Argumentaire sur la « TVA sociale
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Argumentaire sur la « TVA sociale
1 Argumentaire sur la « TVA sociale » La proposition de transférer une partie des cotisations sociales sur des impositions est à nouveau au cœur du débat public. Une augmentation de la TVA, souvent dénommée « TVA sociale », n’est que l’un des aspects de la réforme plus globale préconisée, qui porte sur le financement de la protection sociale. Mais il s’agit sans doute de l’aspect le plus emblématique. L’argumentaire qui suit a été voulu aussi lisible que possible, et donc avec aussi peu de chiffres que possible. Il est construit sous la forme d’une série de 10 questions et réponses. Ces questions et réponses sont regroupées sous trois rubriques principales : - les évolutions du débat, pour situer d’emblée les positions dans leur contexte ; les définitions de base, pour préciser le périmètre et le quantum des propositions faites ; les effets attendus, pour rassembler les données disponibles sur les effets potentiels de cette mesure. 1. Le débat et ses évolutions : Q.1 : Pourquoi reparle-t-on autant de la « TVA sociale » ? Le terme de « TVA sociale » n’est pas nouveau. L’idée de substituer aux cotisations, assises sur les salaires, une autre ressource, plus large et moins pénalisante pour l’emploi, a été en particulier discutée au début des années 90, mais à un moment où les taux de TVA étaient relativement plus élevés en France que dans les autres pays européens. Cela explique qu’on ait alors préféré d’autres voies, comme la création en 1990 d’une autre ressource, la CSG (ce qui a permis de diminuer une part des cotisations), puis à partir de 1993, un aménagement ou « allègement » des cotisations, destiné à les rendre plus supportables, mais pour les seuls emplois peu qualifiés. Le débat renaît aujourd’hui pour deux raisons principales : d’abord parce que l’évolution de la compétitivité des entreprises françaises, et en particulier des industries, rend indispensables des mesures rapides destinées à restaurer les marges et à enrayer les pertes de parts de marchés. Dans ce contexte, une diminution des cotisations sociales paraît légitime. La France se singularise par un financement qui repose plus qu’ailleurs sur des cotisations salariales (employeurs et salariales). Les diminuer permettrait aux entreprises de rétablir le différentiel de coûts salariaux, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, et ainsi à la France de rééquilibrer progressivement sa balance commerciale. L’industrie, notamment, pourrait ainsi rétablir l’avantage « coût salarial », d’environ 10 %, dont elle bénéficiait au début des années 2000. Deuxième évolution, alors que le taux moyen de la TVA baissait en France, il a augmenté partout ailleurs en Europe. Depuis 1990, par exemple, l’Allemagne a augmenté de 5 points son taux normal de TVA, la France d’un point seulement. Le taux moyen est désormais légèrement plus bas en France qu’en Allemagne et le taux moyen européen est encore plus élevé. Il y a donc une marge d’action, d’ailleurs relevée par le conseil européen, dans son avis récent sur la politique économique et fiscale française. 2 Q.2 : Qui soutient cette proposition ? Le MEDEF a pris position récemment de manière claire, pour un relèvement de la TVA, couplé à une hausse de la CSG, permettant de diminuer les cotisations sociales (tout en soulignant que l’effort ne devait pas porter que sur la recherche de recettes substitutives, qu’il convenait au préalable d’être plus rigoureux sur les dépenses sociales). Le GFI, de même, en a fait l’une de ses 12 propositions récentes pour la campagne de 2012. L’UPA a inscrit dans ses propositions très récentes pour 2012 une « réforme de l’assiette du financement de la sécurité sociale », de même que l’AFEP, dans ses toutes récentes recommandations. Si on ajoute que la CGPME a pris position également pour un relèvement de la TVA (de même dans le cadre d’un schéma plus large, incluant la CSG et une baisse des dépenses), on constate que l’ensemble des organisations d’employeurs a pris position pour cette mesure. Du côté des organisations syndicales, les positions sont plus partagées : la CGC a, de longue date, plaidé pour une hausse de la TVA, destinée à financer les dépenses sociales. D’autres organisations ont récemment évolué, la déclaration commune signée sur la compétitivité de l’industrie (« approche de la compétitivité française », de juin 2011) reconnaissant, mais de manière encore implicite, la nécessité d’une réforme du financement de la protection sociale, au service de la compétitivité (sont demandées « d’autres sources de financement »). La CGT, qui n’a pas signé ce document, de même que la CFDT, qui l’a signé pourtant, soulignent cependant le risque que cette réforme accentue le caractère inégalitaire de la fiscalité. La réticence des syndicats s’explique sans doute également par leur crainte de voir remise en cause la légitimité des partenaires sociaux à gérer certains pans de la protection sociale Une assez grande diversité de positions peut être observée également au sein des partis politiques, de droite ou de gauche. Q.3 : Quelle est la perspective : 2012, 2015, … ? Clairement, cette question sera dans le débat pour l’élection présidentielle (parmi bien d’autres, évidemment). Elle sera sans