La crise en Californie

Transcription

La crise en Californie
Giff ord Hartman
r
'
La crise
en Californie
suivi de
L'industrie automobile
en Californie est morte
,.
!
Echanges et Mouvement
février 20 l 0
2 euros
.
)
BROCHURES DISPONIBLES
ÉCHANGES
Prfsentation du rêseau
·Bulletin du réseau « Echanges et mouvement»
« Echanges
et mouvement
»
(décembre 2008. l ,SO euro)
Les Censeils ouvriers en Allemagne,1918-1921,
Henk Canne Mcijer (décembre 2007. 2.SO euros)
pour abonnement, informations
et correspondance :
BP 241, 75866 Paris Cedex 18, France
Courriel : echangl:[email protected]
Le Mouvement des piqueteros. Argentine 1994-2006,
Bruno Astarian (mai 2007. 3 euros)
ICO et l'IS. Retour sur les relations entre Informations correspondance ouvrilres
et l'Internationale situationniste, Henri Simon (octobre 2006, 3 euros)
La Révolte des cités françaises, symptôme d'un combat social mondial
(mai 2006, 4 euros)
Sur Internet : http://www.mondialisme.org
A bonnement: 15 euros pour quatre numéros
comprenant les brochures publiées dans l'année.
Aux origines de I'« antitravail », Bruno Astarian (décembre 200S, 3 euros)
La Classse ouvrière sous le III' Reich, Tim Mason (mars 2004, 3 euros)
Les publications d'Echanges et mouvement sont
régulièrement déposées dans les librairies suivantes :
Pour une compréhension critique du mouvement
du printemps 2003. De la grève des enseignants aux manifestations contre la réforme
des retraites (septembre 2004, 3,SO euros)
àBrut(2S}
Militantisme et responsabilité suivi de Le Crime des bagnes nazis : le peuple allemand
est-il coresponsable ? Henry Chazé (mars 2004, 3 euros)
Rolgnant, 21 rue Navarin 'lir 02 98 44 41 01
Derrière l'Intifada du xxr' siècle, Aufheben (octobre 2003, 2,SO euros)
àRenn.. (36)
Alphagraph, 5 rue de l'Echange if 02 99 79 74 20
à Angers
(49)
L'Etincelle, 26, rue Maillé if 02 41 24 94 45
àLyon(B9}
La Gryffe, 5 rue Sébastien-Gryphe,1° if 04 78 61 02 25
à Paris (16)
La Brèche, 27 rue Taine, 12• if 01 49 28 52 44.
Galerie de la Sorbonne, 52, rue des Ecoles, 5°V 01 43 25 5210
Parallèles, 47 rue Saint-Honoré, 1" 11 : 01 42 33 62 70.
Le Point du jour, 58 rue Gay-Lussac, 5° if : 01 43 26 20 17.
Publlco, 145 rue Amelot,11 • 1ir 01 48 05 34 08
Quilombo, 23 rue Voltaire,11° 'ili 01 43 71 21 07
au canada
La Sociale CDL,Case postale 266
suce. C. - Montréal,Québec
Canada H2L 4K1
[email protected]
2
Ce texte a été publié
en 2009 aux Etats-Unis par
Insane Dialectical Editions
(c/o Niebyl-Proctor
Marxist Library Red &
Black Reading Room 6501
Telegraph Avenue
Oakland, CA 94609)
et est téléchargeable
(en anglais) sur le site
www .flyingpicket.org
Les Grèves en France en mai-juin 1968, Bruno Astarian (mai 2003, 3,50 euros)
Humanisme et socialisme/Humanism and socialism, Paul Mattick (mai 2003, 2 euros)
L'Argentine de la paupêrtsatlon à la révolte. Une avancée
vers l'autonomie (juin 2002, 2,50 euros)
Correspondance 1953-1954, Pierre Chaulieu (Cornélius Castoriadis)-Anton Pannekoek,
présentation et commentaires d'Henri Simon (septembre 2001. 2 euros)
Pour une hist~re de la résistance ouvrière au travail. Paris et Barcelone,
1936-1938, Michael Seidman (mai 200 I, l ,SO euro)
Fragile prospérité, fragile paix sociale. Notes
sur les-Etats-Unis, Curtis Price (février 2001, 1.80 euro)
La Sphère de circulation du capital, Gérard Bad (octobre 2000, 1,50 euro)
Il a été repris
en Grande-Bretagne dans
la revue Mute vol. 2, n° 14
(décembre 2009).
www.metamute.org
Une traduction allemande
(dont le texte diffère
légèrement de l'original)
est parue dans Wildcat
n° 85 (automne 2009).
www.wildcat-www.de
- LA CRISE EN CAUFORr,IIE
..
,
,_·
,
~ ,-~.
Les droits de l'homme bombardent la Serbie, Gérard Bad (octobre 1999, 1,50 euro)
Entretien avec Paul Mattick Jr., réalisé par Hannu Reime en novembre 1991.
(Ed. bilingue septembre 1999, 1,50 euro)
'
Pourquoi les mouvements révolutionnaires du passé ont fait faillite. - Grèves. - Parti
et classe. Trors textes d' Anton Pannekoek ,
précédés de : Le Groupe des communistes internationalistes
de Hollande, par Cajo Brendel (avril 1999, 1,50 euro)
Enquête sur le capitalisme dit triomphant, Claude Bitot (janvier 1999. 1,50 euro)
La Lotte de classe en France, novembre-déeembre 1995. Témoignages
et discussions (mars 1996, 1,50 euro)
Mais alors, et comment? Réflexions sur une société socialiste ( 1.50 euro)
TABLE DES MATIÈRES
EN
La crise en Californie. Tout ce que touche
le capitalisme devient toxique
3
CALIFORNIE
Tout ce que touche le capltallsme
Avis de décès. L'industrie automobile
devient toxique
en Californie est morte
22
Projecteurs sur quelques situations
de crise
a
29
Je serais très content si vous pouviez me trouver quoi que
ce soit de bon (substantiel) relatif aux conditions ëcono miques en Californie .... Pour moi, la Californie est très
importante car nulle part ailleurs, le bouleversement dû à la
concentration capitaliste ne s'est installé à une telle vitesse
et de façon aussi cynique.
Lettre de Karl Marx à Friedrich Sorge, 1880
• Le rnot « toxic » a été
traduit par toxique, il n'a
pas de sens moral, mais
est utilisé en référence
aux actions « toxiques»
des banques, dès Je début
de la crise. (NdT.)
,·
Annexes
A CONCENTRATION CAPITALISTE qu'observait
Les quatre villes des Etats-Unis connaissant
le plus fort taux de chômage
32
Taux de chômage aux Etats-Unis
de 1890 à 2010
34 - LA CRISE EN CALIFORNIE
33
Marx en
1880 s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui avec une telle
rapidité que les conditions économiques en Californie ont mûri au
point d'en être devenues toxiques. Tandis qu'il pollue autant
l'environnement rural que l'espace urbanisé, le capital a atteint
un niveau de productivité et une capacité à accroître la production
de marchandises inimaginables jusqu'alors. Cette surcapacité est
en contradiction flagrante avec son incapacité croissante à satisfaire les besoins humains; l'incapacité du capital à accumuler
de la valeur rend superflus des secteurs entiers de la classe
ouvrière. C'est dans la vallée centrale de Californie que ces
conditions sont devenues les pl us dangereuses ; des maisons
inoccupées côtoient la misère sordide des nouveaux sans-abris
qui se réfugient dans des villages de tentes (Tent Cities) (2) et
des bidonvilles déjà surpeuplés et qui prolifèrent. Ce bouleversement
(2) Voi r « Tranche de· vie
à Tent City». sur le
campement dOntario en
Californie, article mis en
ligne le 22 mars 2008 sur
le site de) 'En-dehors:
h up: //endehors .org/ne ws/
tranche-de-vie-a-te ntci t y. (NdT.)
LA CRISE EN CALIFORNIE -
3
révèle les mystifications du capitalisme et en montre sa réalité, comme
on le voit avec les chiffres du tableau suivant pour l'ensemble
des Etats-Unis :
(3) Source:«
Responsible
Center
Lending
for
», «
Les saisies aux Etats-Unis
Foreclosures »,
h tlp://www. responsi bl el en
di n g.org/i ss ues/mongagc/
(4) Fin 2008 .. Source:
agence Bloomberg,
3 février 2009.
http://www. bloom bcrg.co
m/apps/news?pid=20601
087refer=home&sid=aKu
fqJK9jlcY
(5) Source : 2007 An1111al
Report du National Law
Ce ruer on Homcless and
Poveny.
http://www.nlchp.org/co
ntent/pu bs/2007 _A nnual
_Reportt2.pdf
(6) Ce terme péjoratif
désigne aux Etats-Unis les
maisons d'habitation
prétentieuses singeant les
vieilles demeures. mais de
construction récente et
utilisant des matériaux
modernes.
http://www.boingboing.net
/2009/05/11/housingmarkct-colla.html
(7) « Ex urban sprawl »:
littéralement« étalement
suburbain», désigne
l'extension des zones
résidentielles de faible
densité qui grignotent
l'espace rural, au-delà
des villes et de leurs
banlieues, provoquant
des conséquences
écologiques négatives à
grande échelle tels que la
« protection >> de lerrc
c n tend ue corn me I a
préservation de
ressources naturelles et
de la biodi versité. Ces
zones incluent les aires
commerciales le long des
4
Nouvelles expulsions : 6 600 par jour
Une expulsion toutes les 13 secondes (3)
et l'agricuture est la
principale activité de la
ville. Celle-ci possède
aussi d'importantes
activités dans l'éducation,
la santé, et les services à
la personne.
Nombre de logements inoccupés: 19 000 000 (4)
Nombre de personnes sans logement :
3 500 000 (y compris 1 350 000 enfants) (5)
Ainsi le calcul est simple :
Il y a au moins cinq logement vides
par personne sans domicile !
