Pseudo-syndrome de Cushing
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Pseudo-syndrome de Cushing
Pseudo-syndrome de Cushing Lauris LY, DCEM 2 Service d’endocrinologie, Hôpital Avicenne Mars 2011 Motif de consultation - Mme D., 35 ans - Asthénie depuis plusieurs mois - Prise de poids non expliquées - Cortisolémie 8h anormale en ville - Exploration d’un nodule surrénalien gauche découvert sur uro-scanner en ville Interrogatoire - ANTECEDENTS : - Familiaux : - Cancer du poumon chez une tante - HTA chez le père - Médicaux : - Syndrome dépressif depuis 7 ans traité - Chirurgicaux : Ø - Gynécologiques : - G1P1 Suivi gynéco régulier, dernier frottis récent normal Règles régulières, mais ne durent qu’un jour/mois Contraception : Varnoline (1/j) Interrogatoire - MODE DE VIE : - Divorcée Vit avec sa fille de 14 ans Assistante spécialisée des écoles maternelles Ø Tabac Ø Alcool Ø Allergie Interrogatoire - TRAITEMENT EN COURS : - Cymbalta* 60 (1 cp/j) : Antidépresseur (inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) - Varnoline* (1 cp/j) : Contraceptif (oestro-progestatifs) Histoire de la maladie - Nov. 2010 : Consultation chez le médecin traitant pour : - Prise de poids inexpliquée sur 2 mois (+ 7 kg) Asthénie progressivement croissante sur 2-3 mois Constipation Perte de cheveux accrue - Bilan biologique en ville : Cortisol 8h = 36,31 µg/dl (N : 6,2-19,4) - Uro-scanner du 08/11/2010 : - Nodule surrénalien gauche centimétrique, compatible avec un adénome - Kyste para-pyélique bénin, de 19 mm, dans la région moyenne du rein gauche - Formation hypodense en région cervico-isthmique de l’utérus Est-ce que le dosage de cortisol à 8H est recommandé pour le dépistage d’un syndrome de Cushing? Histoire de la maladie - Déc 2010 : HDJ d’endocrinologie à l’hôpital AVICENNE - Cortisol 8h augmenté sans perturbation de la sécrétion cyclique • • • • 8h : 786 nmol/l (140<N<700) 10h : 535 nmol/l 12h : 359 nmol/l 16h : 208 nmol/l - CLU/24h sur 1 recueil : 95 nmol/24 h (N : 70-200) Ces 3 examens sont les examens recommandés pour le dépistage 1- cycle (soit plusieurs prélèvements notamment l’après-midi, ou mieux à minuit 2-CLU 3-freinage minute - Test de freinage minute négatif : cortisol à 34,5µg/dl (N < 1,8) - ACTH non freiné (N : 10-50) : - 8h : 15 pg/ml 10h : 10,7 pg/ml 12h : < 10 pg/ml 16h : 14,4 pg/ml Suspicion de Maladie de Cushing L’ACTH est l’élément majeur pour l’orientation étiologique entre sy de cushnig ACTH dépendant (ACTH normal ou haut) ou ACTH-indépendant (ACTH bas) Histoire de la maladie - Axe thyroïdien : - T4L : 15,1 (N : 10-28) - TSH : 1,46 mUI/l (N : 0,2-4,5) - LH : 2,3 UI/l FSH : 2,53 UI/l Prolactine : 418 mUI/l (N : 60-600) Oestradiol < 73 pmol/l (N : 73-1483) Progestérone : 2,5 nmol/l (N < 0,6-5,4) Testostérone Totale : 2,1 nmol/l (N < 0,7-2,9) D4 androstenedione : 6 nmol/l (0,5 < N < 10,5) Aldostérone à la volée : 197 pmol/l (N : 28-862) Rénine : 10,5 uUI/l (N : 5-72) • Ø hyperaldostéronisme primaire, Ø hyperandrogénie • En externe : métanéphrines et catécholamines urinaires Examen Clinique - Mars 2011 : Hospitalisation en service d’endocrinologie (Hôpital AVICENNE) pour un Test de freinage standard Devant des anomalies aux examens de dépistage d’un syndrome de Cushing - Et en général, l’exploration d’un nodule surrénalien - Apyrétique - TA normale - Poids : 64 kg / Taille : 1,63 m / IMC = 24 - Ø vergeture, Ø fragilité cutané, Ø faciès érythrosique - Ø répartition facio-tronculaire des graisses - Ø signe d’androgénie, Ø alopécie ou d’hirsutisme - Asthénie ++ Sueurs importantes Palpitations fréquentes, au repos comme à l’effort Céphalées « intenables » Vertiges Bouffées de chaleur mal supportées depuis qq jours Perte de cheveux accrue Biologie Comprendre le principe et les lignes de réalisation des tests de freinage – Test de freinage standard : Avant freinage Après freinage ACTH 8h Cortisol 8h CLU/24h N : 10-50 pg/ml N : 140700 nmol/l N : 70-200 nmol/24h 40,2 455 74 32 22 – Métanéphrines U : 632 µg/24h (N < 300) ou 3205 nmol/24h (N < 