La demande de la victime d`un accident de la
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La demande de la victime d`un accident de la
La demande de la victime d'un accident de la circulation tendant à la condamnation de l'assureur au paiement des intérêts au double du taux légal n'a pas le même objet que celle tendant à l'indemnisation de son préjudice corporel L. De Graeve (A propos de Cass. 2e civ., 5 mars 2015, n° 14-10.842) Autorité de la chose jugée – Demande d’indemnisation – Demande d’application de la pénalité du doublement du taux de l’intérêt légal pour absence d’offre – Objet identique (non) Par cet arrêt, publié au bulletin, la Deuxième Chambre civile fait pour la seconde fois application d’une solution qu’elle avait mise en évidence trois ans auparavant (Cass. 2e civ., 22 mars 2012, n° 10-25.184, Procédures, mai 2013, chron. C. Bléry). Au visa des articles 1351 du Code civil (« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ») et 480 du Code de procédure civile (« Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche (…) »), la Cour de cassation réaffirme que la demande d’indemnisation du préjudice corporel d’une victime d’un accident de la circulation et sa demande de condamnation de l’assureur à la pénalité du doublement de l’intérêt légal pour défaut d’offre d’indemnisation n’ont pas le même objet. En l’espèce, une personne fut victime en 1997 d’un accident de la circulation. Une expertise médicale fixa au 21 août 2007 la date de consolidation de ses blessures et un jugement du 15 mars 2010 procéda à une indemnisation à hauteur de plus de 217 000 € des divers chefs de préjudices. Nonobstant cette indemnisation, l’assuré entendait demander – sur le fondement de l’article L. 211-13 C. ass. – la condamnation de l’assureur au paiement des intérêts au double de l’intérêt légal pour ne pas avoir formulé, dans les délais légaux et conformément à l’article L. 211-9 C. ass., une offre d’indemnisation. Par acte du 8 décembre 2010, l’assuré a donc intenté à ce titre une nouvelle instance et assigné l’assureur devant les juges du fond. Par un jugement en date du 14 novembre 2011, le Tribunal de grande instance de Paris déclara cette demande irrecevable puisque constituant « l'accessoire de celle formée au titre de l'indemnisation du préjudice [corporel] ». Saisie de l’appel de l’assuré, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 13 novembre 2013, fit siens les motifs énoncés par les premiers juges. En d’autres termes, puisque l’assuré n’avait pas formulé, lors de l’instance initiale relative à l’indemnisation de son préjudice, sa demande de condamnation de l’assureur au paiement des intérêts au double de l’intérêt légal, il n’était plus en droit de le faire dans le cadre d’une instance ultérieure. Selon les juges du fond, cette seconde demande se heurtait dès lors à l’autorité de la chose jugée procédant du jugement du 15 mars 2010 relatif à l’indemnisation de l’assuré. La solution des juges du fond semblait pouvoir se justifier puisque, objectivement, la demande de paiement de la sanction de l’article L. 211-13 C. ass. repose nécessairement sur l’indemnisation allouée par le juge ; cette disposition s’appuie en effet sur la date du jugement définitif – à défaut d’offre effectuée par l’assureur – pour fixer la date d’expiration de la sanction. Ainsi, les demandes – d’indemnisation et de doublement de l’intérêt légal – pourraient se trouver imbriquées l’une à l’autre du fait de l’existence de logiques communes (I). Cette présentation ne résiste cependant pas à l’analyse et encourt en conséquence la censure de la Deuxième Chambre civile. Si l’on peut émettre l’idée d’une filiation entre ces deux demandes, force est néanmoins d’admettre que leur objet diffère, démontrant ainsi l’inévitable recevabilité de la demande de condamnation sur le fondement de l’article L. 211-13 C. ass. (II). I. – L’APPARENTE IMBRICATION DES DEMANDES D’INDEMNISATION ET DE DOUBLEMENT DE L’INTÉRÊT LÉGAL La proximité que les juges du fond avaient mis en évidence entre les deux demandes formulées par l’assuré peut s’expliquer au regard de deux éléments : le premier a trait à l’existence même de la sanction de l’article L. 211-13 C. ass. ; le second repose quant à lui sur la période de calcul de cette pénalité. S’agissant de l’existence de la pénalité du doublement de l’intérêt légal, l’article L. 211-13 C. ass. la conditionne à un défaut de formulation d’offre d’indemnisation par l’assureur ; l’insuffisance ou la tardiveté de l’offre étant assimilées à son défaut. Ainsi, cette sanction se fonde nécessairement sur une logique d’indemnisation qui, pour l’heure, fait défaut mais que l’assuré entend obtenir par la voie judiciaire. En introduisant son instance en vue de la reconnaissance de son droit à indemnisation, l’assuré avait manifestement connaissance des carences de l’assureur dans l’exécution de son obligation légale au titre de l’article L. 211-19 C. ass. et, conséquemment, de sa possibilité de demander la condamnation de ce dernier au paiement de la pénalité de l’article L. 211-13 C. ass. Par suite, il convenait à l’assuré de concentrer ses demandes (d’indemnisation et de paiement de la pénalité) ou, plus justement, de procéder à une concentration de ses moyens au sein d’une seule et même demande : la demande initiale d’indemnisation des préjudices corporels. Procéder de la sorte permettait ainsi de respecter la logique souhaitée par la Cour de cassation qui, dans un arrêt remarqué, admit qu’ « il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci » (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672, Bull. ass. plén., n° 8 ; BICC 15 oct. 2006, rapp. Charruault, note R. Koering-Joulin et avis M. Benmakhlouf ; D. 2006. 