doute posée également de manière institutionnelle, puisque le président de la République vient d’annoncer la création d’un Haut conseil du financement de la protection sociale, sur le modèle du Conseil d’orientation des retraites (COR) ou des Hauts conseils de l’assurance maladie ou de la famille. Un de ses premiers travaux sera justement de réfléchir aux ressources alternatives aux cotisations, et à leurs proportions respectives. Cette réflexion devrait permettre de définir une stratégie, qui pour le MEDEF et plus particulièrement l’UIMM, doit fixer en priorité la compétitivité des entreprises et la lutte contre la désindustrialisation. Pour obtenir des effets, face à des enjeux aussi lourds, il est essentiel en effet qu’un cap soit fixé pour les cinq ou dix prochaines années, comme l’Allemagne l’a fait au début des années 2000, d’une manière aussi consensuelle que possible, ce qui a permis ensuite pendant une décennie, par-delà les alternances politiques, de mettre en œuvre progressivement cette stratégie valable pour l’ensemble des finances publiques, le financement de la protection sociale n‘étant qu’une composante. En même temps, des premières mesures devraient être prises rapidement : à l’issue des travaux de comparaison qu’il a réalisés sur les prélèvements et la compétitivité française et allemande, l’institut REXECODE a réclamé, à juste titre, « un choc de compétitivité », qui implique de manière nécessaire une première rapide hausse de la TVA, sans doute couplée avec une hausse de la CSG, mais surtout une baisse des cotisations sociales. 3 2. Les définitions : Q.4 : Que signifie exactement cette expression de « TVA sociale » ? La TVA sociale, parfois appelée « TVA anti-délocalisation », ou encore « TVA emploi », n’est pas une appellation contrôlée, comme on le voit. Elle signifie une augmentation de TVA, en contrepartie d’une baisse des cotisations à due concurrence. Elle ne doit pas être confondue avec une autre proposition, qui a été faite également, de substituer à l’assiette actuelle des cotisations une assiette « valeur ajoutée ». Une telle proposition est de portée beaucoup plus limitée, puisqu’elle ne change pas le payeur de la taxe, contrairement à la TVA sociale. Avec la TVA sociale, pour la part reportée des cotisations vers l’impôt, ce n’est plus l’entreprise mais le consommateur qui supporte le prélèvement. Une des conséquences est que les produits importés, achetés par les consommateurs, supportent une taxe majorée, alors que les produits français, dont la production aura bénéficié de la baisse des cotisations sociales, voient leur coût baisser à l’exportation. Q.5 : De quel taux doit-on augmenter la TVA, avec cette part « sociale » ? Plusieurs propositions ont été avancées, dont l’ampleur varie selon l’éventuelle combinaison avec d’autres ressources (CSG notamment), et selon le terme. La proposition récemment faite par le MEDEF est d’envisager trois options, permettant de trouver des ressources pour remplacer, selon les variantes, 30, 50 ou 70 Md€. La solution serait, dans chaque cas, de recourir à un mixte de TVA et de CSG, dans la mesure où les effets de ces deux hausses, sur les différents agents économiques, se compensent pour partie. Dans le premier cas, on augmenterait (de manière différenciée selon les taux) les taux de TVA par exemple de 1,5 à 3 % (un point de TVA rapporte environ 10 Md€, un point de CSG environ 11,5 Md€). Dans le deuxième cas, l’augmentation serait plus importante : de 3 à 5 % selon les taux. Enfin, dans le troisième scénario, la hausse irait jusqu’à 5,4 % pour le taux normal. Parallèlement, la CSG augmenterait également, mais de manière plus modérée. Bien entendu, ces scénarios devront encore s’enrichir et s’affiner. D‘autres chiffrages et tests par modèles seront faits. D’autres ressources sont également potentiellement disponibles, notamment grâce à une éventuelle fiscalité « environnementale » renforcée. Il convient en outre d’être attentif qu’une autre priorité, qui doit être poursuivie en parallèle, est la réduction des déficits publics et de l’endettement. Comme on le voit, si des premières pistes ont déjà été explorées, le débat est loin d’être clos, l’objectif restant de construire le consensus indispensable sur la meilleure solution (ou plutôt, car c’est la règle pour toute réforme fiscale, la moins mauvaise !). 4 Q.6 : A quelles cotisations cette nouvelle ressource se substituerait-elle ? D’un point de vue économique, toutes les cotisations, du moment qu’elles sont assises sur les salaires, sont équivalentes. Dans son rapport relatif à la comparaison des systèmes fiscaux en France et en Allemagne, la Cour des comptes a même englobé dans sa réflexion et ses recommandations le versement transport, qui est assis sur les salaires. Pour autant, il paraît sage de profiter de cette réforme pour essayer de mettre un peu plus d’ordre et de lisibilité dans le financement des prestations. La protection contre certains risques doit demeurer clairement associée à la vie professionnelle. Le financement des branches correspondantes, AT-MP, en premier lieu, retraites ensuite (même si dans ce dernier cas certains éléments de solidarité peuvent être distingués), doivent donc être financés prioritairement par des cotisations, assises sur les salaires. En revanche, certains risques sociaux sont désormais