Associations d`allergies alimentaires et d`allergies polliniques

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Associations d`allergies alimentaires et d`allergies polliniques
Mises au point
Associations d'allergies alimentaires
et d'allergies polliniques
G. PAULI *, J.C. BESSOT *, F. DE BLAY *, A. D I E T E M A N N *
RI~SUM~
SUMMARY
Une allergie alimentaire g certains fruits et ldgumes est 15-6quemment associ6e ~ une allergie pollinique. Ont 6t6 particulibrement 6tudiOes les associations d'allergies aux potatoes et
aux pollens de b6tulac6es, d'allergie au c61eri et aux pollens de
compos6es. Les aliments le plus souvent responsables appartiennent en ce qui concerne les fruits/~ la famille des rosac6es
(potatoes, cerises...) et ~ celle des b6tulac6es (noisettes...), en
ce qui concerne les 16gumes g celle des ombellif6res (c61eri,
carottes...) et ~ celle des solanac6es (tomates, p o m m e s de
terre...). Le tableau clinique est domin6 par le prurit buccopharyng6 et l'ced6me labial ; les manifestations respiratoires
et ORL (asthme, rhinites), cutandes (urticaire, ced6me de
Quincke), ainsi que des r6actions anaphylactiques (particuli6rement dans l'allergie au c61eri) sont 6galement fr6quentes.
Les tests cutan6s effectu6s avec des fruits et des 16gumes frais,
le dosage des IgE s6riques sp6cifiques, permettent une confirmation du diagnostic. L'existence d'6pitopes communs entre
allerg6nes alimentaires et pollens a 6t6 confirm6e par de nombreuses techniques immunologiques d'inhibition, et plus
r6cemment par des techniques de biologie mol6culaire. Les
profilines, prot6ines du cytosquelette, retrouv6es dans de nombreux pollens, n o t a m m e n t dans le pollen de bouleau et
d'armoise, pourraient rendre compte de ces r6actions crois6es.
A s s o c i a t i o n s o f f o o d allergies a n d p o l l e n allergies. - Food
allergy to certain fruits and vegetables is frequently associated with pollen allergy. Associations of allergies to apples and
to birch family pollens and of allergy to celery and to composite pollens have been studied in particular. The foods most
often responsible belong to the rose (apples, cherries, etc.) and
birch (hazelnuts, etc.) families with regard to fruits, and
concerning vegetables to that of umbelliferous plants (celery,
carrots, etc.) and the solanaceae (tomatoes, potatoes, etc.).
The clinical picture is dominated by buccopharyngeal pruritus and labial edema. Respiratory and ENT (asthma, rhinitis) and cutaneous (urticaria, angioneurotic edema) as well as
anaphylactic reactions (particularly in celery allergy) are also
common. Skin tests whith fresh fruits and vegetables and the
assay of specific serum IgE enable confirmation of the diagnosis. The existence of common epitopes between food allergens and pollens has been confirmed by many inhibition
immunological techniques and, more recently, by molecular
biology naethods. Profilins, proteins of the cytoskeleton, found
in many pollens, in particular in birch and artemisia pollen,
could account for these crossover reactions.
L'allergie alimentaire aux fruits et aux 16gumes
a 6td reconnue et 6tudi6e de longue date, notamm e n t p a r Tuff et Blumstein d6s 1942 [29].
Suspect6e par le groupe de Pisani [26] sa possible
association ~ une allergie pollinique n'a 6t6 mise
en 6vidence que plus r6cemment. Ont 6t6 ainsi
successivement d6crites des associations d'allergie aux melons, bananes et aux pollens d'ambroisie [3], d'allergies aux p o m m e s et aux pollens de
bouleau [4, 13, 17], d'allergies au c61eri et aux pollens de compos6es [18, 22, 8, 20].