2135, note L. Weiller ; RDI 2006. 500, obs. Ph. Malinvaud ; RTD civ. 2006. 825, obs. R. Perrot ; JCP 2006. I. 183, obs. S. Amrani-Mekki ; ibid. 2007. II. 20070, note G. Wiederkehr ; Gaz. Pal. 2007. 398, note Gain ; Dr. et proc. 2006. 348, note N. Fricero). Toute nouvelle demande qui n’aurait donc pas un objet différent s’oppose à l’autorité de la chose jugée ; l’identité d’objet conduisant ainsi à imposer une concentration des moyens au sein de la demande initiale. On relèvera cependant que les juges du fond ont moins fondé leur rejet de la seconde demande sur son identité avec la première que sur la corrélation existant entre elles. Et, de ce point de vue, on peut effectivement penser que la demande de sanction de l’assureur au titre de l’article L. 211-13 C. ass. constitue l’accessoire ou « une composante de la réparation du préjudice » (CA Nîmes, 8 juin 2010 ; arrêt cassé par Cass. 2e civ., 22 mars 2012, n° 1025.184, op. cit.) dans la mesure où le jugement rendu sur la reconnaissance des droits à indemnisation permet de fixer l’assiette de la pénalité du doublement de l’intérêt légal. Une corrélation entre les demandes est donc perceptible. Suivant les dispositions de l’article L. 211-13 C. ass., le montant de l’indemnité allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai imparti à l’assureur pour formuler son offre et jusqu’au jour du jugement devenu définitif. Puisque le calcul de la pénalité du doublement ne peut s’effectuer, en cas de défaut d’offre, qu’au regard du jugement d’indemnisation, on serait effectivement tenté de reconnaître la demande de pénalité comme une demande complémentaire à la demande initiale d’indemnisation. Bien que cette démarche puisse séduire, elle occulte un élément essentiel : si les demandes peuvent s’avérer effectivement complémentaires ou interdépendantes l’une de l’autre, cela suppose-t-il nécessairement qu’elles aient le même objet ? La Deuxième Chambre civile répond ici négativement. Alors que les juges du fond avaient donc mis en évidence la proximité – et non la similitude – des demandes, la Cour de cassation quant à elle fonde sa décision sur la dissemblance de leur objet. En d’autres termes, là où les juges du fond reconnaissaient une filiation par “fonction“ – la demande de pénalité étant considérée comme l’accessoire de la demande d’indemnisation – la Deuxième Chambre civile rejette toute identité par “nature“ en excluant toute similitude des “objets“. II. – LE RÉEL DÉTACHEMENT DES DEMANDES D’INDEMNISATION ET DE DOUBLEMENT DE L’INTÉRÊT LÉGAL Par l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation entend différencier les demandes d’indemnisation et de doublement de l’intérêt légal suivant le critère de l’objet (« la demande de la victime d'un accident de la circulation tendant à la condamnation de l'assureur au paiement des intérêts au double du taux légal, faute d'offre présentée dans le délai légal, n'a pas le même objet que celle tendant à l'indemnisation de son préjudice corporel »). La conséquence de cette différenciation de l’objet est la recevabilité de la demande de paiement de la pénalité de l’article L. 211-13 C. ass. Puisque différente, cette demande n’a donc pas à subir l’autorité de la chose jugée attachée à la décision sur l’indemnisation. L’assuré pouvait donc librement intenter une instance en vue de demander la condamnation de l’assureur à la pénalité du doublement du taux de l’intérêt légal. On perçoit une nouvelle fois ici le contrôle opéré par la Cour de cassation sur la recevabilité d’une telle action. La Chambre criminelle avait en effet déjà censuré des juridictions du fond pour avoir déclaré irrecevable une demande d’un assuré en vue de la condamnation de l’assureur au paiement de la pénalité de l’article L. 211-13 C. ass. ; le fondement de cette irrecevabilité étant le caractère nouveau de la demande devant la Cour d’appel. Or, aucune critique de nouveauté de cette demande ne peut valablement être faite dans la mesure où « la pénalité du doublement des intérêts (…) est due, de plein droit, par l’assureur, même à défaut de demande en justice de la victime » (Cass. crim., 18 mars 2014, n° 12-83.274, www.actuassurance.com, act. jurisp. par L. de Graëve). Si la Cour de cassation se concentre dans l’arrêt ici commenté sur l’objet pour rejeter l’autorité de la chose jugée, c’est qu’une discussion pouvait semble-t-il s’opérer au regard des autres critères. Comme l’énonçait la décision des juges du fond ayant donné lieu à l’arrêt du 22 mars 2012 (op. cit.), « le préjudice invoqué est