Bidonville Etats-Unis
Ces relations sociales toxiques ont montré leur totale irrationalité en mai 2009, quand les banques ont détruit au bulldozer
les toutes nouvelles maisons McMansion (6) invendues, situées
dans des« exurbs » (7) du Sud de la Californie. Dans tous les
Etats-Unis, les gens envoyés dans les foyers n'y trouvent plus de
place, car ces abris sont déjà remplis au-delà de leur capacité ; à
Sacramento, capitale de la Californie, le foyer de St. John, destiné
aux femmes et aux enfants, tourne avec 350 personnes par
4. ElkhartGoshen
Indiana
Pour trouver la quatrième
ville des Etats-Unis au
palmarès du taux de
chômage, il faut traverser
plus de la moitié du pays,
jusqu'à Elkhart-Goshen.
Le taux de chômage y est
de 18,8 %. Cette ville a
connu une histoire bien
différente de celle des
villes californiennes
dépendant de l'agriculture.
Le pourcentage de la
population active sans
emploi n'était en février
2008 que de 4,7 %.
La principale - certains
diront la seule - industrie
est la fabrique de campingcars. Pendant assez
longtemps, la demande
en camping-cars fut tout ce
qu'il fallait à
Elkhart-Goshen pour
prospérer. Mais depuis le
début de la récession, les
ventes de camping-cars
ont plongé.
L'agglomération connaît
une telle chute
que le président Obama
s'y est rendu en février
2009 pour braquer le
projecteur sur la
récession.
D'autres chiffres
alarmants
• Depuis mars,
109 communes connaissent
un taux de chômage
supérieur ou égal à 10 %-.
• Le pourcentage de sansemploi est supérieur à 15 %
dans dix-huit zones. En
mars 2008, une seule ville
- El Centra - connaissait un
taux de chômage supérieur
à 15 %.
• Le chômage a augmenté
en mars 2009 dans plus de
372 zones urbaines.
Belinda Jackson
http://personalmoneystore.
com/moneyblog/
2009/04/30/cities-highest
-unemployment-rate
········~~···················································
Taux de chômage aux Etats-Unis de 1890 à 2010
25%
20%
j
1
r ~
J
15% -j
r\
l
,.J L;~\J'\j\)
10% ~
5%
0%
"''
- -"'oc
;;;
oc
• Tent City • de Sacramento, 2009.
- LA CRISE EN CALIFORNIE
c;;
.,.,
::,
"' ;::. "'"' C.... Il',.... ~ Il',"" .,-,
"'0
"' ~ ,c"' g .-"' X: "'"'oc "'0 "'"" ....05 00
"'
"'
"'
"'
"'
°'
"' "'- "' ""
"' "'
-"' "' "' "" ""
"'- "'
"'
- -
- - -
-
-~Taux estimé
- -
- - - - - - -
--
--
0
;::.
Taux officiel
LA CRISE EN CALIFORNIE -
33
Annexes
Les quatre villes des Etats-Unis
connaissant le plus fort taux de chômage
Le nombre de sans-emploi augmente encore au niveau national.
Chaque jour, de nouveaux habitants des Etats-Unis
attendent les allocations chômage
D
Imaginez que vous viviez
epuis le début de la
récession, le
dans un lieu dont le quart
chômage a
des habitants sont
augmenté tous les mois.
Le taux de chômage
national a atteint 8,1 % en
février, 8,5 % en mars
inoccupés. Le taux de
chômage à El Centro est
de 25,1 %.
Rappelez-vous
que ce taux
80 000 habitants. Le taux
de chômage était en mars
2009 de 20,4 %.
En 2005, l'Université
de
Californie a construit son
dixième campus à Merced.
Cependant,
les étudiants
2009.
C'est mauvais partout,
mais quelques villes des
est calculé sur la base des
ne sont pas pris en compte
habitants qui cherchent
activement un emploi et
Un bulldozer de la Texas Bank détruit une maison • McMansion • à Victorville (Ca), en mai 2009.
Etats-Unis sont
particulièrement
touchent l'assurancechômage. Ceux qui n'ont
par les statistiques du
chômage. Les principaux
employeurs de la ville sont
les producteurs
nuit (8). Sacramento
frappées.
de fruits et
En voici quatre qui
pas droit aux allocations
légumes, aussi le fort taux
connaissent
chômage ou vivent aux
de chômage est-il
saisonnier. Néanmoins,
les plus forts
taux de chômage des
Etats-Unis :
1. El Centro
Californie.
Le taux de chômage à El
Centro est quelque peu
relevé artificiellement,
parce qu'il est surtout lié à
crochets de leur carte de
crédit, d'emprunts ou
d'économies, ou encore
choisissent de ne pas
travailler pour une raison
ou une autre, ne sont pas
pris en compte par les
statistiques.
le
Californie
Bien sûr, c'est une ville de
Californie qui clôt le trio de
La vallée centrale de Californie : au cœur
de la région toxique, le long de l'autoroute 99
connu en 2008 le plus fort
taux de chômage du pays.
Californie,
entourent l'espace urbain,
32 - LA CRISE EN CALIFORNIE
compte plus de
sa « Tent City » a fait le tour du monde des médias. Lorsque le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger,
et le maire de
3. Yuba City
Californie.
Dans le même Etat, mais
plus au Nord, Merced est à
la deuxième place pour ce
qui est du taux de
chômage dans le pays.
Cette ville du centre de la
2. Merced
connue, quand
Sacramento prirent la décision d'expulser « Tent City», le
magistrat justifia cette opération en affirmant : « Ils ne peuvent
pas rester ici, cette terre est toxique (9). »
Bien que les Tent Cities existent partout aux Etats-Unis, c'est
en Californie qu'il en est apparu le plus.
taux de chômage en mars
2008 était inférieur à 15 %.
tête. Yuba City se trouve
en Californie du Nord et
compte une population de
quelque 60 000 habitants.
C'est le cœur d'une vaste
conurbation d'environ
164 000 habitats. Le taux
de chômage y atteint
19,5 %. Fermes et vergers
l'emploi agricole.
Cette ville d'à peu près
40 000 habitants est
proche de la frontière
mexicaine, et nombre
d'emplois sont
saisonniers. El Centro a
est devenue mondialement
« Ainsi, malgré toutes les vantardises sur l'industrie principale de cet Etat [l'agriculture}, les milliards de dollars
qu'elle apporte à l'économie et les miracles qu'elle a accompli dans la production et l'innovation technique, l'agriculture
de Californie est en train de disparaître, car la valeur croissante de son sol provient des ventes de terrains constructibles
ou de l'immobilier
plus que du coton, du bétail ou des
amandes. »
routes.à la périphérie des
villes et des banlieues.
Pour plus d'information:
http://www.ecol ogya ndsoc
iety.org/vol l 0/iss l /art32/
(8) Wall Street Journal.
11 août 2009,p. A3.
(9) Voir les comptes
rendus de la rencontre·
avec « Governator » et le
maire à Tent City
( h ttp:/ /fi yi ngpicket .org/?q
=node/46) et d'une visite
de solidarité pour aider à
construire des toilettes
( h ttp:/ /fi yi ngpi cket .org/?q
=node/49).
( 10) Gray Brech in ..
Farewell. Promised Land:
Waking from California
Dream, Berkeley,
University of California
Press, 1999. p. 77.
Gray Brechin,Farewell, Promised Land (10)
LA CRISE EN CALIFORNIE -
S
-----
----
I
·-
California 's Central Valley
Taxie Heartland
. -·. ·•Riddlng
Along Highway
i1)
/
1
;
•M~rysville
•INheatland
J...>i
Electrical, Salaried, Machine and Furniture Workers (IUE-CWA)
accepte un tel déclassement. En une semaine, 10 000 candidats
affluent, certains sans aucune qualification pour les emplois offerts.
La semaine précédente, GE avaient proposé d'embaucher
13 ouvriers d'entretien à 23 dollars de l'heure (19 euros): 700 candidats s'étaient présentés pour ce poste très qualifié .
20. .. ,.
2010. PLAmlm, COLORAOO•
Des fermiers de cette localité située à 65 km de la capitale de
l'Etat, Denver, font publier une annonce selon laquelle ils laisseront pour un week-end tout intéressé glaner les légumes laissés
dans les champs après récolte faite.
Ils pensent qu'environ 10 000 personnes viendront en profiter pendant ces deux jours. Dès l'aube du samedi, ce sont
40 000 affamés qui arrivent dans 11 000 voitures et se répandent
dans les douze hectares de champs qui avaient porté différentes
récoltes. Ils ramassent 400 tonnes de légumes (pommes de terre,
carottes et poireaux). Dès le samedi soir, les champs ont été si
méticuleusement ratissés qu'il n'y reste plus rien et que la collecte
prévue pour durer aussi le dimanche doit être annulée.
Los Banotilt
\
D',el.a-no
. ;
.l4ersfield
\
. ~,Arvin
"7y, -.
~ .
.;
\
- ...,_.,
~---~-
-
~
,l!QO mtl~:;
6
- LA CRISE EN CALIFORNIE
,,.,
Au Forum d'lnglewood (banlieue de Los Angeles), vaste arène servant à des manifestations
sportives ou à des concerts, une organisation caritative avait mis en place, en août 2009,
des soins gratuits : soins dentaires, prise de tension, vaccinations ... Dès le premier jour,
elle a été submergée par un flot de 1 500 personnes, dont 500 n'ont pu être satisfaites.
LA CRISE EN CALIFORNIE -
31
moins de courant et formuler des demandes d'assistance à _djfférents organismes caritatifs. La tension devient si forte que la ·
police est appelée avant que, finalement, les portes soient fermées et la foule dispersée.