ASPECTS CLINIQUES DES ASSOCIATIONS
ALLERGIES ALIMENTAIRES
ET ALLERGIES POLLINIQUES
FRI~QUENCE
* Pavillon Laennec, H6pitaux Universitaires de Strasbourg, B.P. 426,
67091 STRASBOURGCEDEX.
Tirds ~t part : Pr G. Pauli, adresse ci-dessus.
Travail pr6sent6 aux Journ6es Parisiennes d'Allergie, 7-9 janvier
1993.
Allergie aux fruits et ldgumes et aux pollens de
bouleau
Les chiffres relev6s dans la litt6rature sont 61ev~s mais avec des variations selon qu'ils r6sultent
de donndes obtenues par une histoire clinique
PAULI G., BESSOT J.C., DE BLAY F., DIETEMANN A. Associations d'allergies alimentaires et d'allergies polliniques.
Rev. fr. Allergol., 1993, 33 (1), 43-48.
44
positive d'allergie alimentaire associ6e, ou de
l'6tude syst6matique par tests cutan6s aux fruits
et 16gumes chez des sujets allergiques au pollen
de b o u l e a u : 70 p. cent p o u r Eriksson [13],
63 p. cent pour Dreborg et Foucard [10], 34 p. cent
pour Hannuksela et Lahti [ 17], 52 p. cent dans une
6tude personnelle portant sur 96 sujets allergiques
au pollen de bouleau [4]. La nature des extraits
utilis6s pour effectuer les investigations compldmentaires (tests cutan6s ou 6tude in vitro) peut
constituer un facteur de variation suppl6mentaire.
Allergie au cgleri et aux pollens de composdes
L'allergie alimentaire au c61eri est fr6quemment
associ6e a une allergie aux pollens de compos6es.
Kaupinen et K o u s a [18] ont not6 des r6actions
cutan6es positives au c61eri chez 29 des 55 sujets
allergiques aux pollens d'armoise. Dans la s6rie de
K r e m s e r et L i n d e r m a y e r [20], parmi 89 sujets
ayant des IgE s6riques sp6cifiques pour le pollen
d'armoise (RAST de classe sup6rieure ou 6gale
a 3), 49 (soit 56 p. cent) avaient des IgE sp6cifiques
pour le c61eri.
• G. PAULI ET COLLABORATEURS/
Aliments responsables
Fruits
Les fruits le plus souvent incrimin6s appartiennent a la famille des rosac6es (pommes,
cerises, p6ches, poires, abricots, amandes...) et a
celles des b6tulac6es (noisettes). Dans les associations d'allergies alimentaires et d'allergies polliniques aux b6tulac6es, potatoes et noisettes sont
au p r e m i e r plan des trophallerg6nes responsables : nous avons retrouv6 40 lois une sensibilisation aux p o m m e s chez 50 sujets ayant un RAST
de classe sup6rieure ou 6gale a 2 aux pollens de
bouleau et 30 fois une sensibilisation aux noisettes
[4]. Les polysensibilisations sont fr6quentes,
l'allergie s'6tendant a plusieurs fruits de la m6me
famine. Des cas rares de sensibilisation clinique
au kiwi ont 6galement 6t6 d6crits chez des patients
pr6sentant une pollinose aux b6tulac6es [15].
L'allergie au melon et a la banane a 6t6 d6crite
dans les sensibilisations aux pollens d'ambroisie [3].
Ldgumes
Autres associations dtudides
Cdleri, bouleau, armoise
Dans une s6rie de 70 patients pr6sentant soit
une allergie au bouleau, soit une allergie a
l'armoise, soit les deux, 94 p. cent pr6sentent un
prick test positif a extrait de c61eri c r u e t 36 p. cent
r6agissent a un extrait de c61eri cuit [34]. Par
ailleurs, un tiers des patients de cette s6rie pr6sentaient la triple sensibilisation : pollen de bouleau, pollen d'armoise et c61eri. H a n n u k s e l a et
Lahti [17] rel~vent 18 p. cent de r6actions cutan6es positives a un extrait de c61eri frais parmi
148 patients pr6sentant une allergie au bouleau.
