N 204-EXE - L`Essentiel

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N 204-EXE - L`Essentiel
CONGRÈS
Cushing canin
Au-delà des apparences
On croit souvent faire un diagnostic de Cushing rien qu’en voyant le chien dans la salle d’attente… Et pourtant :
rien de plus facile que de se tromper en se fiant seulement aux signes cutanés. Les lésions « caractéristiques » de
Cushing chez le chien se retrouvent aussi dans d’autres affections endocriniennes et à l’inverse, 20 % des chiens
souffrant de Cushing ne présentent pas de signes cutanés. La prudence doit donc être de mise, c’est ce que Pauline
de Fornel a rappelé lors du dernier congrès AFVAC (décembre 2010).
Il convient avant tout de se méfier de signes cliniques
apparemment pathognomoniques et de conclure trop rapidement à un Cushing.
Examen clinique
Signes cutanés
Les signes cliniques cutanés classiques (dépilation tronculaire symétrique, non prurigineuse, amincissement de
la peau, comédons…) ne sont évidemment pas à négliger mais ne sont absolument pas spécifiques.
Pauline de FORNEL-THIBAUD
Docteur vétérinaire
DESV médecine interne
des animaux de compagnie
Centre de Cancérologie Vétérinaire
7 avenue du Général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort
Il faut en revanche prêter attention à ceux qui sont
plus caractéristiques, à savoir : des plaques inflammatoires de calcinose qui « crissent » sous les doigts,
des vergetures sur l’abdomen, une phlébectasie ou une
télangiectasie…
Autres signes cliniques
Au-delà des signes cutanés, il faut rechercher des signes plus
généraux, qui sont parfois les seuls présents : 75 % des
chiens atteints de Cushing présentent par exemple une polyphagie, un syndrome polyuro-polydipsie (PUPD), une
faiblesse musculaire et/ou une distension de l’abdomen.
Aucun de ces signes pris isolément n’est cependant spécifique : la PUPD doit par exemple être accompagnée d’une
hyposthénurie persistante pour devenir plus significative.
L’absence de polyphagie ne permet pas d’éliminer l’hypothèse du Cushing : une dysorexie ou une anorexie associée à un syndrome de PUPD est possible et doit même
orienter vers un éventuel macroadénome hypophysaire.
Certaines modifications morphologiques représentent des
signes d’appels pour le Cushing mais elles se rencontrent
plus rarement : il s’agit de l’amyotrophie (particulièrement visible au niveau temporal) et de la laxité ligamentaire
pouvant aller jusqu’à la rupture. Chez le caniche (abricot
surtout), on observe parfois une raideur des postérieurs
que l’on qualifie de pseudomyotonie et qui est quasiment
pathognomonique du Cushing dans cette race.
La présence d’une hypertension artérielle, d’une thromboembolie, de calculs urinaires calciques ou de troubles
de la reproduction peuvent être considérés comme des
complications éventuelles du Cushing.
Interprétation du test de stimulation
à l’ACTH
Quels que soient les signes d’appel de départ, suspecter
un Cushing ne suffit pas, il faut le confirmer. Le test de
stimulation à l’ACTH est alors classiquement entrepris
et, selon les laboratoires, une cortisolémie « normale »
ne devrait pas dépasser 500 à 700 nmol/l après stimulation.
Là encore, même si la cortisolémie augmente excessivement, il faut se méfier des fausses évidences…
• Dans 15 à 20 % des cas de Cushing « spontané », le
test est faussement négatif. C’est par exemple le cas lors
de tumeur surrénalienne, la diminution du nombre de
récepteurs à l’ACTH entraînant une absence de réponse
au test. La confirmation du diagnostic doit alors s’appuyer
sur l’imagerie médicale ainsi que sur un test de freinage
à la dexaméthasone à dose faible.
Le caniche abricot atteint de Cushing présente parfois une raideur caractéristique
des postérieurs.
• Des chiens indemnes de Cushing réagissent parfois
excessivement à la stimulation par l’ACTH. Le test
est alors faussement positif. Cette hyperréactivité de
l’axe corticotrope peut s’observer lors de diabète sucré,
de pancréatite, de cancers (…) et disparaît avec le traitement de la maladie. Pour les mêmes raisons, l’absence
de freinage de la cortisolémie par la dexaméthasone à dose
faible n’est pas non plus un critère absolu de diagnostic.
N°204 du 24 février au 9 mars 2011
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Chien
Le syndrome de Cushing : quatre pièges à éviter
• Savoir dépasser les apparences cliniques, souvent trompeuses…
• Se rappeler que les signes cutanés ne sont ni spécifiques, ni systématiques
• Ne pas faire une confiance aveugle aux explorations biologiques qui
ne sont pas toujours fiables
• Se méfier de l’apparence des surrénales à l’imagerie.
Diagnostic étiologique par imagerie ?
Une étude faite à Alfort (Benchekroun et coll.) a récemment montré que
l’échographie peut donner des informations très utiles pour identifier la
cause du syndrome de Cushing. Une origine hypophysaire est par exemple
très probable lorsque les glandes surrénales sont symétriques ou quand
les surrénales sont asymétriques mais en l’absence d’atrophie.
Des glandes surrénales symétriques avec présence d’une masse surrénalienne ou d’une atrophie orientent plutôt vers une origine surrénalienne.
« Récidives » de Cushing ?
Il arrive que des signes cliniques de Cushing persistent ou réapparaissent alors que le chien est traité pour cette affection, le plus souvent avec
du trilostane, le médicament hypocortisolémiant le plus utilisé aujourd’hui.
Une fois éliminée l’hypothèse du sous-dosage, il faut se demander si
la cinétique du trilostane n’est pas inadaptée au chien. C’est souvent le
cas si le test de stimulation par l’ACTH donne des résultats corrects 2
à 3 heures après la prise du médicament (cortisolémie comprise entre
40 et 150 nmol/l) mais que des signes cutanés se développent à nouveau, ou qu’une PUPD se manifeste la nuit.
Pour confirmer cette hypothèse, il suffit de pratiquer le test de stimulation le soir. Dans ce cas, le problème sera solutionné par deux administrations quotidiennes, ce rythme d’administration pouvant d’ailleurs
être mis en place dès le début du traitement.
Lorsqu’un symptôme non spécifique du Cushing apparaît isolément
(ex : PUPD), une affection concomitante est peut-être en train de se développer. Un macroadénome hypophysaire peut également être responsable
de la persistance de la PUPD. I
Pascale PIBOT
Docteur vétérinaire
Merci à Pauline de FORNEL THIBAUD
pour sa relecture attentive
N°204 du 24 février au 9 mars 2011

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