Communes de la Vallée centrale de Californie citées
dans le classement des villes
oü ont eu lieu le plus d'expulsions (octobre 2008) (11)
1. Merced
Une enquête effectuée à
la mi-décembre auprès de
700 chômeurs est arrivée
au constat suivant:
• près de la moitié
d'entre eux ne peuvent
bénéficier de
) 'indemnisation du
chômage à cause des
conditions restrictives;
• un quart des chômeurs
vivent de tickets
d'alimentation.
• un sur cinq a recours à
des œuvres charitables ;
• la moitié vit sur le
salaire de la femme qui
assument avec des heures
supplémentaires ou des
doubles boulots ;
• 53 % ont emprunté à
leur famille ou à des
amis;
• 60 % ont épuisé leur
épargne ou sorti ) 'argent
du capital retraite ;
• 47 % n'ont aucune
couverture maladie ;
• 72 % se considèrent
comme pauvres ou
pensent qu'ils
commencent à l'être.
28SEPTEMBRE
2009.
HOUSTON,
TEXAS.
160 médecins et 200 infirmières organisent une journée de soins
gratuits en pléin air. Bien avant l'ouverture de ce centre provisoire, plus de 2 000 malades font la queue ; certains sont venus avant
l'aube : parents, enfants, vieux qui souvent n'ont pas vu de
médecin ou de dentiste depuis des années. Des ambulances sont
sur les lieux pour évacuer vers des hôpitaux ceux qui demandent
des soins plus lourds.
De telles « free clinics » sont organisées un peu partout, mais
elles sont souvent débordées par la foule des patients qui requièrent des soins immédiats; l'une d'elles, organisée quelques mois
auparavant sur un stade de Los Angeles, a vu une telle affluence
que les médias nationaux s'en sont fait l'écho.
2.
3.
10.
14.
(11) Source :
http://realestate.yahoo.co
m/Foreclosures
(Merced County)
Modesto
Stockton
Sacramento
Fresno
(Stanislaus County
(San Joaquin County)
(Sacramento County)
(Fresno County)
Bakersfield*
(Kern County)*
( 12) Source :
http://www.frej.net/news
/news/2009-07-31 /sunbelt-dominates-l h09foreclosure-rankings
• citée en 2009 (12)
Comtés de la Vallée centrale de Californie cités dans
le • Top 10 • des ventes agricoles des Etats-Unis (13)
1. Fresno Co (3 730 546*)
2. Tulare Co (3 335 014*)
3. Kern Co (3 204147*)
( 13) Source :
http://www.ers.usda.gov/
StateFacts/US.htm
4. Merced Co (2 330 408*)
7. Monterey Co (2 178 470*)
Total Etats-Unis (297 220 491 *)
• mi/1/ers de dollars
SOCTOBRE
2009.
DtTROIT, MOCHIQAN.
50 000 foyers de Détroit (en fait 80 000 personnes) se présentent
pour obtenir un secours promis par la municipalité pour les aider
à payer les mensualités de leurs emprunts immobiliers et éviter ainsi
leur expulsion. Les édiles avaient compté sur environ 3 400 personnes et provisionné en conséquence. Beaucoup de demandeurs
(familles avec enfants, invalides en chaise roulante, des vieux,
des jeunes) ont dormi dans la rue pour être les premiers, non pour
toucher l'argent mais pour simplement remplir une demande. A
11 h 30, les autorités annoncent la fin de la partie et c'est pratiquement l'émeute ; des centaines de policiers épaulés par des
unités spéciales de l'armée peinent à contenir la foule.
10
OCTOBRE 2009.
LOUISVILLE,
KENTUCXY.
La sociétée General Electric (GE) propose d'embaucher 90 travailleurs au salaire de 13 dollars de l'heure (10 euros) avec garantie
santé incluant soins dentaires et oculaires. Ce type d'emploi était
payé 19 dollars (15 euros) avant que le syndicat Union of Electronic,
30 - LA CRISE EN CALIFORNIE
Voyage toxique
La Vallée centrale de Californie s'étend sur 720 km de long et
80 km de large. Elle est située entre les montagnesde la Sierra Nevada
et de Coast Range. Le/d-èux principaux cours d'eau sont les
fleuves Sacramento et San Joaquin, traversant l'un le nord et
l'autre le sud et donnant leur nom aux deux parties de la vallée;
ils se rejoignent en un immense delta qui se jette dans la baie de
San Francisco. C'est la région agricole la plus productive du
monde. C'est aussi la région où, depuis les an_nées 1970, un des
sols les plus fertiles de la planète a été recouvert par le développement de zones pavillonnaires et de lotissements néoruraux. La vallée connaît probablement le taux de saisies de maisons le plus élevé du monde ; certains endroits ont enregistré les
plus bas salaires de l'histoire des Etats-Unis et les taux de chômage
les plus élevés. L'air de la ville d' Arvin, dans l'extrême sud de la
Vallée, est le plus pollué des Etats-Unis (14).
L'autoroute 99 parcourt du nord au sud le cœur de la vallée.
Sacramento est la plaque tournante entre les moitiés nord et sud
de la Vallée. Elle est entourée d'une banlieue tentaculaire qui a
( 14) Source : « Central
Valley town owns
nation's dirtiest air»,
http://findarticles.com/p/
articles/mi_qn4 l 76/is_20
070810/ai_n 19478485/
LA CRISE EN CALIFORNIE -
7
( 15) Source:
h ttp://personal moneystor
e.com/moncyblog/2009/0
4/30/cities-highesLunemployment-rate/
Avril 2009. Nous
reproduisons cette source
en annexe, p. 32.
remplacé la terre agricole. Quand on voyage le long de cette
autoroute, c'est une longue suite de constructions: galeries marchandes ; concessionnairesautomobiles ; boutiquesvendantdu matériel de construction, des tracteurs, des bulldozers, des tractopelles ... ; marchands de bateaux de plaisance ; interminables
rangées de caravanes ; emplacements de bureaux ; panneaux ; et
ponts enjambant des rivières et certaines parties du delta.
La grande ville suivante est Stockton, un port en eau profonde qui relie les principales rivières au delta, à la baie, et au
commerce transPacifique ; c'est un port important. Elle a été
récemment qualifiée du titre peu glorieux de« ville la plus misérable des Etats-Unis» par le magazine Forbes.
En continuant vers le sud, c'est encore et toujours cette
même culture américaine de la consommation : des galeries avec
des parkings immenses ; des églises et même un immense lycée
chrétien tians la ville de Ripon ; des voies de chemin de fer et
des gares de triage le long de l'autoroute 99; d'immenses silos
à grains et des constructions pour acheminer les produits agricoles,
la plupart abandonnés.
Modesto, la grande ville suivante, est connue pour être la
première ville des Etats-Unis pour le vol des voitures et la.cinquième dans la liste des villes les plus pauvres, établie par
Forbes. Elle est entourée de terrains fertiles qui furent
construits pendant le boom immobilier pour fournir de nouveaux
logements à des banlieusards venant d'aussi loin que Sacramento ou Fresno, et même à des gens prêts à faire plus de deux
heures de voiture pour aller dans la Baie de San Francisco et
autant pour en revenir.
Merced est la deuxième dans la liste des villes des Etats-Unis
connaissant les plus forts taux de chômage, avec 20,4 % (15).
On y voit, le long de l'autoroute 99, les mêmes chaînes de magasins que partout ailleurs aux Etats-Unis. Et, juste à côté, I' agriculture industrielle : des champs, des vergers, des hangars à
bétail le long de l'autoroute ainsi que des marchands de
machines agricoles, de tracteurs, et de fourgons à bestiaux. Un
grand nombre de canaux d'irrigation amènent l'eau du Nord
humide vers le Sud très sec de la Vallée. Beaucoup de ces infrastructures industrielles sont en train de rouiller et sont abandonnées, il y a beaucoup d'usines avec d'énormes panneaux« A
vendre».
Puis voici Fresno, la cinquième ville de Californie avec
500 000 habitants. C'est la plaque tournante de la partie sud de la
vallée et eJle semble toujours baigner dans un brouillard bru-
8 - LA CRISE EN CALIFORNIE
PROJECTEURS
SUR
QUELQUES SITUATIONS
DE CRISE
La réforme du Welfare (système d'assistance
sociale) par le gouvernement américain.
Des chiffres peuvent-lis
donner la mesure de la
misère? En voici quelques-uns
concernant les Etats-Unis, pris
dans la masse de matériaux
apportés chaque Jour par les
médias - drames Individuels
ou problèmes d'une nouvelle
dimension rencontrés par
les organismes publics
ou les organisations
caritatives, submergés par
le flot irrépressible de ceux
qui manquent de tout
,-
SEPTEMBRE 2009. DÉTROIT, MICHIGAN.
La société de distribution d'électricité de Détroit OTE Energy a
coupé le courant à 181 000 abonnés, pour cause de factures
impayées. C'est 40 000 de plus qu'en 2008. Pour soulager
quelque peu le poids de la crise, OTE propose différents plans
permettant de limiter ces coupures de courant, et annonce qu'elle
accordera une aide sous forme de réduction du montant des factures. OTE pense qu'environ 5 000 abonnés viendront solliciter
cette aide ; mais ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes qui forment une longue file d'attente, des heures avant
l'ouverture, sur la base d'une rumeur selon laquelle OTE paierait aux nécessiteux 3 000 dollars cash. En fait, les cinquante
représentants de DTE ne font qu'expliquer comment consommer
LA CRISE EN CALIFORNIE -
29
à Chicago à l'usine de Republic & Doors en décembre 2008, en
Corée du Sud à l'usine Ssangyong Motors en juillet 2009 et au
Royaume-Uni dans trois usines Visteon en avril 2009. Même si.nous
n'avions qu'un bref contact avec chaque ouvrier, nous avons
trouvé une réponse plus positive que nous le pensions, plus positive que celle que nous avions eue dans le bâtiment de l'UAW.