Dans une 6tude personnelle [4], nous avons 6galement mis en 6vidence l'association bouleauc61eri : 10 patients sur 81 sujets pr6sentant une
allergie an b o u l e a u out des r6actions cliniques
apr6s absorption de c61eri.
Allergie-aux tomates et aux pollens de gramindes
De Martino et coll. [7] relhvent parmi
102 enfants monosensibilis4s aux pollens de
gramin6es
nne
sensibilisation
fr6quente
a des allerghnes v6g6taux : 39,2 p. cent
r6agissent positivement vis-a-vis d'un extrait de
tomates.
Parmi les 16gumes, deux families surtout sont
repr6sent6es : celle des ombellif6res et celle des
solanac6es.
La famille des ombellif6res c o m p r e n d de nombreuses esp6ces comestibles : ang61ique, anis,
carotte, cerfeuil, coriandre, cumin, fenouil... Le
c61eri peut 6tre a l'origine de r6actions allergiques
violentes [24].
La famille des solanac6es (tomates, p o m m e s de
terre...) est elle aussi fr6quemment impliqu6e. I1
faut souligner qu'a ces deux familles appartiennent certaines @ices telles que la coriandre
(famille des ombellif6res) ou le piment (famille
des solanac6es). Ces 6pices peuvent provoquer des
allergies alimentaires sp6cialemeut chez les sujets
allergiques aux pollens de bouleau ou de compos6es [28].
D'autres families b0taniques peuvent etre incrimin6es telles que les families des liliac4es, des
16gumineuses [35], des gramin6es (antig6nes de
certaines c6r6ales dans les pollinoses aux gramin6es) [9].
Dans une 6rude portant sur 448 patients ayant
pr6sent6 une allergie a des aliments d'origine v6g6tale, C. Thiel souligne que seulement 9 p. cent des
patients ne pr4sentent pas de sensibilisation clinique ou immunologique aux pollens et d6montre
que la liste des aliments incrimin6s doit etre 6tendues a de n o m b r e u s e s autres families botaniques [27].
Rev. fr. Allergol., 1993, 33, 1.
/ASSOCIATIONS D'ALLERGIES AL1MENTAIRES ET D'ALLERG1ES POLL1NIQUES •
Soulignons encore que la cuisson peut supprimer ou att6nuer l'allerg6nicit6 des diff6rents fruits
et 16gumes incrimin6s, et que les s y m p t 6 m e s
apparaissent essentiellement lorsqu'ils sont
consomm6s crus.
Symptomatologie
Relativement homoghne et st6rotyp6e, elle comprend des signes digestifs et extradigestifs souvent
intriqu6s avec, cependant, un certain particularisme de l'expression clinique selon les trophallerg6nes en cause.
Symptomatologie digestive
Les troubles signal4s atteignent en premier lieu
l'extr6mit6 supdrieure du tube digestif. Le prurit
bucco-pharyng6 et l'oed6me labial sont les maitres
s y m p t 6 m e s ; certains auteurs en font un signe
quasi p a t h o g n o m o n i q u e de l'allergie aux
fruits [17]. Sur 50 patients prdsentant une allergie au bouleau associ6e ~ une allergie alimentaire,
nous avons retrouv6 dans 32 cas un prurit buccopharyng4 et dans 26 cas un oed6me labial, ces deux
signes co-existant dans 21 cas. Les autres manifestations digestives sont plus rares : nous n'avons
relev6 des douleurs abdominales et des diarrh6es
que dans 4 cas dont un avec diarrh6e mucoh6morragique [4].
