rendement
certain (en définition continue) par :
W0 = W0 e sT
s=
1 W0
ln
T W0
Dans les développements qui suivent, nous supposerons que les préférences de l’épargnant
peuvent être représentées par une fonction d’utilité CRRA, où l’aversion relative au risque γ
est constante. Nous situerons pour les illustrations numériques le coefficient d’aversion
relative au risque dans une gamme de valeurs allant de 2 à 10.
3 – Appréciation de la valeur de la gestion financière
3.1 – Optimisation de l’allocation d’actifs
Le premier degré de la gestion financière consiste à opérer un partage dans les placements du
patrimoine entre ce qui est risqué et ce qui ne l’est pas. On supposera qu’il existe un actif sans
risque de rendement rf à l’horizon T, et un portefeuille risqué, représentant par exemple « le
marché » dans une gestion passive. Attention, pour l’actif sans risque, c’est le rendement réel
(après défalcation de l’inflation) qui est supposé connu avec certitude. On investit une fraction
α du patrimoine dans le portefeuille risqué, le solde étant placé dans l’actif sans risque.
3
Le portefeuille risqué présente une espérance de rendement µ et un risque mesuré par la
volatilité annualisée σ. On supposera que la distribution des rendements est gaussienne2.
On retient enfin une gestion de type dynamique, c’est-à-dire dans ce cas que la proportion
entre actifs risqués et actif sans risque reste constante dans le temps, ce qui conduit à des
ajustements en réponse aux fluctuations de prix des actifs risqués3.
Dans ces conditions (voir annexe), le patrimoine futur s’obtient, à partir du patrimoine initial,
comme :
WT = W0 e
1 2 2