Quelques ouvriers revinrent
même pour nous demander d'autres
tracts.
Je ne voudrais pas prendre mes désirs pour des réalités, mais
je pense que ces ouvriers n'avaient jamais entendu parler auparavant de I utte de classes, ni de l'idée que cette lutte pouvait être
menée en commun. Le syndicat ne leur demandait rien d'autre
que d'aller
blaient
boycotter
souhaiter
les revendeurs.
étendre
Eux, au contraire,
sem-
la lutte aux autres travailleurs,
mais
n'en avaient jamais eu 1' opportunité - contrairement à ce qui se
disait dans cette réunion syndicale, où tout était écrit d'avance, et
où toute action paraissait issue d'un manuel conventionnel, stéréotypé et d'une pauvreté toute bureaucratique.
On voyait bien
que le syndicat n'avait d'autre perspective que la défaite.
Et là, je reviens à la boutade de Will Barnes assimilant la
situation des Etats-Unis à l'« Antarctique».
Une situation ayant
tellement empiré qu'on n'aperçoit
pas le bout du tunnel ni
aucune perspective, car nous sommes submergés par les glaces.
C'est là notre point de départ.
nâtre, surtout pendant les mois d'été où la chaleur est étouffante.
C'est la« capitale de l'asthme de la Californie», cette affection
touchant un enfant sur trois (16). C'est aussi le comté agricole le
plus productif et le plus rentable de tous les-Etats-Unis.
Il y avait là aussi, en ville, trois grandes« Tent Cities » (17)
ainsi que d'autres campements plus petits. La première« Tent
City », située sur un terrain de la société ferroviaire Union Pacific, fut expulsée en juillet 2009. Ce lieu était littéralement
toxique : on y a découvert des eaux de vidange suintant par des trous
dans le sol au cours de l'été 2008, car il avait sans doute servi
pour réparer des voitures. Une autre fut surnommée« New Jack
City » après la sortie du film dans les années 1990 (18) sur les
gangs de la drogue, car deux meurtres y avaient déjà été commis.
La troisième comptait beaucoup d'abris fabriqués avec du bois
de récupération. On l'appelle aussi « Taco Fiats» ou« Little
Tijuana», car la plupart des occupants sont des Latinos qui viennent là pour chercher du travail dans l'agriculture. La sécheresse,
qui a duré trois ans, a entraîné une forte diminution des surfaces
cultivées et a donc réduit l'offre de travail.
( 16) http://www.
fresnobee.com/868/story/
263218.html
·
(17) http://www.nytimes.
com/2009/03/26/us/26ten
ts.htrnl
( 18) New Jack Ciry. film
américain de Mario Van
Peebles ( 1991 ), met en
scène deux policiers, l'un
d'origine africaine.
l'autre d'origine
italienne, ayant souffert
de la drogue pendant leur
enfance, et qui se jurent
de démanteler le réseau
du chef de gang Nino
Brown, qui règne sur
Harlem. (NdT.)
Origine des immigrés en Californie
pendant la Grande Dépression
Graphique établi en fonction
du pourcentage, par Etat, du nombre total
de migrants communiqué.
Source:Farm Security Administration and
California Deartment of Agriculture.
Données établies sur 210 268 immigrants.
Les réfugiés du
28 - LA CRISE EN CALIFORNIE
«
Oust Bowl
»
en Californie, vers 1939.
LA CRISE EN CALIFORNIE -
9
(19) Un résultat du
mouvement anti-chinois,
souvent mené par des
groupes ouvriers autour
du slogan « les Chinois
doivent partir», fut le
Chi nese Exclus ion Act de
1882, qui bloqua
) 'immigration jusqu'en
1943.
(20) On appelle Dust
Bowl (littéralement bol,
ou bassin de poussière)
une série de tempêtes de
poussière, véritable
catastrophe écologique
qui a touché la région des
grandes plaines aux EtatsUnis et au Canada, entre
1934et 1940. La
sécheresse et de terribles
tempêtes de poussière, qui
pouvaient durer plusieurs
jours. 3 millions de
personnes.surtout des
familles de fermiers de
( 'Oklahoma et de
l'Arkansas, émigrèrent
vers la Californie. John
Steinbeck décrit cette
période dans son roman
les Raisins de la colère.
(NdT.)
(21) Les lndustrial
Workers of the World
(litt.« Ouvriers
industriels du monde»)
sont nés en 1905 à
Chicago. Ils avaient pour
slogan « One Big Union »
( « Un seul grand
syndicat »), Après l'entrée
en guerre des Etats-Unis
en 1917, ce syndicat garda
des positions
antimilitaristes qui lui
valurent d'être la cible des
« patriotes », puis il fut
brisé par une série de
procès judiciaires et les
attaques répétées des
milices patronales, de la
police et .d!l l 'armée.Il
cessa de compter dans le
La mécanisation de plus en plus pouss_ée de l'agriculture et
l'utilisation des OGM permettent d'augmenter les rendements en
utilisant moins de travailleurs. Le travail agricole a toujours été
saisonnier et instable. En général, 92 % des travailleurs agricoles
sont des migrants ; cela remonte à la ruée vers l'or de 1849. A
cette époque des travailleurs chinois, les coolies, étaient amenés
aux Etats-Unis pour la construction des voies de chemin de fer. Une
fois que le transcontinental fut terminé, en 1869, beaucoup
d'entre eux furent employés dans les mines jusqu'à ce que le
racisme et la diminution des rendements les fassent partir. Certains
travaillèrent dans les champs jusqu'à ce que les pogroms antichinois, qui commencèrent vers la fin des années 1870, les chassent vers les villes ( 19).
Les fermiers se tournèrent alors vers les immigrésjaponais, sikhs,
philippins, arméniens, italiens et portugais ; plus tard ils
employèrent des« Okies » et« Arkies » (on appelait ainsi des
Blancs nés aux Etats-Unis, anciens fermiers ou métayers venant
d'Oklahoma et d'Arkansas, et même du Missouri et du Texas),
réfugiésdu Oust Bowl (20) pendant la Grande Dépression.Des Mexicains furent amenés avec le programme Bracero en 1942 et ils
forment la majorité des travailleurs d'aujourd'hui, avec les
immigrés d'Amérique centrale.
One Big Union
C'est à Fresno que s'est déroulée la lutte victorieuse des
IWW (autrement appelés wobblies) (21) pour la liberté de parole,
qui a duré six mois en 1910-1911. Plusieurs centaines-de wobblies et travailleurs migrants vinrent de toute la côte ouest pour
soutenir la revendication du droit à se réunir dans la rue èt à
prendre la parole du haut de leurs « soapboxes » (boîtes à savon
sur laquelle se juchaient les orateurs IWW).
A cette époque, Fresno se qualifiait elle-même de « capitale
mondiale du raisin » et à la fin de chaque été, 5 000 travailleurs
japonais et 3 000 hobos (22) y arrivaient pour les vendanges. Un
peu comme dans les « Tent Cities » d'aujourd'hui, les travailleurs campaient en ville et cherchaient à s'embaucher au
« marché aux esclaves». Les Japonais étaient souvent très unis et
prêts à faire grève pour de meilleurs salaires et de meilleures
conditions [de travail et de logement]. Sachant que les IWW
essayaient d'organiser les travailleurs quelles que soient leur
race, nationalité ou origine ethnique, les élites locales étaient terrifiées à l'idée que les Japonais puissent rejoindre les Wobblies.
10 - LA CRISE EN CALIFORNIE
..
et prendre la parole devant tous les bureaux de vente de Toyota et
Lexus au cours des prochains jours ...
» Nous nous organiserons pour être sûrs que toutes les
équipes auront notre tract en mains. Si vous ou d'autres volontaires êtes prêts à vous joindre à nous à l'un ou l'autre de ces
points de rassemblement, contactez-moi à cette adresse courriel.
Vous êtes tous les bienvenus.»
Peut-être n'en avez-vous jamais vu, mais une« campagne
syndicale», c'est comme ça. Rien de plus qu'une démonstration
spectaculaire de passivité et d'impuissance. Ces dirigeants syndicaux attaquent simplement les revendeurs privés, franchisés de
Toyota, cherchant avec ce boycott à culpabiliser la corporation des
producteurs de voitures ; ce qui n'est jamais dit clairement. J'ai
l'impression que tout ceci n'a qu'un seul but, faire augmenter les
indemnités de licenciement qui, d'après ce que m'a dit un ouvrier
de base, se monteraient à 50 000 dollars (40 000 euros) pour chacun, prévenant du même coup toute interruption de production
avant la fermeture. Etje ne peux qu'imaginer le résultat, qui sera
complètement faussé, car qui serait assez fou pour acheter une
Toyota aujourd'hui, au moment où cette société rappelle une
bonne partie de ses voitures défectueuses ? De plus, à cause de la
crise, les ventes de voitures sont en chute libre et spécialementcelles
des revendeurs proches de Fremont. C'est un peu comme si on
devait endosser« les habits neufs des empereurs-bureaucrates»
parce qu'ils ne croient même pas à ce qu'ils racontent. J'ai fait un
petit sondage de vocabulaire après cet événement et il me fut
facile d'en connaître le fé:sultat: pas une seule fois sur l'estrade
un seul des orateurs n'a 'utilisé les mots «classe», « classe
ouvrière » ou« lutte de classe ». Cela ne fait pas partie de leur
vocabulaire et c'est là le nœud du problème.
Il y eut dans ce rassemblement bien peu de volontaires pour la
distribution du tract qui ne fussent pas des bureaucrates syndicaux. On n'en pouvait plus d'entendre leurs discours, lorsque
quelqu'un dit qu'arrivait l'heure d'un changement d'équipe.