Symptomatologie extradigestive
Les manifestations de rhinite, de rhinoconjonctivite et d'asthme sont relativement fr6quentes dans l'allergie aux fruits. Elles sont rarement isol6es et a c c o m p a g n e n t souvent le prurit
bucco-pharyng6. Des manifestations cutan6es
(prurit, urticaire g6n6ralis6e ou ced6me de
Ouincke) sont fr4quemment retrouv6es. Certains
patients d6crivent un prurit, un cedhme des
paumes de la main voire une rhino-conjonctivite
l'6pluchage de carottes ou de potatoes de terre
lorsqu'ils sont sensibilis6s ~t ces aliments. Le
tableau le plus achev6 mais aussi le plus exceptionnel est celui du choc anaphylactique. I1 est
retrouv6 chez 6 p. cent des 448 patients pr6sentant une allergie alimentaire ~ des fruits et
14gumes rapport6s p a r C. Thiel [27]. Dans nos
6tudes personnelles, nous ne l'avons rencontr6
qu'une fois dans l'allergie aux p o m m e s [4], mais
trois lois dans l'allergie au c61eri. I1 faut d'ailleurs
souligner que les signes cliniques rencontrds dans
l'allergie a u c61eri Sont souvent s6vhres
(11 cedhmes de Quincke sur 20 patients dans notre
6tude) [24].
Rev. fr. Allergol., 1993, 33, 1.
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Ces diff6rents tableaux digestifs ou extradigestifs ne surviennent qu'g l'ingestion ou plus exceptionnellement lors de la manipulation ou de l'6pluchage de fruits et/ou de 16gumes crus. Cependant,
certains patients signalent des manifestations cliniques m4me aprbs l'absorption du 16gume cuit
incrimin6. Les s y m p t 6 m e s sont habituellement
d'apparition rapide avec un d61ai variant de
quelques minutes ~tune demi-heure ou une heure.
Le r61e favorisant de l'effort a 6t6 soulign6 [19].
Dans certains cas, l'allergie alimentaire peut rester latente et ne se manifester exclusivement
qu'apr6s un effort. Certains auteurs soulignent
que des formes particuli6rement graves avec choc
anaphylactique peuvent 4tre induites lors de
l'association d'un effort physique ~ l'absorption de
l'aliment responsable [27].
Facteurs modulant l'expression de l'allergie
alimentaire
La p r 6 d o m i n a n c e du sexe f6minin a 6t6 rapport6e dans des 6tudes ofa l'allergie alimentaire
6tait associ6e g une sensibilisation aux pollens de
bouleau ou chez des patients pr4sentant exclusivement une allergie au c61eri ; cependant dans des
s6ries plus importantes, incluant des sensibilisations alimentaires vari6es, la r6partition entre les
deux sexes ne parait pas significativement diff6rente [27]. Des taux d'IgE sp6cifiques 61ev6s p o u r
les pollens s e m b l e n t constituer un facteur de
risque favorisant l'association ~a une allergie alimentaire [14]. Des r6sultats contradictoires ont
6t6 rapport6s en ce qui concerne les polysensibilisations : dans une s6rie importante c'est au sein
des patients pr6sentant une polysensibilisation
aux pollens de gramindes, de bouleau et d'armoise
que l'on retrouve le pourcentage le plus 61ev6 de
sensibilisations aux fruits et 16gumes [27].
t~LI~MENTS DU DIAGNOSTIC
Le diagnostic de l'allergie alimentaire ne se pose
pas en termes diff6rents de celui des pollinoses
auxquelles elle est associ6e. I1 ressort d'une
confrontation critique des dormdes de l'anamn6se,
des tests cutan6s 6ventuellement compl6t6s p a r
des tests de provocation et des tests in vitro tels
que le dosage des IgE s6riques sp6cifiques.
AnarnnOse
Par les seules donn6es de l'interrogatoire, le diagnostic de l'allergie alimentaire est tant6t 6vident,
tant6t malais6. Dans certains cas, tels que ceux de
46
l'allergie aux potatoes, il est souvent 6vident ; les
malades ayant fait eux-m6mes leur diagnostic
suite g la r6currence des s y m p t 6 m e s lors de
chaque nouveUe consommation de pommes. Dans
le cas d'allerghnes de e o n s o m m a t i o n plus restreinte (c61eri par exemple) ou d'allergbnes masqu6s (6pices ou condiments...), le diagnostic peut
6tre plus difficile. L'association de certaines allergies alimentaires g une pollinose, constitue une
preuve indirecte mais quasi certaine d'allergie
certains pollens : ainsi l'allergie alimentaire ~ la
p o m m e 6voque une pollinose aux b6tulac6es, et
l'allergie au c61eri une pollinose ~ l'armoise (celleci n'est pas retrouv6e dans 8 cas sur 35 p o u r
Wfithrich [34], ni dans 4 cas sur 20 dans notre
6rude [24]).