 r f +α ( µ − r f ) − 2 α σ  T +ασ T ε


où ε est un aléa gaussien d’espérance nulle et de variance unitaire.
L’espérance de l’utilité vaut :
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
e
(1−γ )( r f +α ( µ − r f ) −γα 2σ 2 / 2 )T
Elle est maximale pour :
α=
µ − rf
t
=
2
γσ
γσ
t=
µ − rf
σ
t désigne le ratio de Sharpe du portefeuille d’actifs risqués, dans le cadre d’une gestion
passive.
Avec cette proportion optimale investie dans le portefeuille risqué :
r f + α ( µ − r ) − γα 2σ 2 / 2 = r f +
1 (µ − r ) 2
1 t2
r
=
+
f
2 γσ 2
2γ
Il apparaît que, par rapport à un patrimoine placé exclusivement en actif sans risque, le choix
d’une allocation d’actifs optimale pour l’épargnant a un impact sur son utilité équivalent à un
supplément de rendement sans risque égal à la moitié du carré du ratio de Sharpe divisé par
l’aversion relative au risque.
s=
1 t2
2γ
2
Ceci nous conduira à laisser de côté un volet possible de la gestion financière consistant à protéger le détenteur
contre une distribution asymétrique et à « queues épaisses » des rendements.
3
On a montré que les résultats d’une gestion dynamique sans coûts de transaction, ce qu’on suppose ici, ne
différaient bien souvent pas beaucoup de ceux d’une gestion statique, où la proportion est déterminée au départ,
ceci tant que l’aversion au risque est suffisamment forte pour ne pas conduire à détenir les actifs risqués avec un
levier. Voir « Dynamic Asset Allocation : From Theory (halfway) to Practice », Document de recherche n°13,
disponible sur www.cnam.fr/deg/banque rubrique Recherche. L’avantage de la représentation dynamique est de
permettre d’obtenir dans certaines conditions des résultats analytiques, sans passer par des simulations.
4
Pour un calage numérique, on retiendra les valeurs courantes d’une prime de risque de marché
de 4 % pour une volatilité annualisée du portefeuille de marché de 20 %, soit un ratio de
Sharpe de 0,2.
Le gain résultant d’une bonne allocation d’actifs par rapport au sans risque sera ainsi de
l’ordre de 2 % de rendement annuel divisé par l’aversion relative au risque, soit 1 % pour des
détenteurs relativement peu averses au risque (γ = 2) et 0,2 % pour des détenteurs très averses
au risque (γ = 10).
3.2 – Qualité de la gestion d’actifs
La gestion d’actifs ne se limite pas à un partage du patrimoine entre actif sans risque et actifs
risqués, mais à une gestion active du portefeuille d’actifs risqués. Son objectif peut être
représenté, pour l’épargnant, par l’obtention d’un supplément de rendement le plus élevé
possible pour un degré de risque donné4.
Ce supplément de rendement sera obtenu par une allocation judicieuse des différentes classes
d’actifs risqués et, au sein de ces classes, par un choix judicieux des titres (stock-picking).
La qualité de la gestion active pourra ainsi être mesurée par le rapport entre la prime obtenue
des actifs risqués ainsi gérés et le risque pris, mesuré ici par l’écart-type. C’est une
généralisation du ratio de Sharpe.
1 t a2
sa =
2γ
ta =
µa − rf
σa
Si par exemple la gestion active permet d’obtenir 1 % d’espérance de rendement en plus sur
les actifs risqués en gardant le même niveau de risque (volatilité de 20 %), le ratio t est plus
élevé de 1,25 que dans la gestion passive, et son carré plus élevé de 1,5625. La gestion active
ajoute ainsi, par rapport à la gestion passive, l’équivalent de 0,56 % de rendement certain dans
le cas d’une faible aversion au risque et 0,14 % dans le cas d’une forte aversion.
Il n’est pas inintéressant de noter, pour le moral des gérants actifs, que le gain étant
proportionnel au carré de t, le supplément marginal de rendement espéré sans risque
additionnel, le plus difficile à obtenir dans la gestion active, est celui qui apporte le plus de
gain à l’épargnant.
4 – Valeur de l’ingénierie fiscale
4.1 – Cas de l’investissement en actif sans risque
Le rendement du placement est en général taxé, et c’est en général le rendement nominal qui
fait l’objet d’une imposition, au taux θ. Par ailleurs le patrimoine lui-même peut faire l’objet
4
L’approche diffère de celle de l’univers de la gestion institutionnelle, où la gestion active consiste à obtenir le
supplément de rendement le plus élevé possible (en espérance) sous condition d’un risque actif, mesuré par la
volatilité de l’écart de rendement par rapport à une référence ou benchmark, encore appelé tracking error. La
qualité de la gestion active se mesure alors par le ratio d’information, égal au rapport du supplément de
rendement obtenu au tracking error. Mais les moyens mis en œuvre pour obtenir ce supplément de rendement
sont les mêmes dans les deux cas.
5
d’une taxation annuelle, comme par l’impôt sur la fortune français, et/ou d’une taxation
ponctuelle, par exemple lors d’une transmission.
Le rendement sans risque peut s’écrire :
r f ' = r f (1 − θ ) − θp − ϕ
p désigne le taux d’inflation annualisé (en définition continue), et φ l’impact annualisé sur le
rendement d’un impôt sur le patrimoine ou d’un impôt sur les successions. Au premier ordre,
ce sera la somme du taux applicable d’un impôt annuel sur le patrimoine et, éventuellement,
du taux de l’imposition des successions divisé par le nombre d’années de détention.