Nous avons donc traversé la rue pour nous poster devant la sortie de l'usine, afin de distribuer notre tract aux ouvriers qui
gagnaient le parking. Ce tract appelle à une grève le 4 mars
{2010) associant dans l'Etat de Californie les étudiants, les
enseignants et, espérons-nous, tous les autres travailleurs du
secteur public. Notre tract mentionnait aussi que nous étions
solidaires de leur lutte contre la fermeture de l'usine et soulignait
que dans de telles circonstances des travailleurs avaient souvent
occupé leur usine - comme en Argentine voilà quelques années,
LA CRlSE EN CALIFORNIE -
27
plus militante de ce qui avait été dit auparavant, des clichés que
tout le monde a déjà entendu répétés inlassablement.
Le pire fut la reprise par un groupe d'une affreuse, vraiment
affreuse
rengaine
dirigée contre Toyota (étrangement,
qui ressemble à une omission nationaliste,
dans ce
GM n'y était aucune-
ment mentionnée), qui disait:
« Arrêtez ce plan qui nous jette dehors
Ne soyez pas les méchants de cette ville. »
La plupart des présents répétaient cette antienne avec si peu
de cœur et si peu de conviction qu'elle sonnait comme un rituel
dépourvu de sens. Et c'était bien ça.
Et on présenta cette stratégie syndicale comme Je fin du fin
pour empêcher la fermeture de J'usine :
« Le syndicat UA W exerce une pression publique sur Toyota
pour le contraindre à garder l'usine ouverte en organisant des
manifestations devant tous les concessionnaires des Etats-Unis.
Nous appelons tous les amis des travailleurs, toutes les communautés progressistes à se joindre à nous pour distribuer des tracts
26 - LA CRISE EN CALIFORNIE
Pour empêcher la liberté de parole, il y avait un harcèlement violent et des arrestations en masse d'orateurs de« soapboxes » des
IWW, souvent avec l'aide de milices.
Au tribunal, les Wobblies saisissaient toutes les occasions
pour s'exprimer le plus possible dans les procès politiques, pour
faire de la propagande pour la lutte de classe. Leur lutte pour la
liberté de parole fut victorieuse et conduisit les responsables
politiques de Fresno et les propriétaires terriens à se montrer plus
tolérants envers les tentatives de l ' AFL, le syndicat conservateur, pour organiser les ouvriers agricoles.
La plus grande bagarre avec l'IWW eut lieu en 1913, dans la
vallée de Sacramento, dans la région de culture du houblon. Le
Durst Ranch, à Wheatland, publia dans tous les journaux de Californie une offre d'embauche de 2 700 ouvriers, alors qu'il n'en
avait besoin que de 1 500. Il voulait ainsi créer un surplus de
main-d'œuvre pour baisser les salaires_. 2 800 ouvriers de 27 origines ethniques différentes, parlant 24 langues, se présentèrent.
Il faisait extrêmement chaud, il n'y avait pas d'eau potable et il y
avait seulement neuf toilettes extérieures. Les gens devaient dormir dehors s'ils ne voulaient pas payer une tente à Durst; sans
eau potable, la seule possibilité était d'acheter 5 cents une limonade au cousin de Durst. Les boutiques de la ville n'avaient pas le
droit de vendre sur l'exploitation, obligeant les gens à acheter à la
propre boutique de Durst. Comme il n'y avait ni ramassage des
ordures, ni aucune hygiène, beaucoup de gens tombaient malades.
Durst retenait 10 % sur la paye jusqu'à la fin de la récolte, espérant que ces conditionsdégueulasses entraîneraient beaucoup de
départs sans que les gens touchent leur salaire complet.
Environ une centaine d'hommes avaient l'expérience des
IWW ; ils convoquèrent ·rapidement un meeting qui mit davantage l'accent sur les mauvaises conditions de vie que sur les
salaires. Lorsque 2 000 personnes se rassemblèrent pour écouter
les organisateurs IWW, le meeting fut dispersé par le shérif.
Dans l'émeute qui suivit. quatre personnes furent tuées, deux
ouvriers et deux hommes du shérif. La plupart des ouvriers quittèrent Durst Ranch et se dispersèrent. Une chasse aux sorcières fut
engagée contre les Wobblies, accusés d'inciter à l'émeute, et on
terrorisa les militants dans toute la Californie. Une enquête de
l'Etat sur les conditions misérables du ranch eut pour conséquence de nouvelles lois imposant des améliorations des conditions de vie des ouvriers agricoles.
Le mouvement mené par Cesar Chavez à Delano, en 1965,
pour organiser les ouvriers agricoles, donna naissance à I' UFW
mouvement ouvrier
·américain au début des
années 1920. Les IWW
organisaient les ouvriers
au niveau de l'industrie et
non par métiers comme il
était d'usage aux EtatsUnis ; ils ne se
substituaient pas aux
travailleurs mais
renforçaient leur
autonomie, et refusaient
toutes négociations avec
le patronat. Ses militants
appartenaient aux basses
couches de la classe
ouvrière: travailleurs
migrants, saisonniers et
non qualifiés de toutes
sortes, que le principal
syndicat de l'époque,
l'American Federation of
Labor (Fédération
américaine du travail),
fondée en 1886, ignorait
au profit de l'organisation
des seuls travailleurs
qualifiés.
Voir, sur les IWW,
l'ouvrage (un peu
superficiel) de Larry
Portis : /WW. Le
Syndicalisme
révolutionnaire aux EtatsU11is. éd. Spartacus,
réédité en 2003. et
Franklin Rosemont, Joe
Hill : les /WlV et la
création d'une contreculture ouvrière
révolutionnaire. Editions
CNT-Région parisienne,
2008. (NdT.)
(22) Hobo: travailleur
itinérant.jeté sur les
routes parla révolution
industrielle et le
capitalisme sauvage de la
fin du XIX' siècle, le hobo
constituait une réserve de
main-d'œuvre mobilisable
n'importe où dans le pays.
Son mode de transport
privilégié était le voyage
clandestin en train de
marchandises. Travailleur
LA CRISE EN CALIFORNIE -
11
généralement sans
qualification, souvent doté
d'une conscience
politique et d'un bagage
culturel, le hobo était
emblématique de l'IWW.
Voir en français un
ouvrage sociologique écrit
par un ancien bobo: Nels
Anderson, Le Habo.
Sociologie du sans-abri,
éd. Nathan, 1993 ; et ·
l'autobiographie d'une
femme bobo : Boxcar
Bertha, éd. L'insomniaque,
1994,rééd. 10/18, 1999,et
Nautilus, 2000. (NdT.)
(United Farm Workers) et montra que cinquante ans après, les
conditions des ouvriers de.Ia Vallée navaient pas changé. Le
maintien d'une « armée de réserve » utilisait le racisme pour.
entretenir division et faiblesse chez les ouvriers, entraînait des
salaires faibles et les conditions des années 1960 n'étaient pas
très différentes de celles qui avaient provoqué la révolte de
Wheatland en 1913. Et elles sont presque les mêmes aujourd'hui.
La bulle Immobilière dans les " exurbs "
L'emploi agricole a toujours été saisonnier ; la croissance de
la construction immobilière dans la Vallée centrale depuis trente
ans a permis aux ouvriers d'avoir du travail toute l'année. Le
boom immobilier suivit de près la bulle Internet de 200 l, les
besoinsen main-d'œuvreaugmentèrent.jusqu'à ce que la bulle immobilière éclate à son tour en 2007. En même temps que la diminution de 1' emploi dans la construction, la sécheresse, la poursuite
de la mécanisation et de la concentration dans 1' agriculture ont
entraîné encore plus de chômage. Il y a tout simplement moins
de fermes, chacune étant plus grande et plus productive. Ce processus de concentration capitaliste croissante, dans une région
qui était déjà la première des Etats-Unis pour l'industrialisation
de l'agriculture, renforce Je processus de remplacement des gens
par des machines, du travail vivant par du « travail mort ».
Pour améliorer la production agricole sur une telle échelle, il
fallait construire un vaste réseau d'acheminement et de stockage
de l'eau, ce qui fut fait en deux étapes. Avant le projet de 1937 du
gouvernement fédéral pour la Vallée centrale, iln'y avait pas
assez d'eau dans la vallée San Joaquin pour faire pousser des
légumes, des fruits ou des amandes. Il fallait construire tout un système d'irrigation: des canaux, des barrages, des réservoirs et des
pompes pour amener l'eau depuis le niveau de la mer jusqu'à 150
mètres d'altitude dans Je sud aride. En 1961, le State Water Project étendit ce système pour amener l'eau encore plus au sud, au
delà de la Vallée, en Californie du Sud, créant ainsi le plus grand
réseau d'irrigation du monde.
Le développement de la Californie a toujours été fondé sur
l'idéologie d'une croissance sans fin et de la valeur immobilière
du sol. Dès le début des années 1980, des lois dérégulèrent la distribution de l'eau ; les technocrates des compagnies des eaux
furent moins liés à l'agriculture et davantage aux promoteurs.
Les électeursdes banlieues approuvèrentdes lois autorisant un développement encore plus tentaculaire. La demande d'adductions
12 - LA CRISE EN CALIFORNIE
d'Oakland, tels que le leader de Brotherhood of Railroad Car
Porters (3), C. L. Dellums (l'oncle du maire actuel d'Oakland,
Ron Dellums) s'allièrent avec l'UAW et réussirent à fonder une
«. coopérative interraciale de développement immobilier » au
milieu des banlieues où les agents immobiliers propageaient le
mythe raciste selon lequel les propriétaires non-caucasiens (nonblancs) faisaient déprécier la valeur des biens immobiliers.
C'était le type de faubourgsoù la propriétéet le « rêve américain »
étaient chéris comme le droit d'aînesse de l' Américain blanc.