* G. PAUL1 ET COLLABORATEURS/
l'allergie aux fruits. La validit6 des techniques
biologiques permettant le dosage des IgE s6riques
sp6cifiques est tributaire des extraits fix6s sur les
diff4rents supports utilis6s. Ainsi, en utilisant un
extrait de c61eri-branche au lieu de c61eri-rave, les
r6sultats du RAST sont tr6s diff4rents : 4 r6ponses
positives avec le c61eri-branche et 16 r6ponses
positives avec le c61eri-rave chez 20 patients pr&
sentant une allergie clinique fi l'ingestion de
c41eri [24]. Aussi est-il toujours indispensable de
confronter les r6sultats des examens biologiques
5 la clinique. En cas de discordance, la responsabilit6 d'antig6nes d'origine v6g6tale tr6s labiles
peut 4tre 6voqu6e. Enfin, il est important de souligner que des IgE sp6cifiques peuvent 4tre d6tect6es en l'absence d'allergie alimentaire d6clar6e,
mais 6galement en l'absence de pollinose cliniquement manifeste.
Tests cutands
Les r6sultats les plus performants sont obtenus
avec des extraits natifs pr4par4s avec des fruits et
des 16gumes frais. La concordance entre une histoire clinique positive et les pricks tests est excellente si l'on utilise des aliments frais et parfois
m4diocre si l'on utilise des extraits commerciaux :
20 r6ponses positives sur 36, contre 2 sur 26 pour
Adessi et coll. [ 1]. Les allerghnes incrimin4s dans
la sensibilisation sont en effet souvent labiles et le
stockage prolong6, la cuisson, la cong61ation peuvent en att6nuer ou en supprimer l'allergfnicit6.
Cependant, dans le cas du c61eri, certains allerghnes semblent thermostables car dans les diff6rentes s6ries rapportOes dans la litt6rature, un
faible pourcentage de patients r6agit a l'ingestion
de c61eri cuit e t a 6galement des tests cutan6s positifs avec un extrait de c61eri cuit [20, 24].
Tests de provocation orale
Les tests de provocation par voie orale permettent une confirmation du diagnostic. Cependant,
parce qu'ils sont potentiellement dangereux, il
convient de ne les pratiquer qu'en hospitalisation
de j o u r p o u r pouvoir traiter efficacement tout
accident anaphylactique. Leur int6r~t est souvent
limit6 car les donn6es de l'interrogatoire ne sont
souvent rien d'autre que la relation de tests de provocation faits et refaits s p o n t a n 6 m e n t p a r le
malade.
Mise en dvidence des IgE sdriques spgcifiques des
fruits et [dgumes
D~s 1942, Tuft et Blumstein, en effectuant des
tests de transfert passif (Prauznitz-Kustner)
avaient ddmontr6 qu'il existait un support s6rique
PHYSIOPATHOLOGIE DES ASSOCIATIONS
D'ALLERGIES ALIMENTAIRES
ET POLLINIQUES : I~PITOPES COMMUNS
ENTRE ALLERGENES ALIMENTAIRES
ET POLLENS
Des arguments de plus en plus nombreux plaident en faveur d'allerg6nes ou d'dpitopes antig6niques c o m m u n s pr6sents/~ la lois dans certains
fruits, certains 16gumes et certains pollens.