Par rapport à une situation sans imposition, la perte d’utilité est équivalente à une perte de
rendement annuel égale à (ceci vaut pour toutes les formes de fonction d’utilité, voir
Annexe) :
s = −θr f − θp − ϕ
La perte d’utilité est aussi le gain potentiel, en termes de supplément de rendement, que
l’ingénierie fiscale peut apporter5. L’analyse des méthodes et techniques de l’ingénierie
fiscale n’est pas l’objet de ce document de recherche.
Un régime standard d’imposition du rendement sera typiquement de l’ordre de 30 %. Avec un
taux réel sans risque de 2 % et un taux d’inflation de long terme de 2 %, ce sont ainsi 1,2 %
d’équivalent rendement annuel qui sont effacés, et plus encore si des impôts frappant le
patrimoine ou les successions doivent être pris en compte.
En France par exemple, le taux de l’impôt annuel sur la fortune peut atteindre 1,8 %. Des
droits de succession de 20 % à un horizon de 10 ans correspondent à une soustraction de
rendement annuel de 2,23 % (en définition continue). La perte de rendement annuel lié à la
fiscalité peut ainsi atteindre plusieurs points de pourcentage.
4.2 – Cas d’une allocation d’actifs diversifiée
Il arrive que les impôts frappent différemment les différents actifs, qu’il s’agisse d’impôts sur
le rendement ou d’impôts annuels sur le patrimoine.
Des taux d’imposition différents vont conduire à déformer l’allocation optimale d’actifs vers
les actifs les moins taxés (voir une illustration en Annexe).
Dans le cas central où la fiscalité est neutre, on aboutit aux résultats suivants :
- l’allocation d’actifs recourt davantage au portefeuille risqué, parce que le ratio de
Sharpe après impôt est le même qu’avant impôt et parce que le risque après impôt est
plus faible que le risque avant impôt.6
5
Le gisement peut être encore plus étendu lorsqu’il existe des dispositifs d’incitation fiscale à certains
investissements, conduisant à une taxation négative.
6
Ceci suppose que la fiscalité est neutre vis-à-vis du risque, c’est-à-dire que les pertes ou moins-values donnent
rapidement lieu à une imputation ou un remboursement d’impôt. Ce n’est pas toujours le cas. Voir « Finance et
impôt », Document de recherche n°24.
6
-
s=
l’impact de la fiscalité sur le rendement et celui de l’allocation d’actifs sur l’équivalent
de rendement certain sont « séparables » : la perte due à la fiscalité est la même que
celle qui pèse sur un placement sans risque, le gain due à l’allocation d’actifs optimale
(et celui qui serait dû à une gestion active performante) est le même qu’en l’absence
d’impôts. Globalement,
t2
− θr f − θp − ϕ
2γ
5 – Tarification des services
En contrepartie des services qu’elle rend, l’industrie de la gestion de patrimoine prélève des
commissions. Ces commissions ont un impact sur le rendement identique à celui qu’ont les
impôts.
~
Elles peuvent être calculées sur le rendement, il s’agit alors de performance fees, au taux θ .
La commission est alors généralement déductible de l’assiette de l’imposition du rendement,
ce qui fait que le prélèvement total sur le rendement, par le fisc et par le gestionnaire de
~
patrimoine, s’établit à Θ = θ + θ (1 − θ ) .
En réalité, les commissions assises sur le rendement sont souvent plus complexes, avec un
seuil (la commission n’est calculée que sur l’écart entre performance et un certain niveau), et
une asymétrie : le gérant ne reverse rien à l’épargnant si la performance est négative ou
inférieure au seuil. Ceci donne un caractère optionnel aux commissions de performance, ce
qui peut entraîner un biais vers le choix de niveaux de risque plus élevés.
Les commissions peuvent être prélevées sur l’encours, au taux ϕ~ . Elles sont selon les cas
déductibles de l’impôt sur le rendement (1) ou non déductibles (2).
Le prélèvement global qui impactera le rendement s’écrira alors :
Φ = ϕ + ϕ~1 (1 − θ ) + ϕ~2
Les commissions de gestion sur les fonds ou les marges sur les produits viennent en général
en déduction du rendement et entrent dans la première catégorie. Les commissions sur
encours des banques privées ne viennent en général pas en déduction des impôts sur le
rendement. Ces dernières sont a priori neutres à l’égard des conseils donnés par le
gestionnaire de patrimoine, alors que les commissions sur les fonds ou les produits peuvent
varier d’un fonds ou d’un produit à un autre et être une source de biais dans le conseil.
L’aspect fiscal (non négligeable si par exemple le rendement est taxé à 30 %) doit être mis en
regard de la neutralité.
Les commissions érodent au total les avantages pour l’épargnant d’une gestion financière de
qualité et d’une ingénierie fiscale performante. L’avantage net est ainsi, et c’est normal, réduit
par rapport à l’avantage brut.
7
Annexe
Si une part du patrimoine α est investie dans le portefeuille risqué, avec un rendement attendu
µ et une volatilité de ce rendement σ, et qu’une part 1-α est investie dans l’actif sans risque
dont le rendement est r, la variation relative du patrimoine dans le temps suit l’équation
suivante :
[
]
dW
= (1 − α )r f dt + α ( µdt + σdz ) = r f + α ( µ − r f ) dt + ασdz
W
où dz est un Brownien standard.
Le lemme d’Ito indique que si :
dx = adt + bdz
G = g ( x, t )
alors :
 ∂G ∂G 1 ∂ 2 G 2 
∂G
dG = a
+
b  dt + b
dz
+
2
∂x
 ∂x ∂t 2 ∂x