déconnectés de la vie professionnelle puisque les prestations correspondantes sont étendues à tous, dans une logique de « prestations dites universelles » : c’est le cas en premier lieu des prestations familiales et aussi des dépenses de maladie, même si, dans ce dernier cas, certaines dépenses de prévention restent liées à l’entreprise. Il paraît dès lors logique de procéder à la substitution en commençant par les cotisations aujourd’hui affectées à la branche famille, et en poursuivant par la branche maladie. Une autre distinction entre en jeu, cependant : si l’on veut que la baisse des cotisations produise un effet sur la « compétitivité prix », elle doit être orientée de manière privilégiée vers les cotisations employeurs (c’est le cas, justement, des cotisations famille). Mais il convient également, pour prévenir l’effet sur les salariés d’une hausse de la CSG, de diminuer les cotisations salariales (notamment en maladie, où le financement par cotisations salariales n’est plus que résiduel). Avec ces deux orientations, on peut proposer plusieurs scénarios. La première étape, la plus évidente, consisterait à supprimer les cotisations « employeur » famille (pour 5,4 points) et celles « salarié », en maladie (pour 0,75 %). 3. Les effets attendus : Q.7 : Quels seraient les effets sur le pouvoir d’achat ? Sur la croissance, l’emploi ? Les effets attendus peuvent être, dans une certaine mesure, appréciés à partir des modèles économiques (ils sont mesurés en variation par rapport à un scénario sans réforme). Diverses simulations ont été faites, pour les divers scénarios, et avec des hypothèses différenciées de « comportement de marges » des entreprises. C’est une des variables essentielles, en particulier pour la répercussion d’une hausse de la TVA sur les prix, qui peut être plus ou moins rapide. De même, les hausses induites sur les salaires nets constituent l’un des paramètres importants, l’ampleur et la rapidité des adaptations étant variables selon les modèles. Sans entrer dans les détails (à ce stade), on peut retenir que les résultats sont en général convergents : ils montrent que la substitution d’une ressource de TVA (comme d’ailleurs de CSG, les effets sont assez comparables) à des cotisations (employeur pour l’essentiel, salariale pour une part) conduit à une amélioration significative de la balance extérieure et de l’emploi, et donc également du PIB (les effets ont une ampleur à moyen terme assez imitée mais certaine, et ces effets se prolongent à long terme dans la mesure où il s’agit de mesures structurelles. 5 Même pour le pouvoir d’achat, l’effet est rapidement légèrement positif, la ponction initiale sur le pouvoir d’achat se trouvant rapidement compensée par les effets induits sur l’activité. Q.8. N’y a-t-il pas un risque d’inflation ? Les constats faits dans les pays qui ont, au cours des années 2000, relevé leurs taux de TVA, sont rassurants : il n’y a pas eu de relance de l’inflation, une fois l’effet immédiat sur les prix absorbés. Il reste que cet effet dépend sans doute du contexte dans lequel la mesure est prise. Dans un contexte d’inflation modérée, ou même de déflation potentielle, comme celui d’aujourd’hui, le risque paraît faible. Q.9. N’y a –t-il pas un risque d’accentuation des inégalités ? C’est, on l’a vu, un des arguments opposés à la TVA sociale. De fait, la TVA, impôt sur la consommation, est relativement plus lourde pour les revenus les plus faibles, qui ont moins d’épargne, même si, par ailleurs, des taux différenciés permettent une certaine « redistributivité » (les produits de luxe sont taxés à un taux majoré, les produits de première nécessité à des taux très faibles). Pour autant, le degré d’inégalités, après fiscalité (ou à l’inverse le niveau de redistribution dû à la fiscalité) n’est pas lié à un seul type d’imposition. D’ailleurs, les diagnostics portés sur différents systèmes dans les pays européens voisins sont diversifiés, alors que tous ont relevé leur taux de TVA et qu’ils atteignent aujourd’hui des niveaux sensiblement plus importants qu’en France. Dit autrement, le débat sur les effets induits de la « TVA sociale », d’autant plus limités que les hausses proposées sont assez limitées, semble servir d’alibi, dispensant d’une analyse plus en profondeur, nécessairement complexe, de l’ensemble du système de prélèvements publics. Q.10. Ne risque-t-on pas de créer des distorsions au sein de l’Europe ? Si les taux de TVA divergeaient trop fortement, un risque de distorsion pourrait apparaître au plan économique. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Commission européenne surveille les taux des différents Etats et s’efforce de les rapprocher. La situation française offre cependant une double marge de manœuvre, vis-à-vis de notre principal partenaire, l’Allemagne, avec laquelle un écart de taux en moyenne de 1 point existe, et vis-à-vis de la moyenne européenne, qui fait apparaître un écart de l’ordre de 3 points. En réalité, les efforts éventuels de convergence des taux, au plan européen, tiennent également à l’existence de taux réduits spécifiques, d’un pays à l’autre. Le « taux d’efficacité » de la TVA (c’est-àdire le rapport entre le rendement effectif et le rendement théorique, si tous les produits étaient taxés au taux maximal) est plus faible en France que dans les pays voisins.