Jusqu'~ la fin des ann6es 80, de n o m b r e u s e s
4tudes ont d6montr6 l'existence d'allergies crois6es par des techniques immunologiques d'inhibition (RAST, ELISA, immunoempreinte). Elles
sont rapport6es dans le tableau I. Plus r6cemment,
les techniques de biologic mol6culaire ont apport6
d'int6ressantes confirmations.
Des travaux concernant l'allergie alimentaire au
melon d'eau associ6e ~ u n e sensibilisation au
pollen d'ambroisie, ont montr6 que les extraits de
melon et d'ambroisie s'inhibaient mutuellement
de fagon dose-d6pendante, et qu'il existait au
moins 6 allergbnes ayant des points iso41ectriques
c o m p a r a b l e s dans les extraits de m e l o n et
d'ambroisie [ 12]. Dans l'allergie crois6e bouleaufruits, il a 6t6 d6montr4 que l'extrait de pollen de
bouleau 6tait capable d'inhiber la liaison des IgE
sp6cifiques des extraits de noisette, de pomme, de
carotte et de c61eri [2, 25, 6]. Enfin, dans l'allergie
crois4e c61eri-armoise, on a pu d6montrer que des
extraits de c61eri pouvaient inhiber le PAST
armoise et le PAST bouleau [23, 34, 31]. Vallier et
coll. [31 ] ont pu montrer que l'allerg6ne incrimin4
dans l'allergie crois6e avait un poids mol6culaire
de 15 kd. Plus r6cemment, cet allerg6ne a 6t6 pufffi6 et identifi6 c o m m e appartenant ~ la famille des
profilines [32] qui sont des prot6ines du cytosRev. fr. Allergol., 1993, 33, 1.
/ASSOCIATIONS D'ALLERG1ES AL1MENTA1RES ET D'ALLERG1ES POLLINIQUES •
TAi3LEAU I. - Preuve de l'existence de d6terminants
antig6niques c o m m t m s aux allerg/mes a l i m e n t a i r e s
et p o l l i n i q u e s (p rin cipales 6tudes i r n m u n o l o g i q u e s rdcentes).
Allerg~nes
Techniques
immunoIogiques
Rdfdrences
bibliographiques
Bouleau x noisette
CLIE
Andersen et Lowenstein,
1978 [2]
Bouleau potatoes
Phl6ole x carottes
CLIE
PAST inhibition
Halmepuro, 1984 [16]
Pauli et coll., 1985 [23]
Armoise x c61eri
"!
PAST inhibition
Bouleaux c6Ieri
J
Immunoempreinte Peltre et coll., 1984 [25]
Ambroisie x melon
ELISA inhibition
Enberg et coll.,
Immunoempreinte 1987 [12]
Bouleau potatoes
Immunoempreinte Calkhoven, 1987 [6]
Dactyle x solanac6es 18 KD
Bouleanx pommes
Immunoempreinte Calkhoven, 1987 [6]
20 KD
Armoise x c61eri
Bouleau x c~leri
Immunoempreinte Vallier, 1988 [31]
15 KD
Armoise x c61eri
Bouleau x c61eri
PAST inhibition
B. Wfithrich, 1990 [34]
Bouleau x pomme
Western et
Northern blot
C. Ebner, 1991 [11]
quelette. D'importantes quantit6s de profiline
sont retrouvdes dans de nombreux pollens, en particulier dans le pollen de bouleau et d'armoise [30].
Des travaux de biologie moldculaire effectu6s par
un groupe autrichien ont permis de confirmer
r6cemment que l'allergie crois6e p o m m e - b o u l e a u
avait un support au niveau du g6nome [ 11 ] : l'isolement de RNA messager, du pollen de bouleau et
de RNA m e s s a g e r de la p o m m e et l'utilisation
d'une sonde d'un DNA compl6mentaire codant
p o u r l'antig6ne m a j e u r Betula vl a permis p a r
h y b r i d a t i o n crois6e de m o n t r e r qu'une r6gion
d'acide nucl6ique d'environ 800 bases codait dans
la p o m m e et le pollen de bouleau p o u r des prot6ines de forte homologie.