C'était aussi un des foyers de la révolte contre la taxe foncière qui
en 1978 en Californie fut à l'origine de la proposition 13 (4), puis
qui, dans les années 1980, se propagea dans tous les Etats-Unis.
Pourtanton trouve des poches qui défient la ségrégationimmobilière,
comme les quartiers asiatiques, et Fremont compte aujourd'hui la
plus forte population d' Afghans de tous les Etats-Unis, ainsi qu'un
grand nombre d'immigrés du Sud de l'Asie.
GM a exploité l'usine de Fremontjusqu'en 1982, année où
elle ferma pour la première fois. Toyota et GM créèrent une
filiale commune et l'usine rouvrit en 1984 ; elle produisit des
Chevrolet, des Toyota Corollas et des pick-up, et finalement des
Pontiac Vibes. GM adopta les techniquesde managementjaponaises
et cette usine devint le seul site Toyota d'Amérique du Nord à
être organisé par !'UA W.
(3) Brotherhood of
Railroad Car Porters
(BSCP) : syndicat fondé
en 1925 par Philip
A. Randol ph pour
représenter les Noirs
américains travaillant
dans les wagons-lits
Pullman. Il a fusionné en
1978 avec le syndicat
Brotherhood of Railway
and Airline Clerks.
(4) Proposition 13 : texte
voté en Californie en
1978, lors d'un
référendum d'initiative
populaire lancé par
Howard Jarvis et son
association de
contribuables Howard
Jarvis Taxpayers
Association. Ce texte,
ajouté à l'article 13 de la
constitution de ! 'Etat de
Californie le 6 juin 1978,
limite les taxes foncières
La contrepartie étant .
moins de services
publics, ce vote marque
le début de la
« révolution
conservatrice »
américaine.
,·
!
'ÉVÉNEMENT DU 13 FÉVRIER 2010 dans les locaux de
!'UA W pour NUMMI était suivi par presque tous les
responsables syndicaux de la baie de San Francisco. C'était très
étrange : tous arboraient leurs couleurs, les Teamsters venus en
vestes de sport et tous les autres secteurs professionnels en
T-shirts aux tons voyants, ornés de logos de chaque métier. La
salle était pleine, avec plus de 400 personnes, dont un tiers au
moins étaient des bureaucrates syndicaux ou leurs alliés du Parti
démocrate. Et ce fut le même discours ennuyeux, pseudo-militant et banal, que les travailleurs ont entendu des millions de
fois. Des phrases creuses du genre« Nous sommes là pour vous
aider » ou « Nous transmettrons le message à ... » (leur base
locale, que ce soit Sacramento ou Washington). Du vent, et rien
d'autre. Puis les bureaucrates syndicaux occupèrent l'estrade et
ce fut juste une version légèrement, mais vraiment légèrement,
LA CRISE EN CALIFORNIE -
26
(2) John Mollenkopf,
« The Post war Poli tics of
Urban Development », in
William Tabb et Larry
Sawers (sous la direction
de), Marxism and the
Metropolis : New
Perspectives in Urban
Po/itica/ Economy. New
York, Oxford University
Press, p. 131.
cisco, après la guerre, un vice-président d' American Trust Company déclara que le militantisme ouvrier avait influencé les décisions des entreprises relatives au lieu de construction de nou-.
velles usines, expliquant : "Dans la période actuelle, de bonnes
relations avec le personnel sont devenues l'objectif n° 1. Le coût
de la main-d'œuvre s'est sensiblement accru. Les conditions de
vie des travailleurs influencent, autant que les conditions de travail, les relations travail-encadrement. D'une manière générale,
d'importantes concentrations de travailleurs dans une grande
usine offrent pl us de prise aux perturbations de l'extérieur et ont
moins de bonnes relations avec la direction que de petites unités
hors des villes." (2) »
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, NUMMI était la vieille
usine de General Motors, construite sur d'anciennes fermes et
vergers, quand en 1962 l'usine Chevrolet d'East Oakland fut fermée et déplacée vers son site actuel, trente miles (cinquante kilomètres) plus au sud, à Fremont, qui ne fut reconnue comme ville
nouvelle qu'en 1956. La ville la plus proche en allant vers le 'sud,
Mil pi tas, elle-même reconnue comme ville en 1954 à la requête
de Ford Motor Company et des promoteurs immobiliers de la
région, de sorte que leur usine de Richmond dans le nord put être
reconstruite là.
Les terres agricoles ayant été bétonnées après la seconde
guerre mondiale, les banlieues se propagèrent comme le feu dans
la plaine ; et, comme partout ailleurs aux Etats-Unis, presque
tous les contrats de prêts immobiliers consentis par FHA Loan
(organisme de financement immobilier garanti par la FHA, Federal Housing Administration) et V A (Veteran Administration, qui
a elle aussi lancé un programme de prêts hypothécaires) comportaient des clauses racistes, et attiraient les Blancs de toute la
zone de la baie de San Francisco. Milpitas grandit au point de
devenir un faubourg de San José au sud, et plus au sud Fremont
devint le terminus du réseau de trains interurbains. Le projet initial étant de creuser un tunnel sous la baie pour rejoindre le quartier financier de San Francisco.
La ségrégation rendit d'abord difficile aux Afro-Américains,
Latinos et autres travailleurs non blancs de trouver un logement
proche de l'usine automobile de Milpitas. Aussi, en 1955,
l' UA W put-elle collaborer avec un promoteur pour créer
l'ensemble immobilier de Sunny Hills, à trois miles (cinq kilomètres)
de l'usine Ford. Les intérêts des agents immobiliers, des promoteurs et des racistes de la zone se battirent pied à pied pour empêcher ce projet, mais des ouvriers militants des droits civiques
24 - LA CRISE EN CALIFORNIE
'
d'eau pl us étendues créa les conditions pour de futures périodes
de sécheresse. L'urbanisation de cette terre fertile, avec la création de villes nouvelles et de banlieues, modifia l'utilisation del' eau :
moins pour l'agriculture et pl us pour les nouvelles constructions.
Le développement de centres aussi éloignés que Orange County
au Sud de la Californie, Las Vegas dans le Nevada et Phoenix en
Arizona (à plus de 1 000 km, dans la Sunbelt à la croissance
rapide) fut ainsi rendu possible. Cette eau, échappant aux obligations
de l'agriculture de la Vallée, contribuait à entretenir le gigantesque boom immobilier dans tout l'ouest des Etats-Unis.
Travail toxique
La Vallée fut cultivée intensivement après la découverte de
l'or en 1848; le capitalisme surgit apparemment de nulle part.
C'est encore grâce à l'or de Californie que l'économie monLA CRISE EN CALIFORNIE -
13
(23) Edward W.Soja,
Posmodern
Geographies : The
Reassertion of Space in
Critical Social Theory,
Londres, Verso, 1990,
p. 191.
(24) On trouve une
définition cohérente sur le
site de Perspectives
Internationalistes,
http://internationalistperspective.org/IP/i parc hi ve/ip_ 42_capital.html :
« La vision de la transition
de la domination formelle à
la domination réelle du
capital ne repose pas
seulement sur la distinction
faite par Marx entre
l'extraction de plus-value
absolue et de plus-value
relative, mais sur son
extension de) 'économie à
la société prise dans sa
globalité ; du processus de
production au processus de
reproduction - la
reproduction des relations
sociales capitalistes - tout
repose sur la valeur. Cette
reproduction inclut la
démographie, la
technologie, la science, la
subjectivité des relations
humaines, les champs
politiques et culturels,
comme économiques, et
l'immense royaume de
l'idéologie, comprise non
seulement comme fausse
conscience, illusion ou
mystification, mais plutôt
comme conscience,
convictions et actions liées
à une existence matériel le,
el inextricablement
liées à
1 a non moins matérielle
existence de la subjectivité
humaine elle aussi
déterminée et des classes
qui constituent cette
diale se rétablit à l'époque de la révolution en Europe et que
l'urbanisation industrielle se développa à-travers tout le continent nord-américain. L'accumulation capitaliste autour de la_
baie de San Francisco fut l'une des plus dynamiques de la fin
du XIX' siècle. Le développement ultérieur de la Californie
reposa sur« l'or vert et noir» (23), agriculture intensive et
pétrole. Dès le début du XX' siècle plusieurs comtés de Californie figurèrent en tête pour la production américaine dans ces
deux domaines.
Ce processus économique et social, décrit par Marx comme
le passage de la domination formelle à la domination réelle du
capital sur le travail (24), créa des secteurs agricoles hautement
productifs, qui bénéficièrent de moyens de transport plus
modernes pour vendre leurs produits sur le marché mondial.
Ces transformations jetèrent les producteurs les plus faibles
dans la crise et amenèrent des millions de paysans d'Europe à quitter les campagnes, et pour beaucoup d'entre eux à émigrer vers
d'autres pays comme les Etats-Unis. Plus dramatique encore,
ce processus entraîna la baisse du prix des produits alimentaires, donc la baisse du coût de la force de travail ; dans certains
cas le ni veau de vie de la-classe ouvrière a augmenté bien que les
salaires aient baissé (24). Le roman de Frank Norris, The Oeta pus: A California Story (1901), est une vivante peinture des
débuts de cette prolétarisation de la force de travail dans l'agriculture dans la Vallée centrale dans les années 1880. Une génération plus tard, John Steinbeck, dans son roman Les Raisins de
la colère, complète, à travers l'histoire de de la famille Joad,
la description de ce processus de prolétarisation des fermiers
d'Oklahoma chassés de la campagne par « le Dust Bowl »,
venus se réfugier dans la Vallée centrale et y cherchant désespérément du travail pendant la Grande Dépression.
Ces conditions sont les mêmes aujourd'hui pour toute une
armée de travailleurs agricoles latinos, parcourant la Californie à la recherche d'un dur travail mal payé, dans une grande
précarité, avec cette différence importante que l'exposition aux
produits chimiques toxiques est plus grave.