Ici :
x =W
G ( x, t ) = ln W
[
]
a = r + α (µ − rf ) W
[
∂G 1
=
∂x W
b = ασW
∂G
=0
∂t
∂ 2G
1
=− 2
2
∂x
W
]
1 1 1 2 2 2
1

d ln W =  r + α ( µ − r f ) W
−
α σ W  dt + ασW dz
2
W 2W
W


1


d ln W = r + α ( µ − r f ) − α 2σ 2  dt + ασdz
2


T
W (T )

∫ d ln W = ln W (T ) − ln W (0) = ln W (0) = r
0
f
1

+ α ( µ − r f ) − α 2σ 2 T + ασ T ε
2

où ε est une variable aléatoire d’espérance nulle et de variance unitaire.
Si l’on fait l’hypothèse que ε est gaussien
W (T ) = W (0)e
1 2 2

 r f +α ( µ − r f ) − 2 α σ  T +ασ T ε


= WT = W0 e
1 2 2

 r f +α ( µ − r f ) − 2 α σ  T +ασ T ε


Et si l’on fait l’hypothèse que la fonction d’utilité est CRRA de paramètre γ,
8
U (W ) = (1 − γ ) −1W 1−γ
U (WT ) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
e
(1−γ )( r f +α ( µ − r ) −α 2σ 2 / 2 )T
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
1−γ
e (1−γ )ασ
(1−γ )( r f +α ( µ − r ) −α 2σ 2 / 2 )T
e
Tε
e (1−γ )
2
α 2σ 2T / 2
(1−γ )( r f +α ( µ − r f ))T − (1−γ )α 2σ 2 / 2 )T + (1−γ ) 2 α 2σ 2 / 2 )T
e
(1−γ )( r f +α ( µ − r f ) −γα 2σ 2 / 2 )T
e
L’espérance d’utilité est maximale pour :
α=
µ − rf
γσ 2
Avec cette valeur pour la part des actifs risqués :
r f + α ( µ − r f ) − γα σ / 2 = r +
2
2
E (U (WT )) = (1 − γ ) −1W0
e
sT
s=
=
W0
W0
[
= e
1−γ
]
1
(1−γ )( t 2 / 2 γ )T 1−γ
(µ − r f ) 2
γσ 2
(1−γ )( r f + t 2 / 2 γ )T
e
= e (t
2
−γ
(µ − r f ) 2 σ 2
γ 2σ 4
= (1 − γ ) −1W0
σ2
1−γ
e
1 (µ − rf )
1 t2
= rf +
= rf +
2 γσ 2
2γ
2
(1−γ ) r f T
/ 2γ )
t2
2γ
On a comparé une gestion optimale A à une gestion non optimale B, consistant à ne retenir
que l’actif sans risque.
Impact de la fiscalité
Cas de l’actif sans risque
Sans impôt (gestion A) :
WT = W0 e
rf T
Avec impôt (gestion B)
WT = W0 e
( r f −θr f −θp −ϕ )T
= W0 e
rf T
e
( −θr f −θp −ϕ )T
= W0 e
s = −θr f − θp − ϕ
Optimisation de portefeuille
Avec la fiscalité,
9
rf T
r f → r f (1 − θ f )
µ → µ (1 − θ )
σ → σ (1 − θ )
On a prévu que le taux d’imposition du rendement puisse différer selon les actifs. Il faut noter
que les deux dernières transformations ne sont valables que si l’impôt est neutre vis-à-vis du
risque, c’est-à-dire en pratique si l’imputation des pertes ou moins-values ou le
remboursement du crédit d’impôt sur celles-ci est possible et rapide, ce qui n’est pas toujours
le cas en pratique.
r f + α ( µ − r f ) − γα 2σ 2 / 2 = αµ + (1 − α )r f − γα 2σ 2 / 2
→ αµ (1 − θ ) + (1 − α )r f (1 − θ f ) − γα 2σ 2 (1 − θ ) 2 / 2 − α (θp + ϕ ) − (1 − α )(θ f p + ϕ f )
Cette quantité est maximale quand :
µ (1 − θ ) + r f (1 − θ f ) − γασ 2 (1 − θ ) 2 − (θp + ϕ ) + (θ f p + ϕ f ) = 0
γασ 2 (1 − θ ) 2 = ( µ − r f )(1 − θ ) − (θ − θ f )(r f + p) − (ϕ − ϕ f )
On constate assez naturellement que la part optimale des actifs risqués est plus faible si leur
rendement est davantage imposé que le sans risque ou s’ils supportent une imposition plus
lourde au titre du patrimoine ou des successions.
Si la fiscalité est neutre vis-à-vis des actifs,
γασ 2 (1 − θ ) 2 = ( µ − r f )(1 − θ )
α=
µ − rf
γσ 2 (1 − θ )
La part d’actifs risqués est plus élevée avec fiscalité que sans fiscalité : le ratio de Sharpe est
en effet le même dans les deux cas, et la volatilité du rendement de l’actif risqué après impôt
est plus faible.
r f + α ( µ − r f ) − γα 2σ 2 / 2 → r f (1 − θ ) + α ( µ − r f )(1 − θ ) − γα 2σ 2 (1 − θ ) 2 / 2 − θp − ϕ
= rf +
s=
(µ − r f ) 2
γσ 2
2
γσ 2 ( µ − r f )
t2
θ
θ
ϕ
−
−
r
−
p
−
=
r
+
− θr f − θp − ϕ
f
f
2
2γ
γ 2σ 4
t2
− θr f − θp − ϕ
2γ
Les influences de la fiscalité et de l’allocation d’actifs sont ainsi séparables. Par rapport à une
situation sans risque et sans impôt, l’utilité est améliorée d’un terme, en équivalent risque
certain, identique à celui obtenu sans impôt et détériorée d’un terme qui correspond à l’impact
de la fiscalité sur le placement sans risque.
10