L'apport des travaux de biologie moldculaire,
l'utilisation d'anticorps m o n o c l o n a u x et d'allerg6nes recombinants, devraient permettre dans le
futur de mieux pr6ciser les 6pitopes antig6niques
responsables de sensibilisation ~ des allerg6nes
p r o v e n a n t de substrats vdg6taux a p p a r e m m e n t
tr6s diff6rents l'un de l'autre.
Si la notion d'dpitopes c o m m u n s entre allerg6nes alimentaires et allerg6nes polliniques est de
mieux en mieux 6tablie, il n'en reste pas moins que
de n o m b r e u x points sont encore mal 61ucid6s : la
sensibilisation est-elle induite par inhalation ou
par ingestion ? La chronologie d'apparition des
deux types de manifestation clinique, alimentaire
et respiratoire, n'est que rarement pr6cis6e dans
les travaux publids. Cependant, la plupart des
auteurs, surtout p o u r l'allergie au bouleau, estiRev.fr. Allergol., 1993, 33, 1.
47
ment qne l'allergie aux fruits appara~t secondairement. Peut-on exclure une sensibilisation par
voie cutande ? Cette hypoth6se a 6t6 6mise par certains 127] du fait que de nombreux cosmdtiques,
parfums, eaux de toilette, sont ~ base de plantes.
Pourquoi certains patients ne r6agissent-ils qu'g
un seul fruit alors que d'autres r6agissent d'emblde
un grand nombre ?
Pr6vention et traitement
La prdvention d'une allergie alimentaire peut
6ventuellement 6tre envisag6e chez des patients
prdsentant une pollinose g risque par sensibilisation au pollen de bouleau ou d'armoise. L'apport
excessif de certains aliments, surtout s'ils sont pris
de mani6re rdguli6re, pourrait constituer un facteur favorisant. Ainsi, certains auteurs recomm a n d e n t d'dviter les a s s a i s o n n e m e n t s et les
potages en sachets, riches en c61eri et 6pices, les
fruits exotiques et les assaisonnements exotiques,
les semences potentiellement dangereuses tels que
les grains de tournesol et de s6same. Chez des
patients avec une allergie alimentaire manifeste,
la consommation de fruits et de ldgumes cuits permet dans la plupart des cas de d6naturer les allerg6nes dangereux. L'efficacit6 d'un traitement antihistaminique a dt6 r6cemment rapport6e dans le
prurit bucco-pharyng6 induit par les noisettes
chez les patients prdsentant une allergie au pollen
de bouleau [5] : les patients trait6s par anti-histaminique avaient une r6duction mais non une disparition des s y m p t 6 m e s par rapport/~ ceux qui
recevaient un placebo. La prise de cromoglycate
disodique par vole orale peut 6galement constituer
un traitement pr6ventif [21 ]. La ddsensibilisation
avec un extrait de pollen peut dans certains cas
entrainer une diminution de la symptomatologie
de la pollinose et parall61ement une r6duction des
sympt6mes d'allergie alimentaire [33].
CONCLUSION
Les associations d'allergies polliniques et
d'allergies alimentaires ~ certains fruits et 16gumes
ont ouvert un nouveau chapitre de l'allergologie :
celui des rdactions croisdes entre allerg6ne alimentaire et a6ro-allerg~nes agissant ~ la lois par
ingestion et par inhalation. Leur connaissance a
permis de mieux caract6riser les fractions allerg6niques c o m m u n e s g certains a6ro-allerg6nes et
certains allerg6nes alimentaires n'ayant appar e m m e n t aucune parent6. Elle devrait 6galement
aboutir ~ un d d m e m b r e m e n t et fi une meilleure
caract6risation des sujets allergiques en fonction
de leur ph6notype de reconnaissance des 6pitopes
contenus dans un extrait allerg6nique global.
• G. PAULI ET COLLABORATEURS/
48
BIBLIOGRAPHIE
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