le même (…) l'action est fondée sur les mêmes faits et met en cause les mêmes parties que celles entre lesquelles il a été statué par le précédent jugement » (CA Nîmes, 8 juin 2010, op. cit.). Pour couper court à toute discussion excessive sur la réelle identité des parties entre les demandes, la Deuxième Chambre civile a donc soulevé, à juste titre, une différence d’objet. On notera pour conclure que toute discussion n’est pourtant pas totalement close. Avérer la différenciation des objets est une chose ; préciser quels sont précisément ces objets en est une autre. S’il est clair que « réclamer l’indemnisation d’[un] préjudice et demander la mise en œuvre de l’article L. 211-13 ne tend pas aux mêmes fins » (C. Bléry, « Note sous Cass. 2e civ., 22 mars 2012, n° 10-25.184 », Procédures, mai 2013, chron. 2), encore faut-il avancer quelles sont ces fins. La question ne se pose évidemment pas au sujet de la demande d’indemnisation. En revanche, concernant la demande de condamnation de l’assureur à la pénalité de l’article L. 211-13 C. ass., un doute existe cependant ; doute que nous avons néanmoins tenté de dissiper dans une précédente étude (L. de Graëve, « Pénalité en cas de tardiveté de l’offre d’indemnité : entre vigilance, négligence… et malaise de la Cour de cassation vis-à-vis d’une sanction non identifiable (à propos de Cass. Civ. 2e, 16 janv. 2014) », www.actuassurance.com, déc. 2013janv. 2014, n° 34, analyse). Il apparaît en effet que cette procédure possède une nature sanctionnatrice : « Si le concept de peine est circonscrit aux sanctions à finalité répressive, est-il aussi certain de pouvoir rejeter de cette catégorie la majoration du taux de l’intérêt légal ? N’est-il pas envisageable de percevoir le doublement de ce taux comme “la sanction de l'omission par l'assureur d'une offre d'indemnité“ (Cass. 2e civ., 24 oct. 2013, n° 1225212) et, conséquemment, comme la punition d’une faute de l’assureur dans le respect de ses obligations ? Incontestablement indemnitaire – selon la doctrine, cette sanction entend effectivement “compenser forfaitairement le préjudice que peuvent subir les bénéficiaires en cas d’absence ou de tardiveté de [l’] offre“ (« Note sous Cass. 2e civ., 9 oct. 2003 », JCP 2004, I. 137, par J. Bigot, A. Favre-Rochex, J. Kullmann, D. Langé et L. Mayaux) – cette pénalité serait également ouvertement répressive. La teneur même de la sanction établie sur le doublement du taux de l’intérêt légal demeure d’une sévérité intrinsèque qu’il convient de présenter comme la manifestation de la dimension punitive de cette pénalité ». Mi-indemnitaire, mi-répressive, telle serait finalement la nature de la sanction de l’article L. 211-13 C. ass. et, en conséquence, la nature de l’objet de la demande de condamnation de l’assureur formulée en ce sens. La demande d’application de l’article L. 211-13 C. ass. a donc pour objet la répression du défaut de l’assureur… dans son obligation de présentation d’une offre d’indemnisation. La demande de sanction du doublement de l’intérêt légal conduit donc finalement a sollicité une indemnisation majorée ; est-ce là la marque d’une aussi grande différence d’objet avec la demande initiale d’indemnisation des préjudices ? Malgré la décision ici rendue, on peut encore en douter ; il aurait dès lors été heureux que la Cour de cassation expose elle-même les éléments suggérant une différenciation des objets entre les demandes. Tout vient à point à qui sait attendre. Loïc de GRAËVE L’arrêt : Sur le moyen unique : Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 20 octobre 1997 à Villeneuve-sur-Lot, M. X... a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société GAN assurances (l'assureur) ; qu'après expertise ordonnée en référé, un jugement irrévocable du 15 mars 2010 a indemnisé la victime de ses divers chefs de préjudices ; que l'assureur n'ayant jamais fait d'offre d'indemnisation à M. X... après le dépôt du rapport d'expertise le 25 mars 2008, celui-ci a l'a assigné afin d'obtenir le versement des intérêts au double du taux légal qui lui étaient dus à titre de sanction ; Attendu que pour déclarer irrecevable cette demande, l'arrêt énonce que la demande tendant à la condamnation de l'assureur au paiement de la pénalité prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances constitue l'accessoire de celle formée au titre de l'indemnisation du préjudice de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ; que M. X... qui n'avait pas présenté lors de l'instance relative à son indemnisation de demande en application de l'article précité, était désormais irrecevable à le faire ; Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de la victime d'un accident de la circulation tendant à la condamnation de l'assureur au paiement des intérêts au double du taux légal, faute d'offre présentée dans le délai légal, n'a pas le même objet que celle tendant à l'indemnisation de son préjudice corporel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société GAN assurances IARD aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GAN assurances IARD, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;