1521) – Normétanéphrines U : 434 µg/24h (N < 400) ou 2369 nmol/24h (N < 2183) Conclusion • Patiente de 35 ans traitée pour un syndrome dépressif depuis 7 ans par Cymbalta*, un inhibiteur de la recapture de la sérotonine MAIS AUSSI de la noradrénaline Métanéphrines et Normétanéphrines urinaires faussement élevées • Après freinage de la cortisolémie au test de freinage standard Diagnostic de maladie de Cushing écarté • Pseudo-syndrome de Cushing dans un contexte de dépression prolongée : stress chronique ou dysrégulation des mécanismes d’adaptation au stress entraînant une activation du système nerveux sympathique et de l’axe corticotrope, induisant un hypercorticisme fonctionnel • Elévation des méta/normétanéphrines urinaires : modérée • Le nodule surrénalien serait un « incidentalome » The diagnosis and differential diagnosis of Cushing’s Syndrome and PseudoCushing’s states John NEWELL-PRICE, Peter TRAINER, Michael BESSER, Ashley GROSSMAN Endocrine Reviews October 1998 Diagnostics différentiels du syndrome de Cushing - Obésité Hypercorticisme iatrogène : corticoïdes par voie générale, corticoïdes d’action locale, certains progestatifs,… Mutation du gène du récepteur des glucocorticoïdes - Pseudo-syndrome de Cushing : toute association d’anomalies cliniques et biologiques compatibles avec un hypercorticisme éthylisme, dépression endogène sévère, anorexie mentale - CLU élevé Rythme nycthéméral du cortisol conservé Cortisolémie supraphysiologique Résistance relative au freinage par Déxaméthasone ACTH : mêmes fluctuations que celles du cortisol Pseudo-syndrome de Cushing - Diagnostic différentiel difficile avec une maladie de Cushing débutante ou d’intensité modérée - Arguments en faveur du pseudo-syndrome de Cushing : - Absence de signes cliniques spécifiques du syndrome de Cushing ATCD d’éthylisme, bilan hépatique perturbée - Le CLU ne dépasse pas 4 fois la normale - Cortisolémie à minuit dissociée du CLU (Si > 8 µg : Syndrome de Cushing ++) Echappement au freinage minute à la DXM mais freinage effectif au test freinage standard - Test à la desmopressine : pas d’influence si pseudo-syndrome de Cushing, mais 80-85 % d’élévation de l’ACTH si maladie de Cushing Pseudo-syndrome de Cushing - Test à la CRH après administration de DXM : Mise en évidence au cours de la maladie de Cushing, d’une réponse exagérée à la CRH et d’une résistance au rétrocontrôle par corticoïdes. Test sans effet dans le pseudo-syndrome de Cushing - L’hypoglycémie insulinique : réponse de l’axe corticotrope, contrairement au pseuodsyndrome de Cushing (18% de réponse) - Test au lopéramide : Inhibition du CRH, diminution d’ACTH et de cortisol, non retrouvées en cas de pseudosyndrome de Cushing - Epreuve du temps/régréssion des anomalies biologiques avec cure de l’anomalie causale (sevrage éthylique, traitement anti-dépresseur adapté) La réponse à ces tests en cas de maladie de Cushing s’explique par le fait que l’adénome corticotrope expriment des récepteurs au CRH, il est donc sensible aux tests. Conclusion • Cette patiente de 35 ans ne présente pas de syndrome de Cushing (éliminé par le test de freinage standard). • Elle a peut être un pseudo syndrome de Cushing, ou des anomalies du cycle du cortisol dues à la contraception (augmentation de la CBG par les oestroprogestatifs , d’où une élévation du cortisol plasmatique). • L’adénome surrénalien (découvert un peu fortuitementpuisque le scanner n’aurait pas du être fait à ce stade du raisonnement médical) est probablement non sécrétant. • Il faut s’assurer de l’absence de phéochromocytome en recontrôlant les Méta/Normétanéphrines après arrêt du Cymbalta. Références • The Diagnosis and Differential Diagnosis of Cushing’s Syndrome and Pseudo-Cushing’s States, John Newell-Price, Peter Trainer, Michael Besser and Ashley Grossman ; Endocr. Rev. 1998 19: 647-672, doi: 10.1210/er.19.5.647 • Diagnostic positif et différentiel du syndrome de Cushing, Antoine Tabarin, fév. 2007 • KB VG Endocrinologie Nutrition, P. Fisher-Ghanassia, E. Ghanassia