Comme les fermes et les ranchs sont de plus en plus concentrés et centralisés, ils se· sont orientés vers une production
moins diversifiée et plus lucrative, de cultures de rapport et
d'élevage. Entre 1996 et 2006 la production laitière a augmenté
de 72 % et celle d'amandes de 127 % (25). Il est stupéfiant de voir
que 80 % de la production mondiale d'amandes provient des
250 000 hectares d'amandiers de la Vallée centrale. Mais cette
14 - LA CRISE EN CALIFORNIE
.................
·,-~•·-·-•
f
• • •·• •••-
• ....
.,. ,..-.··-'1'-"'l"'l'Y"j'1'-YT~r-iv.,.--~-
.1!!!~,j;. :
.:~ .,,_' .! •
.. ~-,-
'
.!
.
à une défaite totale sans être capable même du plus petit soupir
de résistance. Et aussi, je me souvenais de ce qu' Artesian disait:
« La bourgeoisie avait (et a) une meilleure connaissance que quiconque de ce qu'est la lutte de classes et de ses conséquences. »
A Oakland eut lieu, du 2 au 5 décembre 1946, la dernière
grève générale survenue aux Etats-Unis. En réponse, la loi TaftHartley allait être promulguée au printemps 1947, et la Guerre froide
et le McCarthysme allaient mettre fin à une période continue de
militantisme ouvrier (au moins depuis les années 1930). La
classe dominante voyait la gravité de la situation et voulait
s'évader des forteresses 'd'une classe ouvrière urbaine et multiraciale
qui avaient engendré en 1946 six grèves générales à l'échelle
d'une ville et 4 985 autres grèves impliquant 4,6 millions
d'ouvriers et la perte de 116 millions de journées de production
industrielle, le record de tous les temps aux Etats-Unis. La zone
d'East Bay (est de la baie de San Francisco) centrée sur Oakland
avait été dénommée (ce qui est contestable, car on peut en dire autant
de Los Angeles) la« Detroit de! 'Ouest», abritant les usines de
voitures suivantes : Chevrolet, Durant Motors, Caterpillar
(fusion avec Hait Mfg à Stocktou), Faegol (devenue Peterbilt),
Fisher Body, Willys-Overland, Chrysler (à San Leandro), Ford,
International Harvester (à Emeryville).
Pour en finir avec ces points de fixation de la lutte de classe
depuis les années 1930, il fallait déplacer les sites de production.
Voici un aperçu des idées sous-jacentes à ce transfert:
« Lors d'une réunion de dirigeants de la région de San FranLA CRISE EN CALIFORNIE -
23
AVIS
. DE DÉCÈS.
L'INDUSTRIE AUTOMOBILE
EN CALIFORNIE EST MORTE
(1) Voir
http://www.instcssc.org
ujourd'hui, 13 février 2010, quelques camarades et moi avons été témoins d'un moment
historique : la fin de l'ère de la production
automobile en Californie, avec l'annonce de
la fermeture, à la fin du mois prochain, de la
dernière usine à l'ouest du Mississipi. En arrivant par la grande entrée de la section 2244 du syndicat United
Automobile Workers (UAW), boulevard Fremont, juste en face de
l'imposant immeublede l'usine de New United Motor Manufacturing
Inc (NUMMl),je vis un portrait de l'illustre éminence de l'UAW,
Walter Reuther, bien en évidence sur le mur; etje nepus m'empêcher de me souvenir des mots de Martin Glaberman déclarant, au
milieu des années 1960, que Reuther avait créé avec l'UA W « une
dictature du type parti unique et l'institution totalement bureaucratique que [ce syndicat] est devenu». Cette institution de collaboration de classe facilitera la fermeture de l'usine, le 31 mars
2010, et la perte de 4 500 emplois - sans aucune lutte d'aucune
sorte, sans rien d'autre à offrir aux travailleurs que les platitudes
vides de sens de leurs alliés du Parti démocrate.
Je repensais aussi aux paroles de notre camarade Will Barnes
et à ses réflexions pénétrantes sur l'industrie automobile américaine
à l'automne 2008 (1); une de ses boutades que j'avais gardée en
mémoire et qui me revint alors, c'était : « l'Antarctique ». C'està-dire la crainte d'un froid glacial, l'anxiété et le désespoir des
travailleurs de base de NUMMI et de tous ceux qui, aux EtatsUnis, et spécialement dans l'industrie automobile, se résignaient
22 - LA CRISE EN CALIFORNIE
'
forme de monoculture a des effets toxiques : les abeilles sont
nécessaires pour polliniser les amandiers, mais elles ne sont
tout simplement pas assez nombreuses dans la Vallée. Plus de
40 milliards d'abeilles sont amenées en février pour les trois
semaines de floraison des amandiers. Certaines arrivent par
camions, d'aussi loin que la Nouvelle Angleterre et d'autres,
par avion, d'encore plus loin, notamment d'Australie. En route,
les abeilles sont nourries avec une nourriture bon marché pour
insectes : « Sirop de maïs riche en fructose et pollen importé de
Chine (27). » Ce mode de vie empoisonné où les abeilles sont prostituées pour del 'argent est peut-être la cause du Syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles (28): 80 % des abeilles ont
quitté leurs ruches et ne sont jamais revenues. Comme les
abeilles pollinisent environ les deux tiers des plantes qui
ensuite se retrouvent dans la nourriture, cela pourrait semontrer désastreux.
Au fur et à mesure que l'agriculture devient plus mécanisée et automatisée, elle met de plus en plus de gens au chômage. Avec l'effondrement presque total de la construction
immobilière, le taux officiel de chômage dans la vallée de San
Joaquin est de 15,4 %, ce qui ne prend pas en compte ceux qui
sont sous-employés ou ceux qui ont quitté leur travail pour en
chercher un autre. Le taux actuel est probablement le double ;
le comté qui enregistre le taux officiel le plus élevé celui de
Colusa, dans la vallée de Sacramento: 26,7 % (29). La« capitale du chômage » de Californie est Mendota, une ville située
à 50 km à l'ouest deFresno et comptant un peu moins de 10
000 habitants, LatinÔsà 95 %. Les anciens ouvriers agricoles forment presque 41 % des chômeurs. Mendota prétend être la «
capitale mondiale du cantaloup» (variété de melon), mais c'est
une plante qui a besoin d'irrigation et la sécheresse a empêché
de la planter. En ville l'alcoolisme est chronique et les structures
sociales se sont effondrées ; le seul travail possible se trouve à
la prison fédérale de Mendota, située pas très loin, dont la
construction n'est achevée qu'à 40 % à cause de problèmes de
budget. Il manque 115 millions de dollars pour la terminer,
aussi les 49,9 millions de dollars promis par Obama donneraient-ils un coup de fouet. .. son achèvement permettra de
créer 350 emplois. Mais si l'effondrement social continue, les
habitants de Mendota devront soit être embauchés comme gardiens de prison soit se retrouver derrière les barreaux. Les prisons sont une industrie florissante en Californie, où un prisonnier sur six est condamné à vie.
civilisation. Donc, par
opposition à la domination
formelle du capital surla
société où c'est seulement
le processus de production
qui est soumis à la loi de la
valeur, les autres domaines
de la vie sociale gardant un
degré relatif d'autonomie,
dans la domination réelle
du capital, c'est le moindre
recoin de 1 'e"istence
sociale qui se trouve
pénétré par la loi de la
valeur. Ainsi, depuis son
point de départ sur le lieu
de production, la loi de la
valeur a étendu ses
tentacules non seulement
sur la production de
marchandises, mais sur
leur circulation et aussi sur
leurconsommation. De
plus, la loi de la valeur·se
développe et en arrive à
contrôler les sphères du
poli tique et de l'idéologie,
y compris la science et la
technologie. »
(25) Loren Goldner, Ubu
Savedfrom Drowning
Cambridge, Mass. :
Queequeg Publications,
2000.P.85
(26) Source:
http://forecast.pacific.edu/
articles/PacificBFC_Fish%
20or%20Foreclosure.pdf
le 1 1 août 2009.
(27) hup://
www.michaelpollan.com/
article.php?id=91
(28) Syndrome de
disparition des abeilles.
Ce phénomène
épidémique d'ampleur
mondiale reste
inexpliqué.
(29) http://
www.centralvalleybusines
sti mes.com/stories/00 l /?I
D=l~65
LA CRISE EN CALIFORNIE -
16
.•
pour répondre à ceux qui disent que « les choses sont loin
d'aller aussi mal» là où ils vivent). Les conditions toxiques de
la Vallée centrale de Californie affectent les vies humaines
autant que la santé de tout l'écosystème. Si le développement
capitaliste ne rencontre pas d'obstacle, tout ce qui précède nous
montre comment la crise de suraccumulation du capital entraîne
la dépossession de la classe ouvrière et la pollution de la planète. Comme Marx le prévoyait:
« Le pays le plus développé industriellement ne fait que
montrer à ceux qui le suivent sur l'échelle industrielle l'image
de leur propre avenir. »
De te fabula narratur !
(c'est de toi qu'il s'agit dans cette histoire)
Horace (37)
(37) Karl Marx,
Le Capital: une critique
de /'éco110111ie politique,
Livre premier.. préface
de la première édition
allemande.
»
Maison saisie à vendre aux enchères.
Automédication
toxique
Les Tent Cities de Fresno sont confrontées à une toxicomanie élevée, surtout de la méthamphétamine (appelée couramment « meth »ou « crystal meth » ). Les personnels de santé ont
déclaré que l'usage de cette drogue psychostimulante et créant
une forte dépendance a atteint des proportions« épidémiques »,
donnant à Fresno l'appellation de « capitale mondiale de la
meth ».
C'est dans la vallée que la fabrication de cette drogue
moderne a pris son essor lorsqu'elle est devenue illégale [ dans
les années 1960 J: elle fut alors fabriquée ici et distribuée par des
gangs de motards comme les Hell's Angels. Les réseaux de
motards de la drogue ont été démantelés par la police au début
des années 1990, mais ils ont été remplacés par des réseaux de
drogue mexicains utilisant des moyens pl us rationalisés de 'production et de distribution.
La vallée autour de Fresno est le centre de la production de
meth, non seulement en raison de ceux qui la contrôlent sur une
grande échelle, mais aussi en raison de dizaines de milliers de
petits producteurs, qui utilisent tous des installations rurales
pour leurs labos clandestins évitant ainsi leur détection. Les
produits chimiques utilisés pour fabriquer la meth ne sont pas seu16 - LA CRISE EN CALIFORNIE
LA CRISE EN CALIFORNIE -
21
Verger arraché pour laisser place à un lotissement.
lement hautement toxiques, mais aussi très inflammables.
Beaucoup de labos fabriquant de la meth ont explosé à cause de
ça, tuant les fabricants et incendiant tous les bâtiments alentour. Pour chaque kilo de meth produit, il y a cinq à sept kilos de
déchets. Ces déchets toxiques sont souvent enfouis dans des
zones rurales éloignées, comme les réserves ou les forêts des
collines entourant la!~~llée.
(36) Frank Norris, The
Oct opus: A Story of
California. 1901. rééd.
New York: Penguin
Books, 1986, p. 298.
« Ils n'avaient aucun amour pour leur terre. Ils n'avaient
aucun attachement pour le sol, ils travaillaient leurs fermes
comme ils avaient travaillé dans les mines un quart de siècle
auparavant. Pour gérer les ressources de cette merveilleuse
vallée de San Joaquin, ils la considéraient de façon mesquine, avare, hébraïque. Tirer le maximum de la terre, la
pressuriser, l'épuiser, semblait être leur politique. Si,_ à la
fin, la terre s'épuisait, refusait de produire, ils investiraient
leur argent ailleurs; d'ici là, ils auraient tous fait fortune. Ils
s'en fichaient: "Après nous le déluge (36)". »
Marx affirmait que nous observons « les phénomènes
lorsqu'ils se présentent sous la forme la plus accusée»; de son
temps, cela signifiait« rapports de production et d'échange»
et « état des ouvriers anglais, industriels et agricoles» (ceci
20 - LA CRISE EN CALIFORNIE
Bakersfield et les déchets toxiques
de l'extrême sud de la vallée
On a découvert du pétrole dans la partie sud de la Vallée,
dans le comté de Kern, en 1899. Ses gisements de pétrole en ont
fait un des comtés des plus rentables des Etats-Unis; la ville de
Bakersfield est appelée « capitale du pétrole de Californie ».
Les raffineries ajoutent à la pollution de l'air, rejetant des substances chimiques comme de l'acide fluorhydrique. Bakersfield
figure en tête du classement des villes les plus polluées des
Etats-Unis, au vu de la quantité de particules (30). Le magazine
Women "s Healtli a classé Bakersfield comme la ville des EtatsUnis la plus malsaine pour les femmes (31 ).
L'extrême sud de la vallée était un désert jusqu'à ce que les projets d'adduction d'eau rendent possible l'irrigation. Le sol
(30) D'après une étude de
American Lung
Associated, publiée le
29 avril 2009:
http://money.cnn.com/200
9/04/28/real_estate/most_
poil uted_cities/index. htm
(31) http://www.
womenshealthmag.com/files
/the-best-and-worst-ciuesfor-wornen/index.html
26 décembre 2008.
LA CRISE EN CALIFORNIE -
17
(32) C'est en 1968 que fut
créé le drainage de 134 km
de long de San Luis ; le
réservoir consistant
en douze étangs
d'évaporation à l'intérieur
de la réserve naturelle de
Kesterton, fut achevé en
1971. Le sélénium
s'accumula peu à peu, et
c'est à partir de 1981 que
furent constatées la
disparition des espèces
sauvages de poissons et
d'oiseaux et les
malformations et
! 'empoisonnement du
bétail. Les concentrations
de sélénium constatées à
Kesterton étaient
supérieures à
1 400 microgrammes par
litre. Le seuil de toxicité
du sélénium est estimé à
0.5 mg ou 0,7 mg/jour.
Ce n'est qu'en 1987quele
rësevoir fut déclaré zone
toxique. (NdT.)
contient du sel et des métaux alcalins (alcalis) venant d'anciens
fonds marins; ceux-ci sont lessivés par l'irrigation et se mélangent avec les produits chimiques de l'agriculture, produisant une ,
eau toxique. Il avait été décidé de faire un drainage énorme le
long du centre de la Vallée pour pomper cette eau polluée et la
rejeter dans la Baie de San Francisco. Mais ce projet ne fut
jamais réalisé à cause des protestations des défenseurs de l'environnement.
Il y eut un seul drainage, à San Luis, à une faible distance
de la Réserve nationale pour les oiseaux migrateurs de Kesterton. Les étangs alimentés avec cette eau inondèrent les marais
et les terres près de Los Banos. Les oiseaux commencèrent à
mourir en grand nombre, les petits naissaient avec de graves
malformations et le bétail qui pâturait alentour tomba malade.
La cause en était le sélénium, un élément naturel dont on trouve
fréquemment la trace dans le sol du désert ; il était lessivé par
l'irrigation et entraîné par les eaux du drainage. La solution à ~ourt
terme consista à drainer les étangs, à les recouvrir de terre, et à
fermer la réserve de faune sauvage (32).
L'usage intensif de la chimie en agriculture permet des rendements supérieurs sur moins d'hectares, mais l'agrobusiness inten. sifie le processus d'épuisement du sol, ce qui entraînera probablement
la désertification,
une · salinité accrue
et la
contamination par des résidus toxiques. Le processus d'accumulation devient aveugle aux résidus toxiques de l'utilisation des
insecticides, fongicides, herbicides et engrais provenant du
pétrole. Le drainage dans ces projets d'irrigation intensive pollue l'eau du sol avec toutes ces toxines, mais cela-lessive aussi
les métaux toxiques comme le plomb et le sélénium contenus
dans les sels du sol.
Il en résulte des maladies car ces produits chimiques
contiennent des éléments cancérigènes, d'autres qui produisent
des malformations et des mutagènes. En 1988, le syndicat lJFW
(United Farm Workers) demanda que cinq pesticides toxiques utilisés par les viticulteurs (dinoseb, bromure de méthyle, parathion, phosdrine et captan) soient interdits.
Les produits chimiques utilisés dans les pesticides et pour
d'autres usages agricoles sont rarement testés correctement et les
effets cie leurs combinaisons sur le corps humain ne sont pratiquement jamais étudiés. En 1996, une étude fédérale a découvert
que la combinaison de certains produits chimiques accélérait la
production d'oestrogènes par le corps humain, une hormone qui
entraîne des cancers du sein et le dysfonctionnement des
1.8 - LA CRISE EN CALIFORNIE
organes sexuels masculins. Les hommes travaillant dans des
usines de pesticides près de Stockton sont devenus stériles
après avoir été exposés à ces produits (33 ).
(33) Gray Brechin:
Farewell. Promised
Land .... op. cit .. p. 168
Les habitations toxiques
Le boom de la construction a été entretenu par la création
de « Collateralized debt obligations » (34) lancés par le marketing agressif des subprimes et d'autres prêts hypothécaires
risqués, qui devinrent des « actifs toxiques » quand la bulle
éclata et que le marché se trouva rapidement atteint par les saisies immobilières et l'effondrement des prix. Un actif toxique est
un concept abstrait qui touche surtout les investisseurs qui y
sont exposés, mais le boom immobilier fit construire des centaines
de milliers de maisons qui étaient littéralement toxiques. La
simultanéité du boom immobilier national et de la reconstruction
de la Nouvelle-Orléans après le passage des typhons Katrina et
Rita en 2005, créa une demande massive en cloisons sèches
(sorte de Placoplâtre).
C'est ainsi que les constructeurs importèrent de Chine
250 millions de kilos de cloisons sèches qui furent utilisées en
partie pour la construction des maisons dans la Vallée centrale.
Ces cloisons sèches chinoises dégagent du disulfure de carbone
et de l'acide sulfocarbonique, provoquant la corrosion des
tuyaux en cuivre, des fils électriques et des installations. Les
gens ont souffert de saignements de nez, d'eczémas et les
enfants ont attrapé.des infections des oreilles et des voies respiratoires supérieures' (35). Voilà la parfaite métaphore qui
qualifie les conditions économiques que crée sans vergogne la
concentration capitali.ste et dans lesquelles la classe ouvrière
des Etats-Unis doit vivre et travailler durement: toxique !
(34) Produit financier
assis sur l'endettement
des particuliers, surtout
dans l'immobilier. En
français, « obligation
adossée à des actifs » ).
(NdT.)
(35) Wall Street Journal,
6ao0t2009.p.Dl,D4et New York Times.
7 octobre 2009 :
http://www.nytimes.com/
2009/ l 0/08/business/08d
rywall.html?_r=2&pagew
anted=l&hpw
Une Image de notre propre aven_ir ?
La concentration capitaliste a continué sans répit en Californie depuis l'allusion de Marx, et elle s'est même accélérée,
laissant dans son sillage un pays dévasté et empoisonné, des
écosystèmes contaminés et des vies intoxiquées, car le capitalisme contamine tout ce qu'il touche jusque dans les relations
humaines et sociales.
Dans son roman The Octopus. Frank Norris appelle« véritable
esprit de la Californie » une attitude qu'il fait remonter à la
ruée vers l'or et qui est toujours vivante :
LA CRlSE EN CALIFORNIE -
1.